N’avez-vous jamais rêvé de voir le monde de deux points de vue différents. De voir le monde de l’extérieur comme si votre âme était hors de votre corps. De pouvoir avoir une réflexion avec vous-même avant de faire quelque chose, mais avec une vision des choses différentes. Nous étions deux. Nous serons toujours deux. Ou peut-être un jour ne serons-nous qu’une. Mon monde est depuis toujours divisé en deux parties. Certains disaient que nous étions folles, dérangeantes voire même parfois effrayantes. Ne cherchez-vous pas absolument tous une relation fusionnelle dans votre vie ? Elle m’a moi et je l’ai elle. Deux personnes séparées vivant une même vie. Je suis moi, elle était-elle. Nous sommes maintenant deux parties d’un tout. Elle le Yang et moi le Yin. On se complète, parfois, on essaye de s’écraser, mais l’une sans l’autre, nous ne sommes que chaos ou pureté. Je rigole personne n’est pleinement sain d’esprit ou complètement malade. Dans une part de lumière, se cache toujours l’ombre, et dans la part d’ombre se cache toujours un petit bout de lumière.
Laissez-moi donc vous compter l’histoire de la lune et du soleil.
Il y a de cela dix-sept ans maintenant, sont nées deux magnifiques jeunes filles. Même hôpital, même chambre, à quelques minutes près, les yeux d'un bleu clair et profond comme l'océan pour chacune, tel deux saphir emprisonné dans un boite magnifique.. Une sacrée coïncidence pourriez-vous me dire. Cependant, ce sont des choses parfaitement normales pour des jumelles. Évidemment que vous vous en êtes doutés, sinon vous êtes tout simplement bête. Ces deux petites boules de chair plutôt énergique de naissance furent nommées Eïmi et Amélia. La lune et le soleil. La fille laissée pour compte et sa sœur brillante dans tout ce qu’elle entreprend. Malgré cette préférence évidente que leur parent avait pour la seconde jumelle, ces deux dernières étaient comme une seule personne. Toujours ensemble, finissant parfois les phrases l’une de l’autre. Similaire sur énormément de choses. Les notes, les performances sportives, leur joie de vivre du moment quand elles étaient ensemble. D’un point de vue extérieur, elles semblaient invincibles tant qu’elles n’étaient pas séparées. Leur façon de penser était cependant un peu différente, là où Amélia était toujours joyeuse et positive, Eïmi, quant à elle, cachait une part plus sombre, plus dépressive, plus solitaire. Séparé de son double, il était quasiment impossible de la faire discuter avec autrui, impossible de lui arracher un sourire. Parfois, on avait simplement l’impression qu’elle était morte à l’intérieur. Une coquille vide attendant simplement l’arrivée de son âme. Amélia.
Bien sûr, quasiment tout a une explication dans ce monde. On ne devient pas comme ça part pur hasard. Il y a des choses qui nous changent profondément à l’intérieur et si on ne l’extériorise pas personne ne peut s’en rendre compte. Et c’est parfois le fait que personne ne le remarque qui nous fait sûrement le plus mal. D’autant plus quand une de ces personnes est censée vous comprendre plus que n’importe qui au monde, quand l’une de ces personnes est à vos yeux une part de vous-même et qu’au fond de vous, si elle y faisait un peu plus attention, elle comprendrait que quelque chose ne tourne pas rond dans votre cœur, et au fur et à mesure des années, dans votre tête aussi.
Amélia ne s’est jamais rendu compte du poids que sa sœur était en train d’accumuler sur ses épaules, de la tristesse, qui était en train de prendre part en elle, de tout ce qu’elle avait du mal à traverser, et du fait que la partie lumineuse au fond d’elle-même était en train de s’étouffer et de disparaître petit à petit. Son petit monde parfait n’allait pas tarder à s’écrouler à cause de son indifférence, sa sœur allait se laisser sombrer dans le désespoir, et il n’est pas exagéré de dire qu’elle allait aussi sombrer dans la folie. Revenons-en aux origines de leur histoire pour en apprendre un peu plus sur ces deux-là et la tragédie qui les a lié à tout jamais.
