Welcome home [PV Lucia]

Voilà ce qui arrive quand on est trop rêveuse. A se laisser distraire de la sorte, voilà que j'ai réussi à me faire une blessure supplémentaire. Décidément je suis vraiment un boulet. Évidemment, comme je m'y attendais, le brun lâcha son activité dès qu'il a entendu mon petit gémissement de douleur. Voir l'inquiétude dans ses yeux, ça me fait mal...
Je ne veux pas qu'il s'inquiète pour moi, pour une amie, je ne mérite pas autant de compassion. Je me sens comme absente, le cœur encore battant trop vite à mon goût...

Tous les jours je n'ai cessé de me poser cette question inlassablement : Pourquoi suis-je tombée amoureuse de Lysander Sedley ? Pourquoi est-ce qu'il fallut que sa gentillesse et sa douceur contrecarre ce à quoi je suis prédestinée ? Pourquoi veut-il vraiment m'aider ? Pourquoi est-ce qu'il veut être mon phare, me ramener vers la lumière, moi qui ne suit que l'enfant des ténèbres les plus meurtrières ? Mana a déjà tenté de lui faire du mal...Alessandro m'a mise en garde sur ma proximité avec lui, comme quoi il n'hésiterait pas  à le faire souffrir sous mes yeux si je m'évertue à rester à ses côtés. Il a même également pointé une arme sur le brun, qui pourtant reste proche malgrè tout. Et voilà que j'habite avec lui...

La plus idiote dans cette histoire c'est moi. J'ignore les mises en garde en espérant que tout ceci ne sont que des menaces sans fondement. Pourtant je l'ai vu et je le sais...Alessandro a toujours été un homme de parole, et quand quelque chose le contrarie, il n'hésite pas à éliminer la source...
Pourquoi suis-je venue ?...Pourquoi ne fais-je qu'écouter mon coeur traitre ? Je ne fais que mettre en danger le garçon que j'aime plus que ma propre existence...Alors....Pourquoi ? Pourquoi je n'ai pas les réponses à mes questions ! Si seulement...tout ceci avait au moins, une raison...un sens...
Silencieusement, je le laisse me parler, toujours baignée dans la noirceur grandissime de mon esprit. Sans un mot, je passe alors ma main sous l'eau froide comme il me l'a expressément demandé, tandis qu'il part chercher de la pommade.

Me laissant seule dans cette pièce, je fais tomber la façade, je regarde l'eau s'écouler comme si j'attendais qu'elle me donne une réponse, mais rien...
Je sais ce que j'ai à faire...
Le jour venu, je devrais tout simplement lui dire adieu, si on m'en laisse le temps...
Et ce dernier à tendance à filer bien trop vite...

Bientôt tu devras accomplir ton devoir...
Je ne le sais que trop bien
Ce Lysander, je ne veux plus qu'il s'approche de toi Lucia...Si jamais il ose, je l'abattrais tu m'entends...
Je ne le sais que trop bien....
....
Mais je ne peux pas...je ne veux pas me séparer de lui...Je l'aime....à en mourir....

Alors si mon cadeau peut le rendre heureux, et faire en sorte qu'il se souvienne de moi d'une certaine façon...
Les yeux vides, je regarde le couteau de cuisine avec lequel il coupait les lardons.

Et si j'en finissais maintenant ?
Et si je faisais taire ma souffrance ?

Mais je n'eus pas le temps de me poser plus la question, car le brun venait de revenir, m'obligeant à reprendre mon rôle. Il prend ma main pour passer de la crème dessus, ce qui me fait légèrement rougir, puis je le vois utiliser une autre pommade sur mes contusions, ce qui me fait le regarder, les lèvres légèrement écartées de surprise.
Puis avec ce sourire un peu triste, cette inquiétude que je ne connais que trop bien à présent, il m'explique que s'il veut soigner mes autres blessures, je dois enlever ma veste.
Comment est-ce qu'il....? J'ai pourtant tout fait pour le cacher....Suis-je si....? Le rythme de mon cœur s'accélère davantage, tandis que je me pince intérieurement la lèvre inférieure.

▬ Je ne peux pas....je suis affreuse....je ne veux pas que tu vois ça....c'est....

