Détendons-nous autour d'un verre~ [feat. Jenifer]

Encore une journée passée à supporter les jérémiades de certains collègues trop fragiles. L'un ne peut soi-disant plus faire un seul pas parce qu'il s'est foulé la cheville. Oulàlà c'est fou ce qu'une cheville foulée empêche de marcher. Pour certains pas de la chorégraphie, okay je l'admets, ce n'est pas conseillé. Mais de là à pleurnicher comme si c'était la fin du monde, y a des limites. Ce n'est pas comme s'il s'était pété le pied. Un autre ronchonnait parce qu'il trouvait que certains mouvements faisaient trop féminin. J'ai envie de dire « Et alors ?! Quand une fille se tient l'entre-jambe pour remonter une queue imaginaire à la Michael Jackson, ce n'est pas trop masculin peut-être ?! ». Et une autre qui pleure parce qu'elle s'est fait mal à un doigt et que c'est soi-disant trop dur pour elle de danser dans ces conditions.

Bref en somme, cette journée était un retour à la garderie. Que des idiots qui croient que tout va leur tomber dans les mains sans qu'ils aient à faire quoi que ce soit. Bande de crétin. Ils ne garderont pas leur job s'ils ne se bougent pas le cul plus que ça. Et ils auront encore moins de bons contrats. Le plus emmerdant dans cette histoire est que je dois rester polie même lorsque j'ai plutôt envie de les étrangler. Parfois je me demande comment je fais pour tenir le coup avec les équipes de bras cassés alors que je n'ai clairement pas la patience qu'il faut pour supporter des gens comme eux.

Je crois que je deviens légèrement aigrie au fil des années. À moins que ce ne soit déjà le cas depuis ma rupture avec mon ex. Je sais que j'ai pas mal changé à cause de lui. Devenir aigrie par sa faute ne serait même pas étonnant. Ne pouvant pas passer mes nerfs sur cette bande de mongoles tous plus fainéants les uns que les autres, je me force à faire le poing dans ma poche. C'est soit je me retiens de leur cracher mon venin et la choré aura peut-être une chance d'être prête à temps, soit je me lâche mais là il faudra trouver d'autres danseurs pour remplacer ceux qui auront subi ma rage et la chorégraphie risque de ne pas être prête dans les délais.

À la fin de cette journée infernale, je retourne chez moi afin de prendre une bonne douche et d'enfiler une petite robe simple mais adaptée pour une sortie en ville. J'en profite en même temps pour me détendre un peu et manger quelque chose. Ce soir, je vais passer mes nerfs devant un bon verre...ou plus. Cependant aller boire le ventre vide, c'est une très mauvaise idée. C'est un coup à finir complètement ivre mort après une dizaine de verres, voire même un peu moins selon la boisson. Et selon les personnes aussi évidemment. Certains tiennent plus l'alcool que d'autres. En ce qui me concerne, je sais que je ne tiens pas énormément l'alcool. De plus Jagger ne veut plus que j'en touche normalement. Je vais déroger un peu à son souhait mais c'est pour la bonne cause. Soit je rentre ivre morte et toute joyeuse, soit il s'en prend plein la gueule alors qu'il est innocent dans cette histoire. Et puis après ça partirait en plus en dispute et je n'ai pas envie d'en avoir encore une.

Tout cela fait, je me rends à l'un des bars qui se trouve en ville. Quand je ne me rends pas à l'Irish Pub, j'ai l'habitude d'aller dans d'autres bars. Néanmoins ce soir je rentre dans un bar que je ne connais pas. Tenter de nouveaux lieux ne fait pas de mal et puis ça me permet de rester un minimum anonyme pour l'alcool. Sauf si certains clients me reconnaissent que ce soit parce que je les aurais croisés un jour ou parce qu'ils m'ont vue durant un concert ou dans un clip. Ce n'est malheureusement pas impossible étant donné que dans mon domaine, je peux côtoyer plusieurs chanteurs et devoir travailler avec eux. Et parfois avec des acteurs selon ce qui est demandé dans le contrat.

