[L'Ouragan] À l'extérieur, South London

Quand on fugué, il y a toujours des choses qu’on ne prend pas en compte. Peu importe à quel point on pense s’être préparé, une fois qu’on est dans la nature, on se rend compte que l’on est pas du tout préparé, qu’il y a plein de choses que l’on a oublié de prendre en compte, et que les choses sont bien plus compliquée qu’on ne l’a pensé de prime abord.
Et puis il y a les imprévus. Ces choses dont il aurait été impossible de se préparer, même en ayant réfléchit le plus longtemps possible à toutes les probabilités.

L’ouragan faisait définitivement partit de ces imprévus. De tous les endroits où Viktor aurait put se trouver quand il se déclara, dehors, dans les rues de Brixton, à sa merci, sans endroit où se réfugier était la pire option. Pour la première fois depuis qu’il avait décidé de quitter sa famille, il regretta sa décision. S’il avait été chez lui, il aurait put se reposer sur sa famille pour se protéger. A la place, il se retrouvait seul. Enfin, pas tout à fait, il était entouré d’inconnus tout aussi terrifiés que lui. C’était sans doute mieux que rien…
Quand l’ouragan n’avait fait que commencer, il avait reçu un sms inquiet de son père qui lui demandait s’il était en sécurité. Viktor avait hésité à répondre, tenant son portable d’une main tremblante, fixant son écran. Ca ne changerait rien, mais peut-être que cela lui donnerait au moins l’illusion d’être plus en sécurité ? Mais, avant qu’il n’ait put prendre sa décision, le mauvais temps qui allait en s’aggravant avait finit par avoir raison de son réseau.

La pluie torrentielle s’abattait sur le jeune homme déjà trempé de la tête aux pieds. Il était frigorifié et ne sentait plus ses doigts. Pourtant, il ne pouvait pas rester planté là. Il lui fallait trouver un endroit en sécurité avant que les choses ne tournent mal pour lui. L’eau avait commencé à monter au sol, et il la sentait s’infiltrer dans ses chaussures. C’était un bien faible désagrément comparé à l’ouragan, mais ce désagrément s’ajoutait à tout le reste.
Il devait trouver lieu sûr. Mais où ? Demander à quelqu’un pour se mettre à l’abri chez lui ? Soyons réaliste deux secondes. Si les rôles étaient inversés, il ne prendrait pas le risque d’ouvrir sa porte si quelqu’un venait frapper pour demander de l’aide.  Et si sa disparition avait été signalée, et qu’on le reconnaissait ? Non, c’était trop risqué.

Alors qu’il marchait, balayant les alentours du regard en réfléchissant, en cherchant où il pouvait se réfugier- une boutique peut-être ?- les lumières sautèrent brusquement. Viktor sentit les autres passants réagir autour de lui. Il cligna des yeux pour chasser l’eau qui s’attachait à ses cils en regardant autour de lui. Sans lumières, et avec le ciel couvert, il faisait beaucoup plus sombre maintenant. Quelque part, les rues semblaient plus inquiétantes. Comme si l’ouragan était ainsi devenu plus dangereux. En fait, c’était le cas. Si la tempête projetait quelque chose dans sa direction, le jeune homme aurait moins de risque de le voir, entre le manque de luminosité et la pluie battante…
Le puissant vent s’engouffrait dans ses vêtements trempés, le faisant trembler violemment de froid, et menaçant de l’arracher du sol. Progresser était de plus en plus difficile. Entre l’eau qui avait encore montée, et le vent qui soufflait de face… Il était fourbu. Il ne pouvait s’empêcher de rêver d’un lit douillet et de couettes chaudes et confortables. Ou d’un bon feu. Il se raccrochait à ces images. S’il ne fuyait pas un minimum la réalité, elle aurait raison de sa motivation. A chaque pas, il doutait trouver la force de faire le suivant. Qu’est-ce qui était le pire ? Les conditions ? Où l’incertitude ? Le fait de ne pas savoir pour combien de temps il en avait dans ce cauchemar, ou s’il en sortirait un jour ? Il serra les dents. Reprends-toi, tu sais comment faire pour survivre. Reste déterminé !

