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Holly sentit lentement ses muscles se décrisper à mesure que la nuit s'écoulait, la colère refluer. Ses enfants étaient sains et saufs, la fusillade était passée depuis bien longtemps, elle ignorait qui l'avait déclenchée, elle n'avait pas le pouvoir de les retrouver et de leur faire payer, elle tenait cette colère de sa mère ; toutes ses raisons avaient fini par rendre à ses nerfs leur état normal. Doucement, elle posa la balle en mousse sur la table, la regardant reprendre sa forme normale, puis elle prit sa tête dans ses mains en posant ses coudes sur ses genoux. Elle ne s'était jamais sentie plus soulagée que quand les jumeaux leur avaient dit qu'ils comptaient quitter le Japon. Une année d'étude partie en fumée ? Ça n'était rien face au danger qu'ils avaient couru. Qu'ils couraient toujours, dans cette ville. Si Anko avait décidé elle aussi de quitter le pays, alors qu'elle n'avait jamais mis un pieds hors de l'archipel, c'était que la situation était bien plus grave encore.
Elle releva la tête en entendant du bruit dans l'escalier, ne tardant pas à apercevoir la silhouette du garçon qu'ils avaient recueilli. Il semblait mal à l'aise. Sans doute s'attendait-il à ce qu'ils dorment tous, vu l'obscurité qui régnait dehors. Un autre jour, il aurait eu raison à cette heure tardive, mais les circonstances étaient spéciales. Holly releva la tête vers lui en s’efforçant de prendre un air rassurant malgré ses traits encore un peu tirés par l'angoisse et la fatigue. "Si tu as faim, je t'ai laissé à manger sur la table de la cuisine," indiqua-t-elle à voix basse. Rien de très élaboré, ils avaient la tête ailleurs, la veille, qu'à cuisiner quelque chose de compliqué, alors ils s'étaient contentés d'assiettes de pâtes. D'un signe de tête, elle lui indiqua l'emplacement de la cuisine, à l'angle du salon, puis elle afficha un petit sourire. "Je ne sais pas ce que tu as traversé, mais tu es en sécurité ici."
Elle avait conscience de l'inutilité de ces mots. Elle-même, on les lui avait répété encore et encore quand elle avait fui sa mère, et elle ne les avait jamais cru. Ou pas avant des années sans avoir de nouvelles de cette femme, pas avant que les derniers bleus s'évaporent. On ne se défaisait pas si facilement d'une vie dans la peur. Elle le laissa s'installer et manger s'il en avait envie, s'adossant au canapé en fermant les yeux. Elle ressentait le besoin de rassurer cet enfant. Était-ce parce qu'elle se revoyait, elle, à son âge ou plus jeune encore, fuyant à travers tout un pays, sans moyen et par trois fois, jusqu'à ce que quelqu'un la trouve, désespérée et à bout, dans un bus pour le Kansas, et lui offre enfin une chance de fuir loin et pour toujours ? "Je suis passée par là, aussi," souffla-t-elle comme si elle craignait de briser le silence. "Je sais à quel point il des difficile de fuir, d'oublier, encore plus d'accepter que quelqu'un puisse te vouloir du bien sur cette planète." La femme qui l'avait aidée, elle, avait essuyé tellement de refus que c'était à se demander comment elle avait tenu le coup assez longtemps pour réussir à l'idée, finalement. Rien d'étonnant à cela : à l'époque, quand cette assistante sociale avait proposé de l'aider, Holly n'y avait vu qu'une personne de plus cherchant à la renvoyer chez elle car sa mère avait l'air désespérée et triste de l'avoir perdue. Les monstres savent paraître faibles, pour garder le contrôle sur leurs jouets. Elle rouvrit les yeux pour chasser l'image qui essayait de se dessiner sous ses paupières. Le visage de sa mère. Ce visage qu'elle n'oublierait jamais, qui lui donnait encore des sueurs froides et des nausées dès qu'elle y repensait.
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Le temps d’un instant, j’avais aperçu la dame comme en pleine réflexion, repliée sur elle-même. J’y vis beaucoup d’inquiétude. Par ma faute ? Parce que j’étais là ? Me voyait-elle comme un danger alors que sa fille ne parvenait pas à se méfier un peu de moi ? Je n’en sus rien étant donné qu’elle m’offrit un sourire qui n’avait rien de “méchant”, aucun autre terme ne parvenant à définir ce que je pensais. Pourtant, je ne parvins pas à me détendre. L’étranger seul face à la maîtresse de maison. Je m’attendais presque à ce qu’on me fasse des reproches, même tardifs, qu’on me fasse des leçons ou autres, et il n’en fut absolument rien. Au contraire, elle m’apprit simplement qu’elle m’avait laissé de quoi manger dans la cuisine. Elle me montra également, sans bouger de son fauteuil, où ladite pièce se trouvait, me laissant aller me servir seul. Trop de confiance dans cette famille… Finalement, ce n’était peut-être pas contre moi qu’elle était inquiète. J’avais du mal à comprendre ce qu’elle pensait, comment ils fonctionnait. C’était terriblement douloureux…
Méditant sur le fait qu’à ses yeux je sois en sécurité, j’allais dans la cuisine pour me prendre une assiette de pattes et des couverts avant de rejoindre mon hôte. Je ne savais pas ce que c’était réellement de ne pas être en danger. Je l’avais toujours été. Même enfant, les entraînements avaient mis ma vie en péril à chaque fois. Je ne parvenais donc pas à ressentir de soulagement face à ces paroles qui se voulaient pourtant réconfortantes. Ses enfants aussi m’avaient dit que je ne risquais plus rien. Mais n’existait-il pas toujours un risque, d’une façon ou d’une autre ? N’était-il pas plus judicieux de toujours rester sur ses gardes ? J’avais vraiment tellement de difficultés à comprendre…
- Merci…
Il s’agissait du premier mot que je lui adressais depuis que nous étions sous son toit et il me parut terriblement dérisoire. Pourtant, c’était ce que je ressentais le besoin de lui dire alors que je mangeais lentement, assis en face d’elle, faisant attention de ne rien salir. Aussi bien pour la nourriture qu’elle m’avait laissé, mais également pour le toit, la confiance, la “sécurité”. Oui, ce simple mot n’était pas assez fort pour montrer la gratitude que j’avais envers eux quatre. Gratitude qui me poussait à vouloir fuir loin, très loin, pour leur sécurité.
