[2018] Briser le quotidien

Une blague ? Clairement pas, Praise avait le sentiment de ne plus jamais pouvoir oter le visage de la rousse de sa tête. Elle continua de sourire, sentant ses joues devenirent rose en prenant conscience de ses mots, mais ça ne lui traversait pas encore totallement la tête. La sincerité pouvait se lire sur son visage et elle du réprimer de nombreuses fois l'envie de prendre ce visage entre ses mains. Elle secoua la tête négativement comme toute réponse et regarda le feuillage, s'allongeant ses bras au dessus de la tête et repensant à son action, elle venait à peine de la rencontrer et pourtant elle ne pouvait s'empêcher de se montrer plus douce que d'habitude, elle qui d'ordinaire pouvait supporter les inepties d'un fou millénaire et qui se pliait en quatre pour aoder une potentielle amie, elle avait l'impression d'être un bonbon trop sucrée.  C'est après un soupire et ces quelques secondes de réflexion qu'elle surenchérit.

- Je n'aime pas mentir, je te trouve vraiment très belle, avec ou sans cache-oeil.

Jolie? Moi? C'était stupide. Une ineptie sans pareil. Comment pouvais-je être jolie avec un œil dysfonctionnel? Un œil qui jurait autant dans le paysage de mon visage par sa couleur qu'il ne jurait dans ma tête par son inutilité. Non Praise ne devait pas être sérieuse. C'était une blague.. une tentative de percer ma carapace pourtant.. pourtant.. pourtant j'aurais juré qu'elle ne disait pas de mensonges, juré pouvoir lire un éclat de vérité dans son regard.. Après tout.. moi non plus je n'ai pas sourcillé en voyant sa cicatrice, je n'ai pas trouvé Praise répugnante.. peut-être que je peux la croire.. peut-être que je peux essayer.. essayer de lui faire confiance.. Je détournais le regard pour le poser sur le bandeau qui jonchait le sol mais je ne le repris pas, au contraire, je me laissais glisser jusqu'à être affalée dans l'herbe, observant les nuages, avant de répondre, mal assurée mais avec mon ton de chipie habituel.

-"Bien sûr que je suis belle ! Je le sais.. mais.. que tu le penses ou pas.. c'est assez surprenant ce genre d'annonce surtout.. comme ça.. je te préviens si quelqu'un arrive, jolie ou pas, je cache ça.." fis-je en essayant de reprendre le contrôle de la situation et de mes émotions.

Je continuais de fixer le ciel bien trop bleu en repensant à ce compliment si touchant. Peut-être que j'ai un avenir finalement..

-"Dis Praise.. tu le penses vraiment?"

Praise tourna la tête vers la rousse, elle ne la croyait ? La balafrée savait que ce n'était pas commun de parler aussi ouvertement, mais tout de même ... Elle se contenta de lui sourire et de fermer les yeux pour réfléchir. Elle devrait peut-être prendre plus soin d'elle pour se montrer courageuse au lieu de déperir ... sans doutes.

- Oui je ne mentais pas

Elle était sérieuse. Les mots prirent un temps insensé avant de s'ancrer dans mon esprit. Les pensées se mouvaient lentement dans ma tête, un peu comme ces moutons célestes dans l'étendue bleue. Je tournais légèrement la tête pour regarder Praise avant de me relever et lui offrir une parole gentille, l'une des premières ici.

-"C'est gentil... Vraiment très gentil.. Enfin ça me touche.." fis-je avant d'essayer de garder le masque, du moins partiellement "Enfin j'espère que tu sais que tu n'es pas non plus aussi belle que moi mais que je pense aussi que tu es mieux sans ton bandage.. C'est plus naturel.. et puis c'est la première image que j'ai eu de toi donc bon.."

Je ne sais pas trop ce qui se passe dans ma tête mais qu'importe : un peu de laisser-aller ne me fera aucun mal. Je m'approche doucement d'elle pour m'allonger près d'elle et j'attire doucement la Miss pour avoir sa tête sur mes genoux. Un geste tendre que je n'avais qu'avec ma cousine il y'a de cela ce qui me semble être des siècles déjà. Je rougis faiblement et je replonge mon regard dans le ciel et même si c'est indiscret, je cède à la curiosité.

