[SOLO] Purge the poison

Vivre dans le passé... un défaut qui comble mes nuits de cauchemars et transforme mes journées en une véritable salle d'attente en direction des enfers. Chaque jour semble se ressembler sans pour autant être identique, chaque nouvelle sensation donne cette horrible impression de ne pas être aussi savoureuse que les précédentes, que celles vécues durant ma jeunesse sans qu'il n'y ait pas un seul instant où je finis par me retrouver en tête-à-tête avec moi-même et mon passé, ne me permettant ainsi plus d'arrêter de penser. Quelle jeunesse, me diriez-vous ? "Bah, tu as encore la vie devant toi !", me diraient les ainés et pourtant, j'ai l'impression qu'elle me l'a été arrachée dès mon plus jeune âge. Il y a le Canada, bien évidemment, qui a marqué un tournant bordélique dans ce que je croyais être un cadeau tombé du ciel, mais qui s'avère désormais être le plus lourd des fardeaux avec lequel je dois me battre quotidiennement pour ne pas simplement me laisser tomber, me laisser dépérir, perdre mon souffle ou me vider de mon sang. C'est tellement plus facile de se donner la mort plutôt que de vivre. Je divague encore, comme à mon habitude. En même temps, il y a tellement de choses à dire, tant de sujets à explorer, un nombre incalculable de problématiques à exploiter ou à résoudre. Je veux me battre et à la fois... je n'en ai plus envie. Personne ne connaît ma véritable personnalité, mon véritable moi qui geint un peu plus chaque jour dans un coin de ma tête, me priant de le laisser sortir. Ça fait combien de temps qu'il n'a pas eu cette chance d'admirer le monde de ses propres yeux ? Boh, quelques années, tout au plus. Non, ce que je voulais dire, c'était que... lui seul en a été témoin. Lui seul a été l'heureux élu à qui j'ai confié, en plus de mon cœur, le coffre dont il fut détenteur de la clé.

Tiens, tant que j'y pense avant d'encore me laisser submerger par émotions, souvenirs et digressions ; c'est bien une première pour moi de coucher sur papier ce que je ressens sur le moment. Je ne sais même pas pourquoi je me sers de mon bloc à croquis pour rédiger une sorte de journal intime à deux balles, mal écrit et trop spontané pour avoir le moindre sens logique. Mais peu importe, j'ai comme étrange sensation de me sentir libéré d'un poids à mesure que l'encre coule et que les lignes défilent devant mes yeux ébahis par cet élan de... livraison pour le moins surprenante. Je ne sais même pas si Roxanna connaît le quart de ce qui s'y trouvera. Peu importe. Vaut mieux pas.

A mesure que les feuilles se remplissent de chaque côté et s'empilent les unes sur les autres sans réellement prêter la moindre attention à leur agencement, les allusions à mon premier et seul petit copain s'enchaînent et en viennent à s'intensifier. Je marque une pause, arrêté par une soudaine hésitation quant à me volonté d'aller plus loin encore dans le passé et dans les souvenirs, ne sachant plus si j'ai réellement envie d'évoquer cette personne de manière générale. Et puis... je ferme les yeux, relâchant mon stylo plume qui roule doucement sur le grain épais de la feuille de papier que je caresse longuement du bout des doigts tandis que je me revois quelques années plus tôt, dans ce gymnase où tant de choses se sont confirmées. Puis, soudainement... il est là, devant moi... s'assurant de bien garder ma main contre son torse, juste en-dessous de l'un de ses pectoraux nu et saillant. Il me sourit. Je le lui rends. Mon inspiration se fait plus pressante et alors que je commence à laisser mes ongles lui arracher quelques frissons, c'est le sursaut amené par le bruit soudain d'un livre tombé à même le sol qui me sort de mon imagination. Les yeux humidifiés par l'émotion intense ayant été ressentie, je semble être resté en apnée durant ce petit égarement qui me vaut un relâché de souffle suivi d'une grande inspiration, passant le dos de ma main sous mes yeux transpirant le chamboulement venant d'être vécu.

Par un réflexe presque enfantin, je m'assure qu'aucune personne n'a été témoin de cet égarement... indescriptible. Les mains tremblantes, je me recroqueville de l'intérieur, refermant immédiatement le couvercle de cette boîte s'étant ouverte d'elle-même, m'assurant qu'elle ne me refasse plus le même coup sans que je lui aie personnellement donné l'autorisation de le faire. Incertain, hébété, mais avant tout secoué par les émotions, je ramasse tout mon bordel dans la précipitation, prenant néanmoins le temps de marquer un titre à ce qui ressemble être la naissance d'un nouveau chapitre. L'écriture est vague, honteuse, mais je n'ai même pas besoin d'être capable de me relire pour comprendre de quoi il s'agit. J'embarque mes feuilles que je cache à l'arrière de mon bloc avant de l'enfourner dans mon sac, de me lever de ma chaise, laissant les pieds grincer sur le sol. Inutile de prendre la peine de la remettre en place. De toute façon, l'idée ne m'a traversé l'esprit qu'une fois sorti de la bibliothèque. Autant dire que c'était déjà trop tard.

Là, actuellement, j'ai besoin d'une clope, rien de plus.