Je salue poliment les clients que je croise et m'approche du comptoir. Tout en m'installant sur un siège haut, je commande un alcool léger histoire de commencer en douceur. Si je commence trop fort, je vais juste réussir à être plus morte que ivre et me détruire l'estomac. Celui-ci ne va pas apprécier et tout mon repas finira dans une cuvette. Ou même au sol. Allez savoir. Et puis je n'ai pas réellement besoin de me saouler pour me détendre durant une soirée. Le simple fait de pouvoir être dans un lieu où règne une bonne ambiance, ça suffit.

Le barman me sert alors ma boisson, un simple cocktail léger. J'avoue être une grande adoratrice des cocktails. C'est ce que je bois le plus lorsque je touche à l'alcool. Tout en observant la salle, je remarque que sans m'en rendre compte je me suis assise à côté d'un homme – très élégant soit dit en passant – et une pensée me fait sourire. Si Jagger me voyait assise à côté de cet homme, il n'apprécierait sûrement pas. Il trouverait soit le moyen pour qu'il y ait un espace, soit il surveillerait l'homme tel un pitbull devant son os. Je sirote un peu ma boisson et un nouveau sourire apparaît sur mon visage tandis qu'un commentaire sort de ma bouche sans que je ne puisse me contrôler.

- Trop bon ! Y a pas à dire, les cocktails resteront vraiment en première place chez moi.

Peut-être aussi parce qu'ils peuvent être alcoolisés ou non. Et pour les cas alcoolisés, on peut mettre des alcools doux comme des plus forts. Les cocktails ont tellement de possibilités et ils ont rarement les mêmes goûts puisque leurs dosages ne sont pas faits au millimètre près. Parfois on sent plus un alcool qu'un autre. Et c'est pareil pour ceux qui sont non-alcoolisés en fait.

Une soirée de détente ne me fait pas de mal. Assise au comptoir d'un bar, je profite de boire ce que normalement je dois éviter. Une fois de temps en temps, ça ne me fera rien de mal. Je sais que l'alcool n'est pas obligatoire pour s'amuser dans une soirée mais ce soir, j'ai envie de me refaire un petit plaisir. Je me suis donc prise un cocktail et je ne le regrette pas. Il est vraiment bon. J'en fais même part au peu de client qui m'écouterait. Des paroles sorties toutes seules mais sincères. L'homme assis à côté de moi se fait alors entendre amicalement, répondant à mon petit commentaire de femme satisfaite. Il me fait presque penser à une conscience qui appartiendrait au bâtiment. Comme si le bar en lui-même venait de sentir son égo remonter. Heureusement que le bâtiment n'est pas un être vivant.

- C'est difficile de ne pas faire d'éloges lorsque la boisson est bien préparée.

Il faut dire ce qui est. Une boisson bien préparée donne une chance supplémentaire pour fidéliser des clients. Il n'y a pas que l'ambiance des lieux qui compte. L'homme reprend la parole et tourne la conversation sur quelque chose de très légèrement plus personnel. Vraiment très légèrement. En fait, sa question est assez classique quand on engage une conversation dans ce genre de lieu. Je secoue doucement la tête en le fixant, gardant mon sourire.

- Non. En fait c'est même la première fois que j'y viens. Je voulais découvrir un nouveau lieu alors je suis venue ici. Et vous ? D'après le regard complice que je vous ai vu glisser au barman, j'en déduis que vous venez régulièrement ici ?

Bien sûr que j'ai vu ce petit jeu de regards entre les deux hommes. En même temps, ils n'étaient pas discrets. Je pose gentiment mon coude sur le comptoir avant de poser mon menton sur ma main en observant le type à côté de moi.

- Allez, vous avez l'air de savoir faire de la bonne pub pour cet endroit. Dites-m'en un peu plus sur ce lieu, l'ambiance générale, etc. Donnez-moi envie de revenir régulièrement.

