Welcome home [PV Lucia]

Quelques notes résonnant sur un piano, des notes abstraites, presque trop silencieuses pour être considérées comme de la musique. Sans vie, terne, comme si la vie n'avait jamais eu de sens. C'est le seul moment où je pouvais m'échapper vers ces terres insondables. Ne pas entendre la voix trop grave de mon paternel. Ni celle de ma génitrice. Et quand je sais que leur présence est trop proche, je m'enferme dans ma chambre en espérant y quérir la paix que je convoite tant. C'est à dire impossible. Tout les soirs j'ai le droit au même discours comme quoi je n'aurais jamais dû venir au monde, que je ne suis rien à part une honte pour la famille. Et les menaces de mon père sur Lysander encore plus présentes. D'ailleurs en parlant de ce dernier, le seul moment où je peux le voir c'est par caméra interposée sur un logiciel de discussion qu'il m'a expressément recommandé. Je ne vais pas mentir, ce sont mes seuls moments de joie et de sourire. Le voir, l'écouter me raconter des blagues, des histoires de ses journées. C'est la seule chose qui me donne de l'espoir. Celui d'un jour être libre. Bien futile comme chimère.

Évidemment je suis obligée de le faire discrètement car si mon père savait que je parle secrètement à Lysander, il m'enfermerait de nouveau et me couperait de tout jusqu'à ce que je devienne la poupée de porcelaine qu'il a tant voulue. Le mariage approche à grand pas, et je vois les jours de mon calvaire s'écouler me rapprochant dangereusement de la déchéance. Je ne veux même pas imaginer passer ma vie aux côtés de ce psychopathe, ce violeur...Un enfer sur terre ça serait bien celui ci. Et quand bien même il m'a offert une bague de fiançailles pour se rattraper de cette erreur et paraître gentil, ainsi que couvert de cadeaux rien n'y fera. Si ce n'est que je suis obligée de porter cet anneau de malheur. Seule satisfaction de mon père à mon encontre.

Jusqu'à ce fameux jour....où mes prières ont été entendues.
Tandis que le mariage devait avoir lieu dans deux semaines, voilà que mon père me demande pour me mettre au courant de la situation.
Je ne peux cacher mon étonnement quant à ses paroles.

▬ Ton futur mari vient de décrocher une association avec l'un des plus gros groupes du monde, il s'en veut mais il doit partir à l'étranger pendant plusieurs années et ne pourra pas être là pour le mariage. J'ai donc tout organisé pour repousser ce dernier dans quelques années. C'est juste pour que tu le saches.
▬ Bien père....merci de m'avoir mise au courant....je vous en suis très reconnaissante.

C'était dit sur un ton tellement triste, et il avait probablement du remarquer l'état de sa fille qui s'était dégradée. Yeux bouffis de cernes, ton neutre, aucun sourire, teint pâle. Un cadavre Valentini dirons nous.

▬ Une dernière chose avant que tu partes...

Je m'attendais au pire, et je pense que le fait que je me braque le montre bien. J'en avais assez d'être giflée, frappée à coup de canne, mais il n'en sera rien.

▬ Ton école m'a envoyé un message qui explique que tu dois continuer tes études car cela n'a pas suffisamment remplie ta peine capitale et que c'est obligatoire. Loin de moi l'idée d'apprécier cela, mais je dois te renvoyer en Angleterre car quand bien même tu m’aie inutile, tu dois te marier à Alessandro et donc ta mort ne m'apportera rien.

Les mots sont durs, mais j'y suis habituée.

▬ Tu vas donc prendre tes affaires et partir étudier comme convenu, mais méfie toi....si jamais tu outrepasse mes règles, je te ramène à la maison et t'enfermerait à vie jusqu'au mariage...Tu as bien compris ?
▬ Oui....père....

Retourner en Angleterre....Je l'avais tant espéré ! J'ai du mal à y croire, il faut que j'annonce la nouvelle à Lysander. Je lui envoie donc un message par sms, et nous nous échangeons beaucoup de textos avant qu'il ne me fasse une proposition des plus inattendues. Si mon père le sait.....

Vivre avec Lysander ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Sait-il que mes sentiments pour lui sont toujours aussi intacts ? Bien évidemment que non...mais je ne vois pas comment on pourrait vivre ensemble sans que je le considère autrement que comme l'homme que j'aime...mais je vais....devoir probablement m'y faire.