Holly me fit alors part qu’elle aussi était passé par ce que je traversais. Exactement ce que m’avait avoué Nick avant que je franchisse le seuil de cette maison. Sans doute pour me rassurer. Mais cela ne fonctionnait pas. Pas vraiment. Certes, cela me faisait me sentir un peu moins seul, mais cela ne changeait pas grand chose à ma situation. Cela ne me rendait pas moins dangereux, imprévisible ou perdu. C’est pourquoi je répondis d’une voix cassée :
- Qu’on me veuille du bien, encore, je peux à peu près le concevoir, Ellia n’étant pas la première tête de mule que j’ai rencontré. Mais le fait qu’on puisse me faire confiance même en sachant ce que je suis, beaucoup moins. Je ne comprends pas… comment vous en êtes arrivés à m’accueillir alors que j’aurais pu tuer votre fille même contre ma volonté…
Oui, mieux valait qu’elle le sache. Ellia ne leur avait certainement pas tout dit. Je ne le savais pas, mais pour que la méfiance à mon égard soit aussi basse, il était presque évident que la majeure partie de mon passé leur avait été cachée. Le secret n’apportait jamais rien de bon. Je le savais au point que je m’attendais à être chassé.
Le merci était faible, à peine murmuré, un remerciement timide qu'elle ne pouvait qu'apprécier, comprendre à sa juste valeur. Comme les mots semblaient dérisoires, parfois. Le mot merci pouvait contenir tellement de choses mais en omettre tout autant. Elle se contenta de hocher doucement la tête pour lui signifier qu'elle avait bien entendu son chuchotement, qu'elle l'avait compris. Elle le laissa s'installer et manger, ne parlant que lorsqu'elle l'estima propice pour partager son impression, ce point commun qu'ils partageait. Elle se sentait obligé de rassurer le garçon, de lui signifier qu'elle le comprenait. Plus ou moins.
Sa réponse la laissa silencieuse un moment. Plusieurs choses se succédèrent dans son esprit. La terreur ou la haine latente qu'il semblait ressentir envers lui-même, qui la ramenèrent, elle, aux démangeaisons dans ses poings qui l'avaient souvent, si souvent, poussée à s'isoler pour ne pas suivre le même chemin que sa mère. L'incompréhension dans sa voix brisée, qu'elle pouvait entendre à chaque mot. Et la dernière phrase, qui fit naître un sourire légèrement morbide sur ses lèvres.
"Je fais confiance à ma fille. Je fais confiance au jugement de mes enfants. Ellia est peut-être bornée, mais elle n'est pas idiote. Je sais qu'elle se met en danger pour protéger les autres. J'ignore pourquoi elle tient tant à te protéger, toi ; la connaissant, elle ne le sait sûrement pas elle-même. Mais je ne remets pas en cause ses décisions." Une confiance aveugle en ses enfants que Cahel comme Ellia lui avaient souvent reprochée, l'accusant d'être trop naïve ou de ne pas considérer qu'ils pouvaient se tromper. Mais ils avaient leur propre notion de la confiance dans les autres. Nick la comprenait un peu mieux. Plus sociable et plus avenant, il se fiait plus facilement aux gens. "Si tu es là, c'est que tu ne l'as pas blessée. Crois-moi qu'aucun de nous trois ne t'aurais laissé passer cette porte si tu lui avais fait le moindre mal." C'était un constat. Il n'y avait nulle menace dans sa voix, nulle agressivité, juste la plate neutralité de quelqu'un qui expose une évidence.