Honnêtement même sans faire de pub, j'y reviendrai sans aucun doute. Je suis juste curieuse de voir comment il peut relever mon petit défi que je viens de lui lancer. Assez simple en soi mais ça reste amusant. Je termine finalement mon verre et en recommande aussitôt un autre. Lorsque je l'ai devant moi, je regarde à nouveau mon interlocuteur avec un petit sourire aux lèvres.

- Au fait, je m'appelle Jenifer ! Et vous, comment dois-je vous appeler ?

J'ai toujours préféré parler à une personne en connaissant son nom. C'est plus agréable même si je ne revois pas toujours la personne plus tard. Ca me permet au moins de ne pas leur donner de surnoms débiles. Et au passage, de ne pas en avoir non plus. Je déteste être interpellée comme si on appelait un chien. C'est irrespectueux déjà, mais c'est surtout très désagréable.

La boisson est bonne, l'ambiance est super, ce bâtiment mérite les éloges que je lui ai fait. Il donne vraiment envie d'y revenir. Et lorsqu'il faut répondre à la question curieuse de l'homme, aucune info n'est cachée. C'est ma première fois dans ces lieux, il n'y a aucune honte à avoir. Je découvre encore le bar mais il y a déjà de grandes chances pour que je revienne un de ces quatre. Cependant moi aussi j'ai une curiosité à assouvir. J'ai bien vu le regard complice entre le client et le barman. Ces deux-là se connaissent déjà pas mal. Je pourrais presque les comparer à deux amis. Et moi, on me prend pour une femme observatrice. Remarque, ce n'est pas faux. J'observe beaucoup le monde autour de moi dans ma vie de tous les jours. Même à mon travail. C'est un moyen pour moi de mieux appréhender les choses, mieux cerner les gens et éviter certains dangers.

Finalement je lance un petit défi à l'homme assis à côté de moi. Faire de la bonne pub pour ce bar et me donner envie de revenir. Le barman débute le défi bien qu'il ne soit pas obligé d'y participer. C'est amusant de voir un barman qui ne tente pas réellement de dire que le bar est le meilleur lieu plutôt qu'un autre. Il n'en fait pas des tonnes, c'est bien. Pourtant s'il avait voulu argumenter avec que des compliments pour vanter son lieu de travail, ça aurait été tout-à-fait normal. Puis c'est au client de reprendre la parole. Et c'est parti !

J'écoute donc tous les compliments que fait l'homme avec un sourire puis commande un nouveau verre. Il n'a pas menti pour les cocktails parfaits. Ils le sont réellement. Okay, défi relevé. J'admets qu'il m'a donné envie de revenir. Quoique même sans son discours, je serais sans nul doute revenue. Le défi était plus un jeu qu'un réel besoin de motivation. Néanmoins son speech a quand même l'effet escompté. Nous finissons pas faire les présentations et je peux enfin mettre un nom sur cette tête. Il a un nom court. J'aime. En plus il est généreux. C'est que du bon pour lui. Je le remercie d'un petit signe de la main tout en tenant mon verre avant de boire une gorgée.

- Bon je dois admettre que votre discours a été convaincant. Je comptais de toute façon revenir en fait mais après avoir entendu les mérites de ce bar de la part d'un client, ça me motive encore plus. Bien joué !

Je bois une nouvelle gorgée tout en profitant de vider mon esprit. Je dois quand même me méfier de lui. Il est charmeur et plutôt séduisant. J'en viens presque à regretter d'être en couple. Presque seulement. En fait, maintenant que j'y pense je dois plus me méfier de la dose d'alcool que je bois plutôt que de l'homme. La dernière fois que j'ai été ivre, j'ai fais pas mal de conneries. Non. Je devrais même dire que j'en ai fait à chaque fois que j'ai été ivre. Et je n'ai jamais retenu la leçon. Néanmoins à ce moment-là, je n'étais pas encore en couple. Peut-être que ce sera différent cette fois même dans le cas où j'ai trop d'alcool dans le sang. Dans le meilleur des cas, je ne ferai rien de stupide. Dans le pire des cas, je devrai me faire pardonner auprès de Jagger – si ça sera encore possible – et assumer mes actes et les conséquences. Je termine mon verre et en recommande un aussitôt. Je lève ensuite gentiment mon verre vers Ian tout en gardant mon petit sourire.

