Ne te mets plus en colère [Josh]

18 oct.
2019

Ne te mets plus en colère

Josh Miller

Ouvre les yeux. Ouvre les yeux et sort du brouillard. Pourquoi j'ai la tête qui tourne ? Où je suis ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi j'ai... mal ?

Un gémissement franchit ses lèvres tandis que son esprit reprenait doucement conscience du monde et qu'elle essayait difficilement de recoller les morceaux. Au prix d'un effort trop grand pour ce que c'était, elle parvint à ouvrir les paupières. Le blanc autour d'elle accentua la migraine qui lui broyait les tempes et elle grimaça. Cela répondait cependant à l'une de ses questions : elle était soit à l'infirmerie, soit à l'hôpital. Un flash lui revint et, prise de panique, elle se redressa brusquement et chassa la couverture, inspecta ses mains, ses bras, ses jambes, palpa son visage et le reste de son corps à la recherche d'une blessure ou de trace de coups.

Sa respiration paniquée attira l'infirmière, qui délaissa ce qu'elle faisait, poussa le rideau et s'approcha d'elle précipitamment. Des mains apaisante se posèrent sur les épaules de l'adolescente.

- Tout va bien. Respire doucement. Tu es en sécurité.

Chelsea lui retourna un regard perdu mais, petit à petit, son souffle retrouva un rythme normal. Elle lut du soulagement sur le visage de l'adulte. Mais si personne ne s''en était pris à elle, qu'est-ce qui s'était passé ? Comment avait-elle atterri ici ? Et pourquoi avait-elle mal dans la poitrine ? Et au dos ? Elle passa une main sur son front.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Et, avant que l'infirmière ait le temps de répondre, une autre question, porté par un autre souvenir soudain.

- Où est Josh ?

Et s'il lui était arrivé quelque chose à cause d'elle ? Ils'était battu pour la défendre, elle s'en souvenait. Mais elle ne savait rien d'autre. Est-ce qu'il était blessé ? Est-ce que...
Un doux tapotement sur son épaule la fit réaliser qu'elle commençait à nouveau à paniquer, et elle se concentra sur sa respiration, s'empêchant de penser à quoi que ce soit d'autre.

- Tu as fait une crise d'angoisse, répondit l'infirmière une fois sûre qu'elle était calmée. Ce n'est rien de grave. Tu as basculé un peu fort contre un mur, mais ça sera parti très vite. Ce genre de crise peut arriver quand on est confronté à une situation de phobie ou de stress, et qu'on est déjà anxieux.

Elle n'avait pas besoin d'en entendre plus. Phobie ou stress... Inutile de chercher bien loin d'où ça lui était venu : si des gens s'étaient battus, ça ne pouvait être que ça. Elle avait toujours eu peur de la colère des autres, et sa dernière altercation avec son père n'avait fait qu'empirer ça. De là à en faire une phobie ? Ça ne la surprenait même pas. Elle ne détestait pas cet homme de toute son âme pour rien.

- Et... ?
- Il est à côté.

Le cœur de Chelsea se serra. Comment ça, à côté ? Il était vraiment blessé, alors ? Voyant qu'elle faisait mine de se lever, l'infirmière secoua la tête.

- Il n'a rien. Un bleu au visage et un coup à l'ego, probablement.

La jeune fille prit ses mains l'une dans l'autre, pas totalement rassurée. Elle savait le poids que pouvait avoir un bleu sur quelqu'un.

- Il voulait te voir. Tu t'en sens la force ?

Elle hocha la tête, puis réalisa qu'elle ne portait plus le gilet de son uniforme et ramena la couverture contre elle le temps de le trouver. Comme l'infirmière s'était déjà éloignée, Chelsea remit sa veste à tout vitesse, angoissée à l'idée qu'il franchisse le rideau avant que sa peau ait cessé d'être visible.
Certaines choses ne changent pas.

18 oct.
2019

Ne te mets plus en colère

Josh Miller

Chelsea resserra sa veste contre elle et ramena la couverture le plus haut possible. Elle n'était pas plus exposée que tout à l'heure dans la salle commune, mais elle se sentait pourtant bien plus vulnérable. Peut-être à cause de la faiblesse qu'elle percevait dans chaque fibre de son corps et de son esprit. La crise l'avait ébranlée bien plus que ce qu'avait dit l'infirmière...

