[2020 - 2021] Un long chemin vers le nord

Un long chemin vers le nord

Seul le son de l'eau du robinet, qui goute dans la baignoire déjà remplie dans sa totalité, ainsi que celui d'une aspiration reconnaissable à celle d'une cigarette se font entendre dans la salle de bain. Enfin, de manière un peu plus globale, chaque mouvement émis par mes soins, détendu dans la large baignoire taillée sur mesure, fait office de son ou de bruitage au sein de cette immense pièce prête à faire résonner le moindre détail sujet à être entendu.

Il est assez tôt, peut-être 7h30, mais cette fois-ci, aucun rendez-vous ayant une relation de près ou de loin avec ma carrière n'est attendu. Pourtant, cette préparation matinale est tout aussi importante à mes yeux puisqu'il s'agit de celle précédant une activité à laquelle je me suis engagé en compagnie de Nick. Une sorte de jeu, un peu comme celui ayant eu lieu à la Saint-Valentin, il y a de cela un peu moins d'un an. Seulement, ici, le thème semble totalement différent étant-donné qu'on s'apparente plus à la fête de l'épouvante qu'à celle célébrant les amoureux. Et en plus de ça, je ne suis pas seul. Du moins, je ne suis plus seul.

Initialement peu friand des films d'horreur ou de ce qui a attrait à la peur et aux craintes, de manière générale, le fait que ma moitié soit à mes côtés rend la chose moins effrayante et plus accessible pour mon côté très peureux. Et puis, tant que ça me permet de passer du bon temps avec lui, rien n'est trop extrême pour m'empêcher de partager des moments ensemble, quitte à ce que cela se fasse quelque peu dans l'angoisse prévue par un jeu organisé.

Le regard perdu et fixant un point que moi-même je ne pourrais décrire, je me laisse barboter dans cette eau que j'ai faite couler plusieurs minutes avant d'y pénétrer dans un but secondaire à celui de me laver : me détendre. Et pour ça, rien de mieux qu'un bon bain chaud et mousseux qui m'enveloppe dans son étreinte chaleureuse et semblable à du coton, me permettant de complètement me relaxer avant d'affronter... tout ça. Et pour accélérer le tout, je m'octroie comme petit coup de pouce la consommation d'une cigarette légèrement améliorée. Quelques aspirations suffisent, étant donné que je ne souhaite pas réellement me retrouver dans un état second au sein duquel je ne serais potentiellement plus maître de mes actions, de mes paroles ou de mes pensées. J'ai déjà assez donné avec ce genre de dépendances et je ne souhaite pas retombez dans l'une ou l'autre bien que je me doive d'admettre que son utilisation s'est faite de plus en plus régulière à mesure que la reprise en main de ma carrière s'est faite.

Mes parents n'en savent rien. Mon producteur n'en sait rien. Nick ne doit pas l'apprendre. Il faut dire que depuis que nos vies se sont à nouveau entremêlées l'une et à l'autre, je n'ai pas trouvé le temps, les mots, mais surtout le courage de lui avouer que j'avais, en plus d'avoir craqué un certain nombre de fois pour quelques verres ou bouteilles, trouvé un substitut à mon passé d'alcoolique dans la drogue. Certes, pas à grande échelle, mais suffisamment pour que j'en consomme presque systématiquement à chaque fois que je dois me rendre quelque part, et à plus ou moins forte dose selon le stress que cette sortie me procure. Alors, forcément, pour contrebalancer le poids qui en découle, un relaxant plus ou moins puissant doit être ingéré, sinon je n'ose même pas imaginer comment je pourrais me sentir.

J'apporte alors mon destructeur d'angoisses à mes lèvres, plusieurs fois, assez pour que je me sente quelque peu planer. Quoi qu'il en soit, nous avons au moins, quoi... une dizaine d'heures à tuer dans la voiture ? Donc, d'ici-là, les effets se seront quelque peu dissipés, n'est-ce-pas ? J'avoue ne pas trop m'y connaître sur le sujet. On va dire que je n'ai pas à réellement me pencher sur le sujet, tant que les quantités restent raisonnables. Et avec Nick dans les parages, qui risque de débarquer à tout moment, il est fort peu probable que je me laisse aller jusqu'à là. Je ne voudrais pas lui imposer un second plongeon dans les tourments de la dépendance.

