Jaden Fawkes

La toute première chose dont je me souviens, c’est une mélodie. Jouée au piano, douce, rassurante et joyeuse. Sara, ma sœur jumelle me la jouait constamment, quand je me sentais seul et triste. Elle m’a toujours aidée et est toujours là pour moi. C’est la sœur parfaite. Elle a de longs cheveux noir corbeau et des yeux en amande, foncés. Physiquement, c’est mon sosie féminin.
Mes parents ne s’occupaient pas beaucoup de nous. Ils nous aimaient, mais n’étaient jamais vraiment là pour nous. C’est pour cela que je suis toujours resté proche de Sara. Nous étions fusionnels et ne nous quittions presque jamais.

Plus les années passaient, et plus mes souvenirs commençaient à s’embrouiller. Je commençais à me faire harceler par des voix dans ma tête, venant de nulle part. Certaines me chuchotaient des mots sans aucun sens, d’autres me chantaient des berceuses, et d’autres encore me criaient que je ne servais à rien et que je ferais mieux de mourir. Je ne voulais pas en parler à mes parents, de toute façon ils ne m’auraient pas cru et m’auraient envoyé balader comme d’habitude. Cependant, j’en parlais continuellement à Sara. Elle essayait de m’aider, de rentrer dans mon esprit pour purifier mon âme, me disait-elle. Et parfois, cela fonctionnait.

A l’école, on me mit dans la même classe que ma sœur, à ma grande joie. Je ne restais qu’avec elle, et personne d’autre. D’ailleurs, les autres élèves n’arrêtaient pas de me regarder, comme si j’étais un extraterrestre venu d’ailleurs. Personne ne m’approchait, comme s’ils avaient tous peur de moi. Et les voix en moi me criaient qu’ils ne valaient rien, que j’étais supérieur à eux de toute façon. Quand j’en parlais à Sara, elle me disait de ne pas y faire attention.

A mes 13 ans, au collège, tout a changé. Les élèves les plus âgés commençaient à me faire peur. Ils s’approchaient de moi comme s’ils voulaient me faire du mal. Ils me traitaient de monstre, de fou, et je ne comprenais pas la raison de cet harcèlement. D’autres me regardaient comme si j’étais possédé. Un jour, je fus convoqué dans le bureau du proviseur. Sara voulu m’y accompagner pour que je me sente mieux. Le proviseur m’accueilli gentiment.

« Bonjour Jaden. C’est bien d’être venu me voir. Je voulais te parler de quelque chose qui me tracasse, et qui tracasse surtout tes camarades de classe. Te sens-tu bien dans ta peau, Jaden ? »

Je ne comprenais rien à ce que cet homme me voulait. Je jetais des regards perdus à Sara, assise non loin de moi, qui me regardait en haussant les épaules.

« Oui… Oui tout va bien… C’est juste que… » Je voyais le proviseur me regarder avec un regard insistant, m’encourageant à continuer. « Il y a des élèves qui me font peur, et qui me veulent du mal, des fois… »

Je me demandais bien comment personne n’avait pu le remarquer. Mais l’adulte ne semblait pas être au courant de mes problèmes.

« Oh… Je ne savais pas. Pourrais-tu me donner des noms ? »

J’hochais la tête négativement. Je ne connaissais pas la plupart des personnes de ma classe, impossible de retrouver les noms de mes harceleurs. Le directeur me regardait d’un air suspicieux.

« Ecoute, je te vois parfois crier alors qu’il n’y a personne autour de toi. On pourrait croire que tu hurles contre des fantômes que seul toi peut voir… Tu as constamment l’air de parler tout seul, et d’éviter tout le monde. »

Cet homme commençait à vraiment me faire peur. En plus de cela, il disait des choses insensées. Jamais je n’étais seul, Sara était toujours à mes côtés ! Je m’empressais alors de lui dire.
Sa réaction me glaça le sang et une grande peur infiltra tous mes muscles.

« Mais qui est Sara ? »

Je le regardais lui, puis Sara, qui ne bougeait pas sur sa chaise. J’étais complètement perdu et tout mon corps commençait à trembler. C’en était assez, cet homme racontait n’importe quoi. Je me levai tellement brutalement que la chaise tomba en arrière.