-"Dis.. tu veux bien me parler de toi.. après tout tu en as vu bien plus que beaucoup d'autres alors autant devenir amie" fis-je en essayant de faire croire à une pseudo-obligation

Ce petit compliment suivie de ce mouvement suffit à faire s'empourprer les joues de la balafrée qui eut un petit soupire d'aise avant de se blottir au mieux possible pour profiter au mieux de ce moment. Elle prit une petitee minute pour rassembler ce qu'elle savait d'elle en passant le dos de sa main droite sous ses doigts, la cicatrice s'y trouvant étant l'une des seules qu'elle ne s'était pas faite. Puis une fois tout en tête elle ouvrit les yeux pour regarder le ciel.

- Je m'appelle Praise Thelight, transférée en Irs pour tentative répété d'autodestruction et malnutrition volontaire ainsi qu'attitude violente envers ses parents proches. J'ai été dans les premières de ma classe en maternel en langue et en sport puis dans les dix premiers une fois arrivée au collége. J'aime cuisiner lorsque j'ai besoin de me changer les idées et je sais composé et jouer de la musique avec une batterie. J'ai arrêté de prendre "soin de moi" en moitié de l'équivalent à la première année et ait laissé mes notes baissées pour finir dans le top 10. Vers la fin de cette année j'ai changé d'établissement car ma mère est une importante femme d'affaire et qu'elle ne reste jamais plus de deux ans dans la même région. Je suis une gourde très maladroite qui a pas fichu de se foutre en l'air même plusieurs fois et je penses avoir une amie qui me trouve courageuse.

Un petit sourire s'esquissa sur mes lèvres alors que la demoiselle venait à me déballer une partie de sa vie : je ne me moquais en rien de ce qu'elle m'expliquait, au contraire j'en saisissais chaque mot comme s'ils étaient précieux. Après tout, ce genre d'instants normaux m'étaient interdits depuis mon accident et c'était de toucher de nouveau à cette normalité qui me valait ce sourire. Je notais avec une légère pointe au cœur certains éléments de son discours avant d'essayer d'approfondir le sujet.

-"Tu veux dire que tu as essayé de te faire du mal?"

La réponse était plus qu'évidente et ses mots n'avaient rien de trompeur mais je ne pouvais me les figurer. Pourquoi avoir autant de courage et souhaiter abréger son existence? Un parallèle vint à s'ouvrir entre ma cousine et Praise tandis qu'un frisson me traversait la nuque et le dos. Je n'avais rien pu faire pour Tessa et cette dernière avait l'air de me détester suffisamment pour que je ne puisse jamais plus rien faire pour elle mais je pouvais pour une fois aider quelqu'un.

-"Bien sûr que tu es courageuse.. Il faut juste que tu restes courageuse et que tu puisse compter sur une amie qui te trouve courageuse"  fis-je avant d'essayer de garder la face "Enfin ne te sens pas pousser des ailes parce que je suis gentille.. c'est passager.. je te promets pas de l'être chaque jour hein!"

Praise rit à la dernière phrase de la rousse, décidément elle trouvait ce coté tsundere absolument adorable. Elle referma les yeux puis mit ses mains sur son abdomen en soupirant d'aise.

- Je m'en souviendrais alors.

Elle réfléchit un peu, à tout et à rien, puis se décida de juste profiter du moment sans chercher plus loin. Si la gentillesse de la rousse était vraiment passagère alors ne la faisons pas partir plus tôt que prévu, puis la question de Willow lui revint en tête.

- Oui je m'en suis fait du mal, beaucoup, si ce ne serait qu'à moi je ne dis pas, mais j'ai aussi blessé d'autre gens à cause de ça ... Je ne m'aime pas, si seulement j'avais une machine à coudre géante, je pourrais recoudre mon coeur et changer pour être quelqu'un de mieux que mon moi actuel ...

Le temps passait alors que nous profitions toutes les deux du soleil ardent comme de l'ombre protectrice des arbres. Une dualité que nous illustrions à la perfection : j'avais beau être décrite comme la pire des garces et comme une fille facile par certains, sans que rien ne vienne illustrer ces derniers propos, je ne désirais pour rien au monde céder, montrer mes faiblesses alors que Praise, malgré une douceur assez visible, ne désirait qu'abréger ses souffrances. Ce constat vint m'enserrer le cœur comme si je ne pouvais m'y résoudre. . Etait-ce parce qu'elle m'était sympathique ou parce que je pouvais m'illustrer en partie dans ces mots? Je ne le saurais le dire : la question n'est pas là car je laissais alors mes paroles dépassées mes barrières habituelles. Je me contentais de passer mes doigts dans ses cheveux avec une douceur que je ne me connaissais pas avant de parler.

