Ainhoa Monk

Je ne saurais pas vous dire quand ni même comment est ce que tout ça a commencé. Je me considère comme étant plutôt honnête comme personne pourtant. Ça doit vous sembler ironique…

Ça doit faire un peu plus d’un an que c’est la même histoire. C’était progressif, forcément. J’étais chez des amis, un après midi comme les autres. Puis, ce sentiment. Un sentiment que je ne saurais décrire, mais plutôt du genre coriace, du genre à être capable d’effacer tout les autres, y comprit vous-même, et votre pitoyable conscience. C’est incroyable comme sensation, à quel point elle devient puissante, c’est si fort qu’on la regretterait presque une fois la pulsion assouvie, mais, en générale, on est trop occupé à regretter d’y avoir succomber. Et alors, tout ce qui vous paraissait comme étant jouissif quelques instants avant, vous laisse un amère goût d’inertie.

Un de mes premiers vol : une brosse à dent. La brosse à dent de mon prof de soutien, alors que j’étais parti aux toilettes. Alors maintenant, vous comprendrez bien que l’objet n’est pas important, ou alors me prendrez-vous pour une dingue obsessionnelle. Ça m’est finalement un peu égal en soit, puisque ça revient au même. Elle a fini sous mon lit, dans cette boite.

J’étais trop honteuse au départ pour aller la replacer, comme par hasard, sur le verre au bord de l’évier la semaine qui s’en suivait. Alors, j’ai décidé de la garder dans une boite de rangement vide, qui trainait sous mon lit, parce que je n’avais pas trouvé de quoi la remplir. Très vite, cette dernière déborda, au fil des mois, si bien que je du en racheter une autre.

Même si d’un côté, je m’en voulais terriblement de voler, j’étais également un peu excitée à chaque fois. Le pire, c’est que je ne me faisais jamais prendre, j’étais tellement douée, que moi-même, je ne m’en rendais pas compte directement.
Cependant voilà qu’un jour, ce petit secret éclata.

J’avais invité une amie chez moi, Phoebe. Elle était belle, riche, intelligente, scolairement exemplaire. Je lui avais volé de nombreux objets, lors de mes squattages occasionnels dans sa chambre. Voilà que nous cherchions un vieux CD, afin de nous remémorer une époque révolue désormais. Il suffit d’une brève absence de ma part, pour me diriger dans le salon, pour qu’elle mette la main sur ces coffres que je conservais cachés. Mon regard plongea dans le sien, et s’en fut de suite inondé. Je pleurais, tout en bégayant, la suppliant de ne rien raconter, et de me pardonner.

« Tu comptais m’annoncer ça quand exactement ? »

Alors que son image se floutait, sa voix semblait plutôt calme. Elle n'avait pas l'air en colère, malgré ses lèvres pincées. Je continuais de balbutier des simples « j..je » sans parvenir à achever une phrase, quand cette dernière continuait :

« Je t’en veux pas. Je t’avoue que je suis même impressionnée. Moi qui croyait devenir folle avec ces petits objets qui disparaissaient tout à coup ! »

Puis, elle se mit à rire, et s’emparant de la brosse à dent de mon professeur, elle reprit, avec dégoût :

« Euh.. C’est à qui ça ?? »

Tout en la laissant retombée :

« En fait, je crois que je veux pas savoir… »

J’étais terriblement gênée, terriblement honteuse, mais en même temps soulagée, de part par la réception plutôt bienveillante dont elle faisait preuve, et surtout, parce que c’était extrêmement fatiguant à cacher. Alors que je m’apprêtais à tout lui expliquer, elle me coupa de nouveau.