Pourtant il soutenait mon regard, presque suppliant. Je ne peux résister face à un tel dévouement de sa part, je ne peux que céder à ses caprices. Baissant la tête, perdant alors mon sourire, tremblante, j'ôte doucement la veste moutonnée, encore un brin hésitante avant de finalement la laisser tomber. Mes cheveux cache mon visage....j'ai si honte....Je suis si laide...
Finalement toujours dans ce silence placide et implacable, je me tourne pour qu'il puisse s'occuper de mon dos. Sur dernier on peut voir de très nombreuses blessures, des déchirements de la peau qui essaye de cicatriser, des griffures, des coupures...et encore beaucoup d'hématomes.

Je n'ose rien dire, mais je sens que je vais craquer....c'est trop dur à supporter....
Sans que je ne m'en rende compte, mes larmes étaient déjà en train de couler sur mes joues. C'est une libération...un soulagement...comme si on me disait "C'est bon maintenant Lucia, laisse toi aller, tu peux pleurer". Pourtant je sais très bien que ça n'arrivera jamais à me soulager. La seule chose qui le pourrait ?

Avoir ma liberté....
Ne plus être captive de quoi que ce soit ou qui que ce soit...

▬ C'est...horrible n'est ce pas ?....Je te l'ai dit....Je suis affreuse....

Je n'aurais pas dû parler, il a entendu les sanglots de ma voix, du coup maintenant il sait que je suis effondrée...mais je n'arrive pas à le cacher...c'est trop....j'ai tellement enduré ces deux derniers mois, j'ai pris sur moi, j'ai pleuré silencieusement sans que personne ne vienne à mon secours...alors j'ai le droit de me laisser aller un peu non ? Je mets mes mains sur mes yeux comme pour cacher les lacrymales, mais c'est peine perdue, cela coule plus vite que je ne puisse l'arrêter.  

C'était impossible de les contenir. Je n'en pouvais plus, cela fait trop de temps que je les cache, que je les retiens, alors je n'ai plus la force. Pourtant quelque chose arrive un peu à m'apaiser, cette sensation de fraicheur, de douceur sur mon dos. Étant tournée, je ne peux voir les réactions du brun, mais son silence me suffit à comprendre l'état de choc dans lequel il se trouve actuellement. Et si...? Si finalement je ne lui avais pas montré ? Pourtant je ne pouvais aller à l'encontre de ce regard. Ces yeux qui me font chavirer à chaque fois que je les croises. Je l'aime plus que de raisons, et je ne veux pas abandonner cet amour, et c'est pour ça que je subis ça, que je me bats encore pour l'espoir d'un avenir meilleur. Ses doigts appliquant le baume, sont délicats, comme s'il avait peur de me faire encore plus de mal. Moi même à sa place, je ne sais pas réellement si j'aurais osé toucher les blessure de quelqu'un aussi importantes, pourtant lui il n'a pas reculé face à cette difficulté, bien au contraire, et chaque doses de baume sur mes cicatrices encore vives, me fait un bien incommensurable, si bien que j'en ferme les yeux même si les lacrymales, elle, refuse d'arrêter de couler. Lorsqu'il soulève mon t-shirt, je sens ma cage thoracique devenir étroite. Qu'est-ce qu'il...ha...? Faut que j'arrête de me faire des films, il se contente juste de bien appliquer toute la crème réparatrice sur mes blessures récemment cachées par le vêtement.

Cela m'avait tant manqué ! Quelqu'un qui se soucie un temps soi peu de ma santé, de mon bien être. Il m'avait manqué. Je me sentais si triste loin de lui, loin de ses mots, de ses sourires. Cette distance, a renforcé ce qui ne devrait pas : Mon amour pour lui.
Lorsqu'il termine le soin de toutes mes blessures, je sens sa main se serrer dans son dos, et voilà qu'il se met à s'excuser. Et c'est précisément pour cette raison que je ne voulais pas lui montrer cette part cachée. Parce que je savais pertinemment au fond de moi qu'il s'en voudrait...

▬ Ce n'est pas ta faute tu sais....tu n'as pas à t'excuser...

Ma voix était douce, empreint d'une petite tristesse. Il ne s'arrêta pas là, il s'excusa de ne pas avoir été là, de ne pas avoir pu me protéger. Mon cœur se serre à ses paroles. Cela me donne terriblement envie de me retourner et de le prendre dans mes bras, mais il prit les devants en me serrant contre lui, d'un cocon protecteur, mes joues s'empourprent à son geste. Et puis je l'écoute de nouveau, je sens dans sa voix qu'il est troublé par tout ça, comme s'il avait eu besoin de partager ce fardeau avec moi. J'ai mal, non pas de mes blessures, mais des plaies de mon cœur. Je m'en veux de lui faire subir ça...mais son discours m'a trop touchée, trop bouleversée, pour que je cache toute ma rancoeur et ma colère, mais surtout mon désarroi. Je me mets à pleurer et à gémir au plus fort que je n'ai pu le faire depuis ces années. Je me sens ridicule, mais il a raison, je dois me laisser aller, ça me fait tellement...tellement de bien...et encore plus quand je vois qu'il est là, qu'il me soutient en me gardant dans ses bras.

