À droite, l'école et ses élèves normaux, comme tout le monde.À gauche, le centre de redressement pour jeunes dangereux.Maintenant réunis, pour le pire.
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Owen but avec moi et se défendit par une excuse aussi bête que la mienne mais plus “normal” si je puis dire? Enfin je ne sais pas… J’attendis ensuite que Meyer pose sa question mais avant Owen alla ouvrir la fenêtre ce qui était plutôt judicieux si nous fumions tous les trois, de plus qui savait quand est-ce que la soirée se finirait? En tout cas elle était loin d’être fini pour moi. Meyer posa alors sa question qui me fit assez rire puis nous buvions tous les deux. Je bus le reste de mon alcool et me resservis tranquillement en prenant une latte sur ma clope. J’avais presque omis la réaction de Owen concernant les clopes de Meyer.
Puis… Bien évidemment arriva une question de cul. Qui me fit en apprendre un peu plus sur eux et je suppose que c’était avec sa femme pour l’ancien infirmier. J’étais, encore une fois un peu jalouse mais je passais au dessus alors qu’il marmonna qu’ils n’avaient pas pu finir. Enfin que les deux zigotos burent tranquillement. Je pense que j’allais en apprendre beaucoup sur eux… Bon c’était mon tour je souris.
«Je n’ai jamais .. Participé à un barathon…» J’attendis de voir leur réaction et bu mon shot. « Bouuuuh! Ça fait vraiment du bien de passer une soirée à boire comme ça, ça faisait longtemps que je n’en avais plus faite!» J’aspirais sur ma sucette à cancer et tapotais la cendre sur le rebord du cendrier attendant Owen. «Allé Meyer sors de tes pensées cochonne c’est à toi!»
Elle fut la seule à boire. Le terme fit beaucoup rire Owen qui ne manqua pas de soulever le jeu de mot plus ou moins nul.
- Bouuuh ! Ça fait vraiment du bien de passer une soirée à boire comme ça,s’exclama la jeune femme allègrement.Ça faisait longtemps que je n’en avais plus fait !
Elle tira sur sa cigarette, nous l’imitâmes.
- Allez Meyer, sors de tes pensées cochonnes, c’est à toi !dit-elle après avoir fait tomber un peu de cendre dans le cendrier.
Je ris, lui donnai un petit coup d’épaule. Ça faisait bizarre de la voir dans cet état de gaieté mêlée d’ivresse. En la voyant sur scène l’autre soir, son violon sur l’épaule, en train de produire sa musique avec une légèreté et une grâce frissonnantes, j’étais loin de m’imaginer qu’elle était aussi une fêtarde.
- Mais attends, toi, t’as jamais fait de barathon ?intervint soudain Owen en me regardant. - Non… mais j’ai fait l’Oktoberfest une fois. Au final c’est un peu un équivalent,réalisai-je en haussant les épaules.
Alors je bus tandis qu’il riait. Il s’excusa ensuite en justifiant une pause toilettes. Il se leva, chancela un peu et s’éloigna dans le couloir. Heureusement qu’il était déjà chez lui, il tenait à peine debout. A présent seuls, un silence tomba entre la demoiselle et moi. J’ouvris une nouvelle bouteille de bière. Puis j’attrapai un bol de chips, le lui mis sous le nez.
- Tiens, éponge un peu, sinon tu vas mal finir.
Mon regard tomba sur la bouteille de rhum dont le niveau baissait plutôt vite.
- Eh, mais t’as une sacrée descente !fis-je surpris.Tu caches bien ton jeu.
Son petit coup d’épaule me fit sourire et à la fois frémir. J’aimais définitivement les contacts aussi infimes soient-ils qu’il me faisait, ça n’allait pas du tout ça. Je me resservais vite fait alors que Meyer parla de l’Oktoberfest.
«Ouaaah j’aimerais tellement y aller même si bon je bois pas vraiment de bière et que j’ai pas forcément le temps pour ça… Enfin bref… Je tirais une dernière latte sur ma cigarette et l’écrasais dans le cendrier. Je me sentais bien avec eux bien que.. J’aurais aimé Meyer seul.. MAIS PUTAIN IL EST MARIÉ!!!