Holly se leva pour aller chercher un verre d'eau, revenant ensuite s'asseoir face au jeune homme. À vrai dire, ces paroles tournaient encore dans sa tête. Pourquoi se pensait-il capable de tuer Ellia contre sa volonté ? Qu'est-ce qui le rongeait, lui ? Toutes les personnes en souffrance étaient rongées par quelque chose. Elle par la haine et le besoin de posséder, Cahel par la curiosité et le rejet des refus. Lui, par quelque chose capable de tuer. "Tout ce qui est dangereux en soi peut être contrôlé." Sa violence était contrôlée, doucement remise en place, contenue sans jamais exploser contre qui que ce soit. Mais elle n'avait pas toujours été ainsi. Ses poings avaient failli tuer de nombreuses personnes avant qu'elle n'arrive à les enchaîner. "J'ignore ce qui te terrifies assez en toi pour que tu ne te penses pas digne de confiance. J'ignore à quel point tu es honnête quand tu dis que tu aurais pu tuer Ellia. Mais ce qui compte, ce sont tes actes, par les possibilités que tu as écartées. Tu ne l'as pas blessée. Quel que soit le mal qui te ronge, tu as su le garder sous contrôle. Que ce soit conscient ou non ne change rien au fait que tu es là, elle aussi, et vous êtes tous les deux sains et sauf." Elle n'en dit pas plus. Elle ne mentionna pas le fait que, s'il avait vraiment fini par s'en prendre à Ellia, non seulement aucun d'eux trois ne l'aurait laissé passer ce seuil, mais aucun ne l'aurait probablement laissé s'en sortir. Il n'avait pas besoin de plus de peur dans son quotidien, encore moins pour une hypothétique scène qui, telles que les choses étaient parties, n'était pas près de se produire.
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Le sourire qui naquit sur le visage de mon interlocutrice me fit baisser les yeux dès que je le vis. Il n’était pas pour bien. Il n’était pas pour me rassurer. Pourtant, les paroles qui suivirent n’avaient rien contre moi. Il s’agissait de l’expression de toute la confiance qu’elle avait en Ellia. Mais qu’était-ce que cela exactement ? Sans doute ce qui m’avait poussé à me raccrocher à ces têtes de mules voulant absolument braver tous les dangers. Pourtant, je n’avais rien ressenti de différent. Pas réellement. Alors, qu’était-ce ? Comment le ressentait-on ? A moins que c’était simplement la possibilité de s’en remettre à quelqu’un… Avais-je eu envie de me fier à quelqu’un sans peur depuis tout ce temps ? Alors, pourquoi n’y parvenais-je pas totalement ? Pourquoi étais-je aussi bridé face aux mains salvatrices qui m’étaient tendues ? Pourquoi avais-je si peur ?
Je hochai simplement la tête toujours baissée pour me permettre de regarder mes mains jointes. Les coudes posés sur mes genoux, je ne savais pas quoi faire ou que dire de plus. Après tout, elle m’avait exposé des faits, peut-être également un léger avertissement, mais rien qui me permette de lui répondre quoi que ce soit. Pas à mes yeux en tous les cas. Je restai donc ainsi le temps qu’elle revienne. Elle s’était levée pour aller dans la cuisine. Je l’avais entendue chercher dans un placard et verser de l’eau. Il ne me fut donc clairement pas étonnant de la voir revenir avec un verre d’eau qu’elle posa sur la table. Une phrase vint ensuite casser le silence qui s’était installé depuis qu’elle s’était de nouveau assise en face de moi : ce qui est dangereux en soi peut être contrôlé. Je comprenais le sens de la phrase, mais pas le sens profond qui se trouvait derrière les mots employés. Je ne répondis donc pas, préférant le silence au fait de me tromper. Même si dans ce cadre-là, il n’y avait peut-être pas de mauvaise réponse.
J’eus l’impression que Holly tentait de me rassurer en me montrant que je n’avais pas tué sa fille, que mon acte m’avait mené là, en sécurité. Pourtant, je sentis ma nervosité monter de quelques crans alors que je savais que j’allais devoir lui révéler ce que j’avais fait. J’avais peur. Non. J’étais terrifié. Après tout, on me voyait comme un adolescent perdu en qui une jeune fille avait confiance sans qu’on sache pourquoi, sans connaître mes faits. Je ne souhaitais pas qu’on me chasse à cause de ça. Je ne voulais pas être vu comme un assassin. Mais… c’était ce que j’étais… Serrant les poings alors que mes mains étaient toujours jointes, je me mis à chercher le courage nécessaire pour parler et dévoiler cette partie sombre avec laquelle j’avais vécu toute ma vie. Puis, quand j’en eu la force fragile, je lui répondis d’une voix tremblante, presque cassée :
- Je suis un assassin de la mafia. J’ai été éduqué pour l’être dès ma naissance sans que je parvienne à m’y faire. Mon seul soutien était ma mère et… quand j’ai appris qu’on l’a tuée pour ça, j’ai… j’ai assassiné son meurtrier. Mon père. Par la suite, j’ai été obligé de tuer pour la mafia. Je n’avais pas le choix. Quand je désobéissais, on me torturait. … Physiquement et moralement… … Pendant tous ces moments, j’ai eu des absences. Je ne me souviens de rien à propos des meurtres et de la majeure partie des tortures physiques que j’ai subies.
