Épisode 1
B e c a u s e Y o u L o v e d M e
Mon frère et moi comptons exactement 335 jours de différence, ce qui fait que pendant deux mois nous avons le même âge. Un détail qui peut sembler anodin d’un point de vue extérieur, néanmoins il en est tout autre pour moi. J’ignore si c’était volontaire de la part de mes parents de nous concevoir en un si court intervalle. Quoi qu’il en soit, je n’ai jamais eu le courage de poser la question. Aussi loin que je me souvienne, il a veillé sur moi. Voyez-vous, j’étais une petite fille pleurnicharde et timide. J’ai dû déverser des litres et des litres de larmes au cours des premières années de ma vie. J’exaspérais ma mère qui ne savait plus quoi faire pour étouffer ce flot d’eau salée et évidemment, il était le seul à savoir apaiser mes sanglots. Il suffisait de si peu… J’avais un trop grand besoin d’affection et pleurer était tout ce dont j’étais capable de faire. Notre modeste domicile était situé sur Deering Avenue à quelque pas de la baie. Bleue avec des volets blancs, un grand chêne devant l’entrée, nos vélos jetés pèlent mêle sur la pelouse et la vieille Honda rouge stationnée dans la cours arrière. Tant de choses que je me rappelle avec précision alors que tout le reste m’échappe.
Ma mère travaillait à temps partiel dans un restaurant sur la 302. La plupart du temps elle demeurait à la maison pour faire du ménage et préparer les repas. Sinon, elle partait au centre-ville faire les boutiques et bavarder sur les derniers événements à s’être produit dans le voisinage avec ses copines. quant à mon paternel il œuvrait dans la construction, souvent au terme de contrats qui l’obligeait à se déplacer fréquemment. Les rares moments où il n’était pas sur la route il les passaient à dormir. Mon frère et moi n’étions donc pas autorisés à rester à l’intérieur, ce qui ne nous dérangeait absolument pas. Nous préférions mille fois aller sur la plage à faire la course dans les vagues. Il me laissait constamment gagnée. Je ne remarquais pas que nous n’avions presque pas d’argent, ni les tensions que cela occasionnait entre mes parents.
J’en finalement pris conscience de tout ce qui n’allait pas un jour en rentrant de l’école. Il pleuvait à torrent, le tonnerre grondait férocement et je suppose que c’est la raison pour laquelle je ne les ai pas entendus depuis le porche. Je savais vaguement que mon père avait un problème avec l’alcool, mais il se montrait généralement prudent et n’abusait jamais. J’ignorais cependant qu’il en était dépendant à ce point. Ils criaient, s’injuriaient, s’écorchaient vif en utilisant leurs paroles comme armes. J’en tremblais de tout mon être, paralysé par la peur. Je n’avais que huit ans, pourtant je savais que ce n’était pas normal que deux êtres sensé s’aimer se blessent de cette façon. Ma naïveté se fissura, mon innocence flancha. Mon frère qui se tenait à mes côtés me serra la main. Je m’y cramponnai avec désespoir, reconnaissante de son soutien moral silencieux dans cette tempête de hurlement. Lorsqu’ils nous aperçurent debout sur le seuil, un ange passa. Je sentais mon cœur battre frénétiquement dans ma poitrine, serré par le doute et l’insécurité. La surprise figea leur trait, avant de subitement se déformer sous la colère. Ce qui était franchement pire. Mon frère me fit traverser le salon si rapidement que j’entendis à peine les reproches qui nous étaient adressés sur notre passage. Une fois la porte refermé, le calme revint. «
Ne pleure pas… Tout va bien… » Le regard perdue dans le vide je ne ressentais plus rien, pas même mes larmes. Il me prit dans ses bras sans cessé de me répéter que tout allait bien. Le traumatisme m’empêchait de lui répondre qu’il mentait. Au fond de moi, je savais qu’il avait tort, seulement je voulais désespérément le croire et je le laissais me dire n’importe quoi. Simplement parce que la réalité me terrifiait. D’un commun accord, nous ne sortîmes pas de notre chambre pour souper et ils ne vinrent pas nous chercher non plus. Le silence de la maison me pesait, compressait ma cage thoracique en m’empêchant de fermer l’œil certaine que lorsque je fermerai les paupières je serais hantée par la vision de leur dispute. Un rapide regard en direction du lit de mon frère me confirma qu’il éprouvait lui aussi des difficultés à s’endormir. Doucement, je me levai de ma barricade de couverture et m’approcha du sien. Instantanément, il comprit mon angoisse. Je me glissais à ses côtés, puisant tout le réconfort du monde dans sa chaleur. Il me promit que tout allait s’arranger, ponctuant ses propos du léger baiser sur mon front avant que le sommeil ne m’emporte.