Comme je l’ai cité plus haut, les deux jeunes filles étaient incroyables et quasi similaires. Toujours de bonnes notes que ce soit en cours théorique, en pratique ou en physique, ensemble, rien ne pouvait les arrêter, alors qu’elle était le problème. Quelles erreurs avait provoqué la chute de ce duo pourtant si parfait. Une réponse très simple et cruelle. Les parents. Bien qu’Eïmi soit l’aînée et qu’elle soit parfaitement identique à Amélia, visiblement cette dernière était bien plus prisée. Tel un objet de collection. Chouchouté, récompensé pour chaque bonne chose qu’elle arrivait à faire. ~ Pourtant je fais exactement pareil ~ se disait Eïmi. Moi aussi, je fais la fierté de la famille, moi aussi, j’ai de bonnes notes, je suis belle, tout le monde m’aime, tout le monde me regarde sauf vous. Pourquoi ? En quoi Amélia est-elle mieux que moi ? Je suis la première. N’est-elle pas qu’une pâle copie de moi-même ? Le côté fusionnel de leur relation commençait à basculer doucement vers une jalousie profonde. « On finit nos phrases parce que nous sommes connectées ! » Devenait « Elle finit mes phrases parce que c’est juste une copie » pourtant personne n’a remarqué ce changement. Personne ne faisait attention à elle après tout. Aux yeux de sa famille, la copie, c’était elle. Leur anniversaire ? Amélia recevait de meilleurs cadeaux. Des bonnes notes, Amélia était félicitée. Mais Eïmi ? Non, Eïmi n’est là que pour décorer. Eïmi n’existe pas. Eïmi ne mérite pas notre attention.
Crack. La petite ouverture dans son esprit pour y laisser entrer la folie. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Se posait-elle sans cesse. L’expression « ce n’est plus de l’amour, c’est de la rage » commençait à prendre tout son sens. La jalousie avait brisé ce mur invisible l’empêchant de devenir folle, ce mur qui lui murmurait sans cesse que tout allait bien, que tout se passerait bien tant qu’Amélia était avec elle. D’un côté, ce n’était pas faux. Amélia était tout de même là pour elle, même si elle ne rendait pas compte du conflit interne résidant dans la tête de sœur, ce n’était pas vraiment de sa faute si ses parents la choisissaient elle et non pas Eïmi. Mais tout ça n’avait plus vraiment aucune importance. Et de toute façon, il était bien trop tard pour remonter des abysses. Une idée pénétra la petite faille. Simple. Clair. Concise. Si personne ne fait attention à moi. Tout ce que j’ai à faire. C’est disparaître non. Peut-être que l’on se préoccupera enfin de moi si jamais je n’existe plus. Peut-être me pleurera-t-on. Si je disparais, peut-être qu’au final, aux yeux des autres, je commencerai enfin à exister. Et c’est à partir de ce moment-là que sa coquille la protégeant de la folie explosa en mille morceaux.
« Ne vous éloignez pas trop les filles ! Votre père règle son affaire et après le pique-nique ! » Une sortie en famille, un beau soleil, aucun nuage. Leur père était un collectionneur, le patrimoine familial s’élevait dans les millions en prenant en compte la rareté de certains objets, passant par des os d’animal préhistorique, aux armes de guerre, à des vêtements de pirates. Aujourd’hui, il devait rencontrer le revendeur d’une jarre de l’époque romaine valant plusieurs milliers de livres. Ce rendez-vous prenait lieu au bord d’une forêt. Un peu creepy si vous voulez mon avis. Mais bon ce n’est absolument pas le sujet après tout. Nous ne sommes pas là pour la vie du père, mais pour celle de nos deux jumelles. Acquiesçant d’un commun accord, les deux jeunes filles s’éloignèrent un peu de leur mère, avec autant d’espace, il aurait été bête de ne pas en profiter. Surtout quand on est deux jeunes filles très énergiques de dix ans.
« Amélia ! Viens on fait un cache-cache ! Si je te trouve dans le délai imparti je Ga… » « Tu gagnes mon dessert ! Sinon je gagne le tien » la partie allait s’étendre à une bonne partie de la forêt, le délai étant de vingt minutes, une personne normale trouverait ça quasiment impossible. Mais, quand on se connaît par cœur l’une et l’autre, rien ne semble extraordinaire.