Owen se leva ensuite pour aller aux toilettes, heureusement il savait où il allait car c’était chez lui. Personnellement je commençais à me dire que j’allais peut être dormir sur son canapé moi. J’entendis une nouvelle bière s’ouvrir et suivais l’ombre de la bouteille. Peu après je vis un bol de chips devant mon nez. Éponger? J’en avais pas besoin? Enfin je crois? Par gentillesse je pris une petite poignée.
«Alors toi aussi prends en! Je croquais dans ma première chips. Je rigolai lorsque Meyer me fit remarquer que je cachais mon jeu car j’avais une bonne descente. Je me mis à rire. «Niveau sexe vous me battez sûrement mais je vous avoue que niveau alcool je pense que je peux faire mieux que vous… J’incline la tête en souriant et repris. «Sans me vanter bien sûr! Tu penses avoir assez bu toi? Je souriais toujours, me moquant légèrement de lui et je repris une chips dans ma main pour lui faire subir le même sort que la précédente.
On entendit ensuite une chasse d’eau couler et Owen réapparut dans mon champs de vision quelques secondes plus tard.
«Alors… T’as vomi? Dis-je en tirant la langue pour lui prouver que bien évidemment je rigolais et il me répondit presque du tac au tac.
“ Chérie la bière ça fait plus pisser que le rhum! La bière t’en bois une résultat t’en pisses dix!”
Elle prit une poignée de chips, me dit de me servir aussi, ce que je fis.
- Niveau sexe, vous me battez sûrement mais je vous avoue que niveau alcool, je pense que je peux faire mieux que vous… Sans me vanter bien sûr !
Nous échangeâmes un rire.
- Tu penses avoir assez bu, toi ?
Je haussai les épaules sans répondre. Je ne savais pas. Je mangeai encore quelques chips, piochais dans les cacahuètes au moment où Owen revint.
- Alors… T’as vomi ?demanda la violoniste moqueuse. - Chérie, la bière ça fait plus pisser que le rhum !répliqua-t-il aussitôt.La bière, t’en bois une, résultat, t’en pisses dix !
Il n’avait pas tort. Freja éclata de rire, demanda si nous voulions continuer de jouer. J’étais partant, Owen aussi. La soirée continua. Chacun en apprenait un peu plus sur les autres et c’était plutôt marrant, surtout quand Owen voulut se lever de son fauteuil et se cassa la figure en passant par-dessus le bras rembourré. Hilare, il déclara qu’il était temps qu’il aille se coucher. Je regardai ma montre. Il était près d’une heure du matin. Je me levai du canapé. J’avais la tête qui tournait mais ça allait. Freja, elle, vacillait un peu. Nous remerciâmes Owen pour son accueil et pour la soirée. Mon sac de sport sur l’épaule, j’accompagnai la violoniste jusqu’en bas de l’immeuble en la tenant par le bras pour ne pas qu’elle tombe dans les escaliers. L’air frais me fit du bien, je pris le temps d’inspirer et expirer pour en profiter.
- Ça va ?m’enquis-je en me tournant vers Freja.Je vais te raccompagner chez toi.
Après que j’ai demandé si les deux garçons voulaient recommencer à jouer ils dirent oui et donc le jeu repris. Nous buvions de plus en plus et je dois avouer que je commençais à être un peu pompette. J’avais la tête qui tournait. Et il y eu une question où Owen et Meyer fut étonnés: non je n’avais jamais embrassé quelqu’un à part le baiser de l’autre con. Meyer fut gentil et dit qu’il y avait un temps pour tout et Owen me dit qu’il était dispo pour s’occuper de cette tâche. Je ris et lui dis que je le gardais en réserve. Puis j’avais soupiré et me resservais un verre, ce baiser j’aurai voulu le garder pour la personne que j’aimais réellement… Bref je bus un peu du contenu jusqu’à ce que Owen ne tienne alors plus debout et il nous invita à finir la soirée ce que nous acceptions. Je touchais ma montre et il était tout de même aux alentours de une heure du matin. Je ne pensais pas que la soirée durerait si longtemps et elle avait été très bien! Mieux que si on était resté dans un bar en tout cas. Meyer me demanda ensuite si j’allais bien en effet je ne marchais pas totalement droit avec ma canne il me pris donc par le bras.
