La voie des kobolds [Lana & Alexei]

Le trajet a été long. Très long. Même accompagnée par mon frère, 10h30 de train c'est trop long pour moi. Pourtant il a été plutôt calme. Heureusement après on a eu pas mal de temps de repos et ce n'est pas pour me déplaire. Ca m'a permis de manger et de passer encore un peu de temps avec Alexeï. Ne sachant pas ce qu'ils ont prévu pour nous, j'ai vraiment profité de chaque minute avec lui avant que deux personnes ne viennent nous parler. Une femme m'a expliquée qu'elle et son collègue allaient nous amener chacun d'un côté pour le point de départ. Elle va me guider sur un sentier forestier et devra en plus me bander les yeux. Ces deux simples informations ne me rassurent pas des masses. Me retrouver seule ne me dérange pas, j'en ai déjà l'habitude. Cependant être seule dans un lieu que je ne connais pas, là c'est plus embêtant. En plus je dois retrouver mon frère et ça c'est le pire. Je vais trop m'inquiéter pour lui, je le sens !

À 22h00, je me retrouve donc à mon point de départ, seule et avec la capsule dans la main. Bon. D'après ce que l'homme m'a dit, cette capsule contient un indice. Je l'ouvre et lis le texte noté dessus. Tu parles d'un indice... Je n'y comprends rien à leur énigme. Je n'ai jamais été douée pour la résolution de mystère. Et puis d'abord c'est quoi un kobold ? Un petit...non un gros soupire s'échappe alors que je me rends compte de la difficulté que j'aurai à retrouver mon frère. Pardon Alexeï, je risque de te provoquer plus d'inquiétude que voulu... Sans compter que je ne suis pas très douée non plus pour m'orienter. Si je ne me perds pas, ça tiendra du miracle. Même avec un GPS.

Je lis, relis encore et encore l'énigme pour essayer d'en comprendre le sens. Leur truc est déjà mal fait. Je dois rectifier leur première phrase. Pour trouver la voie des kobolds, il faut d'abord savoir ce que c'est que ces machins ! Je veux bien les comprendre mais d'abord je dois savoir quelles créatures ils sont. Ca a un rapport avec la pierre et des souterrains. La seule image qui me vient en tête, c'est celle de ces espèces de boules de caillou qui parlent dans la reine des neiges... Si j'utilise mon téléphone, ça ne sera pas considéré comme de la triche ? Pas pour demander directement à Alexeï où il se trouve – ça enlèverait le principe du jeu – mais juste pour savoir ce que c'est le kobold. Allez je tente. Au pire je me ferai taper sur les doigts.

Je sors donc mon téléphone et fouille sur internet pour obtenir ma réponse. C'est donc une espèce de lutin ? Il ressemble plutôt à un gobelin je trouve. Enfin peu importe. Il y a plusieurs espèces de cette race et apparemment, certains sont censés se trouver dans les maisons. Mouais. Mais les maisons ne sont pas souterraines. Et ce n'est de toute façon pas vraiment là-dedans qu'on apprend la vie... J'y comprends rien !!

Je m'assieds contre un arbre, prête à abandonner. Ouais. Déjà. Ce n'est pas mon truc d'insister pour quelque chose qui me laisse totalement dans l'incompréhension. Je lis quand même la suite de l'article sur les kobolds et là, un détail me remonte un peu ma motivation. Ca va aussi dans des mines ? Ca pourrait correspondre. Ils ressortent souvent des pierres, c'est dur, c'est souterrain et c'est vieux. C'est dans une mine que je trouverai mon frère ? Je tapote encore l'écran de mon téléphone pour essayer de voir où serait située une mine dans les environs. J'espère juste qu'il n'y en a pas plus d'une sinon je suis dans la mouise.

Je crois que j'ai trouvé la solution. Je l'espère. Je serai dans tous les cas plus rassurée lorsque je pourrai continuer l'aventure avec mon frère. Je laisse donc le GPS allumé et agrandis l'image pour repérer un truc qui me paraît bizarre. On dirait un bâtiment ou quelque chose du genre. C'est peut-être mon objectif. Croisons les doigts. Ce sera toujours plus intéressant et moins stupide que de rester assise contre un arbre sans rien faire. Je me relève donc et me tourne pour essayer de savoir la direction à prendre. Une fois prête, je me mets enfin en route. J'en profite pour répondre vite fait au message de mon frère pour le rassurer.

« Ca va, je crois que j'ai trouvé où aller. »

Je suis donc le chemin indiqué par le GPS jusqu'à ce que celui-ci n'actualise plus. Et le réseau a fini par me lâcher complètement. Et merde... Heureusement que j'ai pu retenir la direction à prendre même si je ne suis pas pour autant sûre à 100% de ma route. J'espère qu'Alexeï s'en sort bien aussi. Je pense que oui. Il est beaucoup plus débrouillard que moi alors il va sûrement trouver le chemin pour le lieu de rendez-vous.

