Fracturer les fractures [Josh]

Fracturer les fractures

Ça y est, cet ouragan était enfin passé. Il y a eu beaucoup de grabuges et honnêtement, je m'ne sortais pas trop mal par rapport à d'autres. Suffit de voir la sœur de Jesse pour me rendre compte qu'au final, j'avais eu de la chance. Les secours étaient arrivés ... une heure après la fin des vents? Je ne savais pas, je ne savais plus. Avec la fatigue et l'intensité des événements, je n'avais plus vraiment regardé l'heure. On nous transporta à l'hôpital le plus proche, notamment tout ceux qui ont respiré du gaz dans le gymnase. On a tous été envoyé dans une chambre, afin d'émettre un diagnostic pour chacun d'entre nous. Tout s'était fait si vite, et en silence, sans doute pour le plus grand plaisir de Roxy.

Heureusement pour nous, on a été évacué juste à temps, si on serait restés ne serait-ce qu'une demi-heure de plus, il y aurait eu des effets nettement plus conséquents. Pour ma part, on m'avait donné un masque facial, relié à un dispotif, afin de faciliter la récupération d'oxygène, le but étant d'évacuer le gaz inhalé le plus rapidement possible. Au début, j'étais encore étourdi par tout ce qui s'était passé, mais avec ce masque, je commençais à reprendre conscience de la situation, de mon comportement au gymnase que le gaz avait probablement influencé, et une autre chose : Où était Chelsea? Je n'ai pas eu de nouvelles d'elles depuis le début de l'ouragan, et j'espérais qu'elle se porte bien. Une infirmière vint me voir, afin de prendre de mes nouvelles et voir comment mon état de santé évoluait.

-Monsieur Miller? Votre état semble s'améliorer. Vous pouvez désormais vous déplacer avec votre masque, mais ne faites pas trop d'efforts. Une certaine Chelsea Refrain souhaiterait vous voir, je peux vous guider jusqu'à sa chambre.

Je me levais instantanément, ce qui a eu comme effet de me faire tousser. L'infirmière me rappela à l'ordre, en disant qu'il fallait éviter les mouvements brusques et les efforts inutiles comme celui que je venais de faire. Me levant, je regardais l'infirmière, inquiet.

-Elle va bien? J'ai pas eu de nouvelles depuis l'ouragan? Elle n'a rien de grave au moins?

Je n'eus aucune réponse concrète de sa part, elle n'était pas chargée de son cas. J'aurais préféré qu'elle ne soit pas ici justement, mais au moins, j'aurais des nouvelles d'elle plus vite que prévu. J'avais prévu de l'inviter au cinéma encore une fois, vu qu'elle avait bien aimé la première fois, mais avec tout ce qui s'est passé, je doute que l'on puisse en faire pendant un moment. Après plusieurs minutes de marches, j'arrivais devant sa chambre, et je surpris la conversation entre Chelsea et un médecin, qui lui disait qu'elle avait déjà eu d'anciennes blessures, dont une grave. Elle avait répliqué en disant que c'était à cause du volley et bien vite, il n'y avait plus que des chuchotements. C'est alors que je me postais devant l'entrée de sa chambre, pour regarder Chelsea, mon masque sur la figure et traînant mon appareil respiratoire derrière moi.

-Chelsea! Tu n'as rien de grave?

Je m'approchais d'elle, jusqu'à venir à son lit, passant à côté du médecin et de l'infirmière qui avait stoppé leur discussion pour me regarder. Ils ne m'avaient pas retenus, mais à l'avenir, je devais prévenir avant de débarquer de la sorte dans la chambre d'une  patiente. Les écoutant à moitié, je la regardais, me posant plein de questions sur son état.

-Avec tout ça, je n'ai pas pu te contacter, et c'était le bazar de mon côté. Inondations, fuites de gaz, je m'en suis pas trop mal sorti je dirais... Dès que j'ai su que tu étais là, je suis venu le plus vite possible.

La revoir allongée dans un lit, ça me rappelait à la fois de bons et de mauvais souvenirs. On s'était retrouvé dans des circonstances similaires, mais j'aimerais éviter de revoir mon amie d'enfance dans un lit d'infirmerie ou d'hôpital une fois sur deux. Je me faisais un sang d'encre pour elle, peut-être bien plus que la normale.