Elle vit le rideau bouger un peu, et la tête de Josh apparaître. Elle n'avait pas menti, il avait quand même une sacrée marque, le gars ne l'avait pas raté. Chelsea grimaça. Tout ça, c'était de sa faute. Si elle n'avait pas été aussi mal à l'aise avec les autres, ils ne se seraient pas moquées d'elle, ou bien Josh ne se serait pas senti obligé de la défendre. Il aurait juste laissé couler comme le font les gens normaux.

Elle hocha doucement la tête. Mieux ? Sûrement, oui. De là à dire qu'elle allait bien, il y avait un grand pas qu'elle n'avait pas franchi depuis des années. Peut-être même depuis toujours. Elle soupira. Tout ça ne serait pas arrivée si elle n'avait pas fait ce choix. Si elle avait opté pour le parc à la place, ou décidé de rester seule, rien ne serait arrivé. C'était donc ça, d'assumer le prix de ses choix ?
Pourquoi elle devait le faire, elle, et son père ne l'avait jamais fait ?
Et surtout, pourquoi faisait-elle toujours le choix qui terminait mal ?

- Josh... ?

Inutile de lui poser la moindre de ces questions. Visiblement lui, contrairement à elle, savait faire les bons choix : sinon comment aurait-il pu se retrouver en Gifted, et elle en Forge ? Le seul choix qu'il avait fait aujourd'hui... avait été de corriger son choix à elle...

- Tu as mal... ?

C'était de sa faute, tout ça. Elle n'arrivait pas à s'enlever cette idée de la tête. Et même si l'angoisse était passée, et la panique tout autant, il restait la culpabilité. Et tout le reste. Toutes les valises, les blessures invisibles qu'elle se traînait en permanence à cause de son père. Si seulement sa mère avait été là... peut-être qu'elle l'aurait protégée.

- Je suis désolée... c'est de ma faute...

Quoi qu'il dise, elle savait qu'il avait mal. Il venait de dire "aïe", après tout, et le bleu avait vraiment une sale tronche. Chelsea baissa la tête. Elle était si loin de celle qu'il avait connue. Au fond, c'était exactement ce qu'elle lui avait dit : il ne voulait pas être vu avec elle. Ça créait... ce genre de problème.

18 oct.
2019

Ne te mets plus en colère

Josh Miller

Il avait beau nier, elle savait que c'était de sa faute. Il secouait la tête comme s'il voulait vraiment la convaincre du contraire, mais elle gardait la sienne baissée, les mains serrées sur le drap de son lit. Elle ne pouvait pas s'empêcher de se sentir responsable, c'était elle qui avait pris toutes les décisions. Mais même si la sensation était douloureuse et désagréable, elle la préférait quand même à l'impuissance et l'impossibilité de faire ses propres choix.
Au moins cette culpabilité avait quelque chose de nouveau.

- Tu ne m'as forcée à rien du tout.

Sa voix s'était faite un petit peu plus sèche sur cette phrase, portée par son rejet de l'autorité et son ressentiment de ceux qui voulaient la forcer à faire des choses. Le concept, même quand elle savait que ça n'était pas le cas, l'agaçait assez par nature pour que son ton s'en ressente un peu. Ce n'était pas contre lui, comme elle venait si bien de le dire, mais bon.
Elle n'avait pas envie qu'il s'en veuille pour les choix qu'elle avait fait. Elle avait culpabilisé trop de fois pour les choix de son père, ce n'était jamais une bonne chose. Ça ne faisait que créer des névroses.

- Tu n'as rien f...

Elle s'interrompit en écarquillant un peu les yeux et baissa la tête pour cacher son visage et le rouge qu'elle sentait pointer sur ses joues ? Elle avait... vraiment dit ça ? Pas que c'était particulièrement surprenant mais... si, ça l'était, en fait. Et gênant. Carrément gênant.

Chelsea toussota un peu pour essayer de cacher et de passer sa gêne, et elle réajusta une mèche de ses cheveux. Ses yeux tournèrent dans le vide quelques secondes pendant qu'elle essayait de prendre une décision sur une question qui n'en était pas vraiment une. Au final, elle se contenta de hocher la tête. Elle faisait beaucoup trop ça aujourd'hui. Elle avait dit assez de choses embarrassantes pour la journée.

