[Irlande] Rencontrons les parents Morrow [Jenifer]

Mon stress redescendait rapidement au moment de partir. Je n'avais rien contre sa famille, sauf peut-être contre la cousine, mais ce genre de rencontre ne me mettait pas trop à l'aise. Ce n'était pas une chose banale de rencontrer les parents de son fiancé. Il fallait faire en sorte qu'ils se disent que oui, Jagger avait bien choisi sa compagne. Ce point était une victoire pour moi puisqu'ils avaient accepté mon existence aux côtés de l'irlandais. À notre retour à l'hôtel, je ne me fis pas attendre pour rejoindre le lit et m'y étaler. C'était un bon moyen de totalement décompresser. Je fis part de mon ressenti à mon fiancé et fus contente qu'il n'en soit pas vexé. Il n'avait l'air de rien mais il pouvait être très susceptible le bonhomme.

Je le laissai s'installer comme il le souhaitait puis lui caressai les cheveux tout en l'écoutant. Voilà qu'il se foutait de ma gueule maintenant ! Qu'est-ce que j'y pouvais si ma remarque était sortie de la façon la plus direct qui soit. Ce n'était pas mon but à la base. Je voulais juste dire que leur gosse avait bien grandi et qu'il était devenu un homme génial. Pourtant à ce moment-là c'était sorti autrement. J'avais beau m'être excusée par la suite, j'en avais encore honte rien que d'y penser. Parfois je parlais plus vite que je ne parvenais à penser. Je ricanai doucement avant de lui répondre honnêtement pour lui expliquer les raisons qui m'avaient poussée à donner une réponse sans tact à ses parents.

- J'y peux rien, c'est sorti tout seul ! J'voulais juste leur dire que t'étais un type bien et j'sais pas pourquoi c'est sorti différemment.

Et voilà. Je perdais Jagger. Il était parti dans un fou rire et je savais que dans ces moments-là, il était souvent difficile pour la personne de reprendre son sérieux.

- Je t'emmerde, j'étais déjà morte de honte toute seule.

Je lui fis une pichenette sur le front en souriant, montrant que je ne prenais pas mal sa moquerie. J'étais toutefois reconnaissante qu'il n'ait pas ri au moment de ma connerie même si ça n'aurait rien changé à la situation. Qu'il ait éclaté de rire ou non, j'étais vraiment morte de honte. Si j'avais pu me cacher dans un trou de souris, je l'aurais fait sans hésiter.

Jagger redevint ensuite plus sérieux et lorsqu'il me dit que je n'allais pas aimer la suite, je me mis à craindre le pire. Je le fixais sans rien dire mais mon regard en disait long sur les questionnements qui me passaient par la tête. Je le laissai donc s'expliquer en l'écoutant attentivement. Effectivement je n'aimais pas la suite. Il souhaitait faire venir sa cousine à Londres. Je n'avais rien contre ça. Après tout, chacun vivait dans la ville qu'il voulait. Et puis c'était aussi pour l'éloigner de l'oncle de mon barman. Elle reprendrait aussi des cours. Jusque-là, je ne ronchonnais pas. C'était louable de la part de Jagger et même si j'avais du mal avec elle, j'avais tout de même assez de coeur pour ne pas rester insensible à la situation. Ce qui me dérangeait plus par contre, c'était le fait qu'elle vive dans l'appartement de Jagger et qu'elle bosse dans son bar. Nous n'avions pas encore de nouveau logement et je savais qu'il n'était pas très à l'aise dans ma maison alors où allait-il dormir ? Et si elle bossait dans son bar, rien ne l'empêcherait de lui sauter encore dessus en mon absence.

Je m'apprêtais à râler pour faire comprendre ce qui me gênait à Jagger mais celui-ci m'en empêcha. Il ajouta encore quelques détails. L'un d'eux me rassurait légèrement. Si elle travaillait le soir avec l'autre employé, ça voulait dire que Jagger ne la croiserait pas. Ou alors pas longtemps. Cependant ça ne réglait pas le souci du logement.