J’appris le lendemain que la cause de la dispute était le renvoie de mon géniteur parce qu’il avait bu sur son chiffre. Tout était redevenu tranquille dans la maison, tellement que je me demandais si je n’avais pas tout imaginé de la scène. Les yeux rougis de ma mère me confirmaient pourtant le contraire. Elle se forçait à sourire, alors que la motivation n’y était pas. Je comprends à présent qu’elle cachait sa frayeur pour ne pas nous alarmer. Nous éprouvions toutes les deux le même sentiment, mais pour des raisons totalement différentes. Le seul point positif était le renforcement du lien entre mon frère et moi. Comme une naufragée à la dérive, je m’accrochais désespérément à lui. Il était ma bouée.
Quand je franchis la porte un soir d’été, j’eu la surprise de découvrir mon père. Je ne l’avais pas vu depuis la dernière altercation. Ce fut un choc. Non seulement il était saoul, mais en plus il était à moitié dévêtu. Il serrait si fortement la canette de bière dans sa main que la moitié coula sur le tapis du salon, dégageant une odeur douce-amère. Ma mère assise sur le canapé était livide, la tête enfouie entre les mains et les épaules voûtées, cherchant à se dissocier du conflit. La source de toute cette agitation se tenait immobile en plein centre de la pièce, le dos bien droit et les mâchoires crispés. Du haut de ses neuf ans, mon frère défiait son paternel. J’admirais son courage, sachant qu’au fond de lui la peur le tenaillait. Ce qui déplut fortement à son interlocuteur. Je l’entendis prononcer des mots d’une telle violence que mes oreilles sifflèrent. Je savais que mon frère était en cause, cependant j’ignorais la raison. Soudain, un cri rompit le combat.
Le temps suspendit sa course, me renvoyant une image décuplé des acteurs devant moi. Le visage écarlate de cet homme qui comblait le vide de son existence par la boisson, cherchant à étouffer son mal de vivre. La routine dans laquelle il s’enfermait depuis des années alors que ça le rendait malheureux. La famille qu’il avait brisée inconsciemment en essayant vainement de changer, trop fière pour demander de l’aide. Cette femme effrayée, confuse et désarmée qui essaie tant bien que mal de gérer la situation. De se montrer plus résistante et brave qu’elle n’est en réalité alors qu’elle était épuisée. Tous deux ont atteint leur limite, près à craquer d’une seconde à l’autre. Ce n’est pas pour eux que le temps a brusquement ralentit, mon appel ne leur était pas destiné. Mes yeux sont rivés sur le mince filet de sang qui coule sur la paupière droite de mon frère, là où au-dessus de son sourcil une coupure est apparue. À l’endroit exact où la canette là atteint. Sans expliquer pourquoi, je panique. Rapidement, je prends mon frère par la main et l’entraîne dans la salle de bain, refermant à clé derrière moi.
Je tremble de la tête aux pieds, prenant appui sur le bois solide de la porte en cherchant à apaiser mon désarroi. C’est la première fois que mon père en vient au coup… Mon frère s’est assis sur le rebord de la baignoire, muré dans un silence effrayant en observant le sol. Le souffle me manque, ma bouche est sèche et j’ignore si je vais pouvoir prononcer le moindre mot, mais je dois le faire.
-
Pourquoi ?Le son de ma voix est si faible que je doute qu’il m’ait entendue. Une minute s’écoule, puis deux. J’en suis à répéter ma question quand il lève la tête.
-
Je ne pouvais pas te laisser faire ça. Pas à cause d’eux. -
Faire quoi ?-
Arrêter de sourire. Je suis pétrifiée, j’en oublie même de respirer. Ses yeux sont fermement plantés dans les miens, d’une nuance de bleu si semblable à la mer que je m’y noie. Mon frère a toujours été capable de comprendre mes émotions et mes pensées avec une facilité déconcertante. Je suis un livre ouvert aux chapitres inachevés et fragmentés qu’il essaie de restaurer.
À cause de moi, il s’inquiète...
À cause de moi, il a volontairement échoué ses examens...
À cause de moi, il a subi le courroux d’un ivrogne...
