À droite, l'école et ses élèves normaux, comme tout le monde.À gauche, le centre de redressement pour jeunes dangereux.Maintenant réunis, pour le pire.
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Dans le sport qui définira ta vie... Peut-être est-il mieux de ne pas prendre de risque inconsidéré ? La douleur subite dans son bras fit remonter cette question dans son esprit. Elle poussa un cri en prenant son poignet dans sa main, serrant les dents pour retenir les larmes subséquente à la blessure. Aussitôt, un coup de sifflet signala un temps mort et ses coéquipières se précipitèrent vers elle.
- Ça va ?
Hochement de tête. Mais son cœur s'était serré d'angoisse - non, de peur - dès qu'elle avait sentit quelque chose craquer dans son avant-bras. Elle déglutit. Déjà, le coach l'éloigna du reste et le match reprit, sans elle. Arrivée aux bancs, elle tenta de bouger le bras, grimaça en sentant qu'il lui résistait.
- Ne force pas trop, Chelsea.
Les yeux de l'adolescente se levèrent vers son enseignant, qui s'approcha pour soupeser son poignet, tester un peu les mouvements. Elle ne vit aucune expression inquiète sur son visage et cela contribua à la rassurer un peu.
- Ça n'est pas trop grave, à peine une petite foulure... Tu devrais aller à l'infirmerie. Mais d'ici deux ou trois jours, ça devrait être guéri.
Il semblait soulagé ; pas elle. Deux ou trois jours ? Deux ou trois jours sans entraînement ? Il ne l'accepterait jamais. L'air dépité, elle quitta le gymnase sans même prendre la peine de se changer, gardant son short et son maillot de sport. Elle n'avait rien contre le fait d'arrêter, mais lui si. Il lui en voudrait d'avoir fait ce faux mouvement, d'avoir risqué la saison en ne réceptionnant pas correctement la balle. Ils étaient à deux semaine à peine du premier match entre les lycées de la région. Elle allait rater des entraînements, elle allait être moins à niveau. Non, inimaginable. Elle ne s'en sortirait pas si facilement.
Chelsea sentit le goût amer des larmes remonter dans sa gorge et elle les ravala tant bien que mal, utilisant son bras valide pour se sécher les yeux à la va-vite. Puis elle entra dans le couloir de l'infirmerie et se figea en reconnaissant la silhouette de Josh à l'angle. Ses doigts se serrèrent un peu sur son poignet blessé.
Aujourd'hui, c'était le cours de sport et j'adorais bouger partout! Pour ma classe, c'était le cricket et on était tous content de faire ce sport, après tout, c'est la fierté de notre pays! C'est un sport que j'aime beaucoup pratiquer, même si j'ai toujours un peu peur de me faire mal aux mains en y jouant. Je ne voulais pas abîmer mes doigts ou mes bras, j'en avais besoin pour faire de la musique, surtout que cette année, je partais avec mon père en tournée! J'allais enfin voir comment mon père faisait quand il partait en concert, c'est génial! En plus, je deviendrais célèbre et j'apprendrais plein de choses, j'avais vraiment trop hâte!
On avait fait un match entre les élèves de nos classes et notre niveau était plutôt correct, mais on était loin d'avoir le niveau pour les compétitions nationales, comme les filles au volley-ball. Nous, on avait à peine de quoi passer les régionales, et encore, j'ai gaffé sur un de mes lancers, donc je n'étais pas forcément bien vu. Au moins, pendant la séance de sport, je m'étais bien entraîné et j'avais réussi à m'améliorer. Finalement, il y avait encore de l'espoir dans mes capacités sportives. Nous avions fini la séance avec ma classe avec un peu de fierté en chacun de nous, car à ce rythme, on pouvait espérer un bon classement dans la compétition, même si l'intérêt pour le cricket à l'école était moindre que celui du volley-ball. En plus, il y avait Chelsea qui jouait super bien! Elle est aussi douée à ce sport que moi à la musique! Elle était vraiment faite pour ça, même si j'ai l'impression qu'en la regardant que son activité avait moins d'âme et de passion que la mienne, mais c'était sans doute moi qui ne voyait peut-être pas toute l'implication de cette activité.
Me changeant et prenant une douche afin d'être plus présentable, je coiffais rapidement ma chevelure brune puis je saluai les gens de ma classe. C'était la récré et par conséquent, je pouvais traîner un peu dans les couloirs avant de retourner en cours. Je me promenais donc vers l'infirmerie, quand je vis mon amie qui s'y rendait ou y était à proximité par le plus grand des hasard. Son visage affichait une drôle d'expression que je ne saurais déchiffrer, sa main autour de son poignet, toujours en tenue de sport. Je la saluais alors d'un signe de la main.
