[2019] Séduction vénéneuse

C'était non loin de Stratford qu'une caravane stationnait depuis plusieurs années déjà. Un endroit un peu isolé, où la vie se faisait plus rare. Ce quartier n'était pas celui qui allait attirer mamie Christine, la plupart des habitants étaient plutôt donc tranquilles quand on ne s'amusait pas à chercher les emmerdes. Et c'était surprenant que la famille Clyde avait su rester pacifique face au mouvement. Ils étaient un peu tous des grandes gueules à se mêler un peu de tout. Mais stationner ce genre de véhicule à Londres sans payer un prix trop important...Ce n'était pas chose aisée. Ils n'allaient donc pas cracher, il fallait qu'ils restent ici. Quand partiraient-ils d'ailleurs ? Ces bohémiens ne sont pas censés être fils et filles des routes, à voir le paysage et découvrir ? Le père devenait vieux, les enfants préféraient ne plus trop bouger en attendant le triste événement. Ils n'étaient pas stupides, ils avaient une situation précaire et donc aucune assurance maladie. Il fallait le préserver. La famille était vraiment sacrée.

Cela faisait depuis plusieurs mois que la fratrie ne dansait plus dans les rues le soir tombé. La raison était simpliste: le froid et le manque de touriste. Enfin, c'était surtout la seconde explication. Car s'il y avait autant de monde qu'en été, ils ne se seraient certainement pas gêné pour continuer. Mais bon, ils avaient ce travail à Indare et même si Carmen n'avait pas beaucoup d'heures (donc moins payée qu'un professeur classique ) et que l'aîné, Jason, était un simple balayeur à mi-temps, ils arrivaient à se débrouiller ainsi.

La nuit commençait à tomber, ils étaient devant la caravane. Le père était assis sur les escalier de la maison de luxe, les frères au sol. Un feu avait été allumé, espérant que la fumée ne se verrait pas par l'obscurité. Une musique de fond. Carmen était devant. Pied nu et à moitié à poil dans sa tenue, mélange de tradition et de séduction orientale. Une nouvelle tenue qu'elle essayait. Et elle avait vraiment froid, elle ne comptait pas rester ainsi. Surtout avec les âmes errantes dans le coin. Elle dansait, montrant une autre façon de faire. Sa silhouette jouait avec l'ombre des flammes, sa robe qui vaguait, ses cheveux qui roulaient contre son dos. Son vente, ses hanches mis en avant et ses jambes qui se dévoilaient dès qu'elle tournait un peu trop. Vu de l'extérieur, cette scène aurait presque pu paraître glauque. Une femme à moitié à poil devant trois hommes... Il fallait avoir le contexte. Mais bon, après ils se ressemblaient un peu tous. Et la séduction était leur arme pour arracher de l'argent à de pauvres touristes.

La musique se coupa alors que Carmen prit une pose final, respirant doucement, transpirant un peu. Un mélange désagréable entre froid et chaud, ses pieds salis par la terre et la boue. Jason se leva en l'applaudissant.

- Et bien, tu t'es donnée, et tu veux qu'on fasse ça cet été ? C'est beaucoup trop de travail.

Il prit une vieille couverture et la mit autour des épaules de sa soeur qui avait du mal à retrouver sa respiration.

- C'est surtout beaucoup trop sexy. J'en ai marre déjà que certains se foutent de moi à l'école. Ça va pas m'aider, dit le cadet, Paco, en croisant les bras.
- Pourtant c'est toi qui l'a faite cette nouvelle tenue, riposta la grande.
- Comme si j'avais le choix.

Elle rigola et tapota sa tête. Sa famille était vraiment tout ce qu'elle avait. Elle pensait se changer quand une apparition se fit. Vous savez, un peu comme les clichés des méchants, arrivant dans l'ombre, applaudissant au ralentit. Les Clyde le reconnu: c'était le gars à qui ils louaient l'emplacement. Ce petit gars à la calvitie débutante n'inspirant confiance à personne. C'était à se demandait s'il avait même des amis avec l'aura qu'il dégageait. Mais après tout, la famille analysait facilement les autres. A force de voir du monde.

- Vous étiez merveilleuse Carmen. Et vous êtes toujours dans cette caravane, c'est étonnant.
- Je vous remercie. Que voulez-vous ?

Elle n'allait pas rester bien longtemps polie, elle le sentait.

- Vous avez quelques jours de retard non sur le loyer. Vous commencez à me connaître.
- Cela arrivera bientôt, dit Jason au loin  très méfiant de cet homme qui leur faisait face.
- Dans deux jours tout au plus, précisa la femme.