À cause de moi, il a été blessé…
-
Pourquoi ?Son regard est éternellement tourner vers moi. Il ne dit rien, mais l’océan me répond. Je crois que c’est à ce moment-là que je suis tombée amoureuse de lui…
Épisode 2
L i s t e n T o Y o u r H e a r t
Aimer... verbe transitif qui se défini par éprouver de l'affection, de l'amour ou de l'attachement pour quelqu'un ou quelque chose. Un mot si court qu’il nous glisse entre les lèvres avec une facilité déconcertante. Un terme au multiple synonyme sans pour autant trouver de définition assez juste pour préciser la force de nos pensées à l’égard d’un individu en particulier. Si couramment utilisé dans notre vocabulaire pour mille et une choses, qu’on en oublie parfois sa signification première. J’aime mon frère. Normal me direz-vous, il fait partie de ma famille. Seulement, le genre de tendresse que je lui porte est très loin des simples liens fraternels. La raison est apparue d’elle-même…
Mon frère s’entend bien avec tout le monde, son sourire est contagieux et son rire chaleureux. Vous vous souvenez qu’il avait redoublé pour être dans les mêmes cours que moi ? C’était il y bien longtemps, mais aujourd'hui encore il continu à garder un œil sur sa petite sœur. C’est étrange de le côtoyer ainsi avec mes camarades de classe, comme s‘il était deux personnes différentes. Silencieux et discret à la maison, jovial et amusant en public. Contrairement à lui qui est capable de déceler la moindre de mes émotions d’un simple regard, je n’arrive pas à le comprendre. C’en est frustrant. Et c’est encore plus agaçant quand je vois le nombre de fille qui gravite autour de lui. À croire qu’un aimant a été implanté dans ses os au moment de sa naissance. Je suis jalouse et possessive. J’aurais envie de leur arracher les cheveux en criant que mon frère m’appartient, de se tenir loin et d’éviter de lui sauter dessus avec autant de familiarité comme elles le font. Pourtant je ne dis rien, ce qui est atrocement douloureux.
J’ignore pourquoi je garde espoir, sincèrement il est stupide de souhaiter que les choses soient différentes. Ce n’est pas comme lorsque j’imite la signature de ma mère pour ne pas avoir à subir ses reproches devant mes absences et retards perpétuels, ni lorsque je prétends avoir des règles douloureuses afin d’éviter les cours de gym, ni la fois où j’ai embrassé un parfait inconnu juste pour voir ce que cela faisait, ni toutes les nombreuses fois où j’agissais sans penser aux conséquences. C’est dans mon sang. Mon code génétique. Je ne peux pas falsifier mon ADN, ni rejeter mon groupe sanguin, ni fermer les yeux sur ce que je suis… Sur ce qu’il est.
Malgré ça, j’y crois. À tous les jours quand nous revenons de l’école en faisant une halte par la plage, j’espère. Ne serait-ce qu’un coup d’œil à la dérobé, un aveu a mis-mot, une caresse furtive… N’importe quoi ! Contrariété. Honte. Déception. Peine. Espérance. Je passe de l’un à l’autre à une telle vitesse qu’une migraine me vrille les tempes. Hélas, son attitude est dénouée de tout romantisme à mon égard. Rien de moins que ce qu’il est; mon meilleur ami. La brise qui s’engouffre sous mon chandail présageant la fin de l'été, le clapotis des vagues qui viennent d’échouer à mes pieds, le ciel qui s’obscurcit peu à peu au-dessus de ma tête, les sentiments illicites pour le jeune homme à mes côtés… D’un bond, je me redresse et prends le chemin de notre demeure refusant à davantage m’apitoyer sur mon sort. Même s’il est légèrement surpris par mon brusque élan, mon frère me suit sans trop poser de questions. Il a l’habitude de mes brusques sautes d’humeur et de mes gamineries sans conséquences. Elle est identique à mes souvenirs. Bleue avec des volets blancs légèrement jauni, un chêne devant l’entrée, nos vieux vélos à côté de la remise dans la cours arrière, la voiture rouge depuis longtemps envoyé au recyclage. Rien n’a changé. Excepté la présence d’une camionnette noire, stationnée dans la rue juste à flanc de l’entré.