Enfin, du moins quand l’une connaît l’autre par cœur. Amélia se mit à courir vers la forêt au moment où Eïmi fermait les yeux, commençant à compter silencieusement. Ces trois minutes semblaient comme une éternité. Clignant lentement des yeux, une lueur déterminée dans ces derniers, Eïmi partie en chasse. Après tout, il y avait un dessert en jeu, et puis Amélia pourrait possiblement vanter la capacité incroyable de sa sœur pour le pistage. Peut-être qu’enfin, elle aurait un mot positif de la part de ses parents. Amélia avait couru, rapidement, en petit foulé, et de façon visiblement légère, les traces de pas n’étant que peu ancrées dans la terre. Mais les sœurs ne faisaient qu’une, Amélia était attirée par tous les endroits beaux et mignons, lumineux avec des fleurs, de la vie.
Malgré que ce soit un cache-cache, elle allait probablement choisir une petite clairière derrière des buissons et s’y allonger en profitant du soleil. Une envie bien futile. Eïmi se mit à genoux, pour observer une trace de pas, un petit sourire aux lèvres.
« Oh bonjour toi, tu as failli mourir à ce que je vois » une petite araignée était recroquevillé sur elle-même, juste à côté d’une empreinte plus profonde.
« Amélia est une méchante fille ! Elle t’a blessé et n’y a même pas prêté attention. Tu es un peu comme moi au final, tu es là, mais personne ne te regarde. » Elle prit l’arachnide dans sa main, contemplant l’animal calmement, cette dernière ayant du mal à bouger.
« Tu as la patte blessée. On va arranger ça » bloquant l’abdomen de la bête de son index, elle arracha sans la moindre once de pitié la patte blessée provoquant une fuite paniquée de l’insecte le long de son bras
« Arrête, tu me chatouilles ! Ça suffit voyons ! » L’araignée essayait juste de fuir sa tortionnaire, sans pouvoir retrouver le chemin du sol, dans sa tête, elle aussi devait sûrement se demander à ce moment pourquoi elle était née si c’était pour finir comme ça
« Puisque tu es comme moi, je suppose que pour toi aussi il serait plus agréable de disparaître. » Eïmi se frotta la main contre un arbre pour essuyer le cadavre qu’elle venait d’écraser et repris sa traque commençant à chantonner un air joyeux, après tout elle n’était pas le seul être insignifiant dans ce monde, et s’en rendre compte venait de lui procurer un grand plaisir.
Amélia s’était cachée près d’un petit ruisseau dans une clairière entouré d’arbustes produisant diverses baies. Caché derrière un petit rocher tout sourire. Il ne restait plus beaucoup de temps avant la fin des vingt minutes que les deux sœurs s’étaient accordé pour leur défi. Crack. Le bruit du bois sec, elle risqua un petit coup d’œil et aperçu Eïmi au milieu du passage menant au ruisseau. Non, ce n’était pas sa sœur. La personne lui faisant face lui donnait des frissons, la mettait mal à l’aise. Ce regard perçant, ce petit air qu’elle était en train de chantonner. Les poils d’Amélia s’hérissèrent en entendant le
« Je t’ai trouvéééééééé » Bizarrement, son instinct lui indiqua un seul ordre. Cours.
Eïmi regarda longuement sa sœur, elle avait l’air figé dans le temps, comme une poupée, ses pupilles étaient écarquillés. Aujourd’hui, Eïmi avait prévu de disparaître d’une façon ou d’une autre. Ce petit jeu était le moment parfait. Crack. Amélia se mit à courir, pourquoi ? ~ Toi aussi tu vas commencer à m’ignorer ? ~ se dit Eïmi
« Hé ! J’ai gagné, tu n’as pas le droit de t’enfuir ! Ton dessert est à moi ! » Elle se mit à courir aussi, gagnant du terrain sur sa sœur qui était épuisée d’avoir dû se cacher rapidement dans la forêt. Elle attrapa son poignet brutalement, la stoppant nette dans sa course. Amélia hurla, l’arrêt violent lui avait déboîté l’épaule, mais ça n’avait aucune importance.
« L’une de nous deux est en trop Amélia, c’est moi qui dois disparaître alors sache que je t’aime plus que tout au monde, je te connais par cœur. Et je serais toujours avec toi… » Eïmi poussa sa sœur jumelle violemment dans le ruisseau.