-Salut Chelsea! Comment ça se passe au volley? On parlait justement de votre équipe au cricket, en disant qu'on devait vous soutenir lors de votre prochain match. Après tout, vous représentez l'élite sportive de l'école, et surtout, je vais quand même pas me défiler lors d'un moment aussi important.
J'arborais un franc sourire en la regardant. Ce n'était pas son genre de se balader en tenue de sport ici, à croire qu'elle était tellement à fond dans le sport qu'elle ne voulait plus changer de tenue. En y réfléchissant, je suis pareil quand je joue de la musique, j'ai du mal à vouloir faire autre chose. Elle pouvait bien me parler de son sport, je lui parlais bien de musique en permanence, par conséquent, ça ne sera qu'un juste retour des choses!
L'inconvénient quand on avait passé toute sa vie à faire le même sport en permanence, c'était que les gens prenaient ça pour une passion. On ne lui parlait que de ça. Les professeurs la félicitaient, les coachs aussi, et les quelques camarades qui lui parlaient ne lui parlaient aussi que de ça. Heureusement, elle ne discutait pas avec grand monde, la plupart des gens sortaient et elle était obligée de rentrer tout de suite après les cours, donc elle n'avait que peu d'amis. Ça n'était pas très grave : ça faisait moins de moment où on lui parlait de volley. Quoique. Elle soupira. Dire ça ne lui attirerait que des ennuis, elle n'avait pas envie de compliquer les choses.
- Tu n'es pas obligé de venir. Et puis, tu risques de devoir encourager quelqu'un d'autre, dit-elle en montrant son bras.
Elle n'avait pas encore de bleu, mais ça ne devrait pas tarder. Avec le coup qu'elle avait pris sur le poignet, et la torsion bizarre qu'il avait eue, il ne resterait pas intact. Même si ça guérissait en deux ou trois jours comme l'avait dit le coach, ça faisait un certain nombre d'entraînements à rater. Elle ne serait pas autant au niveau. Peut-être qu'elle ne pourrait pas jouer ces premiiers matchs, finalement. Elle aurait bien dit "si seulement", mais elle n'était pas sûre d'apprécier les répercussions. Les sessions d'été empêcheraient son père de lever la main sur elle, il ne l'avait pas fait depuis qu'il avait tira son bras trop fort quand elle avait six ans, mais... Elle passa sa main valide dans ses cheveux avec un regard statique, sans grimacer physiquement malgré sa grimace intérieure. Oui, mais. Mais il savait comment faire autrement.
- Le coach pense que ça guérira vite, mais bon... je suis pas aussi sûre que lui
Sourire, avoir l'air naturelle. Elle ne voulait pas poser de problème. Elle ne voulait pas qu'on l'arrache à son foyer pour la mettre ailleurs, avec des gens qui la mépriseraient et qui seraient peut-être plus violents encore. Son père l'avait prévenue bien des années plus tôt : si quelqu'un l'apprenait, on l'emmènerait. Elle n'avait pas envie de le décevoir, et elle n'avait pas non plus envie de jouer à la roulette pour y tirer une nouvelle famille.
- Enfin, il faut que j'aille voir, de toute façon.
Faites que ce ne soit rien, faites que ce ne soit rien, faites que ce ne soit rien...
Oh? Elle s'était blessée à son bras? Pas cool! Si ça se trouve, il était cassé et elle pourra pas jouer. C'est nul, vraiment, surtout que je venais souvent la regarder jouer quand je pouvais, c'est mon amie! Ça devait faire mal, j'aimerais pas que ça m'arrive quand je dois jouer d'un instrument. La pauvre, faut qu'elle se rétablisse au plus vite, comme ça, elle pourra vite rejouer et faire ce qu'elle aime le plus! Faudrait pas que je me blesse non plus, sinon, je ne pourrais probablement pas partir avec mon père. Chelsea poursuivit alors, disant que le coach rétorquait que ça guérira vite, même si elle était pessimiste. J'haussais les épaules, tentant de relativiser les choses et de la rassurer.
-Tu verras bien, mais si le coach dit que ça guérira vite, il a sans doute raison! Fais attention à toi!
Ce n'était pas une coïncidence alors, sa proximité avec l'infirmerie. Elle comptait donc s'y rendre afin d'évaluer la gravité de sa blessure. J'avais un peu de temps, alors autant que je reste avec elle, de toute manière, ça n'allait pas durer toute la journée, cette visite. Lui souriant, je tentais d'apporter un peu d'optimiste à Chelsea, afin qu'elle ne s'inquiète pas trop.
-Tu sais quoi? Je vais venir avec toi, peut-être que je te porterais chance et que la blessure guérira plus vite si je suis là!