- À la vôtre et à ce bar. Merci pour le verre.

Et une partie du liquide disparaît aussi dans mon gosier. Mon état va en pâtir mais ça en vaut la peine. Ce cocktail est tellement bon.

- J'crois que j'deviens amoureuse de ce cocktail.

Cette simple pensée stupide parvient à me faire rire. Tomber amoureuse d'une boisson. J'ai toujours trouvé cette expression débile mais maintenant, j'en comprends mieux le sens.

Ce type pourrait être vendeur sans aucun problème. Peut-être qu'il l'est d'ailleurs. Il a su tellement bien me parler de ce bar. Soit il a un talent pour ça, soit il a une formation. Ou les deux. Le barman peut être fier de son client le plus régulier. Du moins, j'imagine qu'il en fait partie vu comment il a su résumer toutes les généralités du lieu pour me donner envie d'y revenir. Défi relevé ! Je termine donc mon verre avant de demander un autre.  Je bois trop trop vite et je commence déjà à atteindre la dose maximale supportée. En même temps, si je prenais plus léger je pourrais tenir plus longtemps. Cependant les cocktails ont rarement des alcools légers. Enfin pas les miens.

Lorsqu'il se penche à mon oreille pour me parler, j'ai un instant de brève méfiance. Certains ont tendance à croire qu'accepter un verre, c'est accepter de finir la nuit avec eux. Lui non. Il m'a juste glissé quelques mots sans réel sous-entendu. Je pense qu'au final c'était peut-être juste pour être sûr que j'entende ses paroles malgré le fait qu'autour de nous ce soit bruyant. À moins qu'il ait réellement une arrière-pensée et que je ne l'ai tout simplement pas comprise. Dans tous les cas, il n'a pas tenté de faire du rentre-dedans direct et c'est le plus important. Ca ne m'aurait pas tant dérangée si j'étais célibataire mais avec un mari – jaloux qui plus est – c'est le genre de chose que je préfère éviter. On se dispute déjà bien assez sans avoir besoin de rajouter une couche avec un inconnu qui me drague. C'est con parce qu'en plus il est craquant.

Nous finissons par trinquer avant que je n'entame mon troisième verre. Il faut que je me méfie, je crois que c'est à partir du cinquième ou sixième verre – parfois moins selon l'alcool – que je commence à faire n'importe quoi. À moins que ce soit déjà au quatrième... Merde. Je suis prise d'une gros doute. Puis peu de temps après que j'aie confessé tomber amoureuse de mon cocktail, un plateau de nourriture se retrouve posé devant nous. C'est de la tentation ça ! Il le fait exprès ou c'est un simple hasard ?! On ne tente pas le diable avec un plateau de charcuterie voyons ! Même si ce diable en question a déjà mangé peu de temps avant ! En plus il me propose même de me servir... Pourquoi résister à l'appel si même l'homme nous incite à piquer dans le plat ?

- J'avais déjà mangé mais si vous me prenez par les sentiments, dur de résister. Merci.

Okay. La gourmandise aura VRAIMENT ma peau un jour. Quand je pense que peu importe ce que je mange, je ne prends pas un gramme.... Lizzy me déteste pour ça d'ailleurs. Elle peut manger tout ce qu'elle veut mais elle doit se modérer un minimum, sinon elle prend trop de kilos. Alors que moi je me goinfre de tout et n'importe quoi presque à longueur de journée et....ben que dalle. Pas un kilo. Je les prends très difficilement. Alors oui, quand Ian me laisse piquer dans un plateau de charcuterie, je me vois mal refuser l'offre. De plus, manger me permet de me calmer un peu sur la boisson. Ca m'occupe.

- Ma meilleure amie me tuerait pour tout ce que j'avale. Enfin d'abord elle me traiterait de goinfre ou de puits sans fond et ensuite elle me truciderait.

