Stupide tempête. Elle nous a mis le réseau hors service, divers objets valdinguent dans tous les sens et s'écrasent parfois contre les murs, les vitres, les portes, et même les gens. Et personne n'a pu s'y préparer tout ça parce que les annonceurs de la météo ont été aussi efficaces qu'un con qui essaie d'apprendre à nager à un caillou. Après vingt longues minutes à patienter à l'abri, j'ai décidé de sortir. C'est 16h50, la tempête est plus violente encore mais ça n'a pas suffi à me dissuader. Je veux retrouver Jagger. J'ai déjà perdu un enfant, je ne veux pas perdre en plus l'homme que j'aime. Je m'inquiète aussi pour mes grands-parents mais moins. Ils ont déjà dû avoir affaire à ce genre de temps dans leur jeunesse, il doivent savoir comment gérer la chose et se protéger. J'irai quand même les voir dès que possible. Même s'ils savent gérer les imprévus mieux que la génération actuelle, il n'en reste pas moins qu'ils sont âgés et qu'ils n'ont plus les mêmes temps de réaction que dans leur jeunesse.

Je rase les murs en observant les ravages de l'ouragan. Des fois j'ai même l'impression que je pourrais m'envoler. Je suis même sûre que ce serait déjà le cas si j'étais encore plus légère que je ne le suis déjà. Ce serait à la fois cool et flippant. Je pourrais me prendre pour un cerf-volant mais avec un gros risque de finir en crêpe contre un mur. Ou au sol. Ou de passer à travers une vitre et devenir un hérisson. Autant la première partie peut être géniale à vivre, autant la suite l'est beaucoup moins. Je n'ai pas vraiment prévu de faire ce genre de rencontre douloureuse. Remarque, subir une tempête n'était pas prévu non plus...

Sur ma route, je croise quelques personnes qui ont elles aussi été assez folles pour sortir et affronter les bourrasques de vent. Quelque part ce n'est pas rassurant de voir que je ne suis pas la seule à être assez stupide pour faire un truc pareil. Ca prouve à quel point l'être humain est illogique et extrêmement con. Et on prétend être une espèce supérieure... Mouais... Supérieure en conneries diverses, ça c'est sûr. Ouais je pense à des trucs idiots et inutiles mais au moins ça m'empêche de me focaliser sur les scènes morbides qui traversent mon esprit.

Je regarde l'heure sur mon téléphone. 17h. Seulement dix minutes que j'erre dans les rues. J'ai l'impression de ne pas avancer. Finalement j'aurais peut-être dû être plus débile et prendre une voiture. La route aurait peut-être été plus rapide. Ou j'aurais fini aplatie dans le véhicule. Pour aller chez moi, j'ai une bonne marche à faire. Quelle idée d'avoir déménagé dans un lieu qui est à des kilomètres... Ca m'apprendra à faire des compromis à la con. Quoique je crois que je bosse quand même plus proche de la maison que Jagger. L'appartement est dans le nord de la ville, je bosse à l'ouest et lui au sud. Il manque plus qu'on ait un colocataire et que celui-ci travaille à l'est. Ca serait drôle. Une invasion des quatre coins de Londres.

17h05. Je serais une mamie avec un déambulateur que ça serait pareil. Je n'avance pas du tout. Tout ce que j'arrive réellement à faire, c'est profiter du paysage et des ses nombreux projectiles lancés dans tous les sens. Des gros, des petits, des dangereux et des moins dangereux. Il y a même du lourd même si pour ceux-ci, le voyage est quand même moins violent. Ca montre à quel point le vent est fort.

À 17h20, je finis par passer devant la maison de ma meilleure amie et celle-ci ne se fait pas prier pour m'embarquer à l'intérieur de chez elle lorsqu'elle me voit. Et j'ai aussi le droit à la morale parce que je rôde dehors alors qu'il y a du danger. Je voulais juste retrouver Jagger mais Lizzy m'a bien fait comprendre qu'elle ne me laisserait plus sortir, quitte à me ligoter. Et lorsqu'elle me fait ce genre de menace, j'obéis. Je sais qu'elle est parfaitement capable de les mettre à exécution. Je reste donc avec ma meilleure amie à espérer que la tempête passe vite et que Jagger ainsi que mes grands-parents aillent bien.