Tremblant, je lâchai mes mains pour en porter une à mon oeil blessé dont la cicatrice était voyante. Je tentai de me reprendre un moment, sans réel succès, avant de continuer sur ma lancée :
- Ellia était dans le collimateur de la mafia parce qu’elle s’est rapprochée de moi. Certainement que ça n’a pas plu qu’elle se rapproche de moi alors que je venais de faire une tentative de vendetta seul pour mettre fin à tout ça… *soupir* Mais, dans tous les cas, je n’en pouvais déjà plus. Trop d’absences sans que j’ai de réelles raisons apparentes qui auraient pu tuer quelqu’un, trop de sang sur les mains, trop de morts, trop de… Je voulais juste que tout s’arrête. Mais, maintenant, j’ai juste peur que je sois simplement un gamin que la “seconde personnalité” pousserait à tuer, même sans raison… J’ai tellement peur de faire du mal aux autres que je préférerais crever que laisser ça arriver…
Mes ongles griffèrent mon visage pendant que je prononçais cette dernière phrase. Les sourcils froncés, j’étais on ne peut plus sincère à ce propos, comme pour mon histoire, et j’espérais que la colère de la dame qui me faisait face ne serait pas trop grande. Après tout… Non. En fait, elle avait le droit de me détester. Peut-être que je ne le supporterais pas. Mais j’avais le devoir de recevoir de la haine face aux horreurs que j’avais commises.
L'angoisse du garçon était perceptible. Sans doute ne s'estimait-il pas digne d'être ici. Pas digne d'être aidé. Non... de quoi avait-il peur ? D'elle ? Il n'avait aucune raison, si tel était le cas. Sa voix étaait brisée quand il parla, et Holly l'écouta sans l'interrompre. Plusieurs fois, elle tiqua, s'efforçant de garder ses réactions pour elle. Famille dysfonctionnelle, torture physique et psychologique, mafia, assassinat. Elle ferma les yeux. Les souffrances qu'il avait subies étaient bien pire que ce qu'elle avait pu imaginer. Rien d'étonnant à ce qu'il soit aussi mal, aussi brisé, aussi effrayé, aussi. Son regard suivit le contour de la cicatrice sur son œil et, par réflexe, elle massa ses côtes. Sa propre cicatrice, invisible car elle n'était que psychologique. Tous ses bleus avaient disparu, ses côtes n'étaient plus fêlées, il ne lui restait plus aucune trace des coups que lui avait donné sa mère, à part le côté légèrement tordu de son nez.
Elle ne l'interrompit pas non plus lorsqu'il reprit la parole, et là, elle comprit enfin la véritable raison de son malaise. Du refus interne qu'il avait à ce qu'on lui fasse confiance. L'idée que la mafia ait pu vouloir s'en prendre spécifiquement à sa fille lui fit serrer les dents. Qu'ils étaient odieux, ces gens, à choisir une personne dont elle était proche pour faire leur sale besogne. Mais c'était un mal pour un bien, finalement ; un autre que lui n'aurait pas hésité, et si ça avait été le cas... Si ça avait été le cas, aujourd'hui, la mafia serait probablement noyée dans un bain de sang. Son contrôle de sa colère avait ses limites, et un assassin de sang froid les dépassait entièrement. Elle se serait juste assurée de tenir Nick à l'écart. Mais ça n'était pas arrivé. Parce qu'ils avaient choisi quelqu'un qui avait bien trop d'humanité pour commettre cet acte, et qui ne s'en apercevait même pas.
"Regarde moi," dit-elle en prenant ses mains pour les éloigner de son visage. "Combien de temps as-tu passé avec eux ? Combien de temps où ils étaient avec toi, sans défense. As-tu essayé de les tuer ?" Ce n'étaient pas vraiment des questions, elles n'attendaient aucune réponse. Juste de quoi le faire réfléchir à sa situation d'un autre point de vue. Puis elle soupira et ferma les yeux. "Tu n'es pas ce qu'ils ont voulu que tu sois. Tu n'es pas ce qu'ils t'ont fait subir. Si tu l'étais, ils n'auraient pas eu besoin de violence pour te faire agir." La violence affectait la personnalité, la souffrance affectait la psyché. "Je n'ai tué personne, mais je sais ce que ça fait d'avoir quelque chose en soi qu'on ne contrôle pas. Jusqu'à mes quinze ans, je n'ai connu que la violence comme langage. Être frappée, puis frapper. J'ai envoyé des gens à l'hôpital, j'ai repris conscience de mes gestes dans des bains de sang."
Elle prit une inspiration pour chasser les souvenirs qui essayaient de remonter à la surface. Parler de son passé lui donnait l'impression qu'il était dérisoire en comparaison du garçon qui lui faisait face, mais elle voulait simplement lui faire comprendre que tout cela ne le définissait pas. "Il n'est jamais trop tard pour reprendre le contrôle. Jamais trop tard pour changer. Tu as quel âge ? Dix-sept, dix-huit ans ?" Que faisait-elle, à dix-sept ans ? Ça commençait à être un peu vieux pour qu'elle se rappelle. Peu de temps après, Cahel allait en prison... et elle avait failli rechuter dans la violence tant le désarroi était grand. "Je ne dis pas que ça sera facile, simplement que tu as le choix. Tu estimes que l'on fait une erreur en te faisant confiance ? Tu penses que je vais te hurler dessus, te chasser ? Est-ce que tu souhaites ? Si je le fais, seul là dehors, tu ne pourras jamais te reconstruire. Errer dans les villes et les vastes plaines des Etats-Unis, seul et avec des idées noires, ça ne mène jamais à rien de bon." Là aussi, elle savait de quoi elle parlait. Elle avait l'impression de voir en lui une version plus brisée, plus dangereuse peut-être, que ce qu'elle était. Là où elle avait été la violence et la force pure jusqu'à ce qu'elle scelle ses poings, il avait été endoctriné pour être plus méthodique. Là où elle avait été frappée, jour après jour, encore et encore, il avait été torturé à un niveau bien plus douloureux. Elle ferma les yeux. "Ne penses-tu pas avoir été assez puni pour les crimes que l'on t'a poussé à commettre ?"