Foulant les pieds sur le sol bristish, je me dirige à l'aide de transport en commun jusqu'à Greenwich où je suis censée le retrouver. Mon cœur s'emballe, je stresse...j'ai l'impression que je vais étouffer à ne pas avoir de facilité à respirer de la sorte. Je sonne à la porte de notre "futur" chez nous en espérant ne pas me tromper.

Peut être qu'il n'est pas là ?
Peut être que j'arrive beaucoup trop tard....?

Regardant la porte avec appréhension, alors que mon visage était creusé de cernes, je réalisais qu'une nouvelle vie allait s'offrir à moi. Celle d'un semblant de liberté. Mais surtout, j'allais vivre à ses côtés, quand bien même nous sommes des colocataires amicaux. Je pourrais le voir tout les jours, l'observer travailler, ou composer, le voir cuisiner, le voir sortir de sa torpeur alors qu'il se réveille le matin...N'est-ce pas un peu indécent d'être heureuse de voir chaque aspect de sa personnalité ? J'ai l'impression de m'infiltrer comme un agent secret dans son intimité. J'entends le grincement léger qui indique que quelqu'un ouvre la porte, je relève mon visage et soudainement ma vision redevient éclatante de couleurs. Il est là....Il est vraiment là ? Ce n'est pas un rêve pas vrai ? J'ai l'impression que mes émotions sont trop palpable. Que je vais me mettre à pleurer. Je suis tellement heureuse de le voir et je sens alors ses bras m'entourer, alors qu'il m'enlace fortement. Mes larmes ne peuvent s'empêcher de couler, alors que je passe timidement mes bras autour de lui, profitant de la chaleur de son étreinte. Voilà, cette fois j'ai vraiment la sensation d'exister.

Le rythme cardiaque de mon coeur s'intensifie à mesure que je réalise qu'il est bien en chair et en os devant mes yeux. S'il savait comme il m'a manqué aussi. J'attendais ce moment depuis si longtemps. Je tente de contenir le plus possible le rouge de mes joues, alors que mon regard azuré se perd dans les pluies du sien. Je suis intimidée, je ne sais pas comment je dois me comporter, mais alors qu'il me relâche doucement, pour s'occuper de mes affaires, je pénètre dans l'appartement, presque émerveillée du lieu dans lequel je me trouve ! Comme si c'était la maison de mes rêves. C'est clair, illuminé, design, mais il y a un côté rustique qui ne me dépayse pas de ma belle Italie. Donc je ne me sens pas étrangère et c'est plutôt positif. Je pense que je vais y être bien. Je vais forcément me plaire ici.

Continuant ma visite de curiosité, mon regard se stoppe subitement alors que je regarde la vue de la ville et au loin de la mer par une baie vitrée offrant un panoramique des plus somptueux. Ma main se pose sur cette dernière, observant innocemment ce paysage de splendeur.

▬ C'est magnifique....

C'est les premiers mots que ma voix arriva à aligner. Et encore je ne suis pas au bout de mes surprises. Timidement je me décroche de ma contemplation pour aller voir ce qui doit être ma chambre et de nouveau mes yeux se stoppe net sur un seul détail de la pièce, quelque chose qui sort du lot, qu'on n'a pas l'habitude de voir n'importe où. Déjà on ne parlera pas de la grandeur de cette dernière où en son centre, trône fièrement un piano à queue blanc, de la marque steinway & sons. Alors....attend....Qu'est-ce qu'un des pianos les plus chers au monde fait...dans sa chambre ? Il n'a quand même pas....
Plus que chercher la raison, mon esprit se ferma sur la fatalité, et timidement, presque apeurée de toucher une telle merveille, ma main tremblante se pose sur celui ci. Avant de caresser les touches d'ivoire et de noir, pour venir appuyer sur l'une des touches. Quelle sonorité formidable...Pas étonnant venant d'un steinway et sons cela dit...

Je m'assois sur le petit siège gris qui contraste avec la pièce lumineuse, et touche quelques notes lentement comme si je jouais une mélodie. Mon sourire se fait encore plus radieux.

Oui je vais vraiment me plaire ici...
Je décide donc d'abandonner l'instrument pour retrouver Lysander, qui me devra bien évidemment des explications sur le pourquoi de comment.