Pendant que je me concentre sur le grignotage, mon verre ne bouge plus du comptoir. Je l'oublie un peu pour un truc plus intéressant. Ou plutôt deux.

- Je suis danseuse professionnelle. Mon job se fait essentiellement lors des concerts de certaines stars, pour des spectacles, des clips, etc.

Bref, le genre de métier qui a tendance à attirer les journalistes. De mon côté, je m'estime chanceuse d'avoir un peu la paix même si ce n'est pas tous les jours que ces cons me laissent tranquille. Des fois je songe à change de boulot rien que pour avoir enfin une vie privée normale.

- Et vous ? Vous êtes un vendeur à domicile, un barman ou quelque chose du genre ?

J'essaie de deviner directement son métier via l'argumentation qu'il m'a faite plus tôt. Il sait vendre les choses alors je me dis que son job a un rapport avec ça. En plus avec le charme qu'il dégage, il serait aisé pour lui de faire accepter n'importe quel achat à une personne. Ou peut-être que je suis totalement à côté de la plaque et qu'il possède juste un talent pour donner envie d'une chose.

- Oh d'ailleurs, votre petite-amie ne sera pas jalouse si elle apprend que vous m'avez payée un verre en plus de partager de la bouffe avec moi ?

À moins qu'il soit célibataire... Bouarf si je me trompe il me le dira.

Et voilà, l'homme vient de réveiller la morfale qui est en moi. C'est toujours mieux que de boire comme un trou, c'est sûr. Après ça agace souvent ceux qui veulent aussi bien manger mais qui ont tendance à vite prendre des kilos. J'ai la chance d'y échapper et de pouvoir manger à volonté sans prendre un kilo alors j'en profite souvent. La conversation part ensuite sur nos jobs respectifs et je découvre au passage que les devinettes et moi, ce n'est clairement pas une histoire d'amour. Moi qui pensais qu'il était barman, vendeur ou un autre truc de ce genre et bien je me suis lourdement trompée. Je suis même totalement à côté de la plaque. Un psychologue. C'est vrai qu'à force de discuter avec lui, j'ai la sensation que c'est plus ou moins facile de lui confier des choses. Ca doit bien l'aider dans son travail, surtout avec des adolescents. La plupart ont tendance à cacher leurs problèmes. Ils ne le font pas forcément exprès en plus. J'ai remarqué que c'est un comportement assez commun parmi les jeunes qui ont entre 15 et 18 ans. Ca doit faire partie de l'âge bête.

- Et bien vous ne devez pas manquer de boulot au moins. Vos journées doivent être plus mouvementées que celles d'un psy banal.

Non parce que les problèmes de couple, la déprime d'un homme ou d'une femme, les questions existentielles d'un patient et j'en passe, ce n'est pas ce qu'il y a de plus passionnant. Un jeune en difficulté ça laisse bien plus de possibilités à mes yeux. Les raisons sont diverses et variées, ils ont en plus les hormones qui travaillent à leur âge alors parfois ils réagissent au quart de tour même pour une broutille – quoique certains adultes sont restés bloqués sur le mode susceptibles – et la façon d'agir et de parler n'est pas la même. Et si en plus ses patients sont du même genre que ceux qui étudient à l'Institution Indarë, il doit aussi en voir de toutes les couleurs. D'ailleurs c'est peut-être là-bas qu'il bosse en fait. J'ai entendu parler de ce lieu à plusieurs reprises, je sais que les élèves présents sont des cas en tout genre. Des doués, des élèves lambdas, des « malades » qui ont besoin de soutient psychologiques ou psychiatriques et il me semble aussi des jeunes délinquants. Bref autant dire que ce serait le meilleur endroit pour quelqu'un qui cherche à avoir un boulot mouvementé.

- Je vais être directe mais vous bossez à Indarë ? Je n'ai que les ouïes dire sur cet établissement mais d'après ce que j'ai compris, c'est un lieu parfait pour les psys vu qu'ils ne risquent pas de manquer de boulot. Et vu qu'il y a des jeunes en difficulté, je me suis dite que c'était peut-être là. Ou alors vous avez votre cabinet ?