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Malgré sa demande spéciale, il me fut très difficile de lever les yeux sur la dame me faisant face. La première raison fut qu’elle prit mes mains, en approchant l’une des siennes de mon visage pour cela. Puis, ce fut par pure peur. Qu’est-ce que j’allais voir ? Qu’est-ce que j’allais découvrir ? Je ne voulais pas savoir. Pourtant, doucement, je levai les yeux sur Holly en tremblant et ce n’est que là qu’elle me posa quelques questions. J’avais envie de lui répondre, de lui dire avec précision les informations qui m’étaient demandées. Mais elle ne m’en laissa pas le temps. Pourtant, j’aurais tellement voulu lui répéter, lui préciser, que j’avais voulu tuer mes patrons, que j’avais voulu détruire la mafia de mes mains… sans succès. En tous les cas, les réponses je les avais en tête, bien fraîches et précises.
Ainsi, quand elle reprit en me faisant part de sa vision des choses, je me mordis la joue pour ne pas montrer combien le souvenir de ce qu’ils m’avaient fait, ce que Mao m’avait fait, me faisait souffrir. Puis, elle me fit part que, tout comme moi, elle avait fait des choses peu recommandables sans pouvoir le contrôler. Ma première question à cette révélation fut si elle avait elle aussi des absences, si elle avait une possible “double personnalité”. Mais elle ne m’en parla pas plus. Elle ne répondit pas à cette interrogation qui n’existait que pour me rassurer que pour en savoir plus sur mon interlocutrice. Et malgré son silence d’un instant, je ne dis rien. Il fallait que je comprenne où elle voulait en venir, après tout.
De nouvelles larmes firent surface quand elle me mit devant les yeux que je pouvais changer. Ce fut d’autant plus vrai à mesure qu’elle me demandait de façon rhétorique ce que je souhaitais par rapport à eux et ma vie. Elle alla même me faire la réflexion que je n’allais pas aller bien loin, dans mon état, seul dans un pays que je ne connaissais clairement pas. Ce, même si je n’étais pas sûr de savoir ce que signifiait l’expression “idées noires”. Je ne pus que lui donner raison et j’étais bien d’accord que je ne voulais pas que mes peurs deviennent réelles. Néanmoins, ce qui m’acheva totalement fut sa toute dernière question. Je ne sus que répondre à travers les larmes qui brouillaient ma vie. Je ne savais pas ce qu’était la bonne réponse à donner, ni même ce qui était réel ou non en-dehors de la mafia. Alors, tout ce que je pus répondre, à chaud, ce fut :
- J’ai été puni pour avoir désobéi… Mais je n’ai pas payé pour tous le sang que j’ai sur les mains… Je ne voulais pas les tuer. Je ne voulais pas et je ne sais même pas ce qui s’est passé quand je l’ai fait. Je ne me souviens pas et j’ai peur que ça recommence…
Doucement, je récupérai mes mains pour essuyer mon visage noyé de larmes. Ce ne fut pas très utile, mais cela m’aida un peu à reprendre contenance et continuer d’une voix légèrement plus calme :
- Ellia pense que j’ai une… une “double personnalité”, que ça expliquerait mes absences. Je n’ai pas très bien compris ce qu’elle voulait dire, je n’arrive pas à savoir. Mais même si c’est le cas, ça n’enlève rien au fait que c’est moi qui l’ai fait quand même. Et que j’ai été puni ou non, je m’en veux terriblement…
Holly afficha un petit sourire triste, compatissant, en voyant les larmes noyer le regard du jeune homme. Elle ressentait beaucoup trop de compassion pour ce garçon, et elle pouvait comprendre d'où était venue la détermination d'Ellia à l'aider, à le sortir des horreurs qui l'avaient frappé. Certes, sa fille n'avait pas eu la même enfance, elle avait été plutôt heureuse la majeure partie de sa vie, mais rester insensible à une peine aussi brute et aussi violente ne lui aurait pas ressemblé. Elle était trop altruiste et trop protectrice pour cela. S'il lui avait en plus dit qu'il avait été chargé de la tuer, connaissant sa façon de faire, elle avait probablement mis toute son énergie à le convaincre de la suivre pour ne pas se laisser atteindre par la peur. Protéger quelqu'un pour ne pas avoir envie qu'on la protège. Elle avait toujours fonctionné comme ça.