Revenant timidement vers lui, je détourne le regard , les joues rouges avant d'ajouter un petit

▬ Toi aussi tu....tu m'as manqué....

Je voulais qu'il le sache....

La sonorité de ce piano me donne des frissons, elle est si belle, que ça fond comme du miel dans la bouche. Finalement après avoir apprécié un peu mon cadeau en jouant vite fait un petit morceau de quelques notes, je reviens vers le salon où Lys' me tend une tasse de thé fumante. Il est merveilleux. Il n'a même pas oublié mes goûts même si cela fait 2 mois que l'on ne s'est pas vu. Je suis touchée qu'il se rappelle de ce que j'aime, cela prouve qu'il tient un tant soit peu à moi, et cela fait battre légèrement mon petit coeur. Je commence à comprendre et à réaliser comment est-ce que je suis tombée amoureux de lui, même si maintenant je le cache depuis très longtemps de peur de briser notre si belle amitié. Je le regarde un tendre sourire aux lèvres avant de souffler doucement sur le contenu de ma tasse et d'y tremper les lèvres. Thé aux fruits rouges. Mon préféré.

Je rougis un peu avant de décider de répondre à sa question.

▬ L'appartement est superbe...je....je m'y sens vraiment bien...merci...

Je sais qu'il a fait ça en partie pour m'aider à quitter Florence, et cela pourrait presque me donner les larmes aux yeux de joie. Hé oui, une nouvelle vie s'annonce, je ne sais pas trop comment elle va être enrichie, mais ce que je sais, c'est que je ne manquerais de rien, et surtout, je ne suis pas seule...je ne suis plus seule. Car Lys' est avec moi. Même si toute cette affaire va avoir beaucoup de mal à faire taire mes sentiments à son égard.

En y repensant, je ne sais pas trop comment j'arriverais à supporter, si Lysander avait une copine, et la ramenait à l'appartement pour la présenter. Serais-je contente pour lui ? Je n'en sais vraiment rien....je...Peut être que j'appréhende ce moment oui...

▬ Merci pour le piano...tu n'aurais pas dû....mais ça me rend heureuse....merci...

J'ai ce petit sourire timide, gênée quand il fait des choses insensées ! Typiquement lui. Est-ce qu'à côté la surprise que je lui prépare ne fera pas fade....? Je pose la tasse sur la table alors qu'il vient de s'assoir à cette dernière. Je jette un oeil à l'appartement, avant d'aller vers la porte et de l'ouvrir, pour aller chercher ce que j'avais déposé à côté du mur, au pas de la porte. Je l'avais caché pour le lui donner plus tard. Car si je serais rentrée directement avec, on aurait pas vraiment eu le temps d'apprécier nos retrouvailles. Il faut savoir gérer les timings enfin !

J'ai un peu peur je l'admets, mais bon je ne pense pas m'être trompée. Je reviens donc avec un étui de guitare que je dépose en appui contre le dérrière du canapé. Un silence léger s'installe, alors que mes joues s'empourprent davantage.

▬ Tu sais heu...le 27 juillet....c'était ton anniversaire....et donc....je n'ai pas pu le fêter avec toi ce qui m'a rendue très triste, même si je suis sûre que tu étais content de l'avoir passé avec tes amis et en famille....alors pour me rattraper de ne pas avoir pu venir....je...

J'ai le coeur qui va exploser à l'aide.

▬ Cela fait quelques temps que j'économise et que je rentre l'été à Florence pour ce cadeau. C'est pour cette véritable raison que j'ai pris un job d'été....ce n'était pas que pour ne pas rester à la maison....je prépare ce cadeau depuis....heu....deux ans je crois ?

Oui je m'en souviens encore, quand je suis allée au magasin pour me renseigner sur les meilleures guitares acoustiques. On m'a dit que les vrais joueurs aimaient trois marques et qu'après tout dépendait du budget : Gibson, Taylor ou Martin sont les plus appréciées. J'ai regardé les modèles et j'ai fini par faire mon choix. Et quand bien même le prix était très haut, j'ai fait tout mon possible pour économiser et travailler pour celle ci. La voilà enfin à ma possession et maintenant capable de la lui offrir.