- Et où tu vas dormir si elle squatte ton appart ? Je sais que tu n'es pas trop à l'aise chez moi et on n'a pas encore de nouveau logement. En plus, rien ne me dit qu'elle ne tentera pas de te sauter dessus en mon absence...

Je ronchonnais, laissais ma jalousie sortir mais c'était plus fort que moi. Une femme trompée avait toujours cette peur au fond d'elle même si certaines parvenaient à se contrôler un minimum. Moi j'en étais encore au stade d'apprentissage dans ce domaine. Je flippais, je ne contrôlais rien, je devenais jalouse. Au moins, c'était une preuve que je tenais à lui même si j'aurais préféré le lui montrer autrement. C'était malheureusement aussi une preuve que mes craintes à ce sujet n'avaient pas totalement disparu.

- Enfin tu fais ce que tu veux, je n'ai aucun droit de décision sur ça. Et puis j'admets que l'intention est louable au vu de la situation.

Je ne lui en voulais pas. J'avais juste du mal à accepter le fait que je verrais sa cousine plus souvent que je ne le pensais. Enfin peut-être qu'à la longue notre relation s'améliorerait. Il n'y avait plus qu'à l'espérer. Je changeai finalement de sujet en songeant à un détail. Il m'avait présenté sa famille mais pas moi. Pourtant il fallait bien que je le fasse un jour. Après tout il faisait partie de ma vie maintenant et ça allait bientôt être le cas pour ma famille.

- Oh, au fait tu veux rencontrer mes grands-parents un de ces quatre ?

Contrairement à lui, ce n'était pas mes parents mais bel et bien les ancêtres que je lui présenterais s'il voulait les voir. Difficile de lui présenter une femme qui n'était plus de ce monde depuis ma naissance et un homme qui était derrière les barreaux. Tout ça, c'était des détails de ma vie que je n'avais jamais révélé à qui que ce soit. Même les médias n'étaient pas au courant. Lorsqu'ils me posaient la question, je leur répondais simplement que j'avais été élevée par des gens biens. Et ils n'avaient jamais réellement creusé plus loin. Je n'étais pas assez célèbre pour leur donner une raison de le faire. De toute façon, même en trouvant mes grands-parents, ils auraient été reçus comme il le mériteraient. Mon grand-père les aurait envoyé chier sans délicatesse. Il n'avait l'air de rien le papi mais il restait en forme malgré son âge avancé et il avait un caractère de cochon quand il s'y mettait.

À peine revenus à l'hôtel que Jagger m'annonça une nouvelle qui était plutôt mauvaise à mes yeux. Il allait faire venir sa cousine. Après avoir vu ce qu'elle pouvait faire à mon fiancé et avoir vécu la tromperie, je ne pouvais que me méfier. Je ne parvenais pas à être rassurée à 100%. Cependant, même si j'estimais ne pas avoir réellement mon mot à dire sur la situation, je ne pouvais non plus pas aller contre sa décision. Il s'inquiétait pour sa cousine, elle faisait partie de sa famille, elle était maltraitée, c'était normal qu'il veuille la protéger et l'aider à reprendre sa vie en main. Néanmoins je n'étais pas plus avancée au sujet du logement. Je ne savais toujours pas où Jagger allait dormir si sa cousine occupait son appartement et qu'il n'était pas suffisamment à l'aise chez moi pour y vivre. Enfin ce serait un sujet à revoir plus tard. Je préférais penser à autre chose sinon ça allait trop me travailler et je pourrais dire adieu à ma nuit de sommeil.

Je changeai alors un peu de sujet en proposant à Jagger de rencontrer mes grands-parents. J'avais pu voir sa famille mais lui, il n'avait encore jamais eu l'occasion de les rencontrer. Pourtant ma famille vivait en Angleterre. Et je ne lui avais même jamais parlé d'eux maintenant que j'y pense.