Bah quoi? Maman dit que ça pouvait marcher, donc on peut toujours tester! Je me voyais mal la laisser seule de toute manière. C'est vrai ça, ils sont où les gens pour l'accompagner, alors qu'elle s'était faite mal en sport? Ils étaient tous assidus dans leur entraînement au point de ne pas l'aider? C'était donc ça, le sport de niveau? C'est vraiment impitoyable, mais heureusement, elle n'est plus seule! Je vais pouvoir l'aider à aller mieux, du moins, j'espère. Je suis bon en musique, pas en guérison.
Nous nous dirigeâmes alors vers l'infirmerie et j'ouvris la porte à Chelsea avant de la suivre. Il ne nous restait plus qu'à attendre que ça soit son tour de passer, il y avait sûrement des gens qui y étaient avant nous. Au pire, si j'arrive en retard au prochain cours, ce n'est pas grave, je dirais que c'est pour une bonne raison que je le suis, ce qui n'était pas faux! Qui aurait pu aider mon amie si jamais il lui était arrivée quelque chose sur le trajet? Moi, exagérer un peu, pas du tout! Je rends service! Et puis, elle aurait peut-être besoin de moi pour porter des affaires ou que sais-je encore.
"Sans doute raison". Ouais. Le problème, c'était qu'il aurait raison s'il n'y avait pas ce petit facteur extérieur, trois fois rien : combien de temps mettait une blessure à guérir si on manquait de nourriture ? Elle avait suffisamment écouté en cours de biologie pour savoir que ne pas manger réduisait les facultés du corps. Et guérir en faisait partie, non ? Elle mettrait sûrement plus de temps qu'une personne normale. Son cœur se serra légèrement. Elle ne dormirait probablement pas dans un lit cette nuit, non plus.
- C'est juste un ballon mal réceptionné, ça arrive.
Même si elle aurait mille fois préféré que ça arrive à n'importe qui d'autre qu'elle. Les autres auraient juste eu mal, au moins. Ça serait passé plus vite pour elles. Mais pour Chelsea, tout devenait toujours plus compliqué. C'était ça, d'être une future championne. Sans doute.
- Si tu veux, mais je suis à peu près sûre que c'est pas comme ça que ça marche.
Ses lèvres s'étirèrent légèrement dans son sourire habituel, qui devait sans doute paraître un peu faux de l'extérieur. Mais elle n'avait jamais su sourire autrement. Pour ça, il fallait être heureuse, et elle ne connaissait toujours pas le sens de ce mot. Peut-être qu'un jour, elle le trouverait. Mais pour ça, il faudrait qu'on la laisse s'éloigner de ce fichu ballon. Il n'y avait rien de plus ennuyer que de sauter sur un terrain. Franchement, elle ne comprenait pas les gens que ça amusait. mais c'était peut-être juste de la lassitude, à force d'avoir fait ça toute sa vie.
Elle entra dans l'infirmerie par la porte qu'il lui ouvrait et s'installa en silence sur une des chaises de la petite salle d'attente. Ça ne devrait pas être long. les gens revenaient généralement vite de l'infirmerie. D'ailleurs, la porte vers le bureau de l'infirmière s'ouvrit vite et celle-ci les invita à entrer d'un geste. Chelsea jeta un regard à Josh pour savoir s'il comptait venir ou l’attendre dehors puis elle entra.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? - Je me suis blessée en réceptionnant une balle.
Réponse laconique et peu marquée d'émotion tandis qu'elle tendait sa main à l'infirmière pour qu'elle puisse examiner son poignet. La jeune fille grimaça quand l'adulte fit pivoter son bras, mais ça ne sembla pas inquiéter la femme plus que ça.
- C'est une petite foulure. Deux ou trois jours de repos, et tout redeviendra comme avant.
Optimiste, elle aussi. Malheureusement, deux ou trois jours de repos, c'était deux ou trois jours de repos de trop.
- Tu es droitière ou gauchère ? - L... Les deux.
Bon, ce n'était pas le vrai mot, mais elle avait oublié. Et "les deux" ferait l'affaire, non ?
- D'accord. Évite d'utiliser ta main blessée en cours, d'accord ? Écris de l'autre.
Chelsea hocha la tête. Est-ce que si elle avait été droitière, on lui aurait dit de rentrer ? D'un coup, elle était très heureuse que la nature ait décidé de lui confier deux mains directrices. Elle n'était pas pressée de rentrer, d'affronter le regard de son père.
