À droite, l'école et ses élèves normaux, comme tout le monde.À gauche, le centre de redressement pour jeunes dangereux.Maintenant réunis, pour le pire.
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"L'art de plaire est l'air de tromper" Vauvenargues
J'ignore beaucoup de choses. Mais alors il y a des choses que je sais. Et ce que je sais, les autres l'ignorent. Néanmoins... Néanmoins je ne comprends pas ce type. Chris. Pourquoi il a fait ça ? À quoi pensait-il ? Pourquoi moi bordel ? Enfin, bref. Oublions. Ce n'est pas grave. Aujourd'hui je vais danser. Ça va me détendre. J'espère. J'ai emprunté une tablette à ma colocataire, enfin, ma camarade de dortoir. J'ai regardé mes anciens clips. Longuement, assise, adossée au mur, je m'étais laissée observer mes amies. Leurs sourires. Leurs rires. Nous avons une petite chaîne sur laquelle nous avions posté plein de vidéos sur nos entraînements, sur nos rires et tout. Mon cœur se serre, mes mains aussi.
Vous me manquez les filles... Vous n'avez pas idée à quel point...
(Vidéo) - Eri ! Concentre-toi un peu ! - Ça va ! On a le temps. J'fais une pause ! - Kae ! Comment je fais ce pas ? J'y arrive mal... - Rha... Attend j'te montre.
Un simple tourné sur soi. Mais Mei avait un sens de l'équilibre qui valait mon sens de l'orientation. Enfin à l'époque. Comme je n'ai aucune nouvelle... Peut-être cela s'est-il amélioré... ? Peu importe. Après tout, je n'étais plus au Japon. Même si elle voulait me retrouver, je sais pas comment elle ferait pour savoir et pour venir ici... Enfin, je ne sais pas ce que j'aurais à lui dire. Parler de la mort de Kae ? Sans façons. Je sais qu'elle est morte. Je sais comment. Ça me suffit. Je me suis assez recueillie sur sa tombe pour ne pas avoir besoin d'en parler plus. Parler de son enfant ? Boarf. Si elle est toujours avec son « mec »... Non. Je ne veux pas en entendre parler.
Je secoue mon visage. Ne pas y repenser. Alors oui ça calme instantanément ma libido mais ça me fait déprimer. C'est pas mieux. Au lieu d'avoir l'impression que mon corps ne supporte plus ma condition, c'est mon esprit qui ne supporte plus tout le reste. Affreuse vie. Tant pis. Je survivrais. Je suis une Tanaka. Je vis. Je resplendis. Je mourrais comme j'aurais vécu. Dans les strass et paillettes. Ce n'était pas Dalida qui a dit ça dans une chanson... ? « Moi qui ai tout choisi dans ma vie / Je veux choisir ma mort aussi […] Ma vie a brûlé sous trop de lumières / Je ne peux pas partir dans l'ombre ». Et bien je pense pareil. Je choisirais ma mort, que j'ai trente ou quatre-vingt ans.
Mon corps se lève lentement. J'avais envie de danser. Heureusement que je suis en tenue de répétition. Enfin. Je portais un pantalon de jogging, un polo rayé bleu ciel et blanc. Je sors mon carnet, retenant une chorégraphie écrite rapidement. Je suis non loin d'un bâtiment... Celui de l'administration non ? Ils ne devraient rien me dire. Je suis seule, dans mon coin, à ne rien faire de grave. Je ne suis pas seule avec quelqu'un. Tout va bien.
Je me laisse prendre mes écouteurs pour lancer une musique, dansant doucement sous le rythme familier. Je reprends mes habitudes d'idole. Danser, encore et encore, ignorant mes courbatures, ma fatigue. Ignorant tout. Je répète encore et encore les mêmes gestes. Jusqu'à chanter pour mieux me concentrer. Chanter, danser. Et imaginer mes amies près de moi. Souriantes, drôles. Kae qui tombe, Mei qui grommelle qu'elle n'y arrive pas. Et nos éclats de rire.
Lentement, le jeune homme descendit les escaliers qui promettaient de le conduire à la liberté. Le pire était derrière lui. Le rendez vous avec le psychiatre était terminé. Pourtant, cet étrange malaise qui l'avait pris quand il avait pénétré dans le campus de l'IRS ne le quittait toujours pas, bien que sa corvée soit terminée. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'il venait ici. Oui, mais... En revanche, c'était la première fois depuis qu'il avait rencontré la jeune Tanaka... Et cela, le Corbeau choisissait de l'omettre soigneusement de sa mémoire, et de l'enfermer dans une petite boîte...
Depuis cette fameuse nuit, il n'était plus revenu faire son footing du côté du campus du lycée. Pourquoi ? Si vous lui aviez posé la question, il vous aurait simplement répondu qu'il souhaitait simplement changer son parcours, en vous fuyant du regard, bien sûr... Puisque ce serait un grossier mensonge... La vérité, c'était qu'il avait peur de retomber sur Eri s'il courait dans l'enceinte du campus. Qu'arriverait il s'ils se croisaient à nouveau ? Sans doute pas grand chose. Peut être rien, même... Mais mieux valait être prudent... Le souvenir du baiser langoureux qu'elle lui avait volé hantait déjà beaucoup trop ses pensées...
Arrivé au bas des marches, il s'alluma une cigarette, et s'éloigna, main gauche dans la poche tout en savourant sa récompense post entretien psychologique. C'est alors que des mouvements sur sa droite attirèrent son attention. Il se tourna, et il vit la seule personne qu'il craignait de croiser par dessus tout dans ce campus. Elle ne le vit pas de suite. Elle était trop absorbée dans sa danse pour ça. Et bon sang, qu'est ce qu'elle dansait bien ! Il ne put que reconnaître la jeune idole qu'il avait pu voir sur quelques clips circulant sur le net. Car oui, Chris avait fait des recherches approfondies sur Eri depuis qu'ils ne s'étaient pas vus. Il avait cherché à savoir ce qui lui était arrivé, par quoi elle était passée.
Oh, pas au début. Rock n'avait pas l'intention de la revoir. Il le pensait réellement. Mais il y avait eu ce baiser, et cette promesse qu'elle lui avait faite... Et depuis, le brun avait connu plusieurs nuits blanches à cause de ça... Le moins qu'on pouvait dire, c'était que la jeune Tanaka savait ménager ses effets, et marquer son audience au fer rouge. Elle était bel et bien dangereuse pour lui... Mais il n'était pas trop tard. Elle ne l'avait pas encore remarqué... Peut être que s'il disparaissait pendant qu'elle dansait encore...