▬ Je....Je ne sais pas si j'ai vu juste...je....

Quelle va être sa réaction quand il va la voir.

▬ C'est une Taylor, je sais pas si tu aimes la marque, comme elle a un design un peu sombre, je me suis dit que....elle te plairait...et qu'elle t'aiderait à réaliser ton rêve...qu'elle arriverait à te donner l'inspiration pour tes chansons...

Est-ce que j'ai vraiment bien pris...peut être qu'il préférait une Gibson ? Voilà que je commence à stresser et à douter.

S'il y a bien une chose que j'ai apprise à travers les nombreux discours de mon père. C'est que l'argent permet de tout obtenir. Mais la réalité en est toute autre, car rien ne peut acheter un sourire de l'homme qu'on aime...Et c'était dans celui ci que je fondais comme une glace vanillée. Le voir si heureux, ça me remplit d'une joie immense. Rien ne pourra être plus précieux que ce moment où j'ai ravi le cœur de l'homme pour qui mon cœur bat. C'est mon plus beau cadeau. De plus je suis soulagée car j'ai finalement bien choisie au niveau de la marque, et le vendeur ne m'avait pas dit n'importe quoi...Je me serais vraiment trouvé très honteuse si je n'avais pas pris ce qui conviendrait à un musicien aussi exceptionnel que Lys'.

Pourtant je ne pouvais m'empêcher de penser à cette histoire de chant, le visage rouge. J'avais promis quelque chose comme ça moi ? Mais...je....je ne suis pas sûre de pouvoir honorer sa musique de ma voix...ou n'importe quel son d'ailleurs. Enfin oublions ce détail, je préfère profiter de son bonheur en cet instant. Du moins...ça c'est avant qu'il ne se lève pour me prendre fort dans ses bras et me faire un bisou sur la joue. Lucia et le retour de la femme écrevisse. Vous vous en souvenez ? Oui après toutes ces années, elle est encore là  cette mystérieuse tomate. Néanmoins je ne pu m'empêcher de me mordre les lèvres en grimaçant légèrement. Son étreinte avait touché mes hématomes encore présents et les blessures infligées de cet été.

Mais je ne voulais pas l'inquiéter alors je fis comme si de rien n'était et me contente de l'observer prendre la guitare, tout en me cachant dérrière ma tasse de thé à présent buvable. Il joua un accord, mais évidemment elle n'était pas accordée, et la mimique qu'il en sortit ne pu que me faire sourire davantage. Au moins la surprise était réussie.

▬ Tant mieux alors...j'avais peur d'avoir pris une trop grande initiative...mais je suis ravie qu'elle te plaise...

Je ne comprends pas cette idée de vouloir jouer ensemble....ma musique n'est pas aussi belle, ni harmonieuse que la sienne, c'est même très scolaire, pourtant il ne cesse de remettre ce sujet sur le tapis.

▬ Je...ne mérite pas de jouer avec toi...je ne suis pas une grande musicienne, juste une passionnée par cette dernière....je n'ai pas de grands avenirs à l'intérieur....et de toute façon même si je le voulais....ça me serait impossible...

Mon dessein....Ma destinée, elle est déjà tracée, et même si Lys a retardé l'échéance en me faisant venir ici et prendre des études supérieures, un jour...le mariage sera programmé, et je n'aurais plus qu'à accomplir ce qu'on attend de moi. Je devrais dire adieu à ma liberté, à tout ce que j'ai connu...
Il sort alors un marqueur noir et me demande de la lui signer, ce qui me laisse pantoise, avec stupeurs. Prenant le marqueur dans mes doigts, j'hésite un instant, avant de m’exécuter. C'est bien parce qu'il le veut et que ça lui fait plaisir.

▬ Je ne suis pas si extraordinaire voyons ! Mais si ça te fait plaisir alors voilà...

J'esquisse un sourire léger, un brin de tristesse, mais j'essaye de la cacher pour ne pas gâcher nos retrouvailles. Je ne dois pas penser à tout ce que mon père m'a dit, je ne dois pas imaginer ce que sera le futur dans quelques mois. Et même si je sais que je n'ai pas d'avenir, je me battrais jusqu'au bout, j'étudierais comme si j'avais des rêves, des ambitions...Je ferais en sorte de garder cette espérance vaine. Terminant mon thé, je l'observe du coin de l’œil. Si j'ai pu combler sa journée par ce cadeau, c'est tout ce qui m'importe.