«Oui ça va ne t’en fais pas, disons que je vais bien dormir cette nuit!» Je rigolais et le suivais tranquillement me rallumant une cigarette au passage. J’avais beaucoup fumé mais en soirée c’était souvent ça! «On s’est bien amusé en tout cas! J’espère qu’on se refera ça toi, Owen et moi! Il est super gentil» Je tirais une latte sur ma clope, le goût de la menthe me rafraichissait. «T’inquiète t’es gentil toi aussi!» Je pouffais de rire.
- Oui, ça va, ne t’en fais pas. Disons que je vais bien dormir cette nuit !
Elle rit. J’aurais aimé pouvoir en dire autant. Même un peu alcoolisé, j’arrivais quand même à faire des cauchemars… Nous commençâmes à marcher. Freja s’alluma une cigarette. Pour ma part, j’avais eu ma dose.
- On s’est bien amusés en tout cas !ajouta-t-elle visiblement satisfaite de sa soirée.J’espère qu’on se refera ça, toi, Owen et moi ! Il est super gentil.
Ҫa pour l’être… Il devait se faire de sacrés films depuis qu’elle nous avait révélé ne jamais avoir embrassé personne durant le jeu. Ou presque. En fait, elle expliqua qu’on lui avait volé un baiser une fois mais qu’elle n’était pas du tout consentante. Donc j’imaginais bien que, pour elle, ça ne comptait pas. Bref, je ne savais pas pourquoi je repensais à ça…
- T’inquiète, t’es gentil toi aussi,dit-elle en pouffant de rire.
Je ricanai.
- Tu me rassures,fis-je faussement soulagé.
Durant le trajet, je profitai de l’absence d’Owen pour raconter à Freja ses mésaventures avec les femmes à l’hôpital. Le bougre s’était bien amusé à dévoiler des trucs sur moi pendant le jeu ! J’avais le droit de me permette de faire des remarques aussi.
- Je me faisais peut-être draguer par les mamies mais moi, au moins, j’ai pas pris des millions de tartes de la part des stagiaires !
La violoniste éclata de rire. Sa voix résonna contre les murs de la rue dans laquelle nous passions. Nous parlions fort et il était tard. Il ne fallut pas longtemps pour nous faire engueuler par un vieux grincheux à sa fenêtre du premier étage.
- Oh ça va, c’est vendredi soir !rétorquai-je agacé.
Il grogna dans sa barbe et referma ses volets.
- Pfff… rabat joie,dit Freja avant de s’arrêter.
Je lui demandai ce qui n’allait pas. Elle répondit qu’elle avait un peu mal aux pieds. Ses bottes devaient avoir des talons d’au moins cinq centimètres. Il y avait pire mais d’après la demoiselle, nous devions marcher encore pas mal de temps avant d’arriver chez elle. Sans réfléchir ne serait-ce qu’une seule seconde, je me baissai, l’attrapai sous les genoux et dans le dos, et la soulevai dans mes bras.
Nous marchions tranquillement en reparlant un peu de la soirée, elle s’était très bien passée à mon goût et j’avais déjà hâte d’en refaire une mais avec Janna et la femme de Meyer je pense que ce ne serait pas avant un bon moment. Je fis une moue discrète pour ne pas qu’il s’en rende compte. Il continua ensuite de parler d’Owen en disant qu’il s’était pris des millions de gifles par les stagiaires, ça ne m’étonnait donc pas qu’il m’ait dit qu’il était prêt à m’embrasser si je le voulais. Comme je l’avais dit je gardais ce baiser pour quelqu’un de spécial, quelqu’un que j’aimerais vraiment. Actuellement c’était Meyer mais il fallait que je me sorte ça de la tête, c’était impossible que ça arrive. Enfin que je sortis de mes pensées pour rire à ce qu’il m’avait dit. Peut être un peu fort étant donné qu’un vieux ouvrit ses volets pour nous engueuler. Meyer répliqua qu’on était vendredi et moi je me contentais de pester.