Il s'avança calmement, se plantant devant la bohémienne qui serra un peu plus sa couverture contre elle. Les pieds gelées. Il dit d'une voix plus basse.

- Vous savez. Je pourrais être plus gentil. Ou même vous offrir quelques mois si vous acceptiez de boire un verre chez moi.

Jason se leva. Parler à voix basse à sa sœur avec regard pervers... il savait ce que ça voulait dire. Cependant, Carmen resta sérieuse et neutre avant d'un coup attraper l'homme par le bras pour le forcer à s'éloigner du terrain loin des hommes. Elle avait un pas affirmé. Elle finit par se planter devant l'intrus et dire d'un ton très sérieux et affirmé:

- Il me semble que je suis tout à fait dans mon droit si je porte plainte pour harcèlement puisque ce n'est pas la première fois que j'ai ce genre de proposition. Vous avez intérêt de me foutre la paix, sinon je vais finir pas lâcher les chiens (dit-elle en parlant des frères). Si vous ne pensez qu'avec votre bite ce n'est pas mon problème, vous aurez l'argent maintenant partez.

Et elle aurait voulu en dire tellement plus...l'insulter de tous les noms. Mais il ne fallait pas non plus se faire virer. L'homme ne dit rien, la défiant puis s'en alla. Carmen resta alors planté puis soupira doucement. Elle perdait un peu pied en ce moment.

Elle regarda en face d'elle. Carmen se sentait frustrée. Elle pouvait tellement avoir une grande gueule que se contenir comme ça...C'était clairement pas naturel pour elle. Là, la jeune bohémienne aurait voulu l'attraper par le col pour lui dire tous les mots qui auraient pu lui sortir du crane. Un langage fleurit qui l'aurait un peu défoulé. Mais il fallait penser à sa famille en premier et il était bien mieux de garder le terrain. Sinon ils auraient certainement été obligés de se mettre en périphérie et ils n'avaient pas les moyen de se payer les transports en commun. La brune serra alors un peu plus sa couverture contre elle en voyant la silhouette disparaître dans l'ombre. Elle se frotta le visage, soupirant longuement. Il n'y avait rien de pire que de dépendre de l'humeur de quelqu'un. Et malgré ses menaces, elle ne porterait certainement jamais plainte. Ils n'étaient pas spécialement en règle non plus eux dans leur papier. D'une manière ou d'une autre il y aurait des conséquence.

- Vous allez bien… ?

Une voix résonna dans le silence. Elle se retourna d'un coup dans un sursaut qu'elle n'aurait pas cru possible chez elle. Certainement que l'ambiance du lieu ne l'aidait pas. C'était le timbre d'une jeune fille, aucun doute possible. Elle plissa un peu les yeux en la voyant s'approcher. Qu'avait-elle vu exactement et depuis combien de temps elle était là ? Bon, Carmen n'avait pas grand chose à cacher mais c'était étrange de penser que quelqu'un n'était pas très loin.

En s'approchant d'ailleurs, cette demoiselle débuta une phrase qu'elle stoppa pour prononcer le nom de l'égyptienne d'un air surpris. "Madame Clyde". Pour l'appeler ainsi, c'était une élève. Ben génial ! Comme si elle n'avait pas déjà une réputation assez pourrit comme ça.... Et oui, car son activité de danseuse des rues n'était pas passé inaperçue et pendant les deux trois mois qui avaient suivi son arrivé à l'école, les vidéos tournaient tout comme  les moqueries envers son frère qui était aussi à Indare. Parfois quelqu'un l'avait déjà traité de pute pendant son cours. Bref, Carmen avait tout fait pour ignorer et cela s'était calmé au fur et à mesure, puisque aucune réponse ne venait. Il ne resta alors plus que le fantasme d'une prof sexy qui danse dans la rue.

La brune observa alors l'élève un moment, plissant les yeux. Elle était censée savoir qui c'était...? De cette année, cela ne lui disait rien. Elle s'approcha un peu, un petit air méfiant pour l'observer de plus près. Elle devait être plutôt proche d'ailleurs, elle plaignait son interlocutrice si elle craignait ce genre de proximité. Mais bon, avec le manque de lumière aussi... D'un coup elle eu un flash et se recula un peu.

- Si ! Je t'ai eu l'année dernière ! Désolée, j'ai du mal, j'ai pas souvenir que tu étais très active dans mon cours.