Elle libéra ses mains à mesure qu'il parlait, maintenant qu'elle était à peu près sûre qu'il ne s'en servirait pas pour se blesser davantage. Il semblait plus à même de s'effondrer que de se griffer à nouveau le visage. Elle l'écouta vider son cœur, exprimer enfin, vraiment, la peur qui lui nouait les entrailles, la culpabilité qui le rongeait de l'intérieur. Le regarda chasser les larmes de son visage. Sans un mot, elle attendit qu'il ait terminé. Qu'il ait enfin dit tout ce qui lui pesait. Elle savait à quel point c'était nécessaire, d'être écouté. De laisser exploser tout ce qui menaçait de nous briser. "Je comprends ta peur. Ta culpabilité. Je ne vais pas te mentir, elles ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Mais si tu as vraiment une double personnalité, ce n'est pas de ta faute. C'est une maladie, tu n'en es pas responsable." Elle savait très bien que ces mots ne serviraient à rien, ou pas maintenant. Peut-être lui reviendraient-ils plus tard, quand il les laisserait avoir une place dans son esprit. Quand la culpabilité s'effilocherait doucement.
Ensuite de quoi elle planta son regard dans celui du garçon, un air sérieux peint sur le visage. "Il n'y a pas de recette miracle. Juste le temps, et un changement d'environnement. Ils ne peuvent plus te forcer à rien. Dis-toi que sans eux, tu ne blesseras plus jamais personne. Répète-toi ces mots, encore et encore, jusqu'à ce que tu y croies." Jusqu'à ce que la phrase se grave dans son esprit, peut-être assez pour influencer cette deuxième personnalité, si elle existait. Ce serait à un psychiatre d'en décider, sûrement. Ce genre de diagnostic ne pouvait se faire pour soi-même, d'autant plus qu'il ne semblait pas véritablement le savoir, car il n'avait cité que les mots d'Ellia. Aussi protectrice et intelligente soit-elle, elle n'était probablement pas la mieux placée pour parler de ce sujet. Elle avait fait des études en sport, pas en psychologie. "Si pleurer t'aide, pleure. Et dis-toi que personne ici ne te laissera t'en prendre à qui que ce soit. Nick et Ellia ont beaucoup de force, Cahel a fait de la prison, il a l'air chétif mais il a affronté probablement plus fort que toi. Et moi... J'ai l'habitude, d'encaisser des coups. Aucun de nous quatre ne laissera ça recommencer. Tu n'es pas juste protégé de la mafia, ici, mais de toi-même aussi."
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La sincérité de Holly me fit aussi mal qu’elle me parut très juste. Elle m’avait parlé d’elle, donc le fait qu’elle me comprenne au moins un peu ne faisait aucun doute. Cela était presque douloureux. Mais ce qui le fut le plus, ce fut d’entendre que tout allait s’envoler d’un seul coup. Pourtant, je le savais. Je m’en étais douté. Mais comment remplacer cette douleur et cette peur devant une nouvelle variable incontrôlable qui entrait dans ma vie. Après tout, je n’avais vécu que ça : la culpabilité, la tristesse, la peur… Et bien que la “double personnalité” soit une maladie ne rendit pas les choses plus faciles. Comment ça aurait pu ? Comment aurais-je pu penser que ce n’était pas ma faute, malade ou non. C’était toujours moi qui leur avait retiré la vie ou qui les avait traumatisé. Je ne pouvais pas me l’amputer.
Je ne vis pas vraiment l’intérêt de me répéter une phrase qui, à mes oreilles, sonnaient encore comme un mensonge. Ce, jusqu’à ce qu’elle me fasse part de leur capacité à tous de se défendre. Un par un, elle nomma les membres de sa famille et ce qu’ils étaient capables de faire. J’avais eu la volonté de les protéger par tous les moyens, quitte à me donner la mort. Mais, finalement, c’était eux qui me protégeaient. De la mafia et de ma propre connerie, comme on venait de me le dire. Ce, depuis que Ellia m’avait prise sous son aile. Le réaliser me fit si mal que je pris mes manches dans mes poings et me mis à pleurer en posant mon visage sur le croisement qu’ils créaient. Je n’étais utile à personne et je ne pouvais rien faire seul depuis que j’avais quitté la mafia. Je savais déjà que j’avais pas mal de choses à apprendre, mais là ça devenait presque trop. Après tout, je ne savais pas vivre !
Je mis bien plusieurs dizaines de minutes pour parvenir à me calmer un peu. Ce n’est qu’à ce moment-là que je me relevai pour m’essuyer le visage à l’aide de ma main pour ne pas salir les vêtements que je venais d’emprunter. Je me rendis alors compte que je n’avais pas mis mon bandeau. Je me mordis la lèvre avant de demander d’une voix aussi rauque que cassée par mes sanglots passés :
- Qu’avez-vous pensé en voyant ma cicatrice ?
J’attendis de pouvoir écouter sa réponse avant de lui donner mon propre avis :
- Pour moi, c’est ce qui me ramène le plus vers le passé. C’est mon père qui me l’a faite et j’ai toujours peur qu’on la regarde. Enfin, d’habitude c’est le cas… Je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas caché cette fois…
Je ne savais pas trop pourquoi j’abordais le sujet alors que j’aurais dû simplement la remercier et la laisser aller dormir. Ce que je pouvais me montrer égoïste… Oui. Je n’étais qu’un égoïste au fond. Si je ne l’avais pas été, jamais je ne me reposerais sur cette famille. Non. Je n’avais pas le droit de dire ça… Pas maintenant que j’étais chez eux. Pas alors que j’avais choisi de vivre. … J’étais simplement perdu.