▬ Si tu veux...j'ai acheté des ingrédients pour te faire aussi un gâteau...il ne sera pas aussi beau que celui sur lequel tu as soufflé tes bougies, mais je m'appliquerais à ce qu'il ne soit pas trop horrible...

Mes douleurs me lancent encore un peu, et je me sens un peu épuisée mentalement, et physiquement. Je me suis démenée comme une dingue pour arriver à acheter et cacher le cadeau pour que mon père ne le découvre pas et le détruise. Cela m'a valu des coups, des paroles médisantes mais ça en valait la peine. Mon réconfort c'est ce sourire doux sur son visage.

Une petite pichenette sur le front vint me perturber dans mes pensées un peu sombres. Je me frotte ce dernier tout doucement, du moins la zone où il avait tapé, avec cet air tout mignon à le regarder et l'écouter. Je suis touchée par ses paroles. J'ai toujours été attendrie et profondément heurtée par tout ce qu'il fait pour moi. Beaucoup se sont accordés à croire qu'on était en couple à cause de tout ça, pourtant je sais bien que...je ne suis pas méritante d'avoir un tel titre, une telle aubaine. Lysander...est un très bel homme, qui peut avoir n'importe quelle copine quand il le souhaite. C'est un garçon populaire, musicien donc ça attire les demoiselles, et en plus il est....carrément sexy. Je pense qu'aucune fille ne pourrait me contredire à ce sujet. J'esquisse un tendre sourire, n'ajoutant rien de plus. Quand il a une idée en tête, il fera tout pour l'accomplir, alors je sais que malgré tout je vais devoir y passer. Je ferais juste en sorte de ne pas être...trop médiocre alors...

Ce qu'il ne sait pas, c'est que la passion que j'avais pour la musique cet été...s'est éteinte, à cause de mon père encore une fois...Peut être s'en rendra t-il compte un moment donné mais pour le moment je ne veux pas avoir l'air d'être médisante sur le sujet. Et puis, j'ai un piano dans ma chambre, ça me permettra d'apaiser mes mœurs en jouant un peu. Pour la proposition du gâteau, il m'explique que ce sera pour plus tard, car il a vu à quel point je suis épuisée, et de toute façon il ne faut pas être devin pour le deviner. J'ai des cernes si marquées qu'on dirait un zombie sortie de sa tombe. Il me suggère plutôt d'installer doucement mes affaires et de prendre une douche pour me détendre.

▬ Oui je vais faire ça alors...Et je suis d'accord pour que tu m'aides également...

J'ouvre ma valise pour en prendre une tenue décontractée, un débardeur ainsi qu'une veste moutonnées car je dois cacher mes nombreuses marques, un leggins, une serviette, et me rappelle l'emplacement de la salle de bain avant de m'y rendre. Je m'appuie contre la porte après avoir fermé celle ci. Le coeur battant vite. Je commence doucement à me déshabiller, il y a un énorme miroir dans la pièce, je me regarde dans ce dernier, mes blessures sont encore vives...Je vais être obligée de les cacher avant que ça ne disparaisse car il a cogné très fort...comme si ça avait été pour lui un manque de taper sur son jouet préféré...Je baisse les yeux...Rien que parce que je ne suis ni jolie, ni sexy, je ne peux espérer une relation amoureuse avec Lys'...Ma vie est ainsi...

Il y a une baignoire, ou une douche, donc j'ai le choix entre un bain et un passage rapide...Je ne voudrais pas trop faire attendre le brun, du coup j'opte pour la solution nette, le bain...je pourrais en prendre plus tard s'il le faut...Je me glisse sous l'eau chaude, et trouve ce moment tellement salvateur...même si ça pique un peu sur mes blessures, cela me comble, me fait un bien phénoménal....

Je ferme les yeux pour ne plus penser à rien, mais mon cœur lui ne s'arrête pas de battre à une telle intensité, que j'en étoufferais presque de l'intérieur...Finalement dix minutes plus tard, j'éteins l'eau et met un peu de parfum et de déodorant, quelque chose de discret, je me rhabille en faisant attention qu'on ne voit pas mes blessures. Les pointes des mes cheveux encore mouillées. Je sors de la salle de bain, et je commence à installer les affaires dans ma chambre, petit à petit. Je ne sais pas trop comment va se passer la cohabitation, je ne me suis pas vraiment posée la question...mais on est juste des colocataires étudiants hein...C'est pas comme si on était un couple...Lys' est tout aussi libre de ramener qui il veut chez lui.