Elle sourit. Sa phrase ne sonnait même pas comme un reproche. Juste comme de l'honnêteté tout simplement. Carmen mit une mèche derrière son oreille et regarda ses pieds. Mon dieu, elle se montrait dans un état...Elle eu un petit rire et s'empressa de dire:

- T'inquiète pas pour tout ça, je suis sortie à la hâte pour faire dégager un pervers dégueulasse.

Au loin, deux nouvelles silhouettes s'approchèrent. C'était ses frères qui commençaient à s'inquiéter. Peut-être que Tess les avait déjà croisé avant: l'un était balayeur à Indare et l'autre un simple élève plus jeune qu'elle.

- Carmen, tout va bien ? dit le plus grand, Jason.

La jeune femme sourit en faisant un petit signe de la main.

- Oui oui, je discute avec une ancienne élève (à ces mots, le poil de Paco s'hérissa, il s'éloigna et retourna à la caravane), le connard de tout à l'heure est partit.
- Ok, on ouvre les bières, reviens vite avant que je m'enfile tout.

Carmen hocha la tête puis se retourna vers la jeune Tess:

- Je suis désolée, tu peux me rappeler ton prénom ? Ah, comme ça je te dis dis le miens car "Clyde" c'est perturbant. J'suis Carmen.  

Elle écouta la réponse puis proposa:

- Tu te joindrais pas à nous pour boire une canette ? J'ai pas hyper envie de discuter dans le noir et pied nus.

La prof était très sociable. Elle avait déjà fait boire de la bière à une élève mineur et jeune donc bon...Elle avait pas vraiment les codes sociaux que les autres pouvaient avoir. Et puis elle pourrait peut-être un peu mieux s'expliquer comme ça ?

Carmen avait beau montrer une certaine confiance en elle, elle se sentait tout de même un peu désemparée que les gens arrivent toujours aux mauvais moments. En l'occurrence, juste après un harcèlement alors qu'elle était à moitié nue, enroulée sous sa couverture. Bien sûr que ceux qui n'avaient pas le contexte s'inquiétait ! Cependant Carmen nourrissait son image de femme forte  et même si elle avait envoyé bouler ce porc, elle se trouvait par son apparence en situation de vulnérabilité. Comme la petite pauvrette de la rue d'en face. Il lui fallu alors un peu de temps pour reconnaître l'élève en face d'elle, elle n'était pas la meilleur pour se souvenir d'un visage à moins qu'il ai quelque chose de particulier. Et ce fut les cheveux bleus qui la mirent sur la piste. Mais bon, la demoiselle en face d'elle lui indiqua qu'elle n'avait pas besoins de s'excuser, qu'elle était consciente qu'elle n'avait jamais rien fait de trop marquant pendant son cour. Carmen sourit alors que ses frères arrivèrent au loin.

Ils avaient dû s'inquiéter. Il connaissait la force caractérielle de leur sœur mais la laisser partir à part avec le vieux dégueulasse... Ils n'étaient quand même pas des plus confiants. La famille Clyde se protégeait tous et avaient tendance à donc être très les uns sur les autres. Ils n'avaient presque pas de vie privé ou intime ( à la caravane en tout cas ) et étaient habitués à la communauté et au partage. Personne n'osait quitter le nid. Tout le monde savait que ce serait très mal vu.

La jeune fille lui rappela alors à nouveau son prénom et lui dit cependant que ça allait être dur pour qu'elle l'appelle par le sien. Ah, le conformiste des enfants... On les obligeait tellement à vouvoyer les professeurs que le jour où on les autorisait à faire autrement, plus personne n'osait sauf les plus audacieux. Elle hocha alors la tête pour toute réponse, lui faisant comprendre que ce n'était pas bien grave et préféra lui proposer de venir boire une bière vers la caravane. Ce sera plus agréable que cette nuit... La punk accepta et Carmen lui fit signe de la suivre. Elles arrivèrent bientôt au véhicule où un feu crépitait devant. Autour, quelques chaises de campings. Le père était assis, calme et très silencieux comme à son habitude. Il passait ses journées à observer et quand il ouvrait la bouche c'était seulement pour donner des ordres. Paco et Jason était à nouveau assis et se redressèrent quand ils virent l'invité. Le plus jeune devint blanc et se leva pour aller directement dans la caravane. Carmen roula ses yeux en soupirant. Elle regarda Tess:

- On danse dans les rues l'été et il a honte de croiser quelqu'un de l'école, il assume pas. dit-elle ne ricanant avant de se tourner vers les personnes restantes, elle va boire un peu avec nous.