Mais trouver un abri semblait être une quête désespérée.  La visibilité était quasi nulle, il avait l’impression de faire du surplace, et son corps fatiguait. L’eau continuait à monter non ? Viktor ne pouvait estimer sa hauteur que par la sensation de l’onde gelée sur ses jambes, mais elle était bien trop haute à son goût. Combien de temps allait-elle continuer à monter comme ça ? S’il ne trouvait pas un abri rapidement… Il ne pouvait même plus frapper aux portes en espérant que quelqu’un soit assez fou pour lui ouvrir. Personne n’ouvrirait avec le niveau actuel de l’eau.
Il faut que je trouve un moyen de m’en sortir, je ne peux pas continuer comme ça. D’abord, sortir de l’eau. S’il restait là, à s’épuiser dans les flots glacés qui semblaient ne pas vouloir cesser de monter, il ne s’en sortirait pas. Une bourrasque de vent manqua de le faire tomber et il lutta avec l’énergie du désespoir pour tenir sur ses jambes.
Soudain, il cru percevoir une voix. Il redressa la tête, essayant de discerner quelque chose à travers l’ouragan. Là, une silhouette s’agitait, comme si elle lui faisait signe. La voix retentie à nouveau :

« Par ici !

Le jeune homme cligna des yeux, incrédule. Il y avait donc vraiment des gens assez fou pour se soucier des autres dans cet enfer ? Soucis toi de ta propre sécurité, tu veux crever ou quoi ? Mais il n’allait pas se plaindre si cette personne était insensée. C’était peut-être sa seule chance de survie, tant pis si c’était au dépend d’un autre, il la saisirait. Il le rejoint péniblement et réalisa que la personne avait ouvert la fenêtre d’un rez-de-chaussée pour l’appeler.

- Vous ne pouvez pas rester dehors, venez.

Viktor ne se fit pas prier. Avec l’aide de l’inconnu, il se hissa à l’intérieur par la fenêtre avant de se laisser tomber au sol, complètement exténué et tremblant de tous ses membres. Il entendit la personne qui l’avait sauvé lutter pour refermer la fenêtre. Dehors, l’ouragan faisait rage, comme s’il essayait d’emporter chacun des murs de la ville avec lui. Le jeune homme frissonna d’horreur à cette idée. Etait-il assez puissant pour détruire son abri fraichement trouvé ? Il ferma les yeux. Il n’avait plus la force de s’en inquiéter de toute façon. Pour l’instant, il était en sécurité, au sec, au chaud. Même si lui était encore trempé et gelé et terrifié. Il resta ainsi, assis au sol, écoutant le bruit de la tempête, conscient que la personne qui l’avait sauvé lui parlait, mais n’y prêtant pas vraiment attention. Il restait attentif au moindre signe de danger. Attendre ici que le temps passe n’était pas si mal…


Viktor ne saurait dire ce qui le réveilla. Probablement le son de la tempête dehors. Il ne s’était même pas rendu compte qu’il s’était assoupi. Il en avait probablement besoin de toute façon après le temps qu’il avait passé à patauger dans l’eau, bravant le souffle du vent. A présent, il se sentait nettement mieux, mais il avait mal partout. Tant mieux, ça prouve que je suis bien vivant. Son refuge avait tenu jusqu’ici, c’était plutôt positif. Peut-être qu’il tiendrait jusqu’à la fin de la tempête tout compte fait ? Le jeune homme sortit son portable, songeant à vérifier s’il avait retrouvé du réseau, mais il se ravisa. Il était en sécurité maintenant, il n’avait plus besoin de contacter son père. Et puis, son téléphone devait avoir prit l’eau pendant qu’il était dehors, mieux valait ne pas le solliciter tant qu’il n’avait pas séché s’il ne voulait pas le perdre. Il ne pouvait pas se permettre de le perdre, ou il serait incapable de s’en racheter un nouveau. Et il en avait besoin. Le rescapé rangea donc son mobile dans sa poche avant de se lever pour regarder par la fenêtre. S’il n’avait pas été sauvé, il serait probablement mort d’épuisement et de froid à lutter dehors. Il avait eu beaucoup de chance. Mais il fallait qu’il trouve un moyen de se préparer à toute éventualité à l’avenir, pour ne pas se retrouver seul, et prit au dépourvu.