« Bon, maintenant, tu sais ce qu’il nous reste à faire. C’est bien beau d’être talentueuse pour voler, mais je comprends pas pourquoi tu gâche ce talent avec toutes ces babioles inutiles. Non. Tu vas voler pour moi. Je t’emmène à Westfield. »

Tout à coup, mon visage se décomposa. En plus de ne pas essayer comprendre, elle me poussait à répéter ce crime, et cette fois, à une bien plus grande échelle. Du genre pas du tout discrète. Je refusais dans un premier temps, mais elle faisait pression. Elle menaçait de ruiner ma vie au collège, de tout dévoiler, de porter plainte à la police et s’en suivrait les démarches juridiques. J’étais dans un état de stress insurmontable, et malgré le trop plein d’émotions qui me paralysait soudainement, je la suivis.

Les jours suivants, après les cours, nous nous rendions dans les plus grands magasins, les plus chics de la ville. Nous ne volions pas les produits, simplement les clients. Le pickpocket était une chose bien plus facile, moins risquée et d’autant plus excitante. Peu à peu, je m’habituais, et ce jeu qui me faisait horreur au départ, devint une certaine partie de plaisir. Comme un jeu entre amies. De plus, ma popularité au collège se fit grandissante, grâce à toutes les nouvelles choses que j’affichais. Il en allait de même pour celle de Phoebe.

Cependant, une fois seule, je ne pouvais m’empêcher de regretter mes actes, mais je ne pouvais plus faire marche arrière. De plus, Phoebe ayant compris mon histoire de pulsions, s’amusait à les inciter, à faire monter la tension en moi, de sorte à ce que je lui obéisse. Je me rendais bien compte à quelle point cette fille pouvait être un poison à ma vie, et pourtant, je ne cessais de m’y accrocher, n’ayant aucuns repères et étant complétement désemparée et dépassée par tout les actes que j’avais déjà commis.

Un jour, au centre-ville, alors que nous venions de faire les poches de quelques touristes, Phoebe se mit à baver devant un sac d'une marque excessivement cher. Elle me poussa alors à m’en emparer. Au départ, je refusais. Avec tous les portes monnaies que nous avions pu fouiller, nous devions bien avoir assez pour le lui acheter, et par conséquent, pour éviter tout incident. Cependant, elle se montra incroyablement bien convaincante, et je rentrais dans la boutique. Cette fois-ci, elle ne viendrait pas. Elle devait m’attendre devant, histoire de faire le guet, car les alarmes allaient sonner, c’était évident, et il faudrait bien un passant pour indiquer par où le suspect se serait échappé. Je rentrais donc, achetais une paire de boucle d’oreille, puis m’emparais de la pochette que je glissais sous ma veste en sortant. Si les alarmes sonnaient, c’aurait été à cause des boucles d’oreilles, peut être pas bien démagnétisées ou que sais-je.
Cependant, à ma sortie, deux policiers m’accueillirent, et Phoebe, derrière eux, en pleurs.

Le regard complètement paniqué, je l’interrogeais sans rien dire. L’un des hommes me plaqua au mur, pendant que l’autre s’emparait du sac. On me mit alors des menottes, on les serra si fort que j’en gardais la marque. Je rentrais dans la voiture de police, laissant Phoebe seule, devant l’enseigne.

Elle m’avait trahie. Plus tard, mes parents accueillirent à leur tour des policiers, qui montèrent dans ma chambre, pour fouiller dans mes boites, les tas de bibelots que j’avais pu voler, ainsi que certains portefeuilles lors des après-midis passés avec mon « amie ». On m’empêcha ensuite de prendre contact avec cette dernière, qu’ils qualifiaient comme étant ma « victime ». Elle aurait appelé la police, expliqué que je l’aurais fait chanter pour qu’elle m’accompagne voler, au risque de venir voler sa famille, qui était extrêmement riche.

Personne ne semblait me croire, je fus déscolarisée, et ma version des faits ne parvenait à convaincre personne. Néanmoins, après une analyse des objets que je conservais, on a pu en conclure que je devais souffrir de kleptomanie, car peu d’adolescents aspirant à s’enrichir voleraient des brosses à dents, ou des chaussettes trouées. C’est ainsi que la sentence tombait : Une amende de 1300 livres, et trois ans à l’académie Indare, dont deux ans fermes.

De quoi méditer ma vengeance.