Ouf, c'était juste un ballon mal réceptionné, ce n'était donc pas si grave que ça! Chelsea allait sans doute avoir quelques jours de repos, c'est tout! J'avais tout de même décidé de l'accompagner à l'infirmerie, étant donné que j'avais encore de la marge avant de retourner en cours. Au moins, mes paroles l'avaient fait sourire un peu, c'était déjà ça. Nous entrâmes donc dans l'infirmerie et après quelques minutes d'attente, l'infirmière nous fit entrer. J'aurais pu partir tout de suite, mais en regardant l'horloge, je pouvais constater que j'avais encore pas mal de temps avant de retourner en cours. J'écoutais alors le dialogue entre mon amie et l'adulte en face de moi.
Je la regardais alors examiner son bras, et malgré la grimace de Chelsea, l'infirmière ne s'inquiéta pas plus que ça, disant que c'est une foulure et que ce n'était pas très grave. Souriant, je regardais ma camarade avec un grand sourire.
-Tu vois! Que quelques jours! Ça va aller! Si tu veux, je t'aiderai pour tes devoirs ou pour porter ton sac le temps que ton poignet guérisse.
Quand j'entendis qu'elle était ambidextre, je fus étonné, car c'était un talent rare que peu de personnes possèdent. C'était donc presque naturel que ça soit la meilleure joueuse de volleyball de l'école qui le possède. Si je pouvais utiliser mes deux mains aussi, je serais un musicien hors pair, mais je devais davantage travailler ma main gauche en musique pour pouvoir être plus efficace. Je devais être parfait pour pouvoir partir avec mon père. L'infirmière lui dit alors de rester en cours et de n'utiliser que sa main valide, le temps que l'autre se remette du choc qu'elle a subi. Une fois cela fini, elle nous demanda de partir afin de retourner en cours. On avait encore un peu de temps avant de reprendre les cours, l'occasion pour moi de discuter un peu avec Chelsea.
Je ne savais pas que t'étais ambidextre! C'est trop bien! Ce qui serait parfait, c'est que tu sois rétablie avant le match, je croise les doigts pour que ça soit le cas, je serais dans le même état d'esprit si ça m'était arrivé aussi. Je dois répéter sans cesse pour être prêt le jour où je vais partir avec mon père. J'ai trop hâte de jouer avec lui et partir en tournée, ça va être trop cool!
L'enthousiasme se lisait sur mon visage, car je n'avais qu'une envie, c'était de partir et de jouer devant un public, devenir célèbre et être reconnu pour ce que je sais faire de mieux, ma raison d'être et de vivre. Je suis né pour ça, et ce que je veux faire jusqu'à la fin de mes jours, et rien ne pourra m'en détourner. Chelsea devait sûrement ressentir la même chose concernant son sport favori, son père devait être fier d'elle, c'est sûr!
Ambidextre. Oui, c'était ça, le mot qu'elle cherchait. De là à dire que c'était trop bien, elle n'en était pas si sûre. Ce n'était pas elle qui l'avait voulu, ce n'était même pas comme ça qu'elle était née. Ça aussi, on l'avait entraînée à le faire. Son père l'avait forcée à écrire de la main gauche quand bien même elle était droitière, forcée à utiliser ses deux mains. Et même si c'était pratique pour le volley, ou dans ce genre de cas, ça restait... pas vraiment elle. Enfin bon, elle avait l'habitude, c'était le cas de beaucoup de choses. Elle n'avait pas besoin de s'amuser, après tout. Et, surtout, elle n'avait pas le temps.
- Ouais, ça serait parfait...
Est-ce que ça arriverait ? Peut-être. Tout dépendrait de la réaction de son père ce soir. Heureusement, le sujet ne resta pas longtemps. Ses lèvres s'étirèrent à nouveau légèrement. Elle aimait bien l'entendre parler de musique. Mine de rien, Josh était l'un des rares camarades qui ne la plombait pas toute la journée à lui parler de volley, des matchs, des compétitions, de son équipe, de sport, de toutes ces choses qui l'ennuyaient profondément. Elle n'aimait pas ça, les gens semblaient incapable de l'imaginer, et elle n'essayait pas vraiment de les démentir.
- Tu pars quand en tournée, déjà ?
S'intéresser aux autres et les laisser parler était plus simple. Ça lui évitait d'avoir à parler d'elle, de volley ou de son père, d'avoir à mentir pour qu'on ne l'emmène pas vivre dans un foyer ou un autre endroit horrible du genre. Et puis... il ne la frappait pas. Ce n'était pas comme s'il lui faisait vraiment du mal.
La sonnerie la coupa de ses pensées et elle réajusta son sac sur son épaule, sa main blessée toujours tendue le long du corps.
- Je dois aller en cours. On se voit demain ?
Si elle pouvait venir demain. Et s'il l'empêchait de sortir ? Après tout, elle n'avait aucune raison de venir si elle ne pouvait pas aller à l'entraînement et il voudrait peut-être qu'elle se repose toute la journée pour se remettre plus vite de sa blessure. Il avait été assez clair sur le fait que le sport passait avant son éducation. Ses notes, au final, ne comptaient que pour empêcher le coach de la sortir de l'équipe si elle ne faisait pas un assez bon travail en classe.