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La voir ainsi, allongée sur un lit, ça me faisait mal, très mal. La première fois, je savais ce qui s'était passé, par conséquent, j'étais moins apeuré, mais là, qu'avait-elle vécue? Pendant de nombreuses heures, j'étais sans nouvelles d'elle, dans un environnement qui aurait pu la tuer à chaque instant. J'étais bien au courant des clichés qu'on lâchait sur la mortalité en Australie, mais avec un ouragan, n'importe quel pays pouvait avoir cette rumeur. Depuis que je l'avais retrouvée, je ne pouvais imaginer un monde où je la perdrai à nouveau. Quand je suis parti en tournée avec mon père, puis d'Australie, c'était toujours la personne que j'avais le plus de mal à quitter. Cette fille, je la connais depuis 10 ans, on a grandi ensemble, ri ensemble. Je ne voulais plus la voir allongée sur un lit, en train de souffrir, je voulais qu'elle s'épanouisse et lui redonner ce sentiment d'émerveillement qu'elle a eu en découvrant la musique.

Toute la tension était redescendue, je pouvais enfin me concentrer sur les choses les plus importantes et récapituler ce qui venait de se passer. J'avais retrouvé Chelsea, mais je n'avais pus d'instruments sur moi, et pourtant, ce n'était pas de la musique dont j'avais le plus envie pour l'instant. En voyant le visage de l'australienne se crisper, je compris que sa fracture n'était pas légère, et qu'elle souffrait vraiment. Elle n'était pas du genre à laisser transparaître beaucoup d'émotions sur son visage. J'arborais une mine triste, quand elle se disait rassurée parce que je ne savais rien. D'une voix chargée par l'émotion, je lui répondis, soufflant presque mes mots.

-Et toi? J'ai besoin de savoir si ça va aller...

Je n'étais pas aussi fort qu'elle, à résister à tout les aléas de la vie. J'étais du genre à dramatiser quand un instrument était maltraité ou à perdre mon sang-froid quand ça n'allait pas, mais Chelsea, elle arrivait à passer outre. Sa cheville lui fait souffrir, et c'est à moi qu'elle pensait. Mais qui pensait à elle? Moi? Non, j'étais bien trop occupé à faire le con dans le gymnase pour oublier mon inquiétude. Peut-être était-ce à cause de tout ce qui venait de se passer, ou alors que ça soit le fait de revoir Chelsea dans cette situation, ou encore l'accumulation des deux, mais je m'étais laissé allé. Doucement, je me penchais vers Chelsea, me blottissant contre elle, le coeur lourd.

-Désolé de t'avoir encore abandonné... j'aurais voulu être là, j'aurais dû...

Cette peur au fond de moi, qu'est ce que c'était? Pourquoi le fait de penser de ne plus la revoir me faisait souffrir autant? Mon coeur se serrait et mes joues commençaient à être humides. À chaque fois que je la perdais de vue, il lui arrivait quelque chose. Peut-être que je ne suis pas un bon ami au final, généralement, les amis, ça se protège les uns les autres. N'étais-je donc bon qu'à la musique, au final? À quoi bon créer des chansons et des mélodies, s'il manquait le refrain.

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J'en avais assez de ça, assez de la voir souffrir sans arrêt, de la voir mal à l'aise. Je voulais que ça change, qu'elle sourit davantage. Il n'y a qu'au cinéma que j'ai pu la voir s'épanouir. Lorsqu'on s'est revu la première fois, elle semblait désemparée, voulant même m'éviter. Pourquoi ça se passait toujours ainsi? Pourquoi, à chaque fois que je la revois, il se passe quelque chose qui nous met dans de beaux draps? En y réfléchissant, on ne s'est pas revu si souvent que ça, et pourtant, c'est au cinéma que j'avais l'impression que pour la première fois de sa vie, elle se sentait bien. J'espère me tromper et me dire que ce sont mes nerfs qui se relâchent après tout ce que je venais de vivre.