Même si ça me serre l'estomac de l'imaginer...

De temps à autre, mon regard se tourne vers lui du coin de l'oeil. Je ne peux pas m'empêcher de l'observer dans chaque traits, chaque expressions, comme si j'essayais de les capturer pour moi même.

Cela me fait vraiment bizarre de me dire que l'on va vivre ensemble. Je ne me rends pas compte des conséquences et de l'ampleur que cette information possède en toute honnêteté. Dois-je changer quelque chose à ma façon de vivre ? Je me replonge dans mes souvenirs quand j'habitais dans cette prison, qui donnait la sensation d'être une chambre à Indare, et frémis légèrement. Avant il est vrai que j'aimais bien me balader en petites tenues...Est-ce que je dois...faire attention à comment je suis habillée à l'avenir ? Peut être bien oui...Il faut dire que même si on est amis depuis très très longtemps et qu'on commence à se connaître bien plus qu'à la normale tout les deux....hé bien...Il reste un homme. Et je sais à quel point les hommes ont tendance à changer très vite de comportement quand ils ont un gibier à portée. Enfin...Je ne pense pas non plus que Lys', me ferait une chose pareille mais comme on dit...Prudence est mère de sûreté...

Nous rangeons mes affaires, et même si elles sont peu nombreuses, cela est agréable de le faire ensemble, ça me rappelle cette fois là où il était venu pour décorer mon logement scolaire. C'était de très bons souvenirs, et j'aimerais tellement qu'on en ait encore plein d'autres comme cela. En tout cas, même après ces deux mois, il n'a pas changé...Il a toujours su que je n'étais pas très douée pour commencer les conversations, du coup il essaye d'en laisser, de parler de tout et de rien, pour me mettre à l'aise. Il est vraiment adorable...

Est-ce que c'est une personne amoureuse qui parle ? Oui certainement...

▬ Hé bien...je dois admettre que j'ai vraiment hâte de voir ce que va donner mon nouveau programme et mes nouveaux cours...J'ai mis longtemps avant de choisir la section dans laquelle je voulais aller parce que je....je ne sais pas comment sera l'avenir, et donc je me vois mal projeter dans des études pour avoir le métier de mes rêves....

C'est un peu négatif comme façon de penser, mais j'ai toujours appris à garder les pieds sur terre, et ne pas partir dans le rêve de l'inconnu. Cependant, je ne peux pas ue mon discours rende triste le brun, alors je m'empresse de changer la conclusion de ma phrase en amenant un sourire pour le rassurer.

▬ Mais comme on ne sait jamais, je me suis imaginée ce que j'aimerais faire plus tard...et j'aimerais pouvoir ouvrir mon propre restaurant où tout le monde viendrait manger avec joie, et repartirait le coeur léger, comme si mes plats leur donnaient un moment à marquer dans leur existence. Je sais que c'est pas très...réaliste, et peut être que je rêve un peu mais...je pense que c'est ce qui me tient le plus à coeur...C'est pourquoi j'ai choisi des études d'hôtellerie restauration, on m'a dit qu'il fallait passer par là pour pouvoir accomplir ce que je souhaite.

Il va d'ailleurs falloir que je trouve un petit job à côté pour pouvoir aider financièrement Lysander, car je me refuse à ce qu'il paye tout et profiter de son hospitalité. Oui j'ai encore du mal à réaliser qu'il m'a dit que je suis chez moi. C'est comme si...je n'en avais pas encore le droit. Et c'est pour cela que pouvoir l'aider financièrement, me confortera dans cette idée de me dire que c'est bien là que j’habite et pas ailleurs.

▬ Et toi tu vas étudier dans quoi ?