Un frisson me parcours l’échine. Je sais pertinemment ce qui m’attend lorsque j’aurai franchi le seuil. Mon instinct me souffle de m’enfuir le plus loin possible. Du coin de l’œil, je vois mon frère me dépasser et s’avancer vers le porche. Je dois l’arrêter, le garder près de moi. Ne voit-il donc pas que quelque chose de sombre nous attend? Ne ressent-il donc pas l’ambiance sinistre qui présage une catastrophe? Mon corps est lourd, impossible de faire le moindre mouvement pour le retenir. Au bout d’un ultime effort, je franchi la distance qui nous sépare, le bousculant presque à l’intérieur lorsqu’il ouvre la porte. J’avais raison. Nous étions revenus en enfer et le diable nous y attendait en souriant.
Notre père. L’homme qui a fui comme un lâche il y a de cela six ans, abandonnant femme et enfants. Ne donnant plus de nouvelle ou de signe de vie, envoyant seulement un peu d’argent par mois pour diminuer ses remords de conscience. Mon regard s’attarde un instant sur ses tempes sel et poivre, son visage anguleux, ses yeux ternes et le tic nerveux qui agite sa main droite sur la table. Un lourd silence règne dans la pièce, personne n’ose réveiller les morts. La tension est presque palpable, s’engouffrant de minute en minute dans mes os et ma chair. Malgré sa surprise, mon frère reste calme. Moi, je suis carrément terrifiée. Je me rapproche de lui avant de lui prendre la main et de la serrer avec force afin de calmer mes tremblements. Sa présence n’a rien d’anodine, il est là pour quelque chose. J'aurais dû me douter que c'était pour nous briser, encore une fois...
Épisode 3
A L O N E
Je fixe par le hublot le paysage blanc qui me sépare de plus en plus de l’homme que j’aime. À chaque mètre que parcours l’avion, une partie de mon âme est arrachée et laissé derrière, comme Hansel et Gretel avec les morceaux de pain. Un fil d’Ariane invisible qui me permettra de sortir du labyrinthe tortueux dans lequel je suis voué à mourir, dévoré par un monstre plus horrible encore que le minotaure. La solitude me pèse déjà. Je sens ses griffes cruelles se tailler un chemin vicieux jusqu’à la dernière parcelle de raison qu’il me reste; son souvenir.
- Non.
Jamais je n’ai prononcé ce mot avec autant de force et de volonté. Hors de question que je m’incline, que je cède du terrain. On ne me séparera pas de lui.
- Non.
Peu importe qu’on me menace, peu importe qu’on m’implore ou qu’on tente de m’amadouer. Rien ne me fera changer d’avis. Je savais que la présence de mon père n’était pas sans rien présager de mauvais. Par contre, il ne me serait aucunement venu à l’esprit une telle chose. Je vois le regard las de ma mère, sachant déjà à quel point je suis têtue et qu’il ne sera pas aisé de me raisonner. J’entends presque son soupir de découragement. Mon frère est toujours immobile, beaucoup trop. Voilà donc la façon qu’ils ont convenu de nous annoncer leur séparation. Heureusement qu’ils n’étaient pas mariés. Selon le plan, je dois partir en direction du Royaume-Unis, pays natale de ma génitrice. Grâce à l’argent de la vente de la maison, il nous sera facile de payer l’avion et de nous trouver un appartement là-bas. Mon frère, quant à lui, se voit enchaîner par ce démon à le suivre jusqu'à son nouveau travail au Canada. Trop loin. Je veux hurler ma rage, pleurer mon désespoir, pulvériser mon impuissance, mais surtout je veux tuer cet homme qui détruit si lestement mon univers.
Brusquement, je suis à l’extérieur. Je cligne des yeux une fois, puis une autre. Il fait sombre, pourtant c’est encore l’après-midi. Un orage se prépare, j’ignore s’il est réel ou bien seulement l’écho de celui qui éclate présentement dans mon esprit. Mon poignet droit est serré dans l’étau qu’est la main de mon frère, me tirant rapidement loin de notre maison. Il a sûrement du percevoir mes intentions et m’éloigner était la meilleure option. Lentement, je commence à me détendre. Être seule avec lui, peut-être pour la dernière fois, est la plus belle chose au monde. Je veux être dans ses bras, collé contre sa chaleur, respirer son odeur, sentir son cœur battre contre le mien. Penser que je ne le reverrai plus est trop pénible.
