Le passé est encore là [Jenifer]

Si j'avais su que ce matin je me ferais kidnapper en sortant faire des courses, je me serais ravisée de sortir tout court. Je n'ai pas eu le temps de voir les visages des agresseurs. Je sais juste qu'ils étaient deux, qu'ils m'ont embarquée dans un fourgon puis...plus rien. Le néant. Lorsque je me suis réveillée, j'ai découvert un nouveau lieu. Je ne sais pas où je suis mais les agresseurs ont apparemment veillé à ce que je sois un minimum confortable. Un lit. J'ai certes les mains liées mais un lit est bien plus confortable qu'une chaise pour un réveil.

J'observe un peu la pièce en scrutant tous les détails du regard. Etant encore un peu dans le gaz, je ne bouge pas encore. Je me contente seulement d'observer. On dirait une cave ou un truc de ce genre, aménagé comme un studio pour personne kidnappée. Y a même des chiottes ! Seules mes mains sont attachées avec des menottes. Okay. Je peux donc marcher et...ben aller aux petits coins. Pas très malin de leur part, il y a facilement de quoi couper mes liens là-bas. Et de quoi les assommer aussi. À moins qu'ils aient retiré tout ce qui aurait pu m'être utile contre eux et pour fuir.

Je finis par me lever, avec un peu de peine quand même parce que je suis encore dans le gaz. Ils ont dû utiliser du chloroforme. Je fais un petit tour des lieux pour me dégourdir les jambes et surtout chercher d'éventuels moyens de sortir d'ici. Un petit tour dans les toilettes pour commencer. Plutôt bien entretenues. J'en suis surprise, je l'avoue. Je m'attendais à un truc dégueulasse. Je cherche ensuite près des petites fenêtres. Trop petites pour que je puisse y passer. Zut. Je devrai donc baratiner mes kidnappeurs.

Je retourne vers le lit au pas de course lorsque j'entends les pas de l'un d'eux. Je m'assieds, bien décidée à commencer mon interrogatoire directement. Mes yeux deviennent ronds comme deux billes lorsque je vois qui est l'un des agresseurs. Sérieux ? Xavier ? Qu'est-ce qu'il me veut encore cette fois ? Avant que je l'envoie en taule pour harcèlement, il m'avait fait tout un speech à la con sur sa soi-disant culpabilité et le fait qu'il voulait que je revienne avec lui. Et maintenant il me kidnappe ? Ce n'est clairement pas comme ça qu'il me convaincra de revenir vers lui, c'est certain.

- Qu'est-ce que tu fous là ?! Tu ne peux pas m'avoir d'une manière alors t'organises des enlèvements maintenant ?!
- J'me disais bien que tu ne dormirais pas longtemps... Détrompe-toi, je n'y suis pour rien cette fois. J'ai seulement profité de l'occasion puisque le principal concerné est ton cher petit-ami.

Il ne serait que le complice ? Etonnant.

- Donne-moi une seule bonne raison de te croire...
- Oh pitié, ne me va pas me dire que tu ne connais pas une partie du passé de ton cher et tendre ! Tu sais bien qu'il n'est pas tout blanc et qu'il a aussi des ennemis. Il se trouve que j'ai rencontré l'un d'eux en prison et j'ai décidé de m'allier à lui. Jagger lui doit du fric. Ca ne devrait pas te surprendre que ce type en doive à pas mal de gens. Quand on sait de quel monde il vient....
- Ferme-la ! Si tu te renseignais un minimum, tu saurais qu'il a raccroché !
- T'es naïve. Enfin c'est ce qui m'a attiré chez toi, remarque. Raccrocher ne retire pas les dettes. Et il en a, crois-moi ! Sauf qu'il n'est pas du genre à accepter les choses sans broncher donc il faut bien qu'il ait une petite motivation.

Alors je suis un appât... Pas très reluisant comme image mais ça reste dans le domaine du possible. Et c'est cohérent. Kidnapping contre une rançon. Je vois mieux le tableau. Il me parle encore de quelques trucs jusqu'à ce que ça finisse en dispute avec violence physique. Enfin la violence c'est surtout moi qui en ai recours même avec les mains liées. Trop de rancune envers ce type, faut que ça sorte. La dispute prend tout de même fin lorsque Xavier quitte la pièce. J'imagine qu'il va vouloir prendre des nouvelles auprès de son complice. Ou alors il s'organise avec lui.