- Ces gars... tu les connaissais ?

Eux la connaissaient, en tout cas, vu qu'ils avaient l'air de savoir ce qu'elle avait fait pour atterrir ici. Rien que cette idée lui donnait la nausée. Peut-être qu'ils avaient une mauvaise version. Elle espérait qu'ils avaient une mauvaise version. Et si quelqu'un savait pourquoi elle était là ? Et si quelqu'un avait une photo, enregistrée quelque part ? Elle frissonna. Mieux valait éviter d'imaginer cette option.

18 oct.
2019

Ne te mets plus en colère

Josh Miller

Changer de sujet, vite. Parler de n'importe quoi sauf ce qu'elle avait dit avant de s'évanouir. C'était trop gênant. Elle réfléchit à toute vitesse avant d'en arriver à parler des gars avec qui il s'était battu. Sa réponse lui tira un petit soupir. Si seulement c'était si simple...

- S'énerver contre des gens comme ça ne résout jamais rien...

Elle repensa à cette fille dans le réfectoire de l'ISS, qu'elle avait bousculé et sur qui elle avait renversé une partie de son plateau – et l'autre sur elle-même. Cette... c'était quoi son nom, Cecila ? Quelque chose comme ça. Cette Cecilia qui lui avait parlé comme si elle n'avait aucune valeur et qui l'avait traitée de sauvage juste sous prétexte qu'elle était de l'IRS. Celle qui lui avait parlé de respect tout en l'insultant.
Si elle s'était énervée en réponse, ça n'aurait rien arrangé. Ça n'aurait fait qu'empirer les choses. Comme aujourd'hui...

Mais s'il les avait ignorés, qu'auraient-ils fini par dire ? Qu'aurait-on fini par savoir ? Elle avait fait de son mieux pour se tenir à l'écart des autres, des contacts, des rumeurs, des mots de couloir, elle ne savait pas qu'il y avait des rumeurs sur elle et elle ne voulait pas savoir ce que disaient ces rumeurs.

- Ils ne savent rien. Personne ne sait rien et personne n'a besoin de savoir quoi que ce soit.

Elle avait baissé la voix pour ne pas exprimer la protestation et l'injustice qui avaient voulu percer dans son intonation et dont il n'avait aucune raison de faire les frais. Il disait qu'il ne voulait pas savoir. C'était probablement un mensonge, aussi honnête qu'il prétende être, mais elle n'avait aucune raison d'être dure avec lui. Elle ne voulait pas qu'il sache. Personne ne saurait.
Personne...

- Je...

Souvent ? Non. De mémoire, c'était la première fois. Mais c'était aussi la première fois depuis l'Australie qu'elle voyait des gens se battre. Et quand ça lui était arrivé là-bas, c'était avant les derniers événements avec son père. Ceux de trop ? Elle avait toujours fui la colère des autres mais...

- Ça ne m'était jamais arrivé avant...

Ils n'auraient pas dû la laisser rentrer après le procès. Ils auraient dû envoyer quelqu'un avec eux pour la protéger de son père. Mais on ne l'avait pas cru. L'image du monstre qui vend des photos de ses camarades de classe nues avait déjà fait trop de chemin avant son témoignage, ils avaient vu ça comme une défense désespérée, pas un fait.
Abrutis incompétents.

Chelsea tiqua quand elle le vit grimacer après avoir rigolé. Il avait mal. Il n'avait pas répondu quand elle lui avait posé la question, mais ça se voyait. Est-ce qu'il avait évité la question pour qu'elle arrête de culpabiliser ou par fierté ? S'il avait mal à chaque fois qu'il souriait... il risquait d'avoir mal souvent. Ça lui fit un pincement au cœur, mais elle préféra éviter le sujet. S'il n'avait pas répondu la première fois, il ne répondrait pas la deuxième, et la fierté pouvait pousser les gens à s'énerver. Donc non.

- Ici peut-être. Mais il y avait du monde à la cafét. On a pas fini d'en entendre parler...