« Amélia ? Où est ta sœur ? » Crack. Une simple couleur de ruban suffisait pour qu’elle les confonde. Tu parles d’une mère. Mais bon tant mieux. C’était l’effet voulu après tout. Pour l’instant, Eimi était morte. Un corps tremblant, des joues mouillées. Elle avait vraiment pleuré, après tout, les jumelles ne faisaient qu’une, et elle venait d’une certaine façon de s’arracher une partie d’elle-même. Peu importe. Elle allait tout simplement vivre à deux dans un seul corps. Elle éclata en sanglots, ses jambes ne portant plus son poids elle s’affala au sol.
« Eïmi a… Elle a… glissé dans le ruisseau… Tout est devenu rouge ! J’ai eu peur ! Donc j’ai couru ici… au secours… » Les pompiers et les ambulances furent dépêchés sur place. Mais il était déjà bien trop tard. SI le caillou qu’elle avait heurté lors de sa chute ne l’avait pas forcément tué sur le coup, l’eau dans ses poumons en revanche avait fini le travail. Eïmi était triste, et d’un autre côté heureuse que ses parents aient déployé autant de moyen pour retrouver son corps. Enfin ! Il fallait donc mourir pour qu’on s’occupe d’elle. Elle avait fait le bon choix. Elle allait prendre la vie D’Amélia, mais il était hors de question de complètement disparaître. Elle avait déjà fait le choix de vivre pour deux.
Plusieurs semaines étaient passées depuis l’incident, l’ambiance était toujours aussi maussade dans la maison, Eïmi avait eu une sensation bizarre lors de son enterrement, entendre son propre prénom alors qu’on descend le cercueil afin qu’il soit scellé pour l’éternité. Ça lui avait donné des frissons. Aujourd’hui était un grand jour si l’on peut dire.
« Amélia ! Prépares-toi, tu vas être en retard pour ton rendez-vous chez le psychologue ! » Aucune réponse. Le silence total. La mère de la jeune fille fit irruption dans la chambre, après tout vu le lien des jumelles, il était clairement possible qu’elle ait envie de mettre fin à ses jours. Cependant, elle était bien là, en train d’attacher ses couettes avec un ruban
« Amélia, répond quand je t’appelle s’il te plaît… » Toujours aucune réponse de la jeune fille. Puis il y eut un petit déclic dans sa tête. Se levant tout doucement. Elle n’était plus Eimi, et il fallait bien qu’elle se l’imprime.
« Désolée, j’étais dans la lune… » Un long soupire avant de descendre les escaliers. Il était enfin venu l’heure de vivre pour deux.
« Amélia ? Tu veux me parler de ce qu’il s’est passé dans cette forêt. Je sais que tu dois être choqué, mais ça te fera du bien » mon regard se planta dans celui de mon interlocuteur. Un petit sourire aux lèvres.
« Arrêtez de m’appeler Amélia. Je suis Eïmi » regard légèrement confus de la part du psychologue, puis tapotant son stylo sur sa joue, il nota quelque chose sur son carnet avant de reprendre « Je vois, dans ce cas la personne qui est tombé dans le ruisseau était Amélia, c’est ça ? »Bien évidemment, ça me semble logique triple andouille, enfin, je suppose que je ne suis pas ton premier cas particulier, donc bon.
« Non non, c’est moi qui suis tombé dans le ruisseau. Mais je ne suis pas morte. Je ne fais qu’un avec Amélia, nous n’avons toujours fait qu’un… » Ma main se posa tout doucement sur mon cœur
« Je vis ici, et Amélia vit en haut. » Il griffonna encore des choses sur son carnet, je me demande bien ce qu’il était en train d’écrire. Elle est folle. Hôpital Psychiatrique ? Dédoublement de la personnalité ? « Je vois, donc au final ton enveloppe physique est morte, mais tu t’es réfugié dans le corps de ta sœur. C’est une façon assez intéressante de gérer le deuil. Ta sœur ne te voit pas comme une gêne ça va ? » Il pense donc bien que je suis deux dans ma tête, alors qu’au final, je suis toute seule, je joue juste sur deux tableaux. Je ne peux pas me voir comme une gêne, j’ai moi-même décidé de devenir Amélia.
« Non, ne vous inquiétez pas, comme je l’ai dit, nous ne faisons qu’un. Il n’y a aucune chance qu’on se gêne l’une et l’autre. On a divisé la semaine en deux pour ne pas trop se perdre ! » Après une heure de papotage inutile, la séance prit fin. J’allais devoir voir ce monsieur régulièrement à partir de maintenant. J’attendais dans la salle de repos, pendant qu’il était en train de faire le point avec mes parents, remplaçant un de mes rubans par la couleur que j’avais l’habitude de porter quand j’étais encore vivante. Signe que maintenant, nous serions deux dans un seul corps.