Ces larmes étaient si douloureuses. Holly se surprenait elle-même de l'empathie qu'elle ressentait. Ce n'était pas la première personne qu’elle voyait fondre en larmes mais, d'ordinaire, rien ne les liait. Là, qu'ils le veuillent ou non, ils étaient liés par un passé tragique, et liés par la décision d'une jeune fille trop protectrice et trop têtue pour son propre bien. Mais elle le laissa s'effondrer. Le laissa craquer totalement, fermant les yeux pour lui laisser un peu d'intimité dans sa crise de larmes. Elle ne voulait pas le fixer dans cette situation, même si elle entendait ses sanglots. Elle lui laissa le temps qu'il lui fallait. Quand il parvint enfin à parler et à respirer de façon plus cohérente, elle leva à nouveau les yeux vers lui.
Plus que sa question, ce fut son explication qui lui fit l'effet d'un coup au cœur. Une cicatrice tracée par un père bien plus monstrueux que sa propre mère, mais cela fit remonter ses souvenirs d'enfance. Les bleus sur son ventre, ses bras, le nez brisé, le verre sous la peau, la peur, le goût du sang dans sa bouche. Elle secoua la tête. Il avait dit avoir tué son père. Combien de fois en avait-elle rêvé, elle ? De retourner cette force et cette rage contre la femme qui en était responsable ? Était-ce en ce jour qu'il avait reçu cette cicatrice ? Elle était un rappel de sa souffrance, un rappel du sang qu'il avait sur les mains. Rien d'étonnant à ce qu'il la cache. Il n'y avait rien d'agréable à se faire renvoyer ce genre de souvenir au visage dès qu'on croisait son reflet dans un miroir, ou à potentiellement subir les questions indiscrètes des autres. C'était après tout pour ça qu'elle avait porté des vêtements longs toute sa vie. "J'ai repensé à ma mère et au cauchemar que j'ai enduré entre ses mains. Mes propres cicatrices invisibles." Pensée très égocentrique mais c'était ça, la seule chose qui lui avait traversé l'esprit quand elle avait vu cette cicatrice, probablement camouflée quand il était arrivé car elle ne l'avait remarquée que maintenant. Le talent en maquillage d'Ellia, à n'en pas douter. "Je peux à peine imaginer à quel point ça doit être douloureux, de la voir." Car c'était autre chose qu'un nez tordu à force d'être trop souvent cassé, autre chose que des bleus qu'elle imaginait mais qui n'étaient plus là. Cette cicatrice, elle serait toujours là. Dès qu'il lèverait les yeux vers un miroir pour y voir son reflet.
"Je ne peux pas répondre à cette question pour toi. Peut-être que tu ne l'as pas cachée car tu es en confiance, peut-être car elle était maquillée à ton arrivée ici et que tu n'as pas croisé de miroir depuis qu'elle est de nouveau visible." Elle doutait qu'il ait assez confiance en eux pour que la première option soit vraisemblable. En Ellia et Nick, peut-être, mais ils n'étaient que les parents. Ceux qui l'accueillaient mais ignoraient jusque là son histoire, ceux qui n'avait pas parcouru l'océan et partagé sa fuite.
Nick parle en #F5634A et en #BD171C (anglais) Ellia parle en #A98BA0 et en #A73A94 (anglais) Cahel parle en #0C355C et Holly en #680000
Elle n’avait pas répondu avant que je lui fasse part de mes propres impressions et questions. Par contre elle le fit par la suite, me surprenant au passage. Ainsi, j’appris qu’en la laissant ainsi je lui faisais penser à ses cicatrices, son passé. Mon sentiment de culpabilité ne s’en fit que plus fort sans que je sache quoi faire. La cacher maintenant était totalement inutile puisque cela n’enlèverait pas le mal qui était déjà fait. Pourtant, quand elle reprit, ce fut pour montrer de la compassion qui m’était destinée. Elle avait raison. A chaque fois que je voyais mon oeil je revoyais tout ce sang, tous ces corps, tout ce dont j’étais coupable… et la douleur d’avoir involontairement provoqué la mort de ma mère. Je haïssais encore mon père pour ce qu’il m’avait fait. Je me mordis donc la joue en hochant simplement la tête pour éviter de nouvelles paroles inutiles. J’avais assez pleuré et étalé ma vie pour la journée. … Ce que je pouvais être faible…
Revenant rapidement sur le fait que je ne savais pas pourquoi je ne l’avais pas cachée, Holly me donna ses hypothèses. C’est grâce à elle que je me souvins sans le montrer que, effectivement, cela faisait au moins plus de vingt-quatre heures que mon oeil était à l’air libre. C’était… terrifiant de me dire que je me faisais au fait de le laisser ainsi, que ça m’avait manqué. Je ne voulais pas qu’on voit cette trace de mon passé. Je ne voulais pas vivre avec cette cicatrice sur mon visage. Mais je n’avais pas le choix. Il fallait que je reste réaliste.