Une grande inspiration, je me positionne un peu mieux, parfaitement adossé contre l'un des coins de la baignoire et voilà qu'en fermant les yeux, je laisse la fumée s'échapper de mes lèvres. Petit à petit, le visage triste et gorgé d'angoisses se détend et en retrouverait presque l'expression qui, il y a maintenant quelques temps, étant naturellement peinte sur mes traits.

Durant quelques longues minutes, je profite de cet état de pseudo-ivresse qui m'emporte et me permet de presque totalement retirer les poids que je me traine quotidiennement concernant à peu près trop d'aspects de ma vie, qu'ils soient présents, passés ou futurs. Après quoi, je me redresse, décidé à en finir avec ce bain étant donné qu'à plus ou moins 9h, je dois être chez Nick pour le grand départ et il n'est pas question d'être en retard. J'humidifie donc le bout de mon joint allumé dans un petit récipient à peine mouillé, pour en conserver le reste et procède réellement au lavage de mon corps et de mes cheveux.

Peu de temps après, je m'extrais de ce petit nid d'amour devenu tiède, enroulant ma serviette autour de ma taille, essorant mes cheveux au-dessus de la baignoire désormais en train de se vider alors que le bouchon vient d'être retiré. Par un réflexe que je m'oblige à avoir en permanence, la première chose que je fais une fois en serviette et sorti de là, c'est d'ouvrir grand la fenêtre dans un espoir que l'odeur faisant référence à ma consommation secrète se fasse la malle. Ça serait vraiment con de se faire prendre dû à l'oubli d'un détail aussi important.

Ensuite, je me démêle les cheveux, je me brosse les dents et me sèche le corps avant de passer à l'étape cruciale du choix des vêtements. Pas question d'y aller habillé comme un sac en prétextant que je ne suis plus devant les caméras puisque ça serait le meilleur moyen pour moi de me flinguer auprès des paparazzis qui, de toute façon, sont déjà tous prêts à m'attendre au tournant. La plupart d'entre eux savent déjà où je me rends aujourd'hui, pas la peine d'essayer d'espérer. Il faut donc que je m'apprête comme si je me rends à un endroit officiel en y retirant néanmoins strass et paillettes. Je n'ai pas le droit à l'erreur et je n'ai pas non plus la possibilité de me présenter en étant négligé, ce qui signifie "en étant naturel" dans le langage paparazzi du monde du show-business.

Je me dirige donc vers mon dressing et opte pour des pièces plutôt discrètes, dans lesquelles je me sentirai à l'aise tout en restant assez chic afin d'éviter de faire la couverture du fashion faux pas le lendemain matin. Un t-shirt blanc assez simple, un jeans foncé et un foulard de couleur automnale en termes d'accessoires. J'embarque aussi une sorte de long gilet brun au cas où il ferait plus froid que prévu, surtout que nous allons certainement être dehors, tard le soir. J'accompagnerai le tout de baskets suivant la palette de couleur utilisé, mais avant ça, il faut que je me sèche et que je me coiffe les cheveux.

Tout en passant d'une pièce à l'autre, je ne peux m'empêcher de chantonner et, par la même occasion, de remarquer, mais surtout de ressentir, que ma voix est décidément plus rauque que d'habitude, surtout en cette période où les températures vont commencer à chuter. J'essaye de ne pas trop y penser, mais cette sensation de dérangement granuleux et continu dans ma gorge, le tout provoqué par les nodules présentent sur mes cordes vocales, constituent parfois une souffrance et une source de stress dont je me passerais volontiers. D'accord, ça donne son charme, mais ce que les personnes ignorent peut-être, c'est que ça me bloque dans mes capacités vocales ou, pire, ça pourrait un jour entièrement m'empêcher de chanter et ça, ça serait le plus horrible de mes cauchemars. Sans la musique, je ne suis rien. Sans elle, je ne sers à rien.

Bref, je secoue doucement la tête en faisant mine d'essuyer ces petits tracas qui persistent un peu trop et me font poser comme dilemme celui de fumer un peu plus afin que ces derniers finissent par être totalement engloutis par la procuration de cette détente. Mais je m'y refuse, simplement par peur que Nick le remarque et en voyant que l'heure s'est mise à tourner bien plus rapidement que prévue. J'accélère alors mes préparatifs, prévoyant de quoi rester une nuit loin d'ici et embarque aussi mon nécessaire de "mise en beauté" que je ferai très probablement dans la voiture, bien que je déteste le faire en présence de Nick. Je ne sais pas pourquoi, je me sens toujours trop ridicule, trop superficiel, trop féminin ou trop diva en agissant de la sorte, craignant de le gêner, de l'ennuyer ou de le répugner.