« Arrêtez de vous foutre de moi ! Vous ne dites que des choses qui n’ont aucun sens depuis tout à l’heure ! Je vous dis que je me fais harceler et votre seule réaction est de me dire que je parle tout seul ??! Et c’est quoi ça, « qui est Sara » ?? C’est ma sœur jumelle, Sara Fawkes, elle est en classe avec moi et je suis constamment avec elle ! Elle est là, juste là ! » Je me tournais vers elle, et ne voyant aucune manifestation de sa part, je m’adressais à elle. « Mais dis quelque chose enfin !! Il me prend pour un fou et toi tu bouges pas ?! »

Je n’en pouvais plus, tous mes membres tremblaient, ma respiration devenait haletante, et les larmes me montaient aux yeux. L’homme s’approcha de moi, tout doucement, et me pris le bras. Il tentait de me rassurer, en vain. Je voyais pourtant dans ses yeux une grande inquiétude. Il avait eu peur, et je ne savais pas pourquoi.

Quelques jours plus tard, mes parents prirent rendez-vous avec un psychiatre. Ils avaient reçu un appel du proviseur de mon lycée, mais je n’avais pas pu écouter leur conversation. Je ne comprenais plus rien. Ma vie n’avait plus aucun sens depuis maintenant plusieurs jours. Le docteur me posait des questions bizarres et qui n’avaient aucun lien entre elles selon moi. Puis il me demandait de lui parler de Sara. Je trouvais cela très étrange car elle se trouvait à mes côtés. Pourquoi ne pas les lui poser directement à elle ?
A la fin de la séance, il me fit une ordonnance et me prescrit plusieurs médicaments. Je ne me sentais pourtant pas malade.

Je ne ressentais pas les effets des médicaments au début. Puis plus le temps passait, plus des choses étranges se passaient. Par exemple, je regardais des photos de famille accrochées au mur, et Sara me paressait de plus en plus floue, comme si elle disparaissait. Elle restait de moins en moins avec moi, et je ne comprenais pas pourquoi. Un jour elle me glissa dans les mains un petit carnet, avec un sourire mesquin collé au visage. C’était bizarre, ce comportement ne lui ressemblait pas. Le carnet qu’elle me donna était en fait le livret de famille des Fawkes. Je lui lançai un regard incrédule.

« Ouvre, chéri. Et tu comprendras tout maintenant. » Je fis ce qu’elle me dit et l’ouvrit. Je restai bouche bée devant ce que je voyais.

Famille Fawkes : Père – Léo Fawkes. Mère – Fiona Fawkes. Fils unique – Jaden Fawkes.

Il y avait erreur. Je ne comprenais rien à rien. Pourquoi Sara n’était-elle pas indiquée sur ce fichu arbre généalogique ?

« Explique moi Sara, je … Je comprends pas… »

Elle me regarda en riant.

« Mon pauvre Jay ! Tout ce que tu dois comprendre c’est que… Tu es fou !! JAAAAAY EST FOU ! IL EST FOU ! Mon cœur, t’es tellement fou que t’as réussi à t’inventer depuis ta naissance une sœur jumelle !! Et pourquoi ?? Parce que tu es seul, tu n’es qu’un bon à rien. SEEEEUL ! PERSONNE NE T’AIME JAAAAAY ! »

Ses cris s’intensifiaient, tout comme mes larmes, qui ne s’arrêtaient plus. Je ne pleurais même plus, je criais, j’hurlais à la mort. Mais que m’avaient-ils dont fait ? Qu’avaient-ils fait à ma précieuse sœur ? Pourquoi disait-elle des choses aussi ignobles ? Je l’aurai inventée de toute pièce ?? Mais pour quoi faire ?
En m’entendant hurler, ma mère entra et essaya en vain de me calmer. Elle avait ma boîte de médicaments dans les mains. Soudain, je compris. Tout était de leur faute. Ils m’avaient emmené voir un docteur qui m’avait donné des médicaments, et ceux-ci avaient complétement déraillé mon cerveau. Je criais alors tout ce que j’avais sur le cœur, alors que ma mère me répondait calmement.

« Jaden, écoute-moi. Calme-toi. Il faut que tu vois la vérité en face. Ces médicaments vont t’aider. Tu es malade Jaden. Regarde-toi… Dans quel état tu te mets… Tu as des hallucinations, il faut que cela cesse… Tu t’inventes une sœur, et maintenant des personnes qui s’en prennent à toi tous les jours. Jaden, calme-toi, s’il te plait. »
Elle continua comme ceci jusqu’à temps que je décide à enfin me calmer.

A mes 14 ans, on m’inscrit dans le programme de réhabilitation psychologique à l’Institution Indarëë. Sara vient quelques fois me voir, mais de moins en moins. Elle a cependant acquis une certaine compétence : celle de me parler à travers mes pensées. Elle est constamment avec moi dans ma tête. C’est un peu perturbant et gênant parfois, mais je m’y fais.