Il fit un pas en arrière avant de rester bloqué sur la chorégraphie de la jeune fille. Il resta là à l'observer, plusieurs secondes, ou minutes. La notion du temps s'évapora, jusqu'à ce que l'irréparable se produise et qu'elle ne remarque finalement sa présence. Cette fois, ça y était. Elle savait ! Il ne pouvait plus reculer ! C'était terminé ! Il était à nouveau désarmé face à ses démons...
Je réagis comme avant. Comme un robot. Je ne ressens plus rien. Je n'ai besoin de rien ressentir pour danser. J'ai juste besoin d'être – comme derrière un objectif – bonne comédienne. Mon cœur bat rapidement. Je sens la sueur couler le long de mon cou, les mèches se collant sur mon front. J'ai une serviette dans mon sac. Et une bouteille d'eau. Tout va bien. Je continue. J'ai besoin de me défouler. J'ai besoin d'oublier. D'oublier un peu tout.
J'ai encore le goût de ses lèvres sur les miennes. Sa douceur. Son regard étonné. La chaleur de sa peau... Putain ! J'en ai marre. Je le reverrais pas avant un bon moment. Je n'allais pas me torturer un peu plus, tous les jours à cause d'un TYPE avec de magnifiques yeux gris. Bon. D'accord. Peut-être si... Mes jambes s'arrêtent lors d'un demi-tour. Je cligne des yeux plusieurs fois. Hallucinations ? Je crois le voir. Devant moi. En train de me regarder. J'ouvre ma bouche un instant. Et la referme. J'ai trop dansé non ? Je lui tourne le dos pour attraper une serviette et ma bouteille. Longuement, je bois avant de me passer de l'eau sur le visage. Eau que j'essuie doucement. Ça va mieux. Mon regard se tourne vers l'illusion. On peut parler avec un mirage ?
- Salut Chris.
Ma voix est essoufflée de ma danse. Hésitante. Peut-être que je devrais partir. Il ne veut sûrement pas me voir. Ce serait logique. Surtout vu ce qu'il s'est passé le mois dernier... Je n'ai pas honte. Je suis juste triste. Triste de voir que, visiblement, je n'ai pas réussi à me rapprocher, même en essayant. Je lui ai dis que je ne le laisserais pas m'oublier. Je suis stupide. Il se souvient sûrement pas de moi... Normalement je devrais prendre un ton taquin. Lui dire qu'il est là parce qu'il n'arrive pas à m'oublier. Peut-être que, c'est pire encore, il se souvient de moi mais en a une mauvaise image. Ce ne serait pas étonnant.
- Tu viens de sortir d'un rendez-vous ?
J'observe le bâtiment. Administratif. Je me demande s'il est venu voir la direction. Le secrétariat. Un psy ? Non. J'vois pas pourquoi il irait en voir un. Je passe la serviette derrière ma nuque, l'observant. Il est quand même vachement beau non ? Si... Si seulement je pouvais avoir plus... Ce serait tellement bien. Je frissonne doucement et attrape mon sac pour sortir des pilules. J'en avale deux, un peu d'eau pour que ça passe. C'est un médicament un peu dur, à base de codéine. Je ne suis pas censée en prendre. Mais bon. Si ça peut assommer un peu Dame Libido... Moi je prends. Je n'ai pas envie de revivre l'enfer de la dernière fois. Une fois. Pas deux.
- Je te manquais peut...être ? Non rien. Oublie. C'est une connerie.
Mon air joueur s'est affiché une demie-seconde avant de s'effacer aussi vite. Non. Dans ma tête ce n'était pas une bonne pensée. Maintenant que je l'ai dite... Je sais que c'était une connerie. Je ne veux pas l'entendre me dire que non, je lui manquais pas. Qu'il ne sait pas qui je suis. Qu'il ne veut pas me parler. J'aimerais... L'avoir marqué. Un peu. Je n'ai pas envie d'avoir cette distance. Je la haïs. C'est un fait. Mais s'il veut être tranquille... Je respecterais. Je n'ai pas le choix. Pitié... Faites qu'il se souvienne de moi, d'une autre façon que la gamine en manque...
Eri ne lui adressa pas la parole, alors qu'elle revoyait le Corbeau après presque un mois sans nouvelles. Au lieu de ça, elle fit volte face vers son sac de sport, et en tira une bouteille d'eau et une serviette. Elle alla se rafraîchir un peu le visage et s'essuyer. De son côté, Rock ne bougea pas. Il se contenta de l'observer en silence, comme il le faisait souvent. Et puis enfin, elle daigna lui adresser la parole. Une salutation moins sèche que ce à quoi il s'attendait, et même, plutôt hésitante, en fait, ce qui l'étonna un peu. - Bonjour, Eri, répondit il simplement d'une voix neutre ne trahissant aucune émotion. - Tu viens de sortir d'un rendez-vous ? Poursuivit l'adolescente, visiblement curieuse. - Oui, je... commença le brun en levant la main droite, pouce dressé derrière lui, montrant le bâtiment administratif.
Mais sa voix se tut doucement. Il ne voulait pas en dire davantage. Lui annoncer qu'il était venu pour discuter d'elle avec son psy n'était pas franchement une bonne idée. Il aurait pu mentir, mais il n'en avait pas envie. Pas à elle... - Oui... Répéta t'il simplement d'un ton plat.
Un silence pesant s'installa alors entre les deux adolescents, et seul une légère brise se perdant dans les mèches de cheveux du brun vint donner un peu de mouvement à sa silhouette parfaitement immobile. Un silence que la jeune Tanaka brisa heureusement très rapidement: - Je te manquais peut...être ? Non rien. Oublie. C'est une connerie. Chris fixa la jeune fille avec un très léger sourire sur les lèvres, mais il ne lui répondit pas. Il ne voulait pas entrer dans son jeu. Et puis, elle même semblait regretter ces paroles. Ou bien, peut être était elle effrayée par la réponse éventuelle que cela entraînerait... ? - C'était une jolie danse, répliqua t'il enfin, totalement hors sujet, en souriant. Tu danses très bien. Mais tu le sais déjà, oui, je sais... Il se tut un instant avant d'ajouter: - Mais c'est la première fois que je te vois danser en vrai !