Nous sommes sur la plage, notre coin favori depuis notre enfance. J’entends le tonnerre gronder quelque pars sur ma gauche, la pluie ne va pas tarder à nous rattraper. Toutefois, aucun de nous deux ne fait le moindre mouvement, nullement pressé de retrouver ce que nous avons fui avec tant d’empressement. Cette fois, le silence n’est pas pesant, mais plutôt teinté de regret et de chagrin. Même si j’ignore à quoi il pense, je sais exactement ce qu’il va dire. Lorsqu’il se tourne vers moi, ma poitrine se serre et mes jambes faiblissent, j’ai du mal à garder mon attitude assurée. Pourquoi faut-il que je l’aime autant?
- Charlie…
- Non !
Je n’en peux plus, je voudrais que la foudre s’abatte sur moi à cet instant réduisant mon corps en cendre, me faisant oublier jusqu’à mon nom et sa présence à mes côtés. Les mains plaquées sur les oreilles comme une gamine, je refuse d’entendre sa voix énoncer la fatalité de ce qui nous attend. Mes paupières sont closes, tel un barrage de béton qui retient les flots de se déverser, malgré cela une brèche se crée et un mince filet s’écoule. Je ne suis pas suffisamment forte, je ne l’ai jamais été.
Soudainement, je sens ses bras se refermer sur moi, m’enveloppant tendrement. Je crois rêver, la surprise raidit mes membres, le forçant à resserrer sa prise. L’orage gronde encore, cependant le monde extérieur semble s’effacer peu à peu.
- Bon sang, je ne supporte pas de te voir pleurer…
Son souffle effleure mon oreille et caresse ma nuque, ses mots réchauffe mon âme plus que n’importe qu’elle prière ne saurait le faire. Je m’accroche à lui de tout mon être, enfouissant mon visage contre son torse, n’aspirant qu’à fusionner avec sa chaleur. J’ai si froid sans lui.
Ne m’abandonne pas... Reste avec moi…
- Charlie…
Lentement, je redresse la tête et tente de percevoir son visage à travers le brouillard de mes larmes. Une goutte tombe sur ma joue, puis une autre. Doucement, sa main vient les chasser, éclaircissant par le fait même ma vue. Je vois alors l’océan de ses prunelles humides, Mon frère pleure. Je ressens sa peine, bien plus qu’il ne peut l’imaginer. Notre promiscuité m’étourdit, son arôme empli mes poumons, et je ne peux détacher mon attention de ses yeux. Le temps semble s’être arrêté, nous sommes les seuls êtres vivants sur Terre.
- Je t’aime tellement…
Ces mots… Avant même que je ne réalise ce qu’il vient de dire, il scelle ses lèvres aux miennes. Est-il possible de mourir de bonheur ? À moins que je ne sois déjà morte et que tout ça n’est qu’un rêve… Son baiser est brûlant, avide et passionnée. J’agrippe sa nuque et l’attire plus encore contre moi, je voudrais que cet instant dure pour l’éternité. J’ai besoin de son air pour respirer, seul le contact de sa bouche contre la mienne suffit pour me garder vivante. Ses doigts tracent des sillons ardents le long de mon dos, s’invitant sous mon t-shirt tandis que les miens cause le désordre dans ses mèches brunes. Mon corps palpite, je sens son pouls battre la chamade. Cette fois, la pluie tombe pour de bon, refroidissant agréablement nos êtres bouillant de désir. Le tonnerre résonne, menaçant et autoritaire, tentant de nous séparer avant qu’il ne soit trop tard. Il ne m’impressionne pas, je suis invincible. Quelques heures plus tôt, j’étais sur cette même plage, avec ce même homme en espérant toutes les choses qui sont en train de se produire. Mon souhait a été exaucé. Je suis enfin heureuse…
Qui sait ce qui se serait produit ensuite si nos parents ne nous avaient pas trouvé à cet instant, enlacé si étroitement sous le déluge. Jusqu’où serions-nous allés sous le feu de la passion avant de commettre l’irréparable ? Aurions-nous eue un éclair de lucidité, voyant que ce que nous faisions était mal ou nous serions nous contenté de suivre les élans de nos cœur ? Je revois encore l’expression horrifié et teinté de dégoût de ma mère, elle ne cesse de me hanter. C’est donc ce que je suis, un monstre ? Pour t’avoir aimé, savourer la passion et surtout rêvé à plus, je ne suis donc pas humaine ? Je ne regrette rien, ma seule erreur fut de t’avoir laissé partir sans me battre. Pardonne-moi, mon amour, pour ma lâcheté... Je promets qu’un jour, je te retrouverai et nous serons réunis pour toujours.