Mais est-ce que ce n'était pas mieux comme ça, au final ? Elle n'en était pas sûre. Préférait-elle être connue pour avoir fait ce genre de crise dans la cafétéria, et donc avoir l'image d'une fille fragile facile à martyriser, ou pour... le reste ? La réponse était assez simple : ni l'un ni l'autre. Mais de toute façon, c'était un peu tard pour se la poser.

18 oct.
2019

Ne te mets plus en colère

Josh Miller

Combien de temps mettait une rumeur à mourir ? À disparaître au profit d'une autre ? En gros : dans combien de temps arrêterait-elle d'entendre parler de cette histoire de crise de panique, d'entendre les gens rire en cachette quand elle passait près d'eux ? Probablement jamais. C'était ça, l'enfer de l'adolescence : on n'en sortait que quand on pouvait quitter le couloirs du lycée.
Trois ans...

- Tu penses encore qu'en allant "ailleurs", tu leur échappes...

Un petit sourire triste flotta quelques secondes sur ses lèvres avant d'en disparaître. Il ne comprenait pas. Il ne connaissait pas le monde dans lequel il évoluait. Il pensait encore que les gens oubliaient, ou que les adolescents pouvaient être gentils. Naïveté qu'elle lui enviait presque. Et en parallèle, elle lui enviait la détermination avec laquelle il continuait de parler malgré la douleur à sa mâchoire.

Sa phrase suivante la laissa interdite une seconde, comme si elle réalisait seulement maintenant qu'ils avaient effectivement commencé une "sortie à deux" avant que la situation dégénère. Et la façon dont il l'avait dit... Il y avait quelque chose dans sa voix qui l'empêcha de l'interrompre, et la poussa à l'écouter vraiment. Elle était donc plus silencieuse et attentive qu'à l'ordinaire quand il reprit la parole.

- Des amis...?

L'idée était presque un concept extraterrestre pour elle. Avoir des amis... depuis qu'elle avait quitté l'Australie, elle n'y pensait pas vraiment. Ou plutôt elle n'avait juste pas envie. Et même avant ça, elle n'avait pas eu de véritable ami, parce qu'elle vivait dans la peur permanente de son père et qu'elle suivait un chemin tout tracé qui laissait peu de place à la liberté et l'imagination.
Enfin... Peut-être qu'elle avait eu un ami...
Chelsea releva doucement la tête et le regard qu'elle gardait fixé dans le vide depuis un long moment. Ses yeux se posèrent sur le jeune homme et elle déglutit. Serra encore plus ses mains sur le drap. Elle ferma les paupières quelques secondes, s'efforça de rassembler ses pensées et de chasser la gêne qui lui comprimait la poitrine.

- Ça... Ça m'a fait...

Elle rouvrit les yeux, détourna le regard, le reporta à nouveau sur lui et prit une inspiration. Exprimer des émotions n'avait jamais été son fort. Exprimer ses pensées non plus. En fait, exprimer ou assumer quoi que ce soit qui lui appartienne. Sa voix tremblait légèrement quand elle reprit la parole.

- Ça m'a fait... plaisir de te revoir... aussi...

Elle détourna la tête et posa une main sur le côté de sa joue, cachant son visage, persuadée qu'elle devait être rouge vif. Et elle n'avait pas envie que ce soit lui qui le vérifie. Elle n'était pas douée pour ce genre de choses, ni pour les entendre, ni pour les dire. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait décidé de parler. Peut-être parce que c'était la seule personne dont elle s'était sentie proche dans sa vie, en y réfléchissant...
Le seul ami qu'elle ait jamais eu...

18 oct.
2019

Ne te mets plus en colère

Josh Miller

Elle avait mis un temps fou, et eu beaucoup trop de mal, à prononcer une simple phrase. Et maintenant, elle n'osait même plus le regarder. C'était tellement... tellement difficile, et tellement bizarre, de dire ce genre de choses. Mais elle s'était sentie obligée. Pas par lui, mais par elle-même. Peu importe à quel point elle avait dû forcer les mots à sortir, elle avait voulu les prononcer. Parce que c'était tellement de choses qu'elle n'avait jamais pu faire. S'exprimer, dire ce qu'elle pense, ne pas avoir peur de la réaction des autres, entendre quelque chose de positif sur elle... C'était un petit pansement sur une blessure bien trop grande.