Plusieurs heures passent sans que je ne vois qui que ce soit se pointer. Seul Xavier finit par refaire son apparition avec un plateau-repas. Et vu que j'ai les mains liées et une affreuse faim, ce connard en profite un peu en me nourrissant. Mon égo en prend un sérieux coup là. Il repart quelques minutes plus tard et ne revient que quelques heures après pour le second repas et me donner des nouvelles au passage. Apparemment son allié a donné rendez-vous à Jagger et je ferai partie du voyage. Tant mieux. Je vais pouvoir foutre une bonne dérouillée à cet empaffé et le renvoyer en taule. Dehors j'aurai plus d'occasions de lui faire mal et peut-être de me libérer.

Je suis les deux kidnappeurs, voyant enfin le visage de l'autre cette fois. Ceux-ci me font remonter dans leur van pour nous rendre au lieu de rendez-vous. Une fois là-bas, seul le « chef » sort du van pour retrouver Jagger. Xavier me fait sortir seulement quelques minutes plus tard en pointant une arme contre ma tempe pour éviter que Jagger ait l'idée de faire n'importe quoi sans réfléchir. Par contre, c'est mon ex qui n'a pas réfléchi assez et ça va lui coûter cher. Durant le chemin, il avait retiré mes liens puisqu'il a pensé que l'arme serait suffisante pour me dissuader de fuir. De ce fait, maintenant je n'attends qu'une occasion pour lui retourner sa décision contre lui.

Xavier m'a libérée des liens que j'avais aux mains lorsque nous avons pris la route pour rejoindre le lieu de rendez-vous. Ce sera sûrement sa plus grosse erreur. Dès que j'en aurai l'occasion, je lui ferai regretter tout ce qu'il m'a fait. Même si ne m'a rien fait de mal à proprement parler durant ma séquestration, mon égo lui il a souffert.

L'autre commence déjà à régler son affaire avec Jagger alors que son complice me fait sortir du van quelques minutes plus tard en me braquant de son arme. Je ne comprends pas toute l'histoire mais apparemment Jagger devait du fric à ce type. Sauf que le con n'a pas vu la couleur de l'argent. Forcément, s'il sort avec une suceuse de pognon et qu'il lui en confie, il ne va pas en voir beaucoup. Quelle idée stupide il a eue !

- Nan donne rien, Jagger ! T'as donné ce que tu lui devais, tu lui dois plus rien ! C'est sa suceuse de fric qui doit lui donner ce qu'elle a volé !

Xavier me bouscule légèrement en m'intimant de fermer ma gueule, m'expliquant que ça ne me regarde pas. Qu'il aille se faire foutre ! J'allais lui répondre mais mon élan est coupé par le fait que Xavier doit me laisser avancer. Il n'a cependant pas l'air très décidé à me laisser partir. Le jour où il m'a trompée, il s'en fichait bien que je parte ou non. Depuis la dernière fois que je l'ai croisé, il agit tellement bizarrement.

- Qui nous dit qu'il va te refiler le fric si on la relâche ?
- Et toi, qui te dit que j'vais pas te découper les couilles pour te les faire bouffer si tu me gardes prisonnière ?
- Peut-être le fait que j'ai une arme pointée sur toi...

Sans même répondre, je lui donne un coup de genou dans les valseuses. En contre-partie mon bras droit se prend une balle tirée involontairement. J'observe mon bras en grimaçant de douleur. Ca saigne mais ça n'a pas l'air vraiment grave. Enfin ça veut quand même dire que je dois faire un passage à l'hôpital, retirer la balle et suturer mais ça pourrait être pire. Puisque l'arme n'est plus braquée sur moi, j'en profite pour courir vers Jagger.

- Toujours aussi impulsive... J'te reconnais bien là ma chérie...

Il a mal, ça se voit et c'est plus que satisfaisant. Souffre, connard !

- Et toi t'es toujours aussi con !

Je prends la main de Jagger et tire un peu dessus pour lui faire signe de se mettre en route.

- Viens Jagger, on y va. L'autre n'a qu'à interroger ou torturer sa pétasse pour savoir ce qu'elle a fait de son fric. J'imagine qu'elle l'a utilisé pour s'acheter des fringues, de la drogue ou je ne sais quelle connerie.

Enfin pour ça, il faudrait déjà que je lui en laisse l'occasion. Je compte bien dénoncer ces deux enfoirés à la police dès qu'on sera hors d'ici. Oh d'ailleurs... Je me tourne face au « chef » et tends ma main dans sa direction.

- Rends-moi mon téléphone au fait.