Tandis que je continue de ranger mes affaires, le coeur léger, je ne fais pas trop attention au pan du tapis qui est sur le sol, ce qui fait que je trébuche à cause de ce dernier. Ma maladresse elle par contre, elle n'a pas changée...Heureusement la chute n'a pas été trop lourde, enfin pas pour moi...mais quand j'ouvre les yeux je me rends compte que je suis juste au dessus du brun, à califourchon sur lui. Mes joues s'empourprent furieusement et mon cœur bat la chamade. Je devrais pourtant avoir l'habitude maintenant. Il me câline souvent et ce n'est pas la première fois que ça m'arrive de tomber...et pourtant je ne sais pas je...mon souffle est chaud, beaucoup trop...est-ce à cause de la proximité de nos corps ? Sans doute oui...le toucher de sa peau sur la mienne me fait frémir davantage.

Finalement quand je reprends contenance, je me redresse comme pourrait se dresser sur ses patte, un suricate, détournant complètement mon admiration de cet apollon.

▬ J-j-j-je....Désolée...c'est à cause du tapis...Il....

J'essaye de me trouver des excuses, comme ci c'était de ma faute, alors que c'est vraiment à cause de cet élément de la pièce très casse-gueule, que cette situation vient d'arriver. Par contre, j'ai coupé court à la conversation avec ça ! Il faut donc que je change trèèèèèès vite de sujet....

▬ D'-D'ailleurs tu voudras manger quoi ce soir ? Je ne sais pas trop ce qui te ferait plaisir...je peux peut être cuisiner quelque chose...?

Oui voilà une bonne diversion....

Ton destin n'est pas gravé dans la roche

Si seulement il avait raison, si seulement ce n'était pas le cas, mais je sais parfaitement que je ne pourrais aller à l'encontre de mon devoir et de ce que mon père souhaite faire de moi. Je vais devoir me marier à cet homme, horrible, manipulateur, pervers et narcissique de sa personne et de son succès. Cruel et pathétique. Mais bon n'y pensons pas pour l'instant, mes blessures se ravivent rien qu'en y songeant. Je dois profiter de la liberté qui m'est encore offerte, avant que sonne l'heure, ou je dirais même plus le glas. J'écoute le brun, me parler de mes projets, et m'encourager dans ce sens, ce que je trouve adorable de sa part, mais je ne suis pas d'humeur à imaginer l'espace d'une seconde que mes rêves puissent devenir réalité. Je suis fatiguée, épuisée psychologiquement, mais heureuse d'être à ses côtés, et surtout heureuse d'avoir pu enfin lui offrir ce cadeau d'anniversaire d’exception que je prépare depuis trop longtemps.

Mais une fois n'est pas coutume, ma maladresse doublée à la fatigue, m'aura fait oublier qu'il y a un tapis sur le sol de ma chambre, un élément de décoration auquel je ne suis vraiment plus habituée, et voilà que la chute fut inévitable, mais bien entendu le brun joua encore une fois rôle d'amortisseur, venant empourprer davantage mes joues quand je vois sa tête si proche de ma poitrine. Je peux même sentir son souffle chaud sur ma peau, ce qui me donne des frissons d'extase. HOLA HOLA HOLA ! ON SE CALME ! Dis donc qu'est ce que ces que ces pensées lubriques qui ont traversé mon esprit. Je viens d'avoir des images dans ma tête et elle ne sont vraiment pas innocentes. J'ai le coeur qui bat trop vite là ! A l'aide ! Alors c'est ça être une adulte ? C'est vrai que je n'ai jamais pensé à la question, mais vivre avec un homme a certaines conséquences, et quand bien même je fais confiance à Lys'...je ne sais pas trop si....je vais réussir à supporter davantage ces moments un peu malaisants. Surtout que ma seule expérience sexuelle s'est soldée sur une acte contre mon gré...

Bon maintenant après les pensées lubriques, il est temps de chasser ces pensées lugubres. Finalement Lys' change de sujet après que je me sois relevée, pinçant frénétiquement une mèche de mes cheveux, une habitude quand je suis gênée. Ou en étions-nous ? Ha oui c'est vrai ses études, cela me permettra de changer de sujet...

▬ Oui c'est vrai....je suis désolée, j'ai eu beaucoup de choses à penser cet été, alors ma mémoire me joue un peu des tours. Médiation donc ? Je suis sûre que tu vas y arriver, tu es très fort pour parlementer et pour donner des arguments...