On avait continué de parler de sa blessure, mais rapidement, j'avais abordé le sujet de la musique et de la tournée avec mon père. Chelsea n'était pas du genre très bavarde, alors il fallait que je parle pour deux, mais ça n'avait pas l'air de la déranger. La jeune fille était attentive à mes propos, du moins, de ce que je voyais. Elle s'était intéressée à la date de mon départ, c'est vrai qu'elle allait me manquer quand je partirais en tournée, mais j'allais accomplir un de mes rêves, et hors de question qu'il me file entre les doigts!
-D'ici la fin de l'année scolaire, si tout va bien! J'irais probablement dans toute l'Océanie et une partie de l'Asie, j'ai hâte, même si mon père est assez exigeant.
On m'a demandé d'être irréprochable, car il attendait beaucoup de moi, pas au niveau de mes compétences, mais au niveau de ma discipline, car selon lui, elle laissait encore à désirer. Je ne vois pas de quoi il veut parler, mais on verra bien une fois là bas, si ça se trouve, je lui volerai même la vedette! La sonnerie retentit et il était temps pour nous de retourner en cours. Elle semblait bien se débrouiller, avec sa main restante, ce qui me rassura davantage sur la gravité de la situation. Finalement, ce n'était qu'une blessure mineure, donc aucune raison de m'inquiéter! Lui faisant un signe de la main, je partis alors en direction de ma classe.
-Ouais, avec plaisir! Allez, à demain!
Je m'éloignais alors, retournant en cours pour continuer ma journée après le sport, comme si celui-ci n'avait en aucun cas affecté mon énergie. Le reste de la journée se passa sans aucun souci, j'avais retrouvé mes potes, me demandant où j'étais. Je leur dis que j'étais tout simplement parti discuter avec Chelsea, ce à quoi, ils me répondirent avec un sourire.
-Cherches pas, t'as aucune chance avec elle! Faut au moins être la personne la plus populaire de l'école pour espérer sortir en ville avec elle. J'ai entendu dire qu'elle ne parlait qu'à ses coéquipières, faut pas chercher plus loin, on l'intéresse pas.
-Moi elle me parle
Pensais-je avec un haussement d'épaules. C'était une amie que je connaissais depuis longtemps, donc je ne vois pas en quoi je devrais m'abstenir de lui parler. Le reste de la journée passa rapidement, et une fois rentré chez moi, c'était la même routine : Devoirs puis répétitions avec divers instruments. Enfin, répétitions, c'était surtout de l'amusement!
Le lendemain matin
Me levant encore une fois en retard, je me dépêchais de m'habiller et de prendre un rapide petit-déjeuner avant de courir à toute vitesse pour ne pas rater le bus qui m'emmène à l'école. Ça m'apprendra à jouer de la musique sans arrêt et sans penser à me reposer. Entrant in extremis dans le bus, je cherchais ma voisine du regard, espérant la trouver. Si ça se trouve, c'est son père qui l'a ramené aujourd'hui. Bon, tant pis, si je ne la croise pas dans le bus, je serais sûr de la croiser dans l'établissement, il me suffira donc de la chercher là bas si elle n'est pas dans le transport en commun.
Alors il partait à la fin de l'année scolaire... C'était donc leur dernière année tous les deux... Elle avait quand même souri, contente pour lui qu'il ait ce qu'il voulait, même si elle savait que c'était perdre la seule personne qui ne lui parlerait pas de volley en permanence. Elle avait donc jusqu'en décembre et après ? L'année prochaine, elle serait seule. Revenue en cours, Chelsea soupira. Super. L'année commençait à peine, et elle pensait déjà à la suivante. Elle ferait sans doute mieux de se soucier de ces premiers matchs de l'année, à supposer qu'elle y ait sa place.
La cloche qui sonnait la fin de la journée, et qui était une libération pour les autres, lui serra le cœur. Elle n'avait pas envie de rentrer chez elle. Peut-être qu'elle pourrait juste ne pas dire à son père qu'elle s'était blessée ? L'idée ne lui semblait pas si mauvaise. Au lieu de sortir de l'école, Chelsea se précipita aux toilettes, déroulant la petite bande qui avait été posée autour de son bras. Voilà, comme ça, si elle ne faisait pas de geste brusque, il n'aurait aucun moyen de savoir qu'elle était blessée ! Et s'il ne le savait pas, les deux jours passeraient, elle reprendrait le sport comme si de rien n'était, et tout se passerait bien.