De mon côté, je finis par arriver au lieu qui était suspect sur mon GPS. J'espère que je ne me suis pas trompée. N'ayant plus de GPS, je ne vois pas trop où je peux aller dans le cas où ce n'est pas ici le lieu de rendez-vous. Je ne risque pas de m'aventurer plus loin sans ce truc. Pas toute seule. Je vais me perdre sinon et sûrement mourir de froid et de faim dans un lieu obscur et on me retrouvera seulement plusieurs semaines plus tard, bonne à mettre dans un cercueil. Kyaaaah je ne veux pas mourir ! Alexeï viens vite si c'est bien là qu'on doit se retrouver !

Je me mets dans un coin et me prostre avant de sortir le reste de ma tablette de chocolat au lait. Je commence à la grignoter doucement – je me rassure comme je peux, ne me jugez pas – en regardant tout autour de moi. C'est flippant. J'entends déjà divers sons. Ca doit être la faune nocturne mais ça rend le lieu encore plus sinistre. Au secours...

Le GPS et Wikipédia m’ont été bien utiles. L’un m’a permis de comprendre ce que je dois chercher, l’autre m’a permis de savoir par où commencer mes recherches. Même si le réseau m’a lâchée et que le GPS ne s’est plus actualisé, j’ai tout de même fini par trouver un vieux bâtiment louche. Un truc en pierre, presque en ruine si j’en crois son état délabré. Ne sachant pas si c’est bien ce lieu pour la rencontre et prise de panique, je me suis seulement recroquevillée contre un arbre pour grignoter. Ca m’aide à me calmer même si ça ne me met clairement pas dans un état de zen attitude. J’entends trop de sons qui me fichent les jetons.

Je ne sais pas combien de temps passe avant que je ne finisse par entendre une voix qui m’est très familière. Le problème est que j’ignore si c’est le vrai Alexeï ou juste une illusion produite par mon cerveau malade. L’envie de me sentir en sécurité coûte que coûte prend le dessus alors peu m’importe qu’il soit réel ou non, je veux mon frère à mes côtés. Lorsqu’il s’assied à mes côtés, je me colle directement contre lui en voulant me rassurer. Okay. Je ne me casse pas la gueule alors il est réel. Je crois… On dira que oui. Ce ne serait pas la première fois qu’une hallucination me fasse croire à un vrai contact physique mais je verrai en temps et en heure. Dans le pire des cas je serai juste perdue dans un coin et on me retrouvera morte.

- Ouiiiii…

Une petite plainte avant qu’il ne reprenne la parole pour m’expliquer la suite du programme. Clope pour lui, chocolat pour moi et ensuite on entre dans le bâtiment. Une friandise qui a été rapidement terminée pour ma part puisqu’il m’en restait très peu. Alexeï termine sa cigarette – ça pue horriblement ce truc – pendant que je reste blottie contre lui. Puis on se relève après quelques minutes et direction le bâtiment en ruine. La porte a l’air dégueulasse. Humide et on dirait un peu moisie. Bref c’est vieux. Et quand mon frère me propose de lui tenir la main si j’ai peur, je ne me fais pas prier. Je lui prend immédiatement la main et la serre dans la mienne avant de pénétrer les lieux.

C’est glauque. Flippant aussi. On dirait un film d’horreur. C’est trop tard pour faire demi-tour et rentrer se mettre en sécurité ? C’est quoi toutes ces encoches dans les murs ? J’observe attentivement l’intérieur tout en me dirigeant vers les escaliers. Il y a peut-être des indices déjà présents avant qu’on ne doive réellement descendre.

Je me sens mieux maintenant que je suis à nouveau avec mon frère, peu importe qu’il soit réel ou non. Après notre petite pause cigarette ou nourriture, nous sommes entrés dans le bâtiment. Une fois à l’intérieur, j’observe les lieux tout autour de moi tout en serrant la main de mon frère. C’est plein d’encoches mais je ne comprend pas ce qu’elles signifient. Par contre plus je les regarde, plus j’ai l’impression de voir autre chose. Une silhouette formée par ces mêmes encoches. Non. Plusieurs silhouettes. Ce sont…

- Des fées !! Alexeï regardent, y a des fées ! On est dans leur repaire !

Ouais mais attends… De ce que j’ai lu sur internet, les kobolds sont des espèces de gobelins, pas des fées… Ce serait des fées qu’ils ont attrapées et enfermées ?

- J’me suis trompée, c’est pire que ça ! Ce sont les victimes des kobolds ! Ce sont leurs cadavres fossilisés !