- Vous avez raison, même si je ne suis pas encore sûr de la confiance que je porte en chacun de vous… Il me faut un peu de temps pour ça…
Je lui avais répondu en réfléchissant un peu à cette hypothèse. Je ne savais plus ce qu’était que faire confiance exactement. Du coup, je ne voulais pas dire de bêtise. Et même si je m’étais reposé sur ses enfants pour ma fuite, je n’oubliais pas que j’avais une grosse partie de ma mémoire qui s’était envolée. Ce serait mentir de prétendre que je n’avais pas peur.
Sans attendre une réponse, je pris mon assiette et mes couverts pour les rapporter à la cuisine. En pensant que ce serait une bonne idée, je les mis à la cuisine avant de rejoindre la maîtresse de maison, ne sachant pas quoi dire de plus. Elle savait à présent et était prête à me garder sous son toit, à me protéger. Ce, alors même qu’il était pratiquement certain que j’allais leur apporter des ennuis à tous. Je me rassis donc à la place que j’avais occupée tout ce temps pour lui demander :
- Y a-t-il des règles dans la maison que je devrais connaître ? Ca… ça fait longtemps que je n’ai pas vécu dans une famille comme la vôtre. Du coup, je ne sais pas trop comment réagir. En plus de ça, en prenant en compte que je ne suis pas au Japon, je ne voudrais causer de tort à personne à cause de ça…
C’était peu, mais il s’agissait de ma part une volonté d’avancer lentement. Comme Holly l’avait dit, il allait me falloir du temps. Il allait falloir que je m’adapte. Et le meilleur moyen de le faire c’était de commencer à l’instant. Il fallait que je le fasse pour ne pas avoir l’impression d’être encore coincé entre deux mondes. Ou, au moins, pas autant que j’en avais le sentiment. C’était beaucoup trop dur à porter. Quitte à être arraché à la mafia, autant que ce soit définitivement !
Holly hocha doucement la tête. Bien évidemment, il ne pouvait pas leur faire confiance tout de suite. Elle avait l'avantage de se fier aveuglément à ses enfants, mais elle savait que Cahel se méfierait un moment, et elle trouvait normal que le jeune homme se méfie. Avec ce qui lui était arrivé par le passé, se fier à des inconnus, ou même à qui que ce soit, n'était pas une sinécure. Ça ne serait ni automatique, ni facile. Il aurait tout le temps dont il avait besoin. Rien ne le pressait de quitter cette maison ni ce pays pour le moment ; Holly voulait prendre soin de ses enfants et leur laisser le temps de se remettre avant de les laisser repartir. Elle ne répondit pas, le laissant déposer sa vaisselle dans la cuisine tandis qu'elle s'adossait à nouveau dans le canapé. Les jumeaux avaient le chic pour la mettre dans des situations qu'elle ne se serait jamais attendue à vivre un jour. Un petit-fils du côté de Nick, un ami sorti de la mafia du côté d'Ellia. Elle commençait à craindre la prochaine étape de leur existence, à force. Enfin tant qu'Ellia ne lui ramenait un nouveau petit-fils du jour au lendemain, tout irait bien.
Le garçon revint s'installer face à elle, visiblement un peu plus calme. En tout cas, il ne semblait plus secoué de sanglots et prêt à s'effondrer à la moindre parole. Elle ne doutait pas que la tempête sous son crâne était loin d'avoir disparu, cela dit. Il lui posa des questions, sans doute pour mieux s'adapter à la vie ici, mais elle se contenta d'un très discret haussement d'épaules. "Il n'y a pas de règles spéciales en soi. Ce que tu viens de faire sera suffisant : ranger ce qu'on sort et ce qu'on utilise histoire de ne pas laisser de bazar s'installer." Le reste finirait par se former tout seul. Ils avaient un rythme de vie non exprimé, alors elle ne pensait sûrement pas à tout. Ils trouveraient bien un moyen de lui faire une place.
Elle se leva doucement de son canapé et posa une main sur l'épaule du garçon avec un sourire. "Allez, va dormir un peu. Tu as l'air épuisé." Oui, elle était consciente qu'il avait fait une sieste tout le long de l'après-midi, mais il avait quand même l'air extrêmement fatigué. Rien d'étonnant à ça s'il avait été réveillé par la faim, ou même avec tout ce qui venait de lui tomber dessus. Elle le laissa prendre sa décision et retourna dans la cuisine pour poser son verre à côté de l'assiette qu'elle lui avait laissé, en profitant pour jeter un œil à l'heure. Un petit soupir s'échappa de ses lèvres. La nuit serait encore longue, et le sommeil se faisait toujours aussi absent. Elle savait qu'elle serait en forme le lendemain, mais ça ne l'empêcha pas d'observer l'horloge avec un regard désabusé. Résignée, elle retourna dans le salon pour prendre un livre et s’emmitoufler dans un plaid. Elle attendrait le matin, comme à son habitude.
Nick parle en #F5634A et en #EF2F3C (anglais) Ellia parle en #A98BA0 et en #C173B6 (anglais) Cahel parle en #0C355C et Holly en #680000
The Wiesel Den 
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