« Bon, visiblement, votre fille n’a pas fait le deuil de sa sœur et ne compte pas le faire de sitôt. Ce n’est pas surprenant vu ce que vous m’avez dit, mais Amélia semble si je peux dire cela comme ça s’être mis en tête de vivre aussi pour sa sœur. On peut plus communément appeler ça un dédoublement de la personnalité. Le plus troublant, c’est qu’elle en a l’air pleinement consciente malgré son jeune âge et qu’elle a même l’air de plutôt apprécier la situation. Elle m’a indiqué s’être séparé la semaine en deux. Si elle ne répond pas à un prénom, essayez donc avec celui de sa Jumelle. Pour l’instant, je suggère de voir où tout cela nous mène avant d’envisager un possible traitement. Ce n’est pas une maladie simple à vivre, et souvent un comportement destructeur né des autres « personnages » présent dans la tête de l’individu, mais elle semble bien décidée à cohabiter dans la plus grande harmonie. »
Du moins pour l’instant.
Les années passèrent à une vitesse folle, Amélia était resté l’élève-modèle, douée dans tout, pure, avide de connaissance. Eïmi elle, était devenue bien plus sombre. Tout aussi douée, elle préférait mettre ses talents à exécution pour tromper les gens et obtenir ce dont elle avait envie sans se forcer. Très douée dans la manipulation et le jeu d’acteur, elle aimait profiter de la vie sans aucune limite aux plus grands désarrois de ses parents. Faire la fête. Coucher à droite à gauche, en général contre de l’argent ou des faveurs, elle avait aussi développé un goût particulier pour la torture. Bizarrement, elle prenait maintenant un malin plaisir à repenser à l’année de ses dix ans quand elle avait fait le choix de pousser sa sœur dans le ruisseau. Pour résumer simplement, Amélia fonctionnait avec sa tête, tandis qu’Eimi suivait son cœur et son instinct pour faire des choses. Et cela avait mis les deux dans des situations on ne peut plus délicates plus d’une fois. Et c’était encore le cas cette fois.
Mes yeux s’ouvrirent lentement, cette pièce m’était complètement inconnue. J’étais nue. Encore une fois. Je commençais à drôlement m’y habituer. Mon corps était totalement embrumé, j’avais du mal à réfléchir. Regardant calmement autour de moi, il y avait un homme, peu vêtu lui aussi.
« Oh, tu es réveillé Eimi… tu étais incroyable hier soir dis donc… » Ma main entra en contact avec sa joue y laissant une marque rouge.
« JE NE SUIS PAS CETTE SALOPE ! » Peut-être avais-je un peu sur-réagi, mais j’ai beau m’y habituer, j’ai quand même l’impression que mon corps a été souillé par quelqu’un à qui il n’appartient pas.
~ Amélia, n’oublie pas que ce corps est à moi de base… ~ Un frisson parcouru mon échine, c’était mes pensées, mais en même temps pas vraiment les miennes
« PARCE QUE TU M’AS TUEE ! » l’homme en face de moi me regardait de façon bizarre, se demandant sûrement sur qui j’avais hurlé de la sorte, et me prenant sûrement encore pour une folle. Je ramassai mes affaires, me rhabillant rapidement avant de quitter rapidement la pièce.
Ce jour-là, j’avais l’impression que tous les regards étaient sur moi, au lycée, dans la rue. Je pense que les actes sans aucune précaution d’Eimi commençaient à peser sur mon mental. Ce fut long, très très long. Et le soir, en rentrant chez moi, je sentais que quelque chose n’allait pas, puis tout devint noir.
Quelque chose de chaud et humide toucha ma joue, rouvrant doucement les yeux, ces derniers s’écarquillèrent de peur. L’homme de ce matin était penché sur moi. Il empestait l’alcool, ses yeux étaient injectés de sang. « Tu ne pensais tout de même pas pouvoir me gifler sans me donner un petit cadeau en retour, Eïmi »
~ Dégage, c’est moi qu’il veut et tu n’es pas assez forte pour ce genre de chose ~ mon corps était en train de trembler. Cependant, c’était ma journée, c’était à moi de me faire féliciter par maman, à moi de m’amuser. À moi de profiter de la vie aujourd’hui. Mes propres mains se refermèrent sur mon cou
« laisse-moi où tu devras expliquer à la police pourquoi une femme est morte étranglée avec ton ADN partout sur son corps ! » Ma menace ne le fit même pas flancher une petite seconde, il venait de prendre une seringue sur la table de nuit et était visiblement décidé à l’enfoncer dans mon bras. Soit. Retraite.