Et me voilà partie dans un délire d’enquêtrice ou d’une espèce d’archéologue. Je continue donc de fouiller la zone pendant qu’on descend mais je ne trouve rien de plus. Une fois en bas des escaliers, c’est un autre problème qui se pose. Y a combien de tunnels dans ce coin ?!!! J’en compte cinq pour le moment. Et je crois qu’il y en a encore d’autres plus loin. Beuh, ça pue le labyrinthe ou un truc qui y ressemble. Je déteste les labyrinthes… J’ai aucun sens de l’orientation sans un GPS.

- Beuh, pourquoi les kobolds vivent dans ce genre d’endroit ? C’est glauque et flippant…

Il manquerait plus qu’un mort se réveille et qu’il nous attaque. Les catacombes sont les lieux propices à ça dans les films. Et puis c’est quoi cette poudre blanche au sol ? Il y a même encore des encoches sur les murs. On doit suivre quoi ? La poudre, les encoches, les deux ? Y aller au pif ?

- Tu crois qu’il faut suivre les encoches ? Les âmes des fées nous indiquent peut-être la direction à prendre.

Les fées sont gentilles, elles ne peuvent que nous aider. Enfin si on oublie Carabosse mais elle, elle avait ses raisons au fond d’elle. Et Clochette mais elle c’est parce que c’est une connasse jalouse de Wendy. Les autres sont gentilles et attentionnées. Mouais. Allez, on suit les encoches !

- Moi j’suis les fées !

Mais avant cela… Je prends la lampe torche et l’allume. Je n’y verrai pas grand-chose de plus si je vais plus loin sans elle.

Mon frère ne me croit pas quand je lui dis qu’il y a des fées mais je m’en fiche. Je sais qu’elles existent, j’en ai même la preuve sous les yeux, c’est tout ce qui compte. Puis les fées deviennent des cadavres dans ma tête. Ben oui, on est dans l’antre des kobolds. Les fées sont plutôt dans des forêts enchantées et non dans des catacombes dégueulasses et morbides.

Alexeï n’a pas l’air de beaucoup s’amuser par contre. Même quand il me répond, il a l’air plutôt blasé, démotivé, las. C’est le jeu qui l’emmerde ? Le fait que je crois toujours aux fées malgré mon âge ? Autre chose ? Je n’arrive pas à le savoir. Tout comme je n’arrive pas vraiment à savoir quel chemin prendre. Nous voilà déjà confrontés à un dilemme. Moi je veux suivre les fées et Alexeï veut suivre la poudre blanche bizarre qui traîne un peu partout sur le sol.

Mouais. Sa poudre ne me rassure pas vraiment. Comment savoir où ça nous mène alors que justement, y en a un peu partout ? Non, moi je dis qu’il faut suivre les fées.

- Mais ta poudre chelou ressemble à de la drogue pour momie et y en a partout… Mes fées y en a pas partout. Regarde, les encoches ont des formes différentes. Et elles ne sont pas partout avec des fées.

Je m’approche de l’un des couloirs où les encoches ne forment rien de particulier, voulant montrer à mon frère qu’il y a une différence.

- Regarde, là ça ressemble à rien. Et y a ta drogue de momie aussi…

Je vais vers un autre couloir, observant les encoches et encore une fois, pas de forme particulière mais encore de la poudre blanche un peu plus loin dans le tunnel. J’avais raison ! Sa poudre ne mènera nulle part ! Les fées, oui ! Je m’approche du couloir où les encochent forment des fées et autres créatures magiques, prenant la main d’Alexeï pour l’entraîner avec moi.

- Regarde là elles forment des créatures magiques ! J’suis sûre et certaine qu’il faut les suivre ! Et au pire, si c’est vraiment la drogue de momie qu’il fallait suivre et bien on n’aura qu’à faire demi-tour !

Et pour augmenter mes chances d’avoir l’accord de mon cher frère, je le regarde avec une bouille de chat plaintif. Je sais qu’en général il craque. Je ne sais pas si c’est parce qu’il n’aime pas me voir faire une tronche attristée ou si, au contraire, il me trouve trop mignonne avec ce genre d’expression mais en tout cas, c’est souvent efficace. Avec Austin aussi ça fonctionnait. Enfin...quand il est parti, ça n’a pas été efficace du tout le fait que je sois triste…

Je serre un peu plus la main de mon frère et tire légèrement dessus en voulant m’engager dans le tunnel qui contient les encoches de fées. Faux ou non, rester sur place ne nous avancera à rien. Il faut qu’on teste un couloir et tant pis si on finit dans un cul-de-sac. Il nous suffira juste de revenir sur nos pas si ça arrive.