S'efforçant de garder son bras à l'abri des gestes brusques, Chelsea partit en courant en sens inverse, rejoignant la voiture de son père, qui lui jeta un regard froid et suspicieux.
- J'ai vu des camarades de ta classe sortir il y a cinq minutes. Tu es en retard. - J'étais aux toilettes... - Tu y serais allée à la maison.
Elle ne chercha pas à protester. Il était comme ça, il l'avait toujours été, et elle n'avait pas envie de débattre là-dessus. Elle se contenta de baisser docilement la tête. Le but était de ne surtout pas l'énerver, de faire tout ce qu'il voulait exactement comme il le voulait, et de revenir à l'école demain comme si rien ne s'était passé pour remettre son bandage et reprendre le repos de son bras. Peut-être qu'elle pouvait s'en sortir facilement...
Cependant, elle avait oublié un petit détail. En rentrant et en s'installant à la table du salon pour faire ses devoirs, elle prit naturellement son stylo dans sa main gauche pour épargner la droite. Ce geste aurait pu paraître banal, mais rien n'était jamais banal aux yeux de son père.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Elle aurait pu répondre "mes devoirs", mais elle vit très bien qu'il avait les yeux rivés sur sa main gauche et le stylo qu'elle y tenait.
- Je... J'entraîne ma main gauche. Le coach a dit qu'elle manquait de réflexes par rapport à la droite.
Son père fronça les sourcils et elle déglutit. Sursauta, quand sa main frappa violemment la table.
- Ne me mens pas, Chelsea !
La jeune fille baissa les yeux. Elle ne pouvait pas lui mentir, il le voyait trop facilement. Elle n'avait jamais été douée pour ça. Le cri franchit ses lèvres avant qu'elle ne sente véritablement la douleur sur son poignet droit.
- Tu t'es blessée ?!
Des larmes de douleur dans les yeux, elle hocha la tête, et elle vit de la colère brûler encore plus profondément dans ses prunelles. Son expression s'assombrit à mesure que la douleur de sa fille s'accentuait.
- Tu me fais mal... - Tu voulais me cacher une blessure ? Tu pensais vraiment que je ne le remarquerai pas ? - D... Désolée... - Ça ne sert à rien d'être désolée.
Un choc brutal la tira par le bras et elle sentit les coussins du canapé dans son dos dans un atterrissage qui lui aurait probablement laissé des bleus si elle ne s'était pas retrouvé sur une surface douce. Un sanglot la secoua et elle ramena son bras contre sa poitrine. Elle avait mal. Bien plus mal qu'au moment du choc, ou que quand l'infirmière avait vérifié sa blessure. Chelsea se recroquevilla quand son père s'approcha, gémit de douleur en sentant une main la tirer par les cheveux pour la redresser.
- Tu m'épargnes d'avoir à cuisiner quelque chose. Finis tes devoirs.
Elle hocha difficilement la tête malgré les larmes qui lui brûlait les yeux et la main qui donnait l'impression de vouloir lui arracher le crâne. Tremblante, elle finit maladroitement les exercices qu'il lui restait, malgré la douleur cuisante qui lui enflammait le bras. Quand elle referma son dernier cahier, il ne fallut pas longtemps avant que la silhouette de son père apparaisse derrière elle. Et elle ne chercha pas à protester quand il lui fit signe de se relever et la guida jusqu'au bout du couloir. Elle mit les pieds dans la pièce d'elle-même avant que la porte se referme et la laisse dans l'obscurité. Alors, elle s'effondra.
• • • • • • • • •
Le trajet jusqu'à l'école se fit dans un silence total. Recroquevillée dans la voiture, appuyée contre la porte, Chelsea tenait contre elle la main que son pire avait pris soin de rebander correctement. Elle descendit sur son hypocrisie habituelle, un "bonne journée" qui la fit grincer des dents mais auquel elle répondit d'un ton calme. Elle fit même l'effort de sourire quand il lui recommanda de faire attention à son bras, sous les yeux des professeurs. Son bras... comment les gens réagiraient-ils en découvrant que la blessure avait empiré ? Penseraient-ils qu'ils s'étaient trompés sur le diagnostic.. ? Il valait mieux...
J'attendais donc dans la cour que Chelsea arrive, son père a sûrement dû la ramener ici, sinon, je l'aurais vu dans le bus, étant donné qu'elle habite juste en face. Quand je vis la voiture de son père arriver, je me dirigeais vers l'entrée pour l'accueillir, et instinctivement, je regardais son bras pour voir s'il allait mieux, et étrangement, la jeune fille me donnait l'impression du contraire. Son bandage était refait, son père l'avait sans doute aidé. Curieux, je l'interrogeai à propos de son bras.
-Salut Chelsea! Alors, ton bras, ça va?