- Oui. C'est eux qui m'ont élevée alors je trouve plus logique que tu les rencontres eux plutôt qu'un autre.

De toute façon, ce serait difficile de lui présenter qui que ce soit d'autre. Pas de mère puisqu'elle était redevenue poussière. Moi-même je ne la connaissais pas. Quant à mon père, il purgeait sa peine dans une cellule. La proposition sembla toutefois motiver Jagger et même le rendre curieux concernant ma famille. Il fallait bien que je lui en parle un jour après tout alors autant le faire durant notre voyage et avant qu'il ne voit mes grands-parents. Il valait mieux qu'il soit au courant de certaines choses avant de les rencontrer.

- T'en fais pas, je n'ai pas peur que tu fasses la même gaffe que moi.

Je lui tirai la langue en souriant, sachant très bien qu'il se moquait encore un petit peu de ma bourde mais pas méchamment.

- Bref pour le reste, et bien comme j'te l'ai dit, ce sont mes grands-parents qui m'ont éduquée. Du moins à partir de mes douze ans. J'peux pas te dire grand-chose sur ma mère car je ne la connais pas. D'après ce que j'ai compris par mon père, elle est morte en me donnant la vie.

Dire que je n'étais pas triste de ne pas la connaître serait un pur mensonge. N'importe quel enfant était souvent curieux d'en savoir plus sur ses parents s'ils n'avaient pas eu la chance de les voir au moins une fois. On voulait surtout savoir à quoi ressemblait la personne, quelle personnalité elle avait, ce qui avait plu à l'autre, etc. Le moindre détail était intéressant pour un enfant qui voulait connaître ses parents.

- Concernant mon père, il est en taule.

Et non, je n'étais pas une fille qui avait vécu avec des parents modèles. Cela donnerait au passage une petite explication sur la raison pour laquelle je me fichais un peu qu'il ait fait de la prison. Evidemment, ça aurait pu être l'inverse. Savoir que mon père était en taule aurait pu me faire croire que tous ceux qui y passaient, étaient des abrutis sans cervelle.

- Pour les douze années que j'ai passées avec lui à le faire tourner en bourrique comme une sale gosse, c'est un type bien même s'il n'est pas un homme honnête aux yeux de la loi. Il a fait des conneries mais il avait toujours pris soin de moi. Puis mes grands-parents ont pris la relève. Ils sont plus sévères, surtout mon grand-père mais ils sont sympas. Eux aussi ils ont eu droit à mes caprices d'enfant mais ils ont fait face à la version plus soft.

Je continuais à lui dire quelques anecdotes de mon enfance. Notamment le fait que je passais une bonne partie de mon temps dans les endroits salissants. La forêt, la plage, les coins boueux,.... Tout était bon pour revenir avec les vêtements crades. Et pas seulement les vêtements en fait. J'eus finalement un petit rire amusé lorsqu'il me parla de prendre des cours pour être un bon gendre.

- T'inquiète pas ma grand-mère est cool et mon grand-père est plus caractériel mais au fond c'est un type super. Tu peux rester au naturel, il te jugera pas pour ce que t'as été ou ce que tu es. Tant que tu me rends heureuse, ce qui est le cas, t'as rien à craindre.

Comme tous les tuteurs normalement constitués, mon grand-père s'inquiétait pour moi et voulait juste mon bonheur. Il ressemblait un peu à un pitbull qui gardait un oeil sévère sur son butin. Tant qu'on ne lui prouvait pas qu'on était un bon gardien de son butin, il grognerait et montrerait les crocs. Une fois qu'il voyait que son butin serait entre de bonnes mains, il se montrait doux comme un agneau malgré son caractère de grinch. Papi râleur un jour, papi râleur toujours.