Ma tête était contre Chelsea, incapable de dire quelque chose. J'avais juste besoin de réconfort, de penser à autre chose. Je me doute que ce ne sont pas les genres de gestes auxquels Chelsea était habitué de ma part, mais je n'avais pas réfléchi. Je sanglotais légèrement, le masque rendait cette action peu confortable, mais c'était bon de pouvoir relâcher la pression. Elle ne comprenait pas mon état, comme je pouvais m'en douter, et il fallait que je m'explique davantage.

-J'ai l'impression de ne pas assez faire attention à toi, de ne penser qu'à moi. La cafétéria, le cinéma, mon égoïsme pendant la tempête... À chaque fois, je me rends compte que je n'ai jamais pris le temps de savoir ce que tu ressentais vraiment. Deux fois, je t'ai abandonné en Australie, la première fois pour partir avec mon père, la seconde fois pour aller à Londres. À chaque fois, c'est moi qui partait. Alors cette fois, je ne t'abandonnerai plus, je ne veux plus te perdre à nouveau de vue.

Ça faisait mal de lui dire tout ça, mais j'avais besoin de lui confier tout ce qui me rongeait. Je me relevais légèrement, les yeux légèrement rouges. Il ne restait que nous deux dans la chambre, ce qui nous permettait de discuter librement. M'essuyant légèrement le visage, je continuais mon monologue, maintenant que j'en avais trop dit.

-Désolé, j'ai pas l'habitude de montrer cette facette de moi. Tu dois avoir l'habitude de mon côté joyeux.

Je me rendais compte que je tenais peut-être bien plus à elle que je ne le pensais. Je pouvais l'admirer sur pas mal de point, notamment sa force mentale. Pourquoi je ne rendais compte de seulement maintenant de tout ce qu'elle m'apportait dans la vie durant toutes ces années? Étais-ce de la pitié? Ou autre chose? Non, je doute que ça soit cela, ce n'est pas à cause de son état que je me comporte ainsi, il y avait autre chose, sans aucun doute. J'avais sans doute peur de ne plus la revoir, mais les événements ont probablement joués sur mon mental. Je me remettais à respirer à travers mon masque pour ne pas contraindre ma guérison. Chelsea n'avait pas besoin de s'inquiéter pour moi, je n'avais rien de grave et d'ici quelques jours, j'irais de nouveau mieux, mais sa cheville, je ne savais pas pour combien de semaines elle en avait.

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Dans le noir le plus total, les yeux fermés et la tête contre celle de mon amie, je laissais mes émotions parler, sans que je puisse rajouter quoique ce soit. Je sentis alors sa main dans mes cheveux, qui voulait me rassurer avec douceur. Chelsea me disait que je n'avais besoin de me soucier autant d'elle, mais qui ne s'inquiéterait pas quand on a plus aucune nouvelle pendant plusieurs heures dans une catastrophe naturelle? Et surtout, pourquoi j'agissais ainsi, alors que j'ai passé des années sans recevoir la moindre nouvelle de sa part? Peut-être parce qu'en Australie, je savais qu'elle pouvait compter sur des amies? Ici, c'était différent, j'étais content de retrouver la jeune australienne, mais pas comme ça. Pour une fois, j'aimerais la voir sourire sincèrement, libre, comme au cinéma. C'était l'expression qui lui allait le mieux, sans aucun doute, pas celles que j'ai pu voir à l'infirmerie ou ici. Rien n'est logique, à commencer par sa place à l'IRS. Ce n'est pas parce qu'elle est timide et réservée que sa place était là bas, ça n'avait rien à voir!

Elle voulait me rassurer, en me disant que c'était le contrecoup de la peur et du gaz, ce à quoi je secouais légèrement la tête. Des coups de vent de la sorte, on en a déjà eu en Australie, à la limite, le gaz pouvait être crédible, mais il y avait autre chose. D'une voix à moitié étouffée contre le matelas de son lit, je lui répondis.

-Tu te trompes... C'est quand je t'ai vu ici que mes peurs sont remontées...