Pas question que j'en rachète un sous prétexte qu'un tordu me l'a piqué pour passer un appel. Quelque chose d'autre attire soudainement mon attention. D'un coup j'ai l'impression d'être mouillée. Comme si je venais de pisser. Je regarde l'état de mon pantalon et...et merde. Y a bien un truc qui a rendu le pantalon humide mais ce n'est pas de l'urine. C'est pire. Je suis bonne pour jeter le pantalon. Quoique je pourrai essayer de faire partir avec de la javel. C'est un pantalon blanc, il ne risque pas de se délaver. Ce qui m'inquiète le plus cependant c'est la couleur qu'il prend. Rouge.

- Qu'est-ce que... ?

Ce n'est pourtant pas ma période de menstruelles alors pourquoi je saigne ? Je ne suis pas enceinte non plus à ce que je sache. Et je n'ai pas été blessée plus bas. C'est quoi ce délire ?!

Je l’admets, donner un coup dans les parties intimes de l’un de mes agresseurs, ce n’était clairement pas la meilleure idée que j’ai eue. Je me suis prise une balle dans le bras en retour mais j’ai au moins eu ma satisfaction personnelle. Faire mal à mon ex. Je me suis ensuite précipitée vers Jagger pour qu’on s’en aille, exigeant tout de même la restitution de mon téléphone envers l’autre connard. Celui le rend sans broncher, chose qui me surprend quand même. Ou alors c’est parce que Jagger est là et qu’il a une grosse envie de meurtre. Il fait flipper dans ces cas-là.

Il réussit à convaincre le type de se barrer avec Xavier, chose que le chef exécute sans hésiter. Je ne sais pas le passé qu’il y a entre Jagger et lui mais apparemment il sait déjà de quoi est capable mon motard. Mes réflexions sont toutefois très vite stoppées alors que je me concentre sur un autre détail. Un truc qui me gêne beaucoup. Quelque chose n’est pas normal. Je saigne là où je ne devrais pas. Ce n’est pas ma période de menstruelles et je n’ai pas l’impression d’être blessée. Peut-être que c’est le cas sans que je m’en rende compte mais en tout cas, j’ai une très désagréable sensation de déjà vécu.

- P-Pas que je sache…

Je n’ai eu aucun symptôme. J’ai même encore eu mes règles durant ces derniers mois. Je n’en serais qu’au début ? Mais...non...je ne veux pas encore en perdre un. Pas encore une fois…

Je suis Jagger jusqu’à sa moto sans dire un mot, me laissant faire lorsqu’il me fout un casque et qu’il atténue l’hémorragie. Et lorsqu’il tape sur le casque, je râle un peu. Je n’aime pas le son produit. Je m’installe derrière lui sur la moto et me tiens fermement à sa taille pendant tout le chemin. J’ai trop peur de ce que ce sang signifie.

Une fois aux urgences, Jagger fait rapidement un scandale jusqu’à ce qu’un médecin vienne me prendre en charge. Celui-ci nous conduit dans une salle et s’occupe de mon bras. Enfin il observe d’abord pour savoir la gravité et si j’en crois sa tête, il va devoir endormir la zone pour pouvoir retirer la balle et recoudre. Il me le confirme peu après. Une petite opération s’impose. Mais avant, il veut aussi vérifier la théorie de Jagger, ayant entendu que je suis peut-être enceinte.

Il me demande alors de m’allonger sur le lit d’examen. Pendant que je le fais, il prépare son matériel pour faire une échographie et appelle aussi une consœur pour le côté gynécologique. Le gel est rapidement mis sur le ventre et le voilà à faire son truc. Pendant ce temps, je prends la main de Jagger et la serre fortement. Pas au point de lui péter la main, je n’ai pas la force suffisante pour ça, mais il peut sentir mes craintes.

M – Il y a effectivement un feotus. Au vu de sa taille, vous en êtes déjà à 5 mois et il m’a l’air plutôt bien.

Il met ensuite un capteur en route afin que Jagger et moi puissions entendre le pouls. C’est un moyen pour nous rassurer puisque le coeur bat normalement.

M – On va tout de même voir avec la gynécologue pour contrôler le reste. Ce n’était peut-être qu’un saignement sans gravité mais on va s’en assurer.

La gynécologue nous rejoint après quelques minutes, déjà prête pour faire son job. Elle demande directement des nouvelles du fœtus afin d’avoir un briefing. Malheureusement pour moi, le reste de l’examen exige que je me désape en partie. Le médecin nous laisse donc un moment seuls avec sa collègue, laissant le matériel d’échographie au cas où elle souhaite encore vérifier. Je baisse alors le pantalon et le sous-vêtement, grimaçant ensuite lorsque la femme effectue le contrôle. Je déteste les examens gynécologiques…

G – Il n’y a rien d’alarmant, tout est normal.