Durant quelques minutes, je lui racontais un peu mon histoire. Je savais qu'à lui, je pouvais lui confier certains détails comme par exemple le fait que mon père était en prison. Je lui expliquais aussi quel genre de fille j'étais durant mon enfance et mon adolescence. Il y avait évidemment le fait que je devais la moitié de mon éducation à mes grands-parents. Je prévenais également Jagger de comment étaient mes vieux tuteurs. L'une était douce mais ferme quand il le fallait et l'autre était sévère mais surtout protecteur. Tant que Jagger me rendait heureuse, c'est tout ce qui comptait pour mon grand-père. Il ne montrerait pas les crocs comme il aimait généralement le faire pour intimider les prétendants. Xavier avait eu droit à ce numéro au début et c'était encore pire lorsque j'avais expliqué ce qu'il s'était passé. Mon fiancé y aurait peut-être droit au début mais ça se calmerait rapidement. Il n'avait pas trop de souci à se faire à ce niveau. Un petit rire s'échappa de mes lèvres lorsque j'entendis la question de Jagger et surtout, la raison qu'il me fournissait ensuite.

- Il suffit juste de trouver un coin avec de la terre, d'attendre qu'il pleuve et le tour sera joué. Ou alors on va dans une espèce de spa avec les bains de boue.

Il me semble d'ailleurs que certains ne coûtaient pas si cher. Il faudrait que je vérifie cette théorie. Ca pourrait être sympa d'y aller un jour avec Jagger. Ce n'était pas le principe de « c'est bon pour la peau, ça la revitalise » etc qui m'intéressait. Juste le fait de pouvoir nous détendre dans un truc différent. Cependant à bien y réfléchir, ça ne fonctionnerait pas. Jagger pourrait y aller sans souci mais pas moi. Je n'osais pas entrer dans les bassins à cause de mon aquaphobie. La boue n'était certes pas de l'eau mais ça restait liquide et dans un bassin. Le risque de m'y noyer restait le même. Je ne savais même pas nager. Je ne m'étais jamais rendue dans une piscine, je n'étais même pas entrée dans l'eau quand je me rendais à la plage,.... Le seul bassin dans lequel j'étais entrée, c'était un petit truc de rien du tout avec Lizzy pour un concert. Le genre de bassin où il n'y a qu'un fond d'eau. Que deux malheureux centimètres de flotte.

- Bon en fait on oublie le bain de boue. Si j'dois finir dans la boue, ça serait juste des roulades sur un sol trempé et boueux.

On rigolait bien et Jagger eut même du mal à redevenir un tantinet sérieux. Il y parvint toutefois avant de me bisouiller le front. Puis les vibrations de son téléphone le firent réagir et il tâta un peu pour prendre son portable et lire le message qu'il avait reçu. Je ne lisais pas le sms mais je pouvais aisément deviner que quelque chose clochait en voyant sa réaction. J'allais lui demander ce qui n'allait pas mais je n'en eus pas le temps. Il me devança en m'expliquant directement le souci. Sa fille était à l'hôpital mais apparemment, rien de grave. C'était déjà une bonne chose. Je me mis assise en regardant mon fiancé avec un petit sourire moqueur.

- Ne dit-on pas que l'élève dépasse le maître ? Et bien là, la fille dépasse le père.

J'espérais évidemment qu'elle ne fasse pas trop de conneries mais j'essayais surtout de le détendre. Je ne voulais pas qu'il s'inquiète trop si Tess n'avait rien de grave. Cependant si c'était vraiment sérieux, il fallait peut-être songer à écourter notre séjour. Ca ne m'enchantait pas vraiment cette idée mais le fait que sa fille était hospitalisée, c'était bien plus important que nos vacances.

- Plus sérieusement, tu aimerais qu'on écourte notre séjour pour que tu puisses aller la voir ? Je ne t'en voudrai pas si c'est le cas. C'est ta fille, c'est normal de vouloir être auprès d'elle même si son hospitalisation ne semble pas être trop grave.

Mes paroles étaient sincères. Des vacances on pouvait en avoir plein, ça pouvait être remplacé. La famille par contre ne pouvait pas être remplacée.