Je l'observais alors et rapidement, je déchantais. Ça n'avait pas l'air d'être mieux, pourtant, ça n'avait pas l'air d'être grand chose, de base. Pourtant, ça ne devait durer que quelques jours, alors pourquoi j'avais l'impression que c'était pire qu'avant? Le bandage avait l'air plus imposant qu'hier. Je continuais donc de la questionner.
-Ça n'a pas l'air d'aller... Peut-être que l'infirmière s'est trompée.
Après tout, elle a peut-être dit à Chelsea qu'elle n'avait pas grand chose pour qu'elle parte plus vite, même si elle se trompait rarement. Comment elle allait jouer ce weekend si sa blessure s'était empirée, surtout que son équipe avait besoin d'elle! On dit que Chelsea est l'une des meilleures joueuses de l'équipe et que malgré son âge, elle avait une rigueur et un professionnalisme à toute épreuve. On avait encore un peu de temps avant que la sonnerie de l'établissement résonne, une bonne occasion pour m'éclaircir sur son état actuel.
-Mieux vaut que tu te reposes ce weekend...
J'étais un peu inquiet, mais à sa place, je sais que je pourrais pas me reposer, même avec un bras cassé, je continuerai à jouer de la musique, alors j'imagine que pour elle, se reposer et mettre le volley en pause, c'était impensable.
"Ton bras, ça va ?" Question innocente qui, pourtant, lui serra le cœur. Non, ça n'allait pas. Elle avait mal, terriblement mal à ce bras qu'il avait tordu sans la moindre once de compassion, enragé qu'elle ait osé lui cacher une blessure potentiellement handicapante. Il l'avait empirée, en faisant ça, il le savait sûrement. Mais avait-il vraiment pensé à ça ? Probablement pas. Sa colère face à son mensonge avait été plus forte, et il s'était sûrement dit que blessée pour blessée, ça ne changerait rien. Il ne jugeait que par les performances et, quelle que soit la durée de sa blessure, sa performance en serait amoindrie, alors autant la punir. Elle n'aurait pas dû mentir, c'était idiot. Elle ne le pensait simplement pas capable de venir aggraver la blessure.
Elle le vit grimacer et elle ne pouvait pas l'en blâmer. Contrairement à elle, il ne pouvait pas savoir. Il ne pouvait pas deviner que ça arriverait alors qu'elle, elle le savait, elle s'en doutait, c'était pour ça qu'elle avait pris le stupide risque de mentir. Elle pensait que s'il ne voyait pas qu'elle s'était fait mal, il ne remarquerait pas qu'elle avait manqué quelques entraînements avant les matchs de la semaine prochaine. Pourrait-elle seulement les jouer ? Ou bien lui ferait-il payer ça aussi, si elle n'avait pas le temps de s'en remettre ? Il n'y avait bien que sur le terrain qu'elle avait une chance de gagner quoi que ce soit.
- Peut-être...
Elle aurait pu simplement dire que l'infirmière avait sous-estimé la blessure, mais elle n'aimait pas mentir. Ça n'apportait jamais rien de bon, de toute manière, elle l'avait déjà expérimenté la veille. Elle effleura son bandage du bout des doigts, grimaçant légèrement sous la douleur qui se réveilla à ce simple contact.
- Ça va bien finir par passer.
De préférence avant les finales, pour qu'elle n'expérimente pas en plus la colère de son père de la voir sur le banc tout au long du match, quand bien même c'était sa faute. Même s'il était celui qui l'avait blessée, elle pouvait déjà prédire ses réponses. Il n'avait fait que relever un problème qu'elle avait voulu cacher. Si elle n'avait pas raté sa réception, si elle n'avait pas menti, rien ne serait arrivé. Donc, si elle ne jouait pas les premiers matchs de la saison, ce serait de sa faute. Mais en deux semaines... en deux semaines elle aurait le temps de guérir, non ? De se remettre à niveau ?
- Je dois être prête pour les premiers matchs de la saison.
Se reposer, elle ? Comme si elle en avait le temps. La possibilité. Non, ce week-end, elle entraînerait probablement ses jambes qu'elle le veuille ou non, et son père s’arrangerait pour qu'elle atterrisse, comme prévu sur le terrain en début de saison, dans deux semaines, en tant qu’ailière titulaire. Il ne lui laisserait pas d'autre choix que celui-là.