Elle regarde ensuite l’échographie, voulant voir de ses propres yeux l’état du bébé. Elle affiche un sourire en nous observant, nous rassurant par la suite. Il est en parfaite santé, les saignements que j’ai eu étaient inquiétants certes mais ils n’annoncent rien de grave. Elle veut toutefois que je reste au repos durant quelques temps afin de diminuer les risques.  Je dois me ménager, chose que je ne sais pas faire. Et je devrai reprendre rendez-vous bientôt pour surveiller la grossesse. Et puis elle finit par ajouter encore un détail qui peut avoir son importance.

G – Ne soyez pas inquiète si dans quelques heures déjà, votre corps commence à changer au niveau de la poitrine ou du ventre. Vous avez fait un déni mais maintenant que vous savez pour votre grossesse, le corps va subir quelques changements pour se mettre réellement en condition de femme enceinte.

Je peux finalement me rhabiller puis elle laisse la place à son collègue après lui avoir expliqué la situation. Il sait désormais ce qu’il pourra dire à l’anesthésique et au chirurgien qui s’occuperont de me retirer la balle. Celui-ci en profite d’ailleurs pour prendre contact avec eux afin qu’on puisse rapidement me retirer la balle et me soigner le bras. Pendant ce temps, je regarde Jagger après avoir fini de me rhabiller et lui prends la main, encore inquiète.

- C'est reparti pour un tour, on dirait. Tu...Ca va toi ?

Comme toujours, je m'inquiète pour les autres que pour moi-même. Enfin...je ne pense pas avoir besoin de dire comment je me sens. Je crois que mon inquiétude se voit suffisamment.

Quand un examen vous annonce très clairement ce qu’il va se passer et surtout pourquoi, avoir une présence rassurante à ses côtés est toujours une bonne chose. J’ai voulu garder Jagger à mes côtés. J’ai besoin de lui. J’ai besoin d’avoir un contact avec lui. C’est pour ça que je lui ai kidnappée la main. Ce simple contact me permet de me tranquilliser un minimum le temps que l’examen soit fait.

Enceinte ? De cinq mois en plus ? Mais… La dernière fois que j’ai eu un polichinelle dans le tiroir, ça s’est vu ! Je sais que le déni de grossesse est possible mais je croyais que ça arrivait dès la première fois. Il faut croire que non. Il faut peut-être avoir subi un traumatisme en fait. Ce serait assez logique en soi. J’aime ce qui est logique. C’est plus facile à expliquer et à supporter.

Jagger a l’air aussi surpris que moi à l’entente de cette annonce. Et puis cette fois il peut entendre le coeur qui bat. Moi aussi. La dernière fois, on n’en avait même pas eu l’occasion. Après l’explication de la gynécologue, je peux enfin me rhabiller. Je vais devoir me ménager et malheureusement, l’information n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Je vois bien dans le regard de mon mari qu’il ne va pas me laisser m’agiter comme avant. Qu’il va veiller à ce que je sois la plus calme que possible. Ca va être dur. Très dur.

Je m’inquiète ensuite pour le brun et celui-ci me rassure très vite. Il va bien. Il est juste surpris tout comme moi. Le médecin finit par revenir et informe Jagger qu’il doit aller parler à la police pendant qu’il me soigne.

- Non c’est bon… Vas-y je t’attendrai ici.

Pas trop le choix de toute façon. Je dois donc laisser le motard partir. Pendant ce temps, le médecin a fait venir un confrère chirurgien pour qu’ils puisse m’endormir le bras et m’extraire la balle. Il s’occupe ensuite de suturer la plaie puis de faire un pansement avant de me recommander le repos pour le bras aussi. Chouette. Je ne vais rien foutre de la journée durant plusieurs jours. Ô joie… Et après, je pourrai refaire quelques trucs mais très peu. Ca m’ennuie déjà.

Je suis finalement rejointe par mon époux puis le médecin nous donne encore quelques explications pour la suite avant de me donner une ordonnance pour des anti-douleurs. Il a cependant fait en sorte de me donner une version qui est sans danger pour le bébé. Je ressors quelques minutes plus tard de l’hôpital, tenant la main de mon motard pendant qu’il boit encore son café. Il me donne envie avec sa boisson, ce sagouin.

- Dès qu’on sera rentrés, j’me ferai un bon café. Tu me donnes envie avec le tien. Et ça me requinquera.

Mais d’abord, passage obligatoire à la pharmacie pour un traitement que je ne suivrai sans doute pas complètement, voire pas du tout. Les médicaments ne sont pas faits pour moi. Moins j’en prends, mieux je me porte. Même si ça veut dire que je dois avoir horriblement mal.