-"Tu ne me ferais pas de mal non? Alors arrête tes bêtises tu veux? On n'efface pas certaines blessures d'un cœur, c'est comme pour nos yeux.. laisse le temps au temps et laisse tes amis prendre soin de toi.. Tu ne seras plus toi si tu étais meilleure et moi j'aime bien celle avec qui je me laisse aller depuis tout à l'heure.." fis-je avant d'essayer de calmer le jeu "Enfin pas de films hein? Que tu aimes les garçons ou les filles, t'attends pas à me voir mielleuse avec toi sous prétexte que tu es pas bien!"

Le coeur de Praise se serra, la rouquine ne devait pas s'en douter, mais ces paroles lui avait déjà recousu légèrement le coeur, fille ou pas, c'est ce qu'elle avait besoin d'entendre pour l'instant. La balafrée retint cependant la fin de sa phrase ... Elle ne la trouvait pas bien ? Evidemment, qui pourrait la trouver bien ? La borgne ne se voit que comme une poupée de chiffon, on la recouds et la découds lorsqu'on ne lui trouve plus d'utilité. La borgne se retourna pour regarder la rouquine en restant sur elle.

- tu ne me trouves pas bien ?.. Je ne sais pas si je te ferais du mal ou pas ... Mais je ferais de mon mieux pour ne pas le faire ! Je ferais tout pour que tu me trouves bien !

- Tu ne me trouves pas bien ?.. Je ne sais pas si je te ferais du mal ou pas ... Mais je ferais de mon mieux pour ne pas le faire ! Je ferais tout pour que tu me trouves bien !

Je comprenais alors que ma réaffirmation pouvait être interprétée en l'exacte contraire de ce que je désirais. Certes,les dernières mots de la demoiselle avaient une saveur particulière, une teinte particulière. Quelqu'un voulait faire des efforts pour moi.. Je sentais déjà mes joues s'empourprer à cette simple idée mais je gardais constance du mieux possible. Ce n'était pas le moment de se faire des films! Je reprenais la conversation, espérant rattraper mes erreurs et effacer l'ombre des doutes de la demoiselle.

-" Mais idiote va! Je ne dis pas que tu n'es pas une personne bien.. Comment tu voudrais que j'en doutes ou que je le sache.. Je veux dire que je ne compte pas te ménager parce que la vie est difficile pour toi ou que tu es malheureuse.. Je ne suis pas ce genre de filles compatissante et niaise voyons!" fis-je avant de renchérir avec un ton légèrement plus doux " Ca ne veut pas dire que je ne compte pas t'aider ou t'écouter au besoin mais.. mais hors de question que tu t'en vantes ou que tu en parles autour de toi.. j'ai une réputation à tenir.."

L'idiote sentit ses joues se réchauffées puis ricana, elle commençait à adorer ce petit côté tsundere de la rousse, étonnement elle trouvait ce type de fille plus gentille, plus honnête. Elle remarqua enfin que les doigts de la rousse caressaient ses cheveux, cette fois ses joues étaient si chaudes qu'on pourrait y faire cuire un oeuf ou deux. Elle ne l'arrêta pas cependant, elle appréciait être dorloter ainsi. Elle poussa un nyuh d'aise et regarda la rouquine d'en bas.

- Je veux pas m'en vanter, sinon ça ferait des jaloyx j'en suis sûre ! Et je ne veux pas que tu ais des ennuis â cause de moi nyuh !.. Temps que tu restes gentille avec moi de temps tu peux me delander ce que tu veux !..

La balafrée se releva en même temps que ses phrases dans un mouvement assez doux, puis se plaça aux cotés de la rousse, assise et posant sa tête souriante sur son épaule.

- Je garderais ta gentillesse comme mon secret le plus précieux je te le promets !