Je ne sais pas trop si ce que je dis n'est pas stupide, mais au moins ça calmera mes pulsions un peu trop évasives. Et voilà que maintenant il me fait même me rappeler une promesse que j'ai oubliée....Comment....Quand est-ce que ça s'est passé ? Quand suis-je devenue aussi vide à l'intérieur ? Est-ce que ce séjour en été a fait de nouveau ressurgir l'ancienne poupée que je suis ? Pourquoi je n'arrive plus à me souvenir....Pourquoi est-ce que j'ai soudain une envie de pleurer ?....
Mais je ne veux pas inquiéter le brun plus qu'il ne l'est pour mon état, je cache donc cette tristesse dérrière un visage souriant, cette façade lourde, mais que je m'applique de plus en plus à la rendre crédible.

▬ Hé bien alors faisons ça ! Je te promets de te faire les meilleures pâtes carbonara que tu ais mangés de ta vie...

Au moins cette promesse là je ne risque pas de l'oublier...

Nous finissons de ranger la chambre, et nous nous rendons alors en cuisine, effectivement il y a tout les ingrédients adéquats, cela va faire un bon repas. Je sors tout du réfrigérateur et dépose les composants sur la table. Je retrousse les manches de ma veste moutonnée, cela sera plus simple pour éviter de la salir. Il y a quelques hématomes sur mes bras, mais je pourrais toujours dire que je me suis cognée. Je pourrais l'enlever...mais je ne le peux pas...sinon, Lys' va voir mes blessures, et déjà que je me trouve affreuse, je ne veux pas paraître encore plus laide. Heureusement d'ailleurs que les blessures sur mon visage elles, elle ont disparues, car pour les dissimuler avant de venir ici, ça aurait été une toute autre affaire. Je me vois mal porter un masque...

▬ Ce que je te propose, c'est de t'occuper de couper le lard, pour faire des lardons. Il faudrait que ça soit de cette taille là...Pas trop fins, mais pas trop épais, sinon à la cuisson ça risque d'être plus compliqué et non homogène.

Pendant ce temps, je m'occupe de prendre des ustensiles, du moins de regarder leur positions, pour me rappeler des éléments de la cuisine. Ce sera plus simple, car après tout, je suis censée être chez moi, donc il faut que je connaisse l’agencement qui a été produit auparavant, quelque chose cela dit de fonctionnel et surtout très intuitif. Je mets le feu en route, et commence à mettre des épices à l'intérieur d'un poêle ! Il a plus la forme d'un wok et ça sera parfait pour bien saisir la sauce.

Rien que de pouvoir passer du temps avec le brun, au milieu d'une passion que j'ai développée me rempli de joie. Je le regarde couper le lard, et détaille les traits fins de son visage dans cette tâche importante. Je ne m'étais jamais rendue compte d'aussi près la longueur de ces cils. Avais-je connu une distance aussi proche de lui ? Je ne suis pas sûre...NON NON NON on ne parlera pas des nombreuses fois ou je suis tombée sur lui d'accord ! Je me contente de l'observer discrètement, car il ne faudrait pas qu'il se sente mal à l'aise, et je sens mon cœur battre de nouveau très fort. Je me mets même à détailler la commissure de ses lèvres....

Okay je suis gravement atteinte ça y est...Du calme Lucia hein ! Ce n'est pas comme si tu ne les avais jamais observées...ou rêvées de les embrasser hein....mais tu sais très bien que ça n'arrivera jamais et que ça restera juste un fantasme parmi tant d'autres, d'une pauvre fille à l'amour à sens unique. Sauf que à trop observer, t'aurais pas oublié tes épices par hasard ? Ou bien encore d'éviter de poser ta main trop près de L'ALUMINIUM CHAUD DE TON USTENSILE ?

Bingo ! Tu crois que tu n'as pas assez de blessures comme ça ? Mais quelle idiote bon sang !!! Et voilà maintenant tu es légèrement brûlée. Une petite grimace légère, avec un  petit bruit sortie de tes lèvres ! Bah si tu voulais qu'il arrête de s'inquiéter c'est réussi hein ! Quelle gourde....

▬ C-Ce....ce n'est rien c'est moi....je regardais ailleurs, j'ai été trop distraite, c'est une toute petite brûlure, rien de grave ne t'en fait pas....

Juste que ta paume est un peu rouge, mais oui rien de grave !