La nouvelle grimace qu'il fit après son commentaire et le rire qui avait suivi fit passer un air triste sur le visage de Chelsea. Instinctivement, elle tendit la main vers lui, effleurant sa joue. Ses doigts s'attardèrent quelques instants sur le bleu avant qu'elle réalise ce qu'elle était en train de faire et le replie, ramenant doucement son bras à sa position initiale.

- Tu vas garder une marque longtemps, souffla-t-elle avec une pointe de culpabilité.

Elle n'arrivait pas à s'en défaire. Elle aussi porterait une marque plus longtemps, sur son cœur plutôt que sur son visage. C'était la première fois qu'elle culpabilisait pour quelque chose qui arrivait à quelqu'un d'autre, et elle savait qu'elle n'était pas près de l'oublier.

Chelsea finit par écarter sa deuxième main de son visage et, naturellement, elle commença à jouer avec l'autre, se triturant les doigts comme si elle ne savait pas quoi en faire. Quand il reprit la parole, elle sentit le rouge lui monter aux joues à nouveau, et elle baissa la tête pour que ses cheveux cachent son visage.

- Q... Qu'est-ce que tu racontes...

Pourquoi disait-il une chose pareille ? C'était... Il avait l'air de trouver ça amusant, enfin en tout cas c'est comme ça qu'elle interprétait l'expression de son visage, mais elle... Elle n'avait déjà pas l'habitude qu'on dise des choses positives sur elle, mais ça c'était... c'était encore plus que ce qu'il avait déjà dit.
Son refrain préféré, hein... C'était... c'était inattendu. Et mignon. Et perturbant. E-E-E-Et beaucoup trop d'autres trucs.

- Tu dis des choses bizarres, dit-elle en rigolant un peu pour essayer de cacher sa gêne.

Très mal, pour dire vrai. Elle n'arrivait pas à avoir l'air totalement sereine et normale après avoir entendu ce genre de phrase.

- B... Bref... On peut... oui...

Pourquoi pas, après tout... Il était l'un des seuls avec qui elle s'était bien entendu dans sa vie. Et elle lui devait bien ça, avec tout ce qu'il avait subi à cause d'elle.

18 oct.
2019

Ne te mets plus en colère

Josh Miller

Pas important ? Si, c'était important. Pour elle, en tout cas. S'il avait mal dès qu'il parlait ou qu'il rigolait, et que c'était à cause d'elle, comment aurait-elle pu considérer que ça n'était pas important ? Même s'il haussait les épaules, même s'il agissait comme s'il n'en avait vraiment rien à faire...

Elle n'eut pas l'occasion d'insister à ce sujet car il enchaîna peu après avec une phrase qui la laissa interdite et légèrement perdue quelques instants, avant qu'elle se mette à bafouiller, puis à rire légèrement. C'est vrai qu'il avait toujours été un peu... un peu comme ça. À dire des choses imprévues et à s'extasier sur tout et n'importe quoi. Même si sa phrase était... perturbante, ça restait du Josh. Mais elle ne le réalisa qu'après avoir bafouillé et essayé vainement de s'exprimer correctement, puis changé de sujet. Ou plutôt repris le sujet d'origine.

Sortir en ville pendant les vacances... Il tenait vraiment à être avec elle, alors ? Malgré tout ce qu'elle avait dit, malgré tout ce qu'il ne savait pas, malgré tout ce qui s'était passé ? C'était... d'un côté prévisible venant de lui, d'un côté inattendu la concernant elle. Même avec toutes les paroles qu'ils venaient d'échanger, elle n'arrivait pas à se faire à cet intérêt qui n'était ni malsain, ni mal intentionné. Et elle n'avait pas l'impression qu'il l'était.
Ça aussi, c'était nouveau. Cette espèce de confiance...

- J'ai... le droit, oui, normalement.

En fait, elle n'en était pas sûre, mais dans le pire des cas, elle le prendrait. Elle voulait terminer ses années sans faire trop de vagues, pour ne pas avoir plus de punitions et de règles pesant sur elle, mais elle pourrait sûrement négocier, non ? Si elle leur confiait son téléphone, les laissait fouiller toutes ses affaires et ne sortir qu'avec un peu d'argent... ça passait ?