Elle n'était pas très expressive concernant son bras, se contentant répondre d'un "peut-être". Ce n'était pas très rassurant, mais elle était plus apte que moi à juger sa blessure, même si je m'inquiétais quand même car hier, il me semblait que c'était moins grave que ça. Touchant son bandage, elle grimaça légèrement, ce qui annonçait rien de bon pour moi, malgré son optimisme qui disait que ça finira bien par passer. Oui, c'est sûr, ça passera, mais la question, ça serait quand. Je n'aimais pas la voir ainsi, c'était particulièrement dur d'être blessé au point de nous empêcher de faire quelque chose que l'on aime par dessus tout. L'infirmière avait dit que le poignet sera rétabli d'ici quelques jours, mais quand je la vois, je commence à avoir des doutes. Elle devait être prête pour les premiers matchs de la saison, mais ce n'était pas elle qui décidait, mais son corps.
-J'espère que ça sera le cas... Ça serait dommage que tu puisses pas jouer, j'aurais bien voulu te voir!
Je la connaissais assez pour savoir qu'elle continuera quand même à s'entraîner, et je ne pouvais pas lui en vouloir, j'étais tout aussi têtu qu'elle pour ça. Moi si je jouais pas de la musique pendant un certain laps de temps, je devenais fou aussi, et ça devait être la même chose pour elle avec le volley. Bon, il fallait que je trouve un sujet de conversation plus marrant pour elle et pour moi, je n'avais pas envie de parler de sa blessure en permanence, elle voulait sûrement penser à autre chose.
-Un jour, moi aussi je jouerais devant les gens, et je voudrais que les gens m'encouragent et soient fiers de moi. Ça va peut-être se réaliser avec mon père! Et puis comme ça, quand je serais grand, je ferais des concerts pour tout le monde et je t'inviterai! Au fait, si jamais tu veux que je te prête des CD de musique, fait moi signe, j'en ai plein à la maison!
Oui, j'essayais de faire la culture musicale de Chelsea. Il y a pas à dire, le fait qu'elle ne sache pas ce qu'était la musique quand elle est venue chez moi la première fois, ça m'avait fait un choc. Depuis, je voulais faire écouter un maximum de choses à la jeune australienne pour qu'elle puisse trouver un style qui lui convient. Pendant notre discussion, le temps passait et les cours allaient bientôt commencer. Après sa réponse, je commençais alors à marcher en direction de ma salle de cours.
-On se revoit plus tard hein? Tu me diras si t'as besoin d'aide pour porter tes affaires, d'accord?
Sur ce, si elle n'avait pas besoin d'aide, je lui ferai un signe de la main et j'irais dans ma salle de classe, dans le cas contraire, je resterais avec elle pour l'aider avec ses affaires scolaires avant de rejoindre rapidement ma salle pour ne pas être de nouveau en retard. On m'a dit que si j'arrivais encore en retard en cours, on préviendra mes parents...
Dommage qu'elle ne puisse pas jouer... Elle ne pouvait pas lui en vouloir de penser ça, il n'était pas au courant, mais elle ne pouvait pas non plus contrôler son cœur qui se serrait. Tout le monde la prenait pour la personne la plus passionnée de volley au monde, alors qu'elle détestait ce sport de toute son âme. Elle déglutit, gardant son petit sourire poli habituel sans dire un mot de plus. Si seulement le sujet pouvait changer vite...
Comme s'il avait lu dans ses pensées, il commença à parler de musique et la force qui lui comprimait la poitrine diminua légèrement. Elle préférait quand il parlait de lui. Contrairement à elle, il appréciait ce qu'il faisait. Il appréciait son père, aussi. En fait, il avait beaucoup de choses qu'elle aimait bien entendre. une bonne relation avec ses parents, une passion, le droit de s'amuser. Elle préférait largement qu'il parle de lui. De toute façon, elle n'aimait pas parler d'elle.
- Tu pourrais me les faire écouter ici, plutôt. J'ai pas de quoi le faire chez moi.
Pas de chaîne hi-fi, pas d'ordinateur et pas de lecteur CD. Elle n'en avait pas besoin. Elle n'avait pas besoin de grand chose, après tout, c'était bien ce qu'il lui répétait assez souvent. La conversation continua de se dérouler, Chelsea faisant de son mieux pour ne pas laisser le sujet revenir sur elle. Josh avait ce bon côté de beaucoup aimer parler de musique et de lui, elle n'avait pas à vraiment dire quoi que ce soit pour ne pas entendre parler de volley. Juste à le laisser parler. Elle laissa échapper un discret petit soupir quand l'heure des cours sonna à nouveau. Elle était partie pour de longues heures à devoir écrire avec son autre main.
- À plus tard.
Elle le regarda s'éloigner et s'autorisa une petite grimace douloureuse dès qu'il ne put plus la voir. Son bras l'élançait beaucoup trop. Elle passa doucement sa main sur son poignet avant de s'éloigner, le soutenant le temps de rejoindre sa classe, puis de le laisser reposer en équilibre sur la table. Elle n'avait pas envie d'être là. Elle n'avait pas envie de grand chose, en même temps.
The Wiesel Den 
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