Carmen sourit un peu alors que l'aîné tenta de lancer comme à son habitude un regard un peu séducteur vers la nouvelle. Et vu qu'il le faisait très bien, difficile de ne pas le remarquer, ce n'était pas très discret.

- Oh, et c'est quoi son nom ? tenta-t-il un peu plus suavement.

Carmen souffla et passa à côté de Jason en lui frappant la tête.

- Quand on est poli on demande directement au concerné, et arrête avec ta voix on dirait un singe.
- T'es sérieuse là ? Dit-il dégoutté qu'elle ai gâché sa prestation.
- Depuis quand ne le suis-je pas hein ? Répondit la demoiselle d'un petit air malin et superieur.

La bohémienne retira la couverture sur ses épaules pour la poser sur la table en extérieur, dévoilant son dos nu et tout la fantaisie de ce qu'elle portait. Elle retira les accessoires dans ses cheveux puis se tourna vers Tess et dit d'un petit sourire en faisant un déhanché comique et assez caricatural:

- Pas trop mal non ? Le nouveau costume, dit-elle d'un petit rire avant de dire, bon je vais me changer car ça caille. Jason, si tu l'emmerdes, je te promets, t'auras plus de couilles.
- Je suis effrayé, marmonna-t-il ironiquement.

Carmen lui fit une tape sur l'épaule puis rentra dans la caravane. A l'intérieur, on entendit un: "Paco faudra faire quelques points, je vais finir les seins à l'air avec ce truc" suivit de la réponse de l'enfant caché: "Tais-toi et va te changer, tu me saoul".

Jason sourit à Tess et sortit une bière de la glacière qu'il lui lança après avoir été sûr qu'elle compter la rattraper. C'était du discount. Il dit:

- Assis-toi, on a de la place vu que le sale gosse est partit.

Carmen, assez rapide, revint après à peine trois minutes, habillée dans une sorte de grande robe toujours orientale mais qu faisait plus pyjama, plus relâchée et surtout beaucoup plus couverte. Elle avait attaché ses cheveux en un chignon et portait ce poncho de laine. Elle sortit et alla prendre aussi une bière avant de s'asseoir et dire à la jeune punk:

- C'est bon, il t'a pas trop emmerdé ?

Elle ouvrit la canette, suivit du bruit du gaz s’échappant.

Les soirées calmes accentuées par un feu devant une caravane était certainement le repère le plus apaisant pour Carmen. Cela allait avec la fatigue après une dure journée, les mines fatiguées mais toujours contentes d'être ensembles. De rester ce groupe fidèle. La bohémienne se voyait un peu comme un exemple en terme de famille modèle. Elle avait du mal à comprendre que cela n'était pas forcément bon de s'accrocher à celle-ci pour toute une vie et obliger les autres à en faire de même. Visiblement, Paco n'était pas toujours dans l'optique de faire comme son grand frère et sa grande sœur. Mais rien à faire, les deux étaient totalement fermés à une éventuelle discussion. Eux-mêmes avaient fermé leur rêve ou alors ne s'étaient jamais posés la question.

Satisfaite de la réponse de l'étudiante, Carmen était alors rentrée se changer. Même si c'était une grande gueule, pur féministe, elle était quand même du genre à aimer les beaux vêtements. D'ailleurs comme tout le petit groupe. Une passion qui venait de la mère. La couture revenait d'ailleurs maintenant au petit dernier qui avait visiblement toujours apprécié tenir une aiguille dans sa main.

Quand elle revint, elle voulu être sûr que Jason n'eu rien dit de gênant. Il pouvait clairement être lourd parfois à partir du moment où on n'était pas réceptif à sa façon d'être. Séducteur dans l'âme mais pas vraiment de façon discrète, il comptait également beaucoup sur son physique qui n'était pas vraiment banal. Ils avaient eu de la chanson de toute façon tous les trois, ils étaient loin d'être moches. S'ils étaient rejetés, c'était généralement à cause de leur origine ou du comportement qu'ils pouvaient avoir.  

La femme ouvrit alors sa canette tout en s'asseyant, regardant quand même son grand-frère de travers même si son invité venait de lui dire qu'il n'avait pas été désagréable. D'ailleurs celui-ci leva les deux mains, coinçant sa boisson entre ses cuisses, comme pour bien montrer qu'il était innocent. Il ricana avant de rajouter:

- Voyons, tu me connais si mal ma soeur. Cela me déçois pour être honnête.

Pour toute réponse, la brune lui fit un doigt d'honneur alors qu'elle buvait quelques gorgées de sa boisson fraîche. Elle se ressuya la lèvre puis dit après quelques secondes à l'intention de Tess avec un léger sourire:

- Ce ne sont pas les meilleures bière hein. Plus discount que ça, ça n'existe pas.