Il y avait des personnes évanouies et la sœur de Jesse qui était blessée, et pourtant, le simple fait de savoir Chelsea blessée m'avait plus affecté que la totalité de ce que j'avais pu voir plus tôt dans la soirée. Depuis quand je me faisais autant de souci pour elle? Étais-je devenu si émotif que cela, moi qui avait l'habitude de rire de tout et de prendre les choses à la légère? En y repensant, Chelsea a toujours été plus mature que moi, à garder son sang-froid face à tout, même ici. J'avais encore beaucoup de chemin à faire pour devenir un adulte plus mature, tandis que j'avais déjà l'impression d'avoir une femme en face de moi. Comment faisait-elle pour être aussi géniale en toute circonstance, à trouver les mots justes et à être aussi sérieuse en ces temps difficiles? J'étais donc le seul à lui trouver toutes ces qualités qui faisaient d'elle ma muse? Oui, elle m'inspirait, et j'avais envie de lui ressembler, d'être aussi adulte qu'elle, peut-être que j'arriverais mieux à la comprendre et à vraiment la rassurer. Mes sanglots s'étaient arrêtés, mais cette position contre elle, ainsi que sa main, étaient agréables. Néanmoins, je pris la décision de me retirer, pour ne pas trop la gêner.

-Je veux juste que tu ailles bien... je veux réellement te connaître, et découvrir la femme que tu es devenue et l'homme que je vais devenir à tes côtés.

Ai-je pensé à voix haute? À croire qu'elle avait vraiment raison et que le gaz avait affecté mes capacités cognitives, mais il était impossible pour moi de mentir dans cet état. Désormais, j'avais peur de l'avoir braqué, ayant été assez direct dans mes propos alors qu'elle n'était pas forcément prête à les entendre. Le choc de l'ouragan pouvait aussi être valable pour elle, et ce n'était pas le moment de la brusquer.

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Comme d'habitude, elle disait qu'elle allait bien, à croire que rien ne l'atteignait. À y réfléchir, quand est-ce que je l'ai vraiment vu heureuse? Pas juste un sourire ou des paroles joyeuses, mais un vraiment moment de bonheur? Chelsea était toujours stoïque, peu importe la situation, son sang-froid était exemplaire, presque effrayant. Comment elle faisait pour être aussi calme? Est-ce qu'une fois, elle m'avait montré une vraie émotion? En dehors de la peur et de la crainte, rares sont les fois où je l'ai vraiment vu sourire, mais pas un petit sourire, un vrai, celui qui montre qu'on est véritablement heureux. Y ai-je eu le droit? L'aurais-je un jour? Je sais quand quelque chose lui plaît, mais je n'ai jamais su comment faire sourire Chelsea. Plus le temps passait, moins je pouvais espérer voir mon souhait se réaliser. Pourquoi on était si différents, elle et moi? La voir ainsi me faisait mal, et j'avais beau vouloir y remédier, rien y faisait, elle restait de marbre. Elle rétorqua qu'elle allait bien, et j'avais du mal à la croire. Si c'était le cas, tu ne serais pas ici, et je ne serais pas là à m'inquiéter. J'aurais aimé lui dire ça, mais je devais lui faire confiance. Si ça se trouve, elle me disait cela pour me rassurer.

Je m'étais relevé et je la regardais dans les yeux, me disant alors que je n'avais pas besoin de m'inquiéter autant pour elle. Mais elle ne se rendait pas compte de la situation? Aucune nouvelle d'elle, pendant des heures, alors qu'un ouragan avait lieu. Toutes les choses qui auraient pu arriver, elle avait eu de la chance, et moi aussi. Pour l'instant, je n'avais pas d'autres choix que de la croire et de l'écouter. Hochant la tête, je la regardais, de nouveau droit.

-Ce n'est pas un besoin... j'aimerais me passer de cette inquiétude. Le souci étant que je n'arrive pas à être comme toi et à relativiser. J'ai besoin de parler, de m'exprimer, peu importe le moyen, sinon, je peux exploser à tout moment, et c'est quelque chose que je veux éviter. Tu n'as jamais voulu pleurer, crier de joie, ou t'exprimer sur ce que tu ressens? Tu n'as pas besoin de me dire que tout va bien, si ce n'est pas forcément le cas. Tu es dans un lit d'hôpital avec une blessure à la cheville Chelsea... Un ouragan vient de traverser la ville... On a eu de la chance, mais je te mentirais si je te disais que j'allais bien en ce moment. Et j'ai besoin de t'en parler, pour aller mieux et ne pas exploser, seul dans mon coin, parce que je ne suis pas seul. Tu es là et c'est ce qui compte à mes yeux.