Je préfère être franche. Et en parlant de franchise, je me renseigne aussi cash sur la présence d'une éventuelle femme dans sa vie. Je ne veux pas créer de problème. Ca a le mérite de le faire rire. Soit il est célibataire, soit il est en couple mais sa petite-amie est très loin d'être jalouse. C'est possible. Ce n'est pas souvent que ça arrive mais il y a des personnes comme ça. Heureusement il n'a personne et donc pas besoin de craindre une scène de ménage.

- Tant mieux. Ca m'aurait embêtée de vous créer des problèmes. Personnellement mon petit-ami est jaloux mais je peux côtoyer du monde sans crainte ce soir. Il travaille donc quoique je fasse, je ne titillerai pas sa jalousie.

Et heureusement parce que quand je suis pompette, je me lâche un peu plus et parfois mes actions sont parfois limites. Il arrive qu'elles prêtent à confusion.

- Et bien la majorité du temps, mes contrats se font avec la chanteuse Lizzy.

Ce n'est évidemment pas son vrai nom, c'est juste l'identité qu'elle utilise en tant qu'artiste.

- Mais sinon j'ai pu avoir l'occasion de travailler avec le groupe Muse, Laurel Monroe, Space Mountain, Jacky et même avec Beyoncé. Mais honnêtement moins j'aurai de contrat avec elle, mieux je me porterai. Les chorégraphies à faire avec elle sont trop...tendancieuses à mon goût. J'ai l'impression de devoir allumer un groupe de mâles en rut.

Je cite encore quelques noms de chanteurs et groupes en tout genre ainsi que le fait qu'il m'est aussi arrivée de participer à des comédies musicales, toujours en tant que danseuse. Et même si j'ai la chance de pouvoir travailler avec des stars assez connues et d'autres qui le sont moins, je garde les pieds sur terre. La vantardise n'est pas mon truc. Et puis certains contrats sont plus des clavaires qu'autre chose selon l'artiste avec qui je dois bosser. Il y a des starlettes qui pètent déjà plus haut que leur cul, il y a ceux qui s'énervent vite quand ils n'ont pas ce qu'ils veulent, ceux qui sont trop rigides, qui ne prennent presque pas de pauses, qui sont juste insupportables, etc etc. Et pourtant en tant que professionnelle, je reste jusqu'à la fin parce que ça fait partie de mon contrat. Il faut bien gagner de l'argent pour payer les divers frais de la vie.

Je reprends encore quelques gorgées de mon cocktail, le buvant tout de même plus lentement grâce au grignotage que je peux faire à côté. Souvent quand je bois trop vite, c'est par simple ennui. Parce que j'ai besoin d'occuper mes mains. Alors quand celles-ci sont occupées à me nourrir, la nourriture prend bien souvent le dessus sur la boisson est c'est tant mieux.

- Vous voulez un autre verre ? Cette fois c'est moi qui paie.

Et je boirai toujours plus lentement. C'est juste parce que je l'aime bien et que c'est un peu ma façon à moi de le remercier pour le plateau de bouffe.

L'homme est donc psychologue et ses journées sont plutôt mouvementées. En regroupant ces deux informations ainsi que les ouïes dire que j'ai eus par-ci, par-là, je me suis faite ma petite théorie sur son lieu de travail. Indarë.Je lui pose alors directement la question et j'ai eu dans le mille. Indirectement c'est le lieu parfait pour les psychologues. Ils ne risquent pas d'être au chômage avec ce que j'ai entendu sur cet établissement. De plus il connaît très bien ce lieu vu qu'il a fait ses études là-bas d'après ses dires. Ca doit aider pour l'intégration, j'imagine. Les collègues connaissent déjà la personne pour la plupart, ils savent déjà comment il est et s'ils peuvent avoir confiance ou non.