C’est alors que quelques minutes plus tard je m’arrêtais et remis mes bottes en place, j’avais mal aux pieds… D’habitude je tenais avec ce genre de talons mais le fait d’avoir piétiné avec dans le bar m’avait abîmé le talon et je ne pensais pas les garder aussi longtemps. Je soupirai et pris la parole.
«Meyer je suis désolée on peut s’asseoir un peu? J’ai mal aux pieds…»
Mais au lieu de ça il se rapprocha de moi et commença à me porter, je n’étais pas grosse certes mais j’avais peur de lui abîmer le dos, après tout nous en avions encore pour une quinzaine de minutes…
«Tu vas avoir mal au dos avec ton sac en plus. Je peux marcher ce n’est pas grave…» Dis-je en rougissant légèrement, que j’enviais sa femme… Mais malgré tout il ne me lâcha pas et nous continuions notre chemin.
- Tu vas avoir mal au dos avec ton sac en plus,protesta-t-elle.Je peux marcher, ce n’est pas grave. - Ҫa va, il y a juste mes vêtements de sport dedans,répondis-je.
Je recommençai à marcher et elle s’agrippa pour ne pas glisser. Elle me décrivit les rues que je devais emprunter, je suivis ses indications, aucunement gêné par son poids. Si Haku était trop maigre et ne pesait rien, Freja ne devait pas faire beaucoup plus, même en étant bien constituée.
« Bien foutue tu veux dire, »ricana Ihn que je n’avais pas entendu chez Owen.
Je me sentis rougir, inspirai un bon bol d’air pour le chasser de ma tête. A ce moment-là, je me mis à imaginer ce que la jeune femme devait penser dans la situation actuelle. Comme un con, je lui avais dit que j’étais toujours marié. Et je me comportais en célibataire. Elle se disait sûrement que j’agissais bizarrement, que je ne devais pas faire ça parce que ce n’était pas bien vis-à-vis de ma femme. Je la mettais peut-être dans l’embarras et elle n’osait pas me le dire…
« Et toi ? Qu’est-ce que t’en penses ? »
Moi ?
« Oui, pas le pape ! »
Je réfléchis. Ce que j’en pensais… c’était que j’avais l’impression de trahir Mary. Je l’aimais toujours, aussi fort que lorsqu’elle était en vie, raison pour laquelle je me sentais si mal de me rapprocher de Freja. Mary et moi avions vécu tant de choses en sept ans, à commencer par l’embaumement de son père, aussi glauque fut le sujet. Elle connaissait Ihn, elle l’avait accepté malgré les nombreuses fois où il ne fut pas tendre avec elle. Elle s’était liée à moi par le mariage, nous avions un enfant, le fruit de notre amour. Un enfant qui, malgré sa plus forte ressemblance avec moi, me faisait toujours penser à elle de par ses mimiques, sa façon de parler, ses goûts… Je n’étais pas prêt. Si j’en arrivais à penser ça, c’était que je ne me sentais clairement pas prêt à oublier ma défunte épouse. Je soupirai… peut-être un peu trop fort puisque Freja me demanda si ça allait.
- Ja*… la fatigue commence à arriver,mentis-je avec un faux sourire.
Je me maudis de lui raconter n’importe quoi. Ce n’était pas de sa faute, elle n’avait rien demandé. Le reste du trajet se déroula dans un silence un peu étrange. J’espérais que la demoiselle le mette sur le dos de notre épuisement mutuel. Sa tête qui reposait sur mon épaule ne m’aidait pas vraiment à calmer mes sentiments contradictoires mais je ne dis rien car elle devait être tout simplement exténuée. Nous arrivâmes à destination. C’était une jolie maison de plain-pied entourée d’une haie et accessible par un portail. Je déposai la jeune violoniste devant, avec toute la délicatesse dont j’étais capable.