Je venais de me lâcher. Je n'avais pas envie d'entendre que je n'avais pas besoin de m'inquiéter pour elle. J'étais le seul à décider de mes actes et personne ne pouvait m'en priver. Qui ne s'inquiéterait pas pour son amie pendant un ouragan? Probablement personne, alors elle n'avait pas le droit de me reprocher de le faire, c'était injuste et égoïste. Chelsea est juste réservée, mais là, j'avais juste cette impression qu'elle me mentait, et ses mensonges étaient plus douloureux que ceux de n'importe qui d'autre.

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Sa réponse me fit tiquer, me ramenant des années en arrière. Oui, on avait déjà eu ce genre de conflits, et les phrases étaient similaires. Cette fois, il n'y avait plus les larmes au yeux, juste de la colère. Ses poings se serraient et ses bras s'étaient croisés, détournant le regard. Ce sentiment nostalgique me faisait mal, et je me sentais soudainement mal, comme dix ans auparavant. Certaines choses ne changeraient donc jamais, et encore une fois, j'ai douté de ses paroles. Pourtant, ça me semblait si difficile de la voir ainsi, allongée dans un lit d'hôpital. Pour moi, être ici signifiait qu'on allait pas bien, et pourtant, elle restait positive, ou plutôt réaliste. On a grandi ensemble, vécu dans le même quartier, été dans les mêmes écoles, et pourtant, un monde nous séparait. Pourquoi je n'arrivais pas à la comprendre? Pourquoi c'était elle la plus mature et la plus réfléchie de nous deux? Pourquoi quand elle parlait, c'était toujours logique et impossible à contredire, alors que moi, on me disait que j'avais tort? J'en ai marre d'avoir tort, je voudrais avoir raison pour une fois. Chelsea, les croyances de mon père, Roxy, tout les autres, personne ne me disait que ce que je faisais était bien, que j'étais sur le bon chemin, que pour une fois, je ne me trompais pas. Je continuais de répondre à Chelsea, hésitant.

-Parce qu'être dans un hôpital... ça veut dire qu'on a quelque chose à soigner. C'est pour ça que lorsqu'on en sort, on va toujours mieux. Mais... tu as raison. Encore.

Je n'osais plus dire grand chose, de peur d'avoir envenimer la situation plutôt que de l'améliorer. La jeune australienne lâcha alors une autre bombe qui me toucha directement, me laissant pensif pendant de nombreuses secondes. C'est vrai, elle n'était pas comme moi, tout comme personne d'autre ici. J'étais unique ou plutôt, trop différent des autres. Le seul avec un instrument de musique dans le gymnase, le seul à vouloir détendre l'atmosphère alors que les gens paniquaient, le seul à m'inquiéter pour des choses futiles, le seul à croire en ce que je faisais. C'est peut-être ça le problème avec moi, à croire que tout le monde aimait la musique et avait les mêmes centres d'intérêts que moi. Regardant tristement vers le bas, je parlais d'une voix attristée.

-Je sais que tu n'es pas comme moi... C'est pour ça que j'ai du mal à te comprendre sans doute... Un peu comme le reste du monde qui m'entoure. Je suis sans doute trop imbu de ma personne pour être capable d'avoir autant de recul que toi.

J'aurais bien voulu la comprendre, mais malgré les années, elle demeurait toujours une énigme pour moi, car j'ai toujours voulu apprendre à la connaître à travers ce que moi je connaissais, jamais selon ses loisirs. À chaque fois, je monopolisais la conversation avec elle, sans faire attention à ce qui lui ferait vraiment plaisir. Le cinéma? C'était mon idée. C'est moi qui lui ait montré la musique, mais des occupations bien à elle, comme le volley-ball, est-ce que j'avais pris le temps de jouer avec elle? Jamais... et c'est ce qui me rendait exécrable comme ami. Toujours moi d'abord, et les autres ensuite, ça ne marchait pas comme ça. Reculant un peu, je commençais à faire demi-tour.