Hum que ça fait du bien de reprendre le contrôle de son propre corps. Une de mes mains attrapa le poignet de ce porc avec qui j’avais malheureusement couché la nuit dernière. Crack. Le bruit de son poignet résonna agréablement dans la chambre d’hôtel. La seringue tomba au sol, le poussant violemment sur le côté pour me libérer de son emprise.
« Voyons, il me semble t’avoir dit qu’il est interdit de me forcer à faire quelque chose contre mon gré. Ça a la mauvaise habitude de me mettre sur les nerfs, et il ne faut pas m’énerver sinon je deviens dangereuse. ♥ Et je doute sincèrement que le contenu de cette seringue soit du sucre. » Ramassant la seringue, je vins me positionner au-dessus de lui, le regardant dans les yeux
« Hum, m'aveugler t’excitait hier soir, c’est ça . Tu aimais bien m’étrangler aussi, il me semble… Tu veux savoir ce que ça fait de ne plus voir ? » L’aiguille se ficha sans aucune trace de pitié dans son œil, y injectant un peu du produit. Il hurla. Quel plaisir. Mes mains vinrent serrer son cou fortement, me léchant la lèvre d’excitation.
« C’est vrai que c’est agréable… » Ses yeux se révulsèrent, laissant entrevoir le blanc de l’œil pour celui qui était encore valide. Relâchant la pression pour lui laisser de nouveau de l’air « ne t’avise plus jamais d’essayer de me toucher. » Récupérant son argent, ses clés de voiture et aussi sa dignité, je pense, je quittais la chambre d’hôtel, satisfaite. Il était l’heure de rentrer.
J’avais encore du mal à comprendre ce qui s’était passé avant-hier. Je savais juste une chose. Je suis dangereuse. Enfin pas moi. La seconde moi. C’est pour ça que j’ai pris une décision importante aujourd’hui. Mes parents ne sont pas au courant. « Je vous écoute mademoiselle. Pour qui et pourquoi voulez-vous témoigner ? » Un long soupire s’échappa de mes lèvres, Eïmi devait être contrôlé quitte à sacrifier ma vie.
« Moi, Eïmi Cooper, ai tué Amélia Cooper il y a de cela sept ans de sang-froid. J’ai de plus tenté hier soir de mettre fin au jour d'Elliot Warden par étranglement après l’avoir drogué et bourré. Je souhaite donc être jugé devant la cour martiale pour Meurtre et tentative de meurtre. Bien évidemment souffrant d’un trouble dissociatif de la personnalité reconnue par un psychologue, je comprends bien qu’il y aura des circonstances atténuantes, cependant, je ne plaiderais pas la folie et assumerais l’entièreté de ma peine carcérale. » ~ qu’est-ce que tu fais salope ? Tu penses pouvoir me contrôler comme ça. Devrais-je te rappeler qui t'as donné la vie ? ~ un léger rictus sur mon visage.
~ Devrais-je te rappeler qui m’as donné la mort Eimi ? ~ Le policier devant moi avait l’air surpris. Oui, c’est le mot juste. Il avait la bouche grande ouverte. Je me doute que ce n’est pas tous les jours qu’une personne vient avouer un meurtre et demander à être mise en prison après tout. Il m’accompagna jusqu’à une cellule sans rien dire puis retourna remplir sa paperasse.
« Suite à l’absence de défense de l’accusée. Cette derniere est déclarée coupable de tentatives d’homicide suite à sa demande. Pour le meurtre d’Amélia Cooper, l'âge et la vieillesse de l'affaire, de l'accusé et de la victime ne nous permettent pas d’émettre un jugement. La peine sera donc appliquée pour les coups et blessure sur le témoin Elliot Warden avec circonstance atténuante contenu de la santé mentale de l'accusé. Vous suivrez le programme de remise en société des mineurs coupables de crime grave. Sous surveillance avec suivie psychologique concernant votre sœur pour une durée de quatre ans. La séance est levée. »