Lorsqu’il commença à me porter je fus assez surprise et je dois l’avouer un peu gênée. Pour sa femme pour… L’amour que j’éprouvais envers lui? J’étais perdue et cela n'arrangeait rien à la situation, pourtant je me sentais aussi bien que mal. Pourquoi c’était tombé sur moi au juste? Je m’accrochais à lui délicatement alors qu’il me dit que son sac n’était pas lourd mais je repensais tout de même à l’amour que j’avais pour lui, il était si gentil avec moi que je tombais amoureuse de lui un peu plus à chaque fois que nous nous voyons. Peut être devais-je vraiment couper les ponts? Non… Malgré le fait qu’il ait une femme qu’il aimait je ne pouvais pas me résoudre à ne plus le voir enfin, façon de parler.
Je vis son sourire se dessiner alors que suite à son soupir il me dit que cela n’était que de la fatigue et je souris à mon tour, appuyant ma tête sur son épaule. J’avais envie de le sentir d’un peu plus près mais… Cela le dérangeait-il? Pourtant j’avais la tête lourde, je commençais à fatiguer réellement mais le silence qui s’installa, aussi bizarre soit-il m’endormait et me forçait à m’appuyer contre son épaule.
«Désolée j’ai la tête lourde à cause de la fatigue..» Me justifiais-je
Heureusement quelques minutes plus tard nous arrivions chez moi, je descendis de ses bras et ouvris le portillon en faisant un signe de la main à Meyer ne sachant pas si je devais lui faire la bise ou non, j’étais assez gênée en fait…
«Bonne nuit Meyer, fais attention en rentrant et n’oublie pas pour les cours particuliers de Janna» Je souris et me tournais dos à lui alors que la lumière à détecteur de mouvement s’allumait.
De nouveau sur pieds, elle ouvrit le portillon et me fit un signe de la main en guise d’au revoir.
- Bonne nuit Meyer, fais attention en rentrant et n’oublie pas pour les cours particuliers de Janna.
Je levai la main aussi.
- Oui, merci et bonne nuit.
Elle rentra dans la cour, déclenchant la lumière d’un spot qui éclaira le mur de la maison. Je tournai les talons, fourrai mes mains dans les poches de mon sweat et m’éloignai. J’avais une bonne vingtaine de minutes de marche avant d’arriver à la maison. De quoi avoir largement le temps de me prendre la tête à cogiter sur mon sort…
« Si tu veux mon avis… »
Non, je n’en veux pas de ton avis.
« Oh, allez, sois pas comme ça. »
Je soupirai. Je ne savais plus quoi faire. Pourquoi était-ce si difficile ? J’avais beau aimer Mary, plus jamais je ne pourrais la voir, la toucher, la prendre dans mes bras, l’embrasser. Je devais tourner la page. Il le fallait. Je ne pouvais pas rester coincé dans cet état d’abattement indécis. Je finirais par me rendre malade et Janna n’avait pas besoin d’un père au bord du gouffre. Mais… pourrais-je à nouveau faire confiance à une femme comme c’était le cas avec mon épouse ? Freja serait-elle capable de supporter ma maladie, l’imprévisibilité de Ihn, sa dangerosité ?
« Elle ne remplacera pas Mary. »
Ҫa, je le savais, merci.
« Noch nie*… »
Je me stoppai net, soudain angoissé. Le ton qu’il venait d’employer était très alarmant. Grave, empli de regrets, de chagrin et de menaces. Et je me mis à ressentir cette espèce de vague négative dans mon corps tout entier, des picotements dans les doigts, un début de mal de crâne, et la furieuse envie de frapper dans n’importe quoi. C’était comme ça quand le pessimisme de Ihn commençait à prendre le dessus. Alors je repris la marche, commençai à courir. Me dépenser m’aiderait à le contrer. Au bout de cinq cent mètres, je l’entendis de nouveau.
« Personne ne sera comme elle. »
Je secouai la tête.
« C’était la seule… et elle est morte. »
- Schnauze*,maugréai-je en me frappant la tempe du plat de la main.
Les minutes passèrent, je me rapprochais peu à peu de l’appartement. Toujours en courant, je passai non loin de l’hôpital puis de l’école de Janna, puis…
- Scheiße*…fis-je en m’arrêtant brusquement.