Je me renseigne ensuite sur la probabilité qu'il soit en couple, et donc le risque qu'une femme soit jalouse, mais je suis vite rassurée. Il n'y a aucun risque. Heureusement parce que je me connais, quand je commence à être ivre je fais souvent n'importe quoi. Et mes actions sont trop souvent limites. Et lorsque le sujet est mon travail, mes réponses sont tout aussi honnêtes que celles de mon interlocuteur. Je ne sais pas s'il la connaît ou non mais je lui explique tout de même que la majorité de mon boulot est avec Lizzy. Bien sûr j'ai des contrats avec d'autres chanteurs et des groupes mais j'ai beaucoup plus d'affinités avec Lizzy puisqu'elle est ma meilleure amie. Je ne lui cache pas aussi qu'il y a une chanteuse avec qui j'ai dû mal et ma remarque à ce sujet a l'air de l'amuser. En plus ça l'a fait rire.

Tout en lui expliquant quelques anecdotes, je continue mon grignotage ainsi que le vidage de mon verre. Surtout le grignotage en fait. Puis vient le moment où je lui propose un verre. C'est rare que je paie un verre à un inconnu mais ce type me plaît bien. Il met vite à l'aise les gens et en plus, il est sympa. Et dire qu'il y a quelques temps je me serais bien plus méfiée de lui... Il faut croire que rencontrer Jagger m'a fait du bien. Il m'a permis de me rappeler que les gens ne sont pas tous des connards et que même si j'en croise et bien....tant pis. Je commande donc un autre cocktail ainsi qu'un whisky pour Ian.

- Ah ! Désolée, c'est une simple habitude mais dans ce cas vous...enfin tu peux aussi me tutoyer si tu veux.

En plus ça me donnera moins l'impression d'être une mamie. Je déteste le vouvoiement quand il est m'est adressée. J'ai l'impression de prendre 40 ans dans la tronche. Je sais que c'est une forme de politesse mais voilà, je le supporte mal. Ian finit rapidement par me sortir de mes pensées, me présentant sa carte de visite. Assez surprise sur le coup, je cligne des yeux en fixant la carte puis son propriétaire. Je rêve ou son expression est devenue plus timide ? Mais... Alors son assurance d'avant c'était du pipeau ? À moins que ce soit autre chose... Je prends donc la carte de visite tout en écoutant les paroles de l'homme. C'est...une façon de débuter une amitié ? Ca y ressemble en tout cas. Et moi qui ne parviens jamais à parler à un psy durant ses horaires de travail, le faire à un ami sera plus facile. C'est ce que je fais déjà avec Lizzy mais il y a toujours des choses que je lui cache à elle aussi.

- Je n'y manquerai pas, merci.

Maintenant que j'y pense, il est psy mais lui aussi il doit avoir envie de parler à quelqu'un de temps en temps. Je ne sais pas s'il a déjà un confident ou non mais peu importe.

- Pareil pour toi. Si tu veux parler ou te changer les idées, ou même simplement donner de tes nouvelles tu peux me contacter.

Sauf que pour ça il faut que je lui donne mon numéro. Contrairement à lui, je n'ai pas de carte de visite. En tout cas pas sur moi. Je prends donc un papier et demande un stylo au barman. Celui-ci m'en prête un peu après avoir posé nos verres devant nous. Je note ainsi mon numéro sur le papier et le donne à Ian avec un petit sourire.

- Voilà, ça sera mieux pour me contacter avec ça.

Et oui ! C'est dur de contacter une personne sans avoir ses coordonnées. Nous discutons encore un moment tout en buvant nos verres et le moment de nous quitter finit par arriver. Moi j'ai un petit-ami à rejoindre et lui, il doit avoir des obligations de son côté aussi je pense. Ou alors il en profitera pour trouver une conquête. Ou il rentrera chez lui. Bref il vaquera à ses occupations. Cependant moi je ne peux pas rester plus longtemps. Plus je tarderai, plus je prendrai le risque de trop boire. Et puis il vaut mieux que je ne rentre pas trop tard, je devrai me lever tôt demain à cause du travail. J'ai tout intérêt à être en forme.