-Je m'excuse... Je devrais te faire confiance plutôt que de croire que je te connaissais suffisamment. Finalement, tu as vraiment changé, tu es devenue une adulte, et moi, je suis encore le même gamin qu'en Australie. C'est pour ça que j'aurais toujours du mal à comprendre les autres.


Je commençais à m'en aller doucement, noyé dans mes doutes. Finalement, est-ce que j'étais une bonne personne pour elle ou pour mon entourage? Je devrais peut-être me lancer dans une carrière solo en musique, étant donné que je n'arrivais pas à comprendre ce que peuvent ressentir les autres.

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J'étais en plein doute, avec tout ce qu'il venait de se passer, c'était difficile de savoir qu'est ce que je faisais de bien, et qu'est ce qui clochait, d'autant plus que Chelsea n'était pas une fille comme les autres, bien plus difficile à comprendre que les personnes de son âge. Elle avait beau dire qu'elle ne voulait pas que j'essaye de la comprendre, c'était important pour moi, afin de pouvoir l'aider quand elle en avait besoin. Malgré tout ce temps, la jeune australienne restait toujours la même énigme pour moi, si ce n'est que maintenant, je me pose aussi des questions envers moi-même. Elle se redressa, retrouvant une position plus confortable. Son discours était à la fois triste et interrogateur. Pourquoi n'avait-elle pas besoin qu'on l'écoute? C'est pourtant la base d'une conversation. Ne comprenant pas ce qu'elle voulait dire, je lui demandai des précisions.

-Le but d'une conversation, c'est d'écouter l'autre, sinon, ça ne sert à rien de parler, et j'ai toujours été attentif à tes paroles. Et de quoi tu parles par "ce qui en découle"? Tu as peur de quoi, qu'est ce que tu n'aimes pas? Et pourquoi tu ne veux pas que je te comprenne?  

Mon ton de voix était plus posé, mais je n'arrivais pas à déchiffrer ce qu'elle disait. Une peur des débats, des choses que l'on ressent lors d'une conversation? Tout cela me prenait un peu la tête et me faisait cogiter alors qu'on venait de se remettre d'un ouragan. Pourquoi on a ce genre de discussions maintenant d'ailleurs, ce n'est pas du tout le bon moment pour ça, à croire qu'à Londres, rien ne se fait comme la logique le voudrait, à moins que ça soit juste l'institution qui nous a lancé un maléfice, je ne sais quoi. C'est quand elle répondit que c'était parce que j'étais toujours le même gamin qu'elle continuait à me parler, ce qui m'arrêta net. La seule question qui me venait en tête, c'était pourquoi le fait que je sois un gamin soit un avantage pour que je lui parle. Elle n'aimait pas les adultes ou les personnes plus vieilles qu'elle? Pourtant, j'avais un an de plus qu'elle, alors je devais vraiment être immature pour qu'elle dise ça. Je ne savais même pas comment le prendre, bien ou mal? C'est cool qu'elle continue de me parler, mais si l'unique raison pour laquelle je peux encore le faire, c'est que je suis "le même gamin", ça prouve que je n'ai effectivement pas changé avec le temps. Légèrement boudeur, je lui répondis.

-Bah justement, j'aimerai être plus adulte, là, je ne suis qu'un adolescent, non pire, le même gamin. Je voudrais juste être plus mature, ça m'aurait évité des soucis.

Comme un coup de guitare, par exemple, mais ça, c'était marrant. Ça m'embêtait de l'admettre, mais on dirait bien que Roxy-chou avait raison sur quelques petites choses. Quoiqu'il en soit, j'étais debout, en face d'elle, si au départ j'étais prêt à retourner dans ma chambre, maintenant, j'avais envie de continuer cette conversation jusqu'à ce que l'on me dise de retourner dans ma chambre. J'ignore combien de temps s'est écoulé depuis ma venue, je voulais juste continuer de discuter avec elle, autant que possible, noyé dans mes questions.

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