La respiration haletante, je regardai droit devant moi. La ruelle. J’y revenais encore sans m’en être rendu compte. Je ne voulais pas y entrer mais mon corps se mut tout seul et j’avançai. La lumière des lampadaires n’allait pas jusqu’au centre, il y faisait donc assez noir. Dans le silence le plus total, seulement brisé par mon souffle rapide, j’arrivai près du grand conteneur à déchets. Dans la semi obscurité, les poubelles ressemblaient à des ombres inquiétantes, noires et immobiles.
« J’pourrai jamais en aimer une autre, »poursuivit Ihn de cette voix toujours grondante.
A ce moment-là, j’eus comme un flash et vis le corps ensanglanté de Mary étendu dans les poubelles. Mon cœur fit un grand bond et je reculai de quelques pas, perturbé. Un autre flash et je la vis passer à côté de moi en courant, avant d’être rattrapée et poussée au sol par plusieurs ombres. Je me retournai. Ils avaient disparu. Les cris de Mary résonnaient. Je plaquai mes mains sur mes oreilles.
- Stop…gémis-je en fermant les yeux très fort.
Rien à faire, c’était comme s’ils se trouvaient dans ma tête. Je rouvris les paupières. Nouveau flash. Mary était au sol en train de se faire agresser par les ombres. L’une d’elles me parut familière, je plissai les yeux pour la distinguer. Mon cœur rata un battement. C’était moi. Ou quelque chose qui me ressemblait en tout cas. Son regard était bien trop sombre, et je pensai immédiatement à Ihn. Mon estomac se contracta et je fus pris de violentes nausées. Dans la seconde qui suivit, je rendis mon dernier repas et toutes les bières que j’avais bu dans la soirée, à quatre pattes par terre. Fiévreux, je me relevai en titubant, faillis perdre l’équilibre, me stabilisai tant bien que mal. Non… ça ne pouvait pas… Je reculai jusqu’à ce que mon dos rentre le mur en face des poubelles. Non, je ne pouvais pas avoir été là à ce moment… Je me rappelais très bien avoir géré des patients après le départ de Mary. Je n’avais quand même pas rêvé… si ? Ma respiration redevint haletante comme si je venais encore de courir. Non, ce n’était pas moi, je refusais d’y croire. Des témoins m’avaient vu travailler. Témoins que je n’avais pas croisés après… Si, Owen. Owen pourrait sûrement me confirmer ça. Il pourrait me dire que je… non, que Ihn n’était pas sorti de l’hôpital à la suite de Mary. Je l’espérais vivement… Le doute et la peur me rongeaient tellement que mes jambes flageolèrent et je glissai contre le mur jusqu’à me retrouver assis au sol. Des images de moi en train de faire du mal à Mary flashaient çà et là dans mon esprit. Je me pris la tête dans les mains. Je ne pouvais pas avoir assassiné ma propre épouse, c’était impossible ! Elle était tout pour moi, je l’aimais tellement… Ҫa ne pouvait pas être vrai. Les cris de Mary mirent un moment à s’estomper. L’épuisement me gagnait, je n’en pouvais plus. Je n’avais absolument aucune idée de l’heure qu’il était mais je devais rentrer à la maison. Je récupérais Janna demain matin. J’allais l’effrayer avec ma tête de zombie… Motivé par mes pensées envers ma fille, je retrouvai l’usage de mes jambes et me relevai en me tenant au mur. Il ne restait pas beaucoup de route pour atteindre l’appartement. Pourtant, j’eus l’impression de mettre des heures avant d’arriver devant la porte d’entrée. Je la déverrouillai, entrai, refermai derrière moi sans prendre la peine de tourner la clé dans la serrure. J’enlevai mes chaussures, me rendis à la cuisine pour aller boire un verre d’eau. Faible, j’allai dans ma chambre en oubliant d’éteindre la lumière de l’entrée… et me laissai tomber dans le lit.
___________________________ *Noch nie : Jamais *Schnauze : Ferme-la *Scheiße : Merde
The Wiesel Den 