Les "bagages" bouclés, je préviens mon chauffeur ainsi que mes gardes du corps afin qu'ils m'accompagnent jusqu'à l'endroit désigné, c'est-à-dire devant l'appartement de mon amoureux à la chevelure flamboyante. Lunettes teintées sur le nez pour cacher la misère aux objectifs dissimulés, nous finissons par arriver sur le lieu de rendez-vous. Assez impatient de le retrouver, je sautille presque en me dépêchant vers lui pour lui offrir un petit baiser furtif sur les lèvres avant de retourner sur mes pas et de me saisir des affaires que les hommes constituant ma protection m'apportent à mi-chemin entre la voiture de Nick et la mienne. Nous échangeons quelques mots, ces derniers me rappelant qu'ils se rendront, eux aussi, sur les lieux au cas où une horde de fans ou de paparazzis un peu trop intrusifs viendrait à se former, auquel cas ils seraient forcés d'intervenir et de me faire partir sur le champ sous haute protection.

Je souris en réponse et hoche doucement la tête, ne prêtant finalement que peu d'attention à ce qu'ils me disent puisque c'est quasiment le même protocole à chaque sortie. Au fond, je suis un peu fatigué de toutes ces mises en scène, de ces mascarades pour préserver une réputation médiatique, mais en y réfléchissant, il n'y a qu'à travers ça que je peux réellement briller, non ? Après ça, je retourne vers Nick, ce même sourire accroché aux lèvres, pour lui, pour moi, pour la bonne cause.

- Prêt à y aller ?

Un long chemin vers le nord

Plusieurs contacts se succèdent, comme un second baiser dont l'initiateur est l'homme à la chevelure flamboyante capable de me plonger dans des états dont seul lui détient le secret ainsi que quelques frôlements de doigts lorsque ce dernier se propose volontaire afin de m'aider à amener mes bagages, bien trop imposants pour un si petit voyage, jusqu'au coffre de la voiture.

Ayant visiblement marqué par le biais de mon absence, je m'étonne presque de le voir ainsi chercher le moindre contact en sentant ses doigts s'amuser avec mes cheveux qui, depuis les premières fois où il s'y était aventuré, ont bien poussé.

Le sourire toujours accroché à mes lèvres, je tourne une dernière fois la tête vers les hommes vêtus de costards sombres, leur faisant un signe de la main, non seulement pour leur faire comprendre qu'ils peuvent s'en aller, mais en plus de ça pour leur signaler que tout est ok.

Ils s'exécutent presque instantanément, vérifiant néanmoins du coin de l'œil que je m'installe bel et bien dans la voiture qui m'est destinée et que rien, ni personne, ne vienne entraver ce qui était prévu. Une fois chose faite, j'attends quelques instants assis sur le siège avant passager, regardant quelque peu par la fenêtre, dans le rétroviseur, soulagé et soupirant de voir la voiture, de laquelle je viens, démarrer et reprendre sa route. Bien qu'ils soient censés incarner ma sécurité, je ne suis jamais vraiment à l'aise en leur présence. Nous ne nous sommes pas réellement liés d'amitié depuis que je suis devenu celui qu'ils doivent accompagner un peu partout et l'entente entre ces messieurs et moi est restée des plus cordiales. Je n'ai pas vraiment grand-chose à leur partager et eux non plus ne sont pas vraisemblablement friands de conversations diverses et variées.

En entendant la porte côté conducteur s'ouvrir et se refermer, je tourne la tête dans la direction de celui qui incarne continuellement le rayon de soleil de ma vie, celui qui égaye mes journées et incarne tout simplement la raison pour laquelle je ne sombre pas complètement, en-dehors de ma passion pour la musique. Rien que de pouvoir admirer son visage, peu importe l'expression hormis la tristesse ou la colère, j'en souris davantage, amenant ma main sur sa joue et contre laquelle mon pouce se donne à cœur-joie d'offrir quelques douceurs.