Chelsea sursauta en sentant la chaleur de sa main sur la sienne, et elle cligna des yeux plusieurs fois en regardant dans sa direction. Comment pouvait-on rester aussi... aussi énergique et naturel ? Dans un monde pareil ? Pourtant elle savait qu'il avait eu son propre lot de problèmes avec son père, et qu'il l'avait très mal vécu. Alors certes, c'était loin d'être aussi grave que les siens, mais ça aurait dû entacher un peu cette bonne humeur permanente, non ?
Apparemment non. Peut-être que c'était juste elle, qui n'avait pas la force d'esprit nécessaire pour tout affronter.

- Je sais pas trop... Je connais pas du tout la ville...

Tout ce qu'elle voulait, c'était avoir le choix. Ne pas se retrouver au pied du mur avec une décision unique et forcée. Comme quand il lui avait proposé de choisir entre la cafétéria et le parc – même si elle n'avait pas fait le bon choix, au final.
D'ailleurs parlant de ça...

- Quelle heure il est ?

Et si elle était restée inconsciente longtemps ? Et s'ils avaient raté le repas et le couvre-feu ? Pouvait-on se faire punir pour avoir enfreint le couvre-feu à l'infirmerie ? Probablement pas... mais quand même.

- Tu n'as pas pu manger...

Elle ? Elle avait l'habitude d'être privée de repas. Et son estomac était trop serré par son angoisse précédente et tous les récents événements pour qu'elle avale quoi que ce soit.

18 oct.
2019

Ne te mets plus en colère

Josh Miller

20h30... Ils avaient raté tant de temps que ça ? C'était la première fois qu'elle tombait dans les pommes. La sensation étouffante qui lui avait oppressé la poitrine lui revint en mémoire et elle frissonna. Elle s'était crue incapable de respirer pour de bon. Elle pensait ne plus jamais sentir de l'air dans ses poumons. Elle posa une main sur le haut de son buste pour le sentir se soulever deux ou trois fois au rythme de sa respiration. Une panique temporaire. Assez pour provoquer une crise. Comme si elle avait besoin d'un problème de plus.

Mais il y avait plus important que ça. À cause de ça, il n'avait pas pu manger. Ça faisait une chose supplémentaire qui lui pesait, mais Josh la balaya d'un haussement d'épaules. Comment pouvait-il prendre autant les choses à la légère ? C'était à la fois impressionnant et agaçant. Elle était un peu jalouse, en vérité. Elle aurait aimé que tout lui semble si secondaire, ou si peu grave.
Peut-être pas tout, à bien y réfléchir. Après tout, il s'inquiétait pour elle...

- Tu ne devrais pas passer des heures sans manger...

Elle avait oublié cet aspect de lui, le côté hyperactif qui faisait qu'il était capable de ne pas manger ou dormir pendant un temps indéterminé. Mais ne pas manger... ça rendait malade, elle était bien placée pour le savoir. La sensation qui lui creusait l'estomac à chaque fois qu'elle sortait de cette pièce...
Chelsea secoua la tête pour chasser les souvenirs. Elle voulait manger, mais... L'idée de retourner à la cafétéria lui comprimait le ventre. D'ici à ce qu'ils y arrivent, à ce rythme, elle risquait d'avoir l'estomac trop serré pour manger.

- On peut... manger ailleurs ?

C'était un peu compliqué, le réfectoire n'allait pas tarder à fermer et il ne pouvait pas sortir en ville à cette heure mais... elle n'avait pas envie d'y retourner. Quitte à ce qu'il aille chercher quelque chose à la cafet pour revenir manger avec elle... non, ça l'embêtait de lui demander ça. Elle ne voulait pas qu'il fasse des choses pour elle comme ça c'était... c'était l'utiliser pour faire ce qu'elle évitait. Elle n'avait pas le droit.

- Je... je sais pas trop comment mais...

Avait-elle vraiment besoin d'en dire plus ? Il devait bien comprendre qu'elle ne voulait pas remettre les pieds dans la cafèt. Pas maintenant, peut-être jamais, en fait. Elle connaissait la tendance qu'avaient les rumeurs d'enfler comme pas possible. Celle-ci ne se calmerait pas avant longtemps. Et elle ne voulait pas l'affronter.