Pouvais-je être plus rouge qu'en cet instant? Je n'avais décidément pas l'habitude qu'on me trouve mignonne, gentille ou toutes ses niaiseries auxquelles je me refusais d'accoutumée. Je ne laissais cependant pas cette gêne nouvelle m'empêchait de faire preuve de répartie de peur qu'on assimile cela à une assertion de ma part.

-"Je n'aurais pas vraiment d'ennuis mais.. je reste et je resterais une garce.. Je suis comme ça.. je ne suis gentille que pour cette fois.. ou pour d'autres.. bref je te garantis rien!" fis-je avant de détourner le regard pour fixer de nouveau le ciel.

Dès lors, je sentis la demoiselle se relever et s'installer contre moi tout en me soufflant quelques mots. Cette fille avait vraiment le don de me faire sentir bizarre ou gênée en toutes circonstances. Pour la peine.. je ne fis aucune remarque, me contentant de souffler, comme pour abandonner la chose.

-"On dira que ça suffira.. J'ai juste.. pas l'habitude d'être gentille.. J'ai trop peur de l'être d'habitude.. On profite toujours de la gentillesse des autres mais on ne profite jamais d'une garce étrangement.." fis-je en posant ma tête contre la sienne.

J'avais l'impression de retrouver le temps bénie avec ma cousine où je pouvais me laisser aller sans avoir peur des conséquences, une époque où je pouvais voir le monde de mes deux yeux et où la moitié de ce dernier ne me semblait pas noir comme la nuit.

Praise ne répondit rien, elle avait juste envie de profiter du moment priviligé qu'elle passait avec la chipie. Respirant lentement pour calmer son anxiété. Elle semblait faire autant de bien à willow que cette dernière lui en faisait. Pour l'idiote à l'oeil vert la rouquine était bien loin de l'image qu'elle se faisait d'une chipie, elle était même la personne la plus gentille qu'elle ait rencontré. Elle resta un bon moment ainsi, puis se souvint de cette chaleur étouffante et se releva avec précaution en tendant la main à sa nouvelle amie pour l'aider à se relever.

- Allons prendre une douche ! J'ai bien trop chaud et je vais fondre comme un esquimau si je m'endors ici.

Le temps continua de filer alors que je restais ainsi à profiter du beau temps et du voyage paisible des moutons de cotons dans l'océan bleu du firmament. Leur liberté était parfois enviable : ils voguaient à leurs gré sans se préoccuper du regard d'autrui sur leurs formes ou leurs textures alors que tout n'était que jugement sur cette basse terre. Tout sauf ma camarade. Celle-ci ne semblait pas me regarder autrement des autres ,un peu comme si j'étais une fille comme les autres malgré mon infirmité. J'avais en quelque sorte l'impression de retourner aux temps bénies où ma beauté et ma personnalité se suffisaient à elles-mêmes et que mon œil ne venait pas attirer tout les regards. C'est agréable en quelque sorte. C'est plongée dans mes pensées que je vis la jeune femme quitter son confortable abri pour me tendre la main et m'inviter à prendre une douche. Bon ben.. Attendez.

-"Quu..Quoi..?" fis-je en rougissant, étonnée par cette proposition osée.

Certes, sa compagnie était des plus appréciables mais étais-je assez en confiance pour la suivre dans un lieu aussi intimiste d'autant que je ne la connaissais que depuis une ou deux heures à tout casser. Je pesais le pour et le contre, ne sachant sur quel pied danser avant de laisser la fierté triompher. Je me relevais en m'appuyant sur la main offerte avant de murmurer.

-"Je te suis.. mais.. tu regardes pas trop.." fis-je avant de relancer " Tu risquerais d'être éblouie!"

Ricanant légèrement, Praise répondit un évasif oui avant de se diriger vers la salle de bain salvatrice, elle l'aura mérité cette douche. Cependant la pensée de voir willow en tenue d'Eve commençait doucement à faire chauffer les joues de la petite idiote. Sur le chemin elle enroula son bandeau pour la deuxième fois sur son visage avant de se ronger l'ongle perdue entre la chaleur étouffante et la beautée éblouissante que willow pensait - à juste titre - avoir. Elle se cogna la tête contre la porte de la salle de bain tant elle était pensive puis ouvrit correctement la porte en laissant willow passer avant.

- Les princesses d'abord !

Puis elle entra a son tour et retira sa chemise, laissant voir une brûlure au premier degré sur 'abdomen.