- Tout va bien, mon cœur ?

Une question un peu stupide en sachant qu'après cette dernière, Nick se penche un peu plus vers moi, me donnant comme réponse le plus passionnel des baisers, qui plus est accompagné d'un surnom à m'en faire fondre tout entier. Durant notre échange, cette fois-ci plus prononcé que les deux précédents s'étant plus peints dans la furtivité, il relève mes lunettes teintées servant à quelque peu "masquer mon identité", mais en l'occurrence surtout à cacher la misère se trouvant sous cette barrière protectrice. D'ailleurs, je ne peux m'empêcher de le commenter tout en penchant légèrement le visage sur le côté ainsi que vers le bas, en soufflant du nez.

- Actuellement, je ne ressemble pas vraiment à un ange... mais... tu es bien trop adorable avec moi.

C'est assez honteux de l'admettre, mais mes tendances de superficialité ont parfois cette fâcheuse manie de refaire surface et ce de manière plus récurrente avec le temps. Ça n'est pas difficile à comprendre : je dois faire attention à mon apparence. Est-ce dû à la reprise de ma carrière ? Est-ce à cause de la très mauvaise période vécue lors de ma prise conséquente de poids ? Ou est-ce simplement le fait que les vieux démons et les habitudes finissent toujours par nous revenir en plein dans la figure ? Je n'en ai aucune idée, mais tout ce que je sais, c'est que ces réflexes sont présents et que je ne souhaite pas, en plus de tout le reste, qui semble déjà bien difficile à vivre, imposer ça à l'homme de ma vie. Lui qui est si différent de tout ça, si simple tout en étant pourvu d'une bonté sans égal...

Et en parlant de mauvais réflexe, je ne peux d'ailleurs pas m'empêcher d'abaisser le pare-soleil me faisant face, profitant de l'absence de mes lunettes pour constater les dégâts. Du moins, ceux que je remarque, moi... Actuellement, la seule chose que je rêve de faire, c'est d'attraper ma trousse à maquillage et à soin pour quelque peu arranger tout ça, quand bien même ça ne serait qu'appliquer deux-trois bêtes petites choses, elles me permettraient de me sentir plus frais, plus beau et moins... repoussant. Néanmoins, le faire devant Nick s'avérerait être... honteux. Je n'ose même pas imaginer le regard qu'il me lancerait, quand bien même il ne serait pas méchant. Parce que Nick est loin d'être un garçon méchant. A côté de ça, et ce dans l'optique de contrôler cette pulsion qui me ronge désormais depuis l'intérieur, je recourbe quelque peu mes cils avec le dos de mon index. Après quoi, je ris nerveusement.

- Comment fais-tu pour être constamment et naturellement aussi beau ?

Un compliment glissé sous une question qui en est des plus sérieuses. Nick fait partie de ces personnes qui se lèvent chaque matin en donnant cette impression de ne passer que quelques minutes dans la salle de bain, le temps de prendre leur douche, pour en ressortir parfait, sans le moindre artifice. Contrairement à moi.

Ressembler à un ange… Des paroles qui entrent d'un côté pour ne pas ressortir de l'autre, visiblement coincées quelque part tout simplement parce que je me convaincs de ne pas adhérer à cette idée, de ne tout simplement pas l'accepter. Moi, un ange ? C'est… faux… Du moins, mon apparence joue peut-être des tours, certainement par ma blondeur, mon teint laiteux et mes pupilles maronnées. Quoi qu'il en soit, je ne me considère pas comme tel, loin de là. Et même si seuls ses mots ont le pouvoir de peu à peu reconstruire ma confiance brisée par le temps et les erreurs du passé, je ne peux m'empêcher d'y tamponner la marque du doute… doute qui m'envahit depuis bien trop temps, désormais.

Sans réellement prendre part à l'échange, je profite des douceurs proposées par ses soins, le contact de ses doigts sur ma joue ou encore celui de ses lèvres sur mon front. S'il y a bien une personne se rapprochant de la définition de l'ange, c'est lui quand bien même il a lui aussi commis quelques impairs. Il faut bien se rendre à l'évidence que l'initiateur d'un tel chaos ne fut personne d'autre que moi. Et dans le lot, j'ai fait souffrir pas mal de monde, à commencer par l'être que j'étais censé aimer et protéger. Et puis, il y a aussi cette fille avec qui il est sorti… je n'ose même pas imaginer la haine qu'elle doit éprouver à mon égard en sachant que ma carrière est à nouveau relancée et non pas de manière discrète.