Je me sens tellement gênée, on dirait une enfant de pleurer et crier ainsi...mais quand on ne peut le faire depuis son enfance, après tout ce qu'on a traversé, vous n'avez aucune idée...à quel point c'est dur de contenir plus longtemps tout, absolument tout. Je ne cesse à chaque gémissement de douleur et de sanglots de dire que je suis désolée, de m'excuser, comme si j'espérais que cela changerait quelque chose, que cela ferait une différence. Je n'ai pas compté le temps où j'ai tout lâché, tout ce que je me souviens, c'est que Lys' m'a soulevée dans ses bras par la suite, on s'est allongés sur le canapé, moi sur lui, lui me serrant fort, pendant que je continuais de pleurer et de crier à la terre tout mon désespoir. Ma tête était posée sur son torse, j'avais inondé de mes larmes son t-shirt, serré si fort le tissu, que mes mains en sont devenues très blanches. Et puis je me suis mis doucement à me calmer en écoutant les battements de son coeur, si forts, si irréguliers. Je n'étais même pas embarrassée de la situation dans laquelle nous nous trouvions...comme si cela me paraissait juste normal...qu'il n'y ait plus aucune distance qui nous éloigne. Je continuais de les écouter, je fermais les yeux et finalement, fatiguée de rejeter toute l'eau que mon corps puisse contenir, je me suis assoupie dans ses bras.

Probablement le meilleur sommeil de toute mon existence.

Une heure plus tard, je me réveille de nouveau, mes yeux sont secs, rouges, j'ai l'impression d'être dans une bulle, encore assommée par tout ce qui m'entoure. Je découvres alors, les joues rouges, que je suis allongée sur Lys', dans ses bras, il ne dit rien...je relève très légèrement la tête pour voir qu'il s'est lui même assoupi. Le muscle dans ma poitrine explose de le voir ainsi. C'est la première fois que je le vois endormi, il est....TELLEMENT sexy ! Mais que je me sens honteuse d'avoir des idées saugrenues en ce moment même. J'ai envie de le toucher. Je fixe ses lèvres pour les caresser du bout de mes doigts. Mais qu'est-ce que je fais ! Ce n'est vraiment pas bien, je ne devrais pas profiter ainsi de sa vulnérabilité...Je décide donc de passer une main doucereuse dans ses cheveux.

Je préfère attendre qu'il se réveille, même si mon estomac venait de faire un bruit d'outre-tombe. C'est vrai que pleurer toutes les larmes de son corps, cela donne vraiment faim. J'esquisse un doux sourire en continuant de le regarder.

C'est bien parce que je suis folle de toi, que je refuse d'abandonner...

▬ Merci d'être là...sans toi je serais perdue....

Ma main descend pour caresser sa joue de mon pouce. Au moins cette expérience tragique m'aura fait découvrir de nouvelles facettes de lui. C'est sans doute le seul bon côté des choses.

Je n'aurais jamais imaginé, qu'un être humain pouvait rejeter autant d'eau...
Les larmes ne s'arrêtent plus, elles se marquent sur mon visage, comme si elles avaient besoin d'y laisser une trace indélébile, afin que je me souvienne. Que je n'oublie pas. Mais cette fois ci, je ne suis pas seule. Je la vois devant moi, comme un mirage, cet enfant solitaire, que le monde a laissé souffrir. Je tends ma main, pour essayer de caresser sa tête, tandis qu'elle est roulée en boule, toute tremblante. "Je suis désolée" que tu ais à subir tout ça à cause de mon incapacité, à cause de ma faiblesse. Mais tu as maintenant quelqu'un sur qui compter, sur qui te reposer. Regarde il est là ! Il te fait un sourire, te tend la main, t'appelle par ce surnom qui te fait devenir une autre quand c'est lui qui le prononce. Alors fais lui confiance, laisse le te protéger d'accord ?