Elle  rigola doucement consciente que ce n'était pas la meilleure boisson au monde. Carmen ne faisait plus trop attention au gout, c'était presque le seul alcool qu'elle avait connu. Alcool qu'elle avait commencé à boire assez tôt d'ailleurs. Pour elle, il n'y avait plus rien de dérangeant mais elle ne souvenait bien des remarques d'autres personnes. Et même si au fond elle s'en foutait bien, l'égyptienne préférait prévenir. Elle étira alors tout son corps fatigué par l'exercice de la danse avant de bailler un peu. Elle voulu poser une question à la demoiselle quand elle entendit la voix du plus jeune des frères dans le véhicule:

- Carmen, j'ai oublié mon livre sur la table ! Tu peux l'apporter ?

Elle râla et répondit:

- Non t'es ridicule, va le chercher toi-même ton bouquin sérieux.

On entendit un grognement au fond avant que la danseuse ne reprenne en regardant Tess:

- Alors, pourquoi t'étais par ici. Enfin, c'est pas trop le genre d'endroit où on fait du tourisme.

Elle sourit en écoutant sa réponse. Pendant ce temps là, Paco sortit comme s'il voulait profiter de la discussion pour récupérer son bouquin en toute discrétion. Carmen lui lança un regard mais décida de ne pas le taquiner pour une fois. Elle le laissa prendre le livre et retourner dans la caravane.

La jeune fille tenait sa canette, regardant le sol s'étendre sous ses pieds. Elle aimait sentir la fraîcheur du soir après l’effort d'une danse, tout ça enrobé dans le gout d'une bière bon marchées. Elle aimait la présence d'autrui, ses frères et son père. A en oublier parfois son individualité puisque tout ce qu'elle faisait était pour sa famille et elle se voyait mal quitter le nid un jour.

A la réponse de l'étudiante, elle eu un petit ricanement en croisant son regard. Elle leva sa canette en ricanant et dit de sa voix à la tessiture grave:

- C'est ma devise, tu fais partis des vrais

Pour accompagner ses mots, elle bu plusieurs gorgée puis jeta un oeil à son frère qui la regarda avec un léger air exaspéré et il répondit au mouvement en triquant et imitant sa sœur.

Puis, Paco fit à nouveau honneur de sa présence en demandant son livre, continuant d'être ridicule comme Carmen le pensait. Le bohémienne regarda le jeune fille et ricana un peu en haussant les épaules. Ce fut le grand frère qui répondit à la place de la danseuse:

-  Il s'est fait plusieurs fois moqué à l'école à cause de ça. Il aime danser mais ça le gêne. Donc s'il t'a déjà vu là-bas, il se méfie.
- Hé ! Oses pas parler dans mon dos comme ça, brailla une voix venant encore de la caravane.

Il eu un petit silence et Carmen rajouta en rigola:

- On peut rajouter une bonne crise d'adolescence je crois aussi.

On l'entendit grogner. Le problème de cette famille était l'impossibilité de s'émanciper, d'avoir des rêves propres ou même une relation amoureuse poussée jusqu'à l’emménagement. Depuis, qu'ils étaient jeunes, par la pression des parents, ils se sont mis en tête qu'ils vivaient pour leur famille, qu'ils ne devaient jamais partir. Et depuis, cette pression, ils la poursuivent entre eux et surtout sur le plus jeune des frères montrant une envie de liberté plus forte, certainement à cause de l'école public dont les deux autres n'avaient pas eu accès.

La jeune fille raconta alors pourquoi elle était dans le coin. Carmen sourit doucement:

- Je vois, on traîne.

Elle s'étira longuement en laissant quelques secondes de silences.

- Je te comprends mais avec ces deux là, si je ne rentres pas à l'heure, ils lancent la sonnette d'alarme.

Jason roula des yeux en croisant les bras, voilà qu'elle commençait à se plaindre à des inconnues. Il se défendit:

- On a pas de moyens de communiquer, c'est normal de s'inquiéter.
- T'as qu'à acheter des portables, dit-elle d'un air malicieux.
- Carmen...

Elle leva les mains en l'air, faisant comme si elle n'avait rien dit. Oui, elle s'amusait à critiquer devant un invité, sachant très bien qu'on ne pourrait du coup pas la blâmer devant une inconnue. Elle posa sa canette vide au sol et en prit une autre, ayant envie de finir très légèrement saoul.[/i]