Dubitatif quant à l'attitude à adopter, je me contente bêtement de sourire comme on voudrait que les célébrités le fassent. Seulement, ici cela prend une tout autre tournure. Il me parle d'objectivité, du fait que j'en manque cruellement en m'adressant ainsi et en m'attardant sur tous ces détails que je juge n'être que les éléments formant à eux-seuls la perfection dont il en est la personnification. Et puis, il y a cette question de milliers de fans capables de s'attarder sur mon physique. Il n'a pas tort… C'est d'ailleurs une partie éreintante de ma vie ; faire attention à ce que je dis, ce que je porte, ce que je fais et ce que je suis en permanence sinon c'est la première de couverture d'un magazine à scandales assurée. Dès l'instant où ces informations font le tour de mes pensées, je me sens violemment vulnérable et m'apprête à me recroqueviller sur moi-même sans pour autant l'afficher au grand-jour afin de ne pas inquiéter Nick.

Cependant, je n'en ai pas l'occasion puisqu'au moment où je pense à replacer mes lunettes de soleil sur mon nez, nos lèvres se touchent, l'une de ses mains se positionne sur mon genou tandis que l'autre s'empare d'une mèche blonde et qu'il se penche sur moi, me forçant presque à m'enfoncer dans mon siège, une inspiration brève et intense marquée par un petit son d'étonnement s'exprimant discrètement. Que se passe-t-il ? Que lui arrive-t-il ? Pourquoi fait-il ça ? Pour me distraire ? Me redonner confiance ? A-t-il à ce point été capable de percer à jour mes frayeurs et mes tourments ? Serait-ce là une autre de ces capacités de petit-ami super-héros ? Impossible de demeurer aussi abattu dans une telle situation, étirant mes commissures en un sourire plus vrai que nature, fermant délicatement les yeux lors d'une énième présence de ses lèvres, cette fois-ci sur ma joue, ne pouvant m'empêcher d'aussi tendrement passer quelques doigts sur la sienne en guise de réponse à ses délicates attentions.

Peu de temps après cet instant aussi inattendu que plaisant, le voilà qui reprend sa place initiale, me rappelant par la même occasion le long voyage qui nous attend. Comme sonné, je reste dans cette même position durant quelques longues minutes avant de me détendre complètement et de me redresser, mes deux mains jouant avec les branches de mes lunettes désormais déposées sur mes cuisses, le regard fuyant de temps en temps vers sa main continuellement posée sur mon genou.

- Tu sais… Je ne suis plus sûr de rien… en ce qui concerne ma vie professionnelle…

Il valait mieux préciser de quoi j'étais en train de parler avant de lui faire vivre un arrêt cardiaque inutile. Mon amour à son égard n'étant plus à confirmer, c'est dorénavant de l'autre côté de la médaille que les choses se compliquent et ce depuis un certain moment.

- J'ai une peur bleue de remonter sur scène et pourtant les représentations s'enchaînent… Tout semble si différent… Ma voix… ma condition physique… ma santé… mes capacités… mes certitudes et mes incertitudes… Être conscient que le moindre pas de travers peu me coûter mon avenir…

Petit à petit, la coquille si bien forgée laisse apparaître ses imperfections et fait ressortir le nombre croissant de brisures présentes depuis l'extérieur, osant pointer du doigt les phobies, les craintes et les prises de décisions parfois risquées pour mon estime vis-à-vis de moi-même ou pour ma propre vie. Il n'est même pas au courant que je consomme quelques substances dans l'espoir d'avoir un tant soit peu de répit après cette dose quotidienne et colossale de stress.

- Ce n'est même pas une question d'argent étant donné que je suis né avec une cuillère en diamant dans la bouche. Seulement… et même si ça a l'air bateau dit comme ça… la musique, c'est toute ma vie. Mais comprendre que ce qui me faisait tant vibrer de bonheur me pousse désormais à trembler de terreur, ça… ça devient difficile à accepter…

Je n'ose même pas le regarder dans les yeux… conscient que je viens tout bonnement de foutre en l'air un moment qui était censé être positif autant pour l'un que pour l'autre.