Just the two of us [Rp Solo]

10 Octobre
2021

Just the two of us

Alix Scarønson
Rp Solo

Alix ferma les yeux en se massant les tempes. L'expérience sur laquelle il travaillait depuis presque deux heures lui posait problème, et il n'arrivait pas à se la sortir de la tête. Quelque chose clochait dans ses mélanges, il n'obtenait pas les résultats qu'il cherchait, c'était comme si tout ce qu'il avait élaboré ces dernières semaines était faux. Avec un soupir, il retira ses lunettes de protection et éteignit tous les appareils avant de s'affaler dans une chaise avec son carnet. Il y avait quelque chose de faux dans ses calculs. Mais il avait beau relire ses notes, il n'arrivait pas à trouver ce que c'était.

Il parcourut ses notes pendant une bonne demi-heure avant de renoncer. À qui voulait-il faire croire ça ? Il se perdait corps et âme dans son travail parce qu'il n'avait pas de nouvelles d'Hannah. Elle était partie ce matin pour un check-up psy et elle était là-bas depuis presque trois heures, maintenant. Pas de téléphone pendant les séances, lui avait-elle dit. D'accord, peut-être, mais ce n'était pas une raison pour l'oublier dans leur chambre. Il renversa la tête en arrière avec un soupir. Au moins, ses médicaments empêchaient son angoisse de devenir nettement plus grave qu'un stress sous-jacent. Il avait déjà dû faire une pause un peu plus tôt parce que son esprit avait temporairement bugué. Un clin d'œil, et il s'était passé deux minutes : un coup à foutre le feu à toute l'université.

Il grogna en se relevant. Ça ne lui apporterait rien. À quoi bon essayer de faire quelque chose de constructif ? il était trop préoccupé pour réfléchir posément. Agacé, Alix entreprit de nettoyer et de ranger tout le matériel, sans réussir à empêcher ses pensées de tourner. Médée n'était plus là. C'était ce qu'avait dit Hannah. La voix qu'elle avait entendu quasiment toute sa vie, celle qui s'était détachée au point de devenir une personnalité distincte, avait... disparu. Elle s'était effacée un peu plus jour après jour jusqu'à la veille, ou elle avait juste cessé d'être là, dans un coin de sa tête, cessé de répondre. Et c'était inquiétant, parce que ce n'était pas normal. Avec assez de recherche, Alix avait fini par comprendre que la maladie d'Hannah ne relevait pas de la simple schizophrénie, sans être un TDI pour autant. Mais c'était comme son épilepsie : ce n'était pas censé pouvoir se guérir. Ils avaient accepté le fait d'être trois, quand bien même deux d'entre eux se trouvaient dans le même corps, et c'était une dynamique à laquelle il s'était habituée depuis qu'il avait véritablement commencé à dissocier ces deux parts d'elle. Sa disparition était-elle une évolution de sa maladie ? ou, au contraire, une régression ? Est-ce que tous les soins, toutes les thérapies, avaient fini par renvoyer Médée au rang de simple voix diffuse, comme avant les événements qui l'avaient fait apparaître ? ou était-elle juste partie temporairement, comme l'avait fait Hannah à une époque ?

Alix récupéra ses affaires et quitta le laboratoire pour retourner dans sa chambre. Il n'avait rien d'autre à faire que d'attendre le retour d'Hannah. Quelqu'un dont c'était le métier, un professionnel, trouverait sûrement les réponses dont ni lui ni elle ne disposait. Alors il s'installa sur son lit en se balançant doucement de droite à gauche, cherchant à échapper aux pensées qui le troublaient. Jusqu'à ce que, enfin, le bruit du bip de la carte d'Hannah retentisse à la porte, et que le battant s'ouvre sur elle. Il bondit sur ses pieds.

- Alors ?

La jeune femme lui retourna un regard vide, totalement perdue. Elle ouvrit la bouche, la referma, sembla hésiter puis, finalement, elle prit la parole.

- Elle ne reviendra pas.

Ils auraient sûrement dû s'en réjouir, c'était signe que ses symptômes s'apaisaient et que la dissociation de sa schizophrénie s'était apaisée et ne se développerait pas en trouble plus grave, mais ils ne purent que rester silencieux. Médée avait toujours été là, depuis leur rencontre, depuis bien plus longtemps pour Hannah. Elle l'avait entendue tout ce temps, dans ses pensées, dans ses rêves, dans son quotidien. Et maintenant, plus rien. Il voulut demander pourquoi, il n'en trouva pas la force. peut-être que la dissociation s'était vraiment soignée. Peut-être que Médée s'était isolée dans son coin pour donner l'illusion d'avoir disparu et laisser à Hannah l'occasion de vivre une vie normale. Tristement, c'était le genre de choses qui lui ressemblait bien. Mais ils s'étaient habitués à vivre tous les trois. Pourquoi maintenant ?

Plutôt que de poser des questions, il vint passer ses bras autour d'Hannah et elle se lova contre lui, fermant les yeux jusqu'à ce que la pression soit trop forte pour l'un comme pour l'autre. Il la sentit tressaillir sous le coup d'un sanglot au moment où ses propres yeux se remplissaient de larmes, et il raffermit son étreinte. Ils n'étaient pas censés être deux. C'était injuste. Ils ne seraient jamais arrivés là sans Médée, elle ne pouvait pas décider de disparaître.
Et pourtant, elle l'avait fait.

- Qu'est-ce que je vais faire sans elle...
- Je suis là. Je resterai là, avec toi...

Jamais il ne l'abandonnerait. Encore moins maintenant qu'avant. Comment aurait-il pu ? Elle était ce qui donnait un sens à sa vie, la seule qui l'avait empêché de sombrer à nouveau dans ses addictions, l'unique chose qui le faisait tenir quand il ne pouvait pas se perdre dans un labo.

- Pour toujours.
- On dirait une demande en mariage.

Elle rigola doucement et il sourit, enfouissant son visage dans ses cheveux.

- Pourquoi pas, après tout.

Hannah se crispa, releva lentement la tête, chercha son regard. Il ne broncha pas. Ça lui avait déjà traversé l'esprit plusieurs fois, mais il ne cessait de se répéter qu'ils étaient trop jeunes. Mais qu'importait l'âge ? Ce n'était pas comme s'il avait l'intention de la perdre encore une fois. Qu'ils le fasse maintenant ou dans dix ans, ça ne changerait rien.

- Tu... T'es sérieux ?
- Je suis toujours sérieux, Hannah. C'est à ça qu'on me reconnaît.

Elle haussa un sourcil, signifiant de façon bien trop claire qu'elle n'était pas du tout d'accord avec cette affirmation, mais elle finit par revenir se blottir contre lui, pensive. Le silence qui s'installa fut tellement long qu'il crut presque qu'elle ne le prenait pas au sérieux et qu'elle ne lui répondrait pas. Puis sa voix s'éleva dans un chuchotement, le petit chuchotement timide qui lui était réservé et que personne d'autre que lui n'entendait jamais.

- D'accord.

Le silence s'étira à nouveau, puis elle pouffa.

- T'es vraiment pas romantique.
- Comme si ça te dérangeait !

Elle éclata de rire et il ne tarda pas à l'imiter. Ils savaient aussi bien que l'autre qu'il était capable de l'être, au vu de leur histoire, mais les traditions n'avaient jamais été son truc. Elle devait se douter que jamais il ne serait allé mettre un genou à terre dans tout un tas de fioritures. Mais elle n'aimait pas ça, de toute façon.
Pragmatique et naturel, ça leur ressemblait bien plus.