L'enfant relève la tête et me regarde alors, et voilà que se termine la meilleure sieste de toute mon existence. Combien de temps cela faisait-il que je n'avais pas dormie ainsi ? Sans crainte d'être réveillée par les hurlements, par les coups ? J'avais développé une telle psychose, que je n'arrivais juste pas à fermer l'oeil de la nuit, quand je savais que mon géniteur était au manoir ou bien même Alessandro, mon pseudo-fiancé ! Car oui je me refuse encore à l'accepter comme tel ! Et là, je sais que je pouvais enfin me reposer, me ressourcer sans peur, sans effroi. Parce que je suis dans ses bras, et que rien d'autre ne compte que ce moment. Sortant de ma torpeur, je me suis surprise à l'observer quelques instants, comme si je savais que c'était la seule occasion de prendre une photo mentale inoubliable. Lys' dormait, et il était beaucoup trop...mignon. Je le voyais à ces quelques cernes que pour lui tout ceci a été une épreuve, qu'il en a bavé. Pourtant il a réussi à me sortir temporairement des griffes des Valentini et Ricci. Combien de temps a t-il passé à trouver cet appartement ? L'investissement pour ne serait-ce que le dossier ? Tout cela devrait m'émouvoir. Oui, il est mon phare et je n'en ai jamais douté ! C'est la lumière qui pourra me sortir de mes ténèbres, car sans lui, aujourd'hui je ne pourrais sourire autant.

Les blessures dans mon dos me font beaucoup moins mal, je sens l'effet du baume agir, puis tandis que je me soucie de ce détail anodin, je le vois alors se réveiller. Nos visages proches l'un de l'autre. J'aurais tant eu envie que nos lèvres se touchent...que l'on....mais ce ne serait pas juste...et de toute façon je n'en ai pas le droit. Je ne veux pas briser cette confiance mutuelle, cette complicité. Il me sourit, et cela embaume mon coeur d'une agréable chaleur.

▬ Je....je vais bien....ton....t-shirt il est....je je suis désolée que tu m’aie vu dans cet état....

Oui j'ai été pitoyable de me morfondre autant, de me laisser aller, mais j'en avais juste cruellement besoin. Et maintenant je me sentais juste soulagée, la flamme d'espoir dans mon cœur s'était de nouveau ravivée. Je me redresse, il baille, se relève et me fait comprendre qu'on avait oublié la cuisine, et au moment où il en parla mon estomac se mit à gargouiller, me mettant un rouge de honte aux joues. Au moins ça a eu l'avantage de me redonner l’appétit.

▬ Ne...t'en fait pas, je vais t'aider...j'ai...j'ai envie que l'on prépare ce plat ensemble...

Je remet la veste pour ne pas lui infliger plus longtemps la vision d'horreur de mes blessures, tandis que je m'approche pour mettre les lardons coupés dans la poêle afin de les saisir comme il faut pour qu'ils puissent dorer. Mon visage était moins marqué par la tristesse, mes yeux étaient encore un peu fatigués, rouge, mais je me sentais comme une plume. J'avais eu besoin de passer par là ! De lui montrer tout ce que je cachais au fond de moi, et de cette épaule, de cette douceur qu'il m'a apporté ! Me sentir importante à ses yeux, cela suffit à faire mon bonheur. Je n'ai besoin de rien d'autre. Je ne demande pas à ce que mes sentiments soient partagés...je sais que c'est impossible ! Comme je le dis à chaque fois, je ne le mérite pas...je ne mérite pas quelqu'un d'aussi merveilleux et exceptionnel que lui ! Mais juste....qu'on puisse....rester aussi proches....

Je sais que c'est un mensonge....Le jour où il tombera amoureux d'une fille...je serais dévastée...mais je serais obligée de l'accepter....J'espère juste que quand ce jour approchera...Je ne perdrais pas ce lien si fort et puissant que j'ai....C'est ce qui me terrifie le plus pour ne pas vous le cacher...mais plus de pensées négatives pour le moment ! Il faut qu'on termine ce plat, qu'on mange, qu'on puisse rattraper le temps perdu !

▬ Je....je ne te remercierais jamais de ce que tu fais pour moi....mais....merci...merci pour tout....Lys'

Est-ce un magnifique sourire, doux qui orne mon visage ? Oui, car il n'y a qu'avec lui que j'ai cette expression, car il n'y a qu'à lui que je peux être vraiment....celle que je suis....
Les joues rouges, un peu gênée, mais toujours un petit rictus adorable, je me retourne dans l'observation de la cuisson. Cela ne prendra pas longtemps à faire, et on va bientôt pouvoir se régaler.

Même si je sais que le destin sera cruel...
Laissez moi un peu être heureuse, laissez moi profiter de ces dernières années à ses côtés...