Il sourit toujours, parfaitement conscient qu'il est hors sujet. Alors, Son sourire disparaît, et son visage s'assombrit quelque peu, avant qu'il n'entre quelque peu dans le vif du sujet: - Comment ça va, Eri ? Mieux ? Demanda t'il d'une voix à la fois plus douce et plus sérieuse.
Depuis que leur conversation avait démarré, il n'avait pas réduit l'écart entre eux. Il ne voulait pas récolter un refus du genre "ne m'approche pas !" en début de discussion. Il voulait au moins savoir comment elle allait, avant... Ou, tout du moins, essayer de savoir...
"L'art de plaire est l'air de tromper" Vauvenargues
Ah. Il veut jouer à ça. Ok... Et moi, j'ai envie de jouer ? Non. Je n'en ai pas envie. Je n'ai ni l'envie, ni la force. Qu'est-il venu foutre ici ? Sûrement pas me revoir. Non... Ça je l'ai parfaitement vu. Sous ses yeux qui s'écarquillent rapidement. Ce petit instant, juste avant qu'il ne remette ce masque qu'on a tous. Je l'ai vu et n'oublierais pas. Je n'oublie que les choses inutiles. Et pour l'instant, il est trop tôt pour qu'il aille dans cette case. Laissons-lui encore quelques chances. Peut-être que je n'ai pas toutes les infos. Mais tu pars mal beau gosse...
Je suis sa main qui bouge, qui montre le bâtiment derrière lui. Il reprend ses paroles. Il allait dire quelque chose mais s'est ravisé. Il ne devrait pas faire ça avec moi. J'ai en tête les propos que lui aurait dit ma mère si on avait été en rendez-vous professionnel. Dans le monde pro, aucune erreur n'est acceptable. Pour ma mère encore moins. Et à ma seconde question, il décide de la passer sous silence. Doucement, mes joues se gonflent. Il me sourit. J'ai l'impression qu'il se fout de ma gueule. Comme pour me dire « Héhé, t'as vu ? Je suis libre et pas toiiiii ? ». Il ignore ma question pour me complimenter sur ma danse. Il me dit que je danse bien. Et que c'est la première fois qu'il me voit danser. Je garde les joues gonflées. C'est... C'est...
- Tu es vexant.
Son sourire est vexant. Sa voix, bien qu'adorablement douce, m'agace. J'ai une envie de le frapper. De retirer ce sourire. J'ai envie qu'il arrête. Qu'il me prenne au sérieux. Bon. Qu'il me prenne tout court aussi. Mais ce n'est pas la question. Actuellement, j'ai envie de détruire ce sourire. Ce rictus. Ce...
- Comment ça va, Eri ? Mieux ?
Mes joues de dégonflent alors que je l'observe. Tu es sérieux ? Vraiment ? Tu oses vraiment me poser ce genre de question ? Mais tu t'en doutes que je vais t'enculer non ? Pourquoi tu me poses cette question ? Pourquoi tu es si...
- Je vais comme la gamine que tu as ramené y'a un mois. Mais un mois plus tard. Toujours sans cul. La seule différence c'est que je n'ai plus de crises. Non. Maintenant je m'épuise. Il paraît que c'est « mieux » pour ma santé. Clairement hein. Vaut mieux me laisser dormir 2 heures et me tuer au boulot plutôt que de me laisser avoir une levrette.
Mes lèvres s'ouvrent encore. Ma voix était ironique. Blessante. Volontairement piquante. Cynique. Déjà parce que je ne comprends pas comment on peut me laisser me niquer la santé aussi visiblement pour « mon bien » alors que vraisemblablement, non. Putain de non. Je vais pour ajouter quelque chose quand j'entends la porte qui s'ouvre. Et Monsieur Stevens en sort, toujours avec son costard et son maintien presque parfait.
Ian - " Mr Raven! "
Il s'avance, tendant le bras en échangeant un petit objet brillant.
Ian - "Tu as oublié ça."
Son regard balaie son champ de vision et tombe sur moi.
Ian - " Bonjour Eri "
Je hoche la tête lentement vers lui. Mon sourcil se hausse alors que mon regard passe du psychologue à Chris. Chris. Mr Stevens. Mr Stevens. Chris. Comment... ? Il avait rendez-vous avec lui ? Pourquoi... ? Pourquoi il étai... Ah. Mon cerveau remet les pièces du puzzle en place, lentement. Très lentement, comme si réfléchir vite allait me faire mal, mon esprit réalise. Et ma voix, tremblante de rage, sort.
- C'était ça hein ? L'enveloppe que tu as donné. Le rendez-vous. Tu lui as parlé de moi ? Tu lui as raconté hein ?!
Dès les premières secondes de la rencontre avec la jeune Tanaka, le malaise de Chris grimpa d'un cran. Le regard de la jeune fille le détaillant, essayant de lire en lui comme dans un livre, le testant, le mettait mal à l'aise. Pourtant, il tint bon et demeura de marbre. Il savait à quoi s'attendre et s'était imaginé la scène plusieurs fois au cours des semaines précédentes. Il avait anticipé que cela pouvait se produire. Il s'était préparé à cette éventualité, même s'il aurait préféré ne jamais avoir à la vivre...
Pratiquement un mois s'était écoulé, mais Eri n'avait visiblement pas changé: très vite, elle entra dans le vif du sujet l'intéressant, et le Corbeau esquiva la question en répondant à côté. Elle se vexa alors légèrement, gonflant les joues de façon mignonne, mais qui indiquait toutefois au brun qu'il venait déjà de faire un faux pas. - Comment ça va, Eri ? Mieux ? Deuxième faux pas, suivi d'un troisième juste derrière, et la jeune fille s'agaça, et lui parla du mois qui venait de s'écouler, visiblement pas fameux. Mais un détail important retint l'attention de l'enfant soldat: elle ne faisait plus de crises ! Et si elle ne semblait pas se rendrait compte du progrès monstrueux dont il s'agissait, lui, trouvait ça magnifique.
Elle s'apprêtait à lui en dire davantage, mais un imprévu de taille se produisit. Un imprévu qui renversa totalement l'échiquier, et les pièces qui se trouvaient dessus ! Ian Stevens, le psy de l'adolescente, descendit les escaliers en courant pour ramener son briquet fétiche en argent à Chris. Celui ci se tourna vers lui l'espace d'un instant, pour le remercier d'une voix éteinte. Il lui jeta un regard noir que la japonaise ne pouvait pas voir, mais que Stevens pourrait aisément comprendre, lui ! Du moins, il fallait l'espérer. Il signifiait très clairement: "Putain, mais qu'est ce que tu fous ?!"
En colère, désarmé face à la situation, le brun prit bien son temps pour ranger le briquet dans sa poche intérieure, ferma les yeux, inspira et expira profondément avant de se tourner à nouveau vers Eri. A nouveau, son visage était inexpressif. Aucun sentiment, aucun indice quelconque de sa colère envers le psy pour être intervenu au pire moment du monde. Chris savait ce qu'il allait trouver en se tournant à nouveau vers la jeune fille. Et cela ne rata pas... - Raconté quoi ? Lui dit il alors d'une voix calme. Voyons, de quoi tu parles, Eri ?
Il sentait bien que l'adolescente était en train de se mettre en colère à vue d'oeil, et il ne voulait pas perdre le contrôle de la situation. Il choisit donc pour le moment d'éviter de prendre trop de risques. Il lui fallait réparer les dégâts imprévus causés par l'intervention inopinée du doc...
Il avança d'un pas en levant doucement les mains en signe d'apaisement: - Allons, calme toi... C'est vrai que je lui ai remis une lettre. Mais tu ne crois pas que tu tires un peu vite des conclusions ? Tu devrais peut être éviter de déclarer la sentence avant que le procès n'ait eu lieu, tu ne crois pas ? Lui dit il alors.
Elle ne savait pas de quoi parlait cette enveloppe. Autrement dit, sa colère reposait sur du vent. Et il avait bien l'intention d'en jouer, car pour le moment, il estimait qu'elle n'avait pas à savoir ce qu'elle contenait...
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Je l'observe. Je le détaille. Plus encore. Et ce que je vois ne me fis nullement plaisir. Non seulement il a reprit son masque neutre de mes couilles sur son front mais en plus il me prend pour une conne...
- Raconté quoi ? Voyons, de quoi tu parles, Eri ? - Plaît-il ?
Mon sourcil s'arque sous la surprise. Je n'y crois pas. Il n'a pas osé me dire ça quand même. Si ? Ah bah si... Ok. Très bien. Il me prend donc pour une idiote. Parfait. Génial. J'adore. J'aurais pu m'en sortir avec une cabriole, quelques mots avec un ton un peu léger. Je serais partie comme une princesse à hurler plus loin. À frapper dans un mur jusqu'à m'en casser la main. À me défoncer définitivement la voix. Je n'étais pas en colère. Je bous de colère, de rage et de plus encore. J'aurais pu rester calme. J'aurais vraiment pu ! Si seulement il avait fermé sa gueule...
- Allons, calme toi... C'est vrai que je lui ai remis une lettre. Mais tu ne crois pas que tu tires un peu vite des conclusions ? Tu devrais peut être éviter de déclarer la sentence avant que le procès n'ait eu lieu, tu ne crois pas ?
Le coup partit instantanément. Une gifle. Du revers de la main. Mes yeux sont humides, les sourcils froncés. Je regarde dans sa direction sans le voir. Il a osé ! Il me prend pour la dernière des connes ! Les larmes dépassent mes yeux, coulent. Frustrée, énervée, furieuse, utilisez le mot que vous voulez, je m'en contre-fous comme de ma première photo.
- Ferme. Ta. Gueule.
Ma main l'attrape et l'emmène. Un peu plus loin. Là où on mettra du temps à venir nous chercher. Je me branle de ce qu'on me fera. Mais ce petit con doit bien prendre conscience que ce qu'il dit est immonde !
- Tu as réfléchis avant de parler ? Tu as conscience de ce que tu me dis ? S'il te plaît, respecte-moi ET ARRÊTE DE ME PRENDRE POUR UNE CONNE !
J'hurle. Ça fait du bien. Pas assez. J'aurais aimé le mettre à terre. Lui mettre un coup de poing, de pied. Un truc. Mais je suis persuadée qu'il me maîtrisera avant. Alors il ne me reste que ma seule arme. Mes seules armes.
- Tu ne peux pas juste ne pas me mentir ? Bien sûr que tu me diras pas la vérité ! MAIS AU MOINS ME MENS PAS PUTAIN !! T'as cru quoi ? Vraiment ? Que j'étais heureuse ici ? Que c'était la belle vie ? AU MOINS ICI ILS NE TE VEULENT PAS DE MAL ? VRAIMENT ? PARCE QUE LA JE VAIS BIEN ?!
Je ne le touche pas. Je ne veux pas le toucher. Je pleure. J'ai mal. Mal de voir qu'il se fout de moi. Mal de voir qu'il s'en fout de moi. Mal de voir qu'il ne me voit pas.
- JE DEVRAIS ÉVITER DE DÉCLARER SENTENCE AVANT QUE LE PROCES N'AIT EU LIEU ? Alors explique moi. Explique-moi de quoi tu lui as parlé si ce n'est pour lui raconter ce que tu as vu. Et vas-y, je t'écoute, défends-toi comme si ta vie en dépendait. PARCE QUE, PUTAIN DE MERDE, SI JE DOIS PAS TIRER DE CONCLUSIONS TROP VITE, TU AS FAIS QUOI TOI LA ? NON MAIS DIS MOI ! Tu lui as raconté ce que tu as vu ? Parfait. ET A QUEL MOMENT TOI, TU AS TOUTES LES INFOS POUR LUI DIRE ? A QUEL MOMENT TU NE TIRES AUCUNE CONCLUSION?
Ma voix déraille. Je m'en fous. Rien n'est important. J'attends. J'écoute. Ensuite je jugerais et je châtierais sûrement. Le reste n'est pas important. Plus rien ne devrait m'être important. Ni les gens du passé, ni les gens du futur... Mon regard le fusille. Ptêtre bien que les gens du présent non plus.
La colère de la jeune fille est de plus en plus palpable, et Rock fait un pas en avant, lui donnant ainsi une justification toute trouvée... Le bruit d'une gifle se répercuta en écho sur les murs des bâtiments alentours alors que le brun eut un mouvement de recul, sans toutefois bouger davantage. Il se contenta de soupirer longuement avant de tourner lentement le visage vers la jeune fille qui l'attrapa pour l'emmener plus loin. Et dès qu'elle l'a lâché, elle lui explose au visage, lui hurle dessus, lui reprochant chaque petite action qu'il a tenté pour essayer de l'aider en oubliant soigneusement qu'ils ne se connaissent pas, qu'ils ne se doivent rien, qu'il n'a rien à lui justifier, et qu'au final, il lui a épargné une nuit de souille supplémentaire !
Et peu à peu, cette rancoeur, cette impression de bosser à contre courant, de faire des efforts pour rien, de ne pas être compris, d'essayer de la protéger d'elle même et des autres alors qu'il serait tellement plus simple de lui donner ce qu'elle veut et de l'abandonner au sol une fois qu'elle aurait été soulagée pour les deux prochaines heures finit par peser sur les nerfs de l'assassin. Son visage se durcit peu à peu, imperceptiblement, mais bel et bien, tandis qu'Eri, elle, continua à vider son sac, encore et toujours, en hurlant toujours plus fort, en oubliant au passage que n'importe quel adolescent de sa classe passant dans le coin pourrait apprendre des infos croustillantes sur elle étant donné qu'elle racontait sa vie à livre ouvert, en ce moment.
Il ne savait pas quoi faire, constatant qu'elle pleurait, sous l'effet de la colère et peut être de la tristesse ? Sans doute s'était elle inventé les pires scénarios du monde sur son compte. Cela lui fit de la peine, mais il le refoula, refusant de lui faire voir que cela l'atteignait. Ce n'était pas le moment...
Et puis, finalement, elle alla trop loin, et l'encouragea à se justifier. Il parvint à se contrôler, ravalant sa colère afin de ne pas la couper, demeurant le mur qu'il était toujours face aux autres. Il se contenta de lui tourner le dos et d'inspirer et expirer profondément tout en s'allumant une cigarette avant de lui faire face à nouveau. Il hésita un instant, avant de finalement prendre une décision... - Tu sais quoi, Eri... ?
Il s'avança vers elle, et cette fois, une expression étrange et prédatrice pouvait se lire sur son visage habituellement soit bienveillant, soit sans expression. Il l'approcha, et la domina de toute sa hauteur en la regarda d'un oeil désormais mauvais. Cette fois ci, c'était sa colère à lui qui commençait à faire surface, et il ne plaisantait plus, à présent: - Je n'ai aucune explication à te donner ! Absolument aucune ! Et à dire vrai, je commence à en avoir marre de tes reproches constants ! La vérité, c'est que dès que les choses ne vont pas comme tu veux, tu n'es pas satisfaite ! Oh, je comprends bien que tu as grandi comme une idole, que beaucoup étaient à tes pieds parce que tu chantes et danses divinement bien !
Il se pencha vers elle, un sourire mauvais sur les lèvres, en la fixant droit dans les yeux: - Seulement voilà, ça ne marchera pas avec moi ! Chris ne marche pas à la baguette, et Chris n'aime pas se soumettre, fourre toi bien ça dans le crâne ! Il se redressa pour prendre un peu de distance, en la détaillant de son regard gris, avant de poursuivre: - On ne se connait pas, et je ne te dois rien ! Et CA, c'est une réalité ! Tu as passé la nuit à me reprocher de ne pas vouloir te souiller la dernière fois ! Tu as la mémoire courte, ma grande ! Mais qu'est ce que tu attends de moi, exactement ?!
Il fit une pause, pour reprendre un peu son calme, avant d'ajouter: - Tout ce que j'ai fait, je l'ai toujours fait dans ton intérêt ! Mais ne pousse pas ta chance, Eri... Je n'ai pas à me justifier de mes actes ! Il croisa alors son regard embué et son coeur se pinça: - D'accord... J'ai fait une lettre à ton psy pour lui parler de ta crise de manque, c'est vrai ! Tu m'as dit que c'était la première fois, que tu n'avais jamais connu ça, que tu ne savais pas comment tu allais supporter ça à l'avenir... J'ai pensé préférable de prévenir ton psy, c'est tout ! C'est TOUT ce que j'ai fait ! Conclut il en levant les mains en l'air en signe d'apaisement.
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J'ai mal à la gorge. Depuis combien de temps n'ai-je pas eu mal d'avoir trop utilisé mes cordes vocales ? Longtemps. Peut-être bien les premières séances de répétition avec Mei et Kae. Elles m'avaient engueulé la première fois. Parce que je ne savais pas m'arrêter. Parce que chez moi ça avait toujours été « tout ou rien ». Je ne sais pas faire les choses à moitié. J'ai appris. Un peu. Mais je n'aime pas ça. C'est un fait. Ça a toujours été. Ça sera toujours. Mais là... En l'instant... C'était plus « tout » que « rien ».
Je ne dis rien. Je l'ai observé. Encore. Non. Pas encore. Ce n'est pas quelqu'un que je connais. Qui es-tu ? Mon regard se plante dans ses yeux gris, détaillant son sourire prédateur. Il me regarde mal. Je n'aime pas ça. Non pas parce qu'il me surplombe mais parce qu'il me rappelle mes anciens patrons. Il me rappelle ceux qui m'offraient des bonbons pour me féliciter de mon bon travail. Je ne supporte pas ça. Qu'on me prenne pour une gamine. Et c'est exactement ce qu'il fait.
J'écoute. J'écoute ses mots. Je retourne ses phrases, mémorisant chaque mot qu'il me dit. Je note sans réagir le compliment caché. Ce qu'il me dit m'énerve un peu plus mais je me mords la lèvre intérieure pour ne pas le couper. Pour ne pas l'interrompre. Quelque part, lorsqu'il sourit, il y a quelque chose qui change. Non seulement je ne le connais pas mais j'ignore tout de lui. Alors que lui sait. Il ne sait pas tout. Mais il sait. Je reste immobile, mon regard dans le sien. Je suis le Silence. L'immobilité. Le masque neutre. Les larmes coulent sans s'arrêter, embrumant ma vue. Peu importe. J'ai vu. Je sais.
Et j'inspire. De plus en plus violemment, plus fort. Parce que je suis énervée. Parce que je suis frustrée. Parce que... Parce que.
- Beaucoup étaient à mes pieds hein ? Si seulement... Est-ce qu'au moins tu sais ce que c'est qu'être une enfant-star ? Ça paraît cool hein ? Bah pas vraiment. À trois ans on me demandait de me comporter comme une adulte. À 5 ans j'avais des journées de 30h, 40h lorsque j'en ai eut 7. On n'était pas à mes pieds. J'étais leur jouet. Ne confonds pas tout. Ce que j'ai, je l'ai mérité. Je l'ai gagné. Quoi que tu en penses.
Ma main se pose sur sa veste. Et je l'éloigne de moi. Je ne sais pas pourquoi. J'en avais envie. Peut-être qu'il était simplement trop près. Peut-être que je ne voulais pas me tenter. Peut-être que je suis devenue folle et incohérente. Peut-être.
- Ce que tu dis n'as aucun sens. Je crise quand ça ne se passe pas comme je veux ? Bien sûr... Je ne crise pas. Je suis énervée. En colère. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'à aucun moment tu ne m'as parlé. À aucun moment tu t'es dis qu'en discuter avec moi ça pouvait être intéressant. Tu as tout fais dans mon dos ! Je n'aurais rien eu contre si tu m'en avais parlé !
Lentement, mon visage se laisse sourire. D'un sourire pervers, d'un sourire adulte, parfaitement consciente de la tête que je fais, de mes traits qui se durcissent alors que ma main revient sur son buste.
- Je n'ai pas oublié ce que je t'ai demandé. Je n'ai rien oublié. Mais dis moi, si tu n'attends rien de moi, si on ne se connaît pas, pourquoi t'as fais tout ça hein ? TU as pensé que. TU as jugé que. Je te l'ai dis... Je ne suis ni idiote ni inconsciente. Je peux réfléchir à ma condition. Mais non. Tu m'as considéré comme une gamine. Et ça, ouais, ça me gave.
Je souffle, longuement. Je ne crie pas. J'ai la voix qui déraille. J'ai toujours mal. On verra plus tard. D'abord, lui faire comprendre les choses. Ensuite on verra.
- Alors réagis comme tu veux. Je t'ai dis que tu ne m'oublierais pas. Je ne reviendrais pas là-dessus. Mais sache une chose. Chris peut vouloir ce qu'il veut. Si je veux te soumettre ce sera dans un lit. Je n'ai ni envie que tu m'obéisses ni que tu sois ma chose. J'voulais juste être traitée d'égale en égal. Toi, tu m'as prise comme une gamine.
Je marque une pause. Je réfléchis.
- J'attendais de toi que tu te comportes comme un adulte. Peut-être que l'enfant de nous deux, ce n'est pas moi. Ah si ! Tu me demandes de ne pas pousser ma chance hein ?!
Mon corps s'éloigne et j'attrape un carnet. Carnet dans lequel je note chaque chose que je fais. Ce que je mange. Comment je m'étire. Mes heures de répétition. Tout. Sur les trente derniers jours, mes nuits ne dépassent pas trois heures. Je le lui colle sur le torse.
- Je ne sais pas d'où tu viens. Mais si tu penses que la chance fait tout, alors tu ne sais rien. Tu ignores les efforts que j'ai fais pour en arriver là où j'étais. Les efforts que je fais pour y retourner. Tu ignores beaucoup de choses. Alors t'es mignon, viens pas me dire quoi faire. Par contre... Je préfère ce Chris-là. Je sais pas qui tu es. Mais ce masque que tu mets tout le temps... Il est gênant.
La situation commençait à lui échapper. Il avait dit la vérité, parlé sans faire de détours et surtout en montrant ses émotions. Et il n'aimait pas ça. Il détestait ça !
Un bon assassin n'a pas d'émotions. Il n'en a pas besoin ! Il est froid, et pragmatique, et prend ses décisions en fonction de la situation. Il fait ce qui doit être fait QUAND ça doit être fait. Pas d'hésitations, pas de doutes. Le doute, c'est la mort.
S'il commençait à douter... S'il perdait son pragmatisme et sa capacité de prise de décision... Qu'arriverait il le jour où il rencontrerait à nouveau ceux qui voulaient s'en prendre à lui ? C'était ce que pensait Chris, en tout cas. Il n'avait pas vu que s'il avait peut être effectivement incarné cet idéal d'assassin froid et "parfait" qu'il était supposé devenir, il ne l'était plus depuis bien longtemps. Il n'avait pas compris que Black Thorn s'était débarrassé de lui parce que ses émotions étaient trop puissantes, ses instincts trop primaires ! Jamais un assassin dit parfait n'aurait apporté son aide à la jeune Tanaka où à la jeune Na-Yeon comme il l'avait fait ! Mais lui semblait refuser de voir cette vérité pourtant de plus en plus évidente...
La dispute avec Eri s'était engagée et les mots fusèrent, pas forcément toujours très mérités. Il l'attaqua sur sa condition d'enfant Star, ce à quoi elle répliqua qu'elle avait acquis durement ce qu'elle avait gagné et que la chance n'avait rien à voir dans tout ça. Elle lui détailla le cauchemar de son enfance, et l'envers du décor de ce que signifiait être une enfant Star. Elle captiva son regard durant ce récit, car il ne savait rien de tout ça, ne connaissait pas ce monde, et il entendait bien changer cela. Il écouta chaque mot de la jeune fille, dissimulant le dégoût que cela lui inspirait, et l'incompréhension que lui provoquait le fait de la voir danser à nouveau. Pourquoi voudrait elle... s'infliger ça une nouvelle fois ?! Pourquoi ?! C'était absurde !
Il laissa la jeune fille le repousser doucement quand elle s'approcha de lui et posa sa main sur sa veste, l'écoutant lui reprocher son silence. Et à ce reproche, le brun dévia du regard, fixant le sol. Chris était un franc tireur. Il avait toujours agi seul. Dès son plus jeune âge, il ne faisait partie d'une escouade lors d'opérations qu'en de rares occasions. La plupart du temps, il n'était qu'un sniper. Une ombre, dissimulée dans la nuit, apparaissant et disparaissant comme si elle n'avait jamais existé. Il ne pouvait pas avoir d'esprit d'équipe ou de mise en commun d'informations puisque c'était une chose idiote pour lui. Il ne s'en était jamais servi, ou presque.
Mais sur ce coup là, elle n'avait pas tort ! Il s'agissait d'elle ! De SA vie, de SA maladie ! Il était bien évident qu'il n'aurait pas aimé qu'elle agisse de la même façon si les rôles avaient été inversés. Toutefois, il nuança les propos d'Eri lorsqu'elle affirma qu'elle était capable de prendre ses propres décisions. A cet instant, il redressa la tête et la fixa droit dans les yeux: - Non, je regrette mais tu ne peux pas ! Cette nuit là, en tout cas, tu ne pouvais pas ! Tu étais en manque, comme une crack addict qui n'aurait pas eu sa dose, et tu aurais été prête à faire n'importe quoi pour que je te donne ton fix ! Je veux bien entendre que j'ai commis certaines erreurs, Eri, mais tu ne peux pas me dire que tu pouvais prendre tes propres décisions, car ça, c'est FAUX !
Il soupira à son tour, tandis que la jeune Tanaka lui reprochait sa manière de le traiter la dernière fois, et il sentit à nouveau l'injustice de la situation. Et une nouvelle fois, il perdit le contrôle: - Je te traiterai d'égale à égal quand tu m'auras prouvé que je peux le faire ! Je me suis comporté comme je le pouvais étant donné la situation ! La situation était peut être affreuse pour toi, mais tu ne t'es pas demandé si c'était simple pour moi ou non ! Tu ne t'es pas demandé si résister à... Il se tut soudain, tandis que ses yeux s'écarquillèrent dans une expression d'effroi: il s'apprêtait à en dire beaucoup trop...
Baissant la tête, une casacade de cheveux tomba devant son regard et le dissimula.
L'adolescente lui annonça alors qu'elle préférait largement le voir sans son masque. C'était le coup d'estocade, pour lui ! Il releva lentement la tête, fixant la jeune fille avec un regard incertain, presque fragile, tandis qu'elle lui montra fièrement son emploi du temps de ce dernier mois. Elle passait ses journées à s'occuper l'esprit pour éviter les crises. Quel enfer... Mais il n'y avait visiblement pas d'autre solution, malheureusement... Stevens avait mentionné qu'elle avait perdu beaucoup de poids depuis son inscription, et qu'elle dormait peu. Mais si elle ne se lançait à corps perdu pas dans le travail, elle se lancerait dans la drogue et les poivrots de Londres... Dans tous les cas, elle était mal barrée...
Il fixa longuement Eri sans mot dire en déglutissant avec difficulté, une légère douleur peinte sur son visage: - Ce masque... ? Répéta t'il finalement dans un murmure. Il fit doucement volte face avant de fixer un point de mire du parc, et ajouta dans un second murmure: - C'est lui qui me maintient en vie...
"L'art de plaire est l'air de tromper" Vauvenargues
Il m'énerve. Il m'énerve à vouloir forcément avoir raison sur ma propre vie ! C'est fou ça, ce désir de toujours tout vouloir contrôler ! Est-ce que je veux tout contrôler moi ? Non. Je veux contrôler mon corps et mes décisions. Ma vie en sommes. Mais, sous prétexte que « je suis si jeune », je suis prise pour une incompétente, sans recul. J'ai bien plus de recul que la majorité des adultes que je côtoie. Moins que d'autres, je ne suis pas prétentieuse à ce point. Enfin... Je ne changerais pas ça maintenant. Je l'écoute me parler, me dire que je n'étais qu'une accro qui aurait fait n'importe quoi pour changer sa situation. Bien sûr que oui ! Qui aime être en manque ? C'était logique de vouloir combler ce manque. C'était la même chose pour la cigarette, pour l'alcool chez certains. Bon bah moi c'était le sexe. Y a rien de dingue là dessus...
Mon regard devient interrogatif lorsqu'il ne finit pas sa phrase. Je ne me suis rien demandée sur lui ? Mais de quoi parlait-il ? Il avait résisté... à moi ? Mais c'est
- Tu as fermé la porte toi-même. Tu as gardé la clef près de toi tout ce temps. Si c'était si dur de me résister, tu aurais dû m'enfermer seule. Je ne t'ai jamais forcé à rester avec moi. Et si vraiment tu avais peur que je m'enfuis, tu aurais pu m'assommer. Je suis certaine que tu peux le faire.
Je soupire lorsqu'il chuchote. Je suis près de lui, assez pour lui passer mon carnet, assez pour l'entendre. Bien que sa voix soit faible. Je me rapproche, dans l'espoir d'entendre la suite de sa phrase s'il la continue. Pourtant il me tourne le dos, rapidement et dit quelque chose. Quelque chose que je n'entends pas. Je me retiens de taper du pied. Soit tu parles, soit non ! Mais t'as pas le droit de faire ça ! Pas devant moi. Remarque... je suis mal placée pour dire ça. J'avais fais la même chose. Bon... D'accord. On va dire que ça fait un point partout. On va dire.
- Je reviens sur ce que tu as dis. Je peux prendre mes propres décisions. Ce n'est pas parce que je suis en pleine crise de manque que je ne peux pas en prendre ! Je n'ai jamais dis que mes décisions allaient être rationnelles ! Ou bonnes. Et même si tu étais contre, tu aurais dû m'en parler. De plus, j'ai toujours assumé mes choix. Que ce soit celui de te demander une levrette, que ce soit les heures de répétition que je fais ou celui de provoquer la mauvaise personne. Et si ma décision n'est pas bonne, alors soit. Sans erreurs, on n'avance pas.
Ma voix se coupe. Je reprend lentement ma respiration avant de poursuivre, mes pas me dirigeant vers lui pour le regarder.
- Je dois te prouver que je peux être ton égale ? Alors va falloir que tu m'aides ! Moi je veux bien être ton égale... Mais je vais avoir besoin que tu répondes sincèrement. Tu es quoi ? Te prouver que je peux être une adulte ? D'accord. Pour toi, c'est quoi un adulte ? Je suis censée faire quoi pour être ton égale ? Dis moi Chris.
Il la regarda quelques instants, avec un air étrange. Evidemment qu'il s'était enfermé avec elle ! Il n'allait pas la laisser seule dans cet état ! - Te laisser seule ? T'assommer ?! Tu n'as jamais vu de gens en manque, ou quoi ?! La chambre avait une fenêtre, et je ne te connaissais pas du tout. Je ne pouvais pas prendre de risques. J'ai pris une décision pour que tu sois protégée cette nuit là ! Je n'avais pas d'autre choix ! Et je ne crois pas que t'assommer aurait été très productif ! Si tu t'étais réveillée en panique et avait hurlé dans l'hôtel, je ne pense pas que devoir expliquer la situation à la Police m'aurait été d'une quelconque utilité !
Il fit une pause, avant de poursuivre: - Bien sûr, pour toi c'est facile de juger après coup ! Il est toujours plus simple de repenser aux évènements en aval, et de se dire "s'il avait fait ça", ou bien "ça aurait été mieux si...", mais sur le coup, je devais gérer ta crise de manque, ta volonté de te défoncer, tes assauts permanents, et le reste ! Et au cas où cela t'échapperait, ce n'est pas une situation que je vis tous les jours ! J'ai fait au mieux avec ce que j'avais ! Un point, c'est tout !
Il s'éloigna contre le mur et s'y adossa pour reprendre contenance, puis: - Maintenant, si tu penses que j'aurais dû te laisser partir te faire défoncer le cul dans une ruelle, eh bien, j'en suis parfaitement désolé ! Sans erreurs, on n'avance peut être pas, mais si ce soir tu finis morte dans une ruelle à cause de tes choix, tu n'avanceras pas beaucoup non plus, il me semble...
La jeune fille se planta alors devant lui, et lui demanda ce qu'il était. A cette question, le visage de Chris se renfrogna légèrement, mais Eri ne se laissa pas démonter pour autant: elle poursuivit en lui demandant s'il s'agissait du fait d'être adulte. - Qui a dit que j'étais un adulte ? Rétorqua t'il finalement en la fixant droit dans les yeux. Un lourd silence s'abattit entre eux alors qu'il la fixait, avant qu'il ne reprenne: - Depuis le début, c'est toi qui me considères comme un adulte à cause de notre différence d'âge. Ai-je déjà prononcé le mot "adulte" ? La seule ici qui semble avoir un problème avec ça, c'est toi ! Pas moi !
Il s'éloigna du mur et se rapprocha de la jeune Tanaka, sans pour autant être agressif dans son comportement. Il était juste, très sérieux... - Tu veux savoir ce que j'attends de toi ? Je veux que tu sois responsable ! Je veux que tu prennes soin de toi et que tu arrêtes de perdre du poids à toute vitesse comme si tu espérais atteindre le zéro absolu d'ici six mois ! Tu as une maladie grave, et dangereuse pour toi ! Il faut la soigner, c'est tout... C'est chiant, j'te l'accorde ! Tu n'as pas envie d'entendre ça, je le sais aussi... Mais si tu ne fais rien, tu termineras comme tes amies, Eri ! C'est ça que tu veux ? Lui dit il alors en rapprochant son visage très près du sien tout en plongeant son regard dans le sien. Mourir d'une overdose et être retrouvée morte un matin dans une ruelle, ou bien élever un gosse dans un appart' minable dont tu ne sauras même pas qui est le père tellement tu en auras sauté en même temps ?
Avec délicatesse, il leva la main, et saisit son menton entre ses doigts pour quelle le regarde bien droit dans les yeux: - C'est ça que tu veux ? Si c'est ce que tu veux, alors d'accord... Je ne te dirai plus rien ! Ce sont tes décisions, et tu peux les assumer... Mais si tu veux autre chose... Il se tut un instant, puis: - Dis moi ce que tu veux, Eri... ?
"L'art de plaire est l'air de tromper" Vauvenargues
Tout est allé trop vite. Ou trop lentement. Je suis moi. Je suis toujours moi. Je suis Eri Tanaka. Bientôt 15 ans. À Londres. Et pourtant, j'ai l'impression de voir la scène d'un œil extérieur. Comme si ce que je voyais ne m'arrivait pas vraiment. Comme si je vivais un rêve éveillé. Comme si je n'étais plus moi. C'est très étrange comme sensation. L'entendre sans avoir l'impression que ce sont mes oreilles qui l'entendent. Le voir sans être derrière mes yeux. Comme si... Comme je sais pas quoi.
Ce qu'il dit... Cela ne me concerne pas. Je ne suis pas comme ça. Je serais sûrement restée dans cette chambre. Je serais sûrement restée là, sans bouger. Ancrée dans un enfer qui m'est personnel. Ancrée dans le passé. Eri ne fait qu'avancer. Ouais. À d'autres. Je vis dans le passé. Enfin, ça, il paraît que c'est normal. Non ça ne l'est pas. Je le sais. Mais peu importe... Il me dit que 'si' ceci, 'si' cela. Il me dit que c'était plus simple pour moi de juger après coup. De repenser les événements en aval. En aval hein ? Pas vraiment. Les cauchemars sont sur cette nuit-là. Revoir son visage qui s'éloigne, mon corps qui s'embrase, mon cerveau qui devient fou. Les possibilités de. Les éventualités de. Il parle de mes assauts permanents... Il ne sait pas. À quel point je me suis retenue. À quel point... tout. Il ignore tout... Il parle sans savoir, sans comprendre. Il est comme les autres. Il ne comprendra jamais rien.
« Si tu finis morte dans une ruelle à cause de tes choix, tu n'avanceras pas beaucoup non plus ». Dois-je lui dire ? Je préfère être morte que vivre ça. Ce besoin oppressant, empressant, cette volonté qui ne fait pas partie de moi. Il m'a dit ne pas avoir vécu cette situation tous les jours. Chanceux. Moi si. Et on m'a pas demandé mon avis. Pourtant... Il ne se tait pas. Il continue. Il me fait mal. Il me dit que c'est moi qui le considères comme un adulte. Que c'est moi qui ait un problème avec cette différence d'âge. Il me parle de ce côté responsable que j'ai depuis des années. Il veut quelque chose que je ne sais pas faire. Prendre soin de moi. Je ne sais pas faire ça. Je n'ai pas appris. Jamais. Même la théorie, je suis pas sûre de la connaître... Il parle de ma perte de poids. Il parle de maladie comme si je n'étais pas au courant. Merci Sherlock.
Et il me parle d'elles.
- Mourir d'une overdose et être retrouvée morte un matin dans une ruelle, ou bien élever un gosse dans un appart' minable dont tu ne sauras même pas qui est le père tellement tu en auras sauté en même temps ?
Mes poings se serrent. Ne parle pas comme si tu savais ! À ton avis, qui a retrouvé Kaede ? Qui a assisté à ses derniers instants ? Qui doit vivre avec sa mort sur la conscience ? Pas toi. Non... tu ne sais pas. Tu ignores. Le stress constants, les chiffres. Les avocats, les producteurs, les fans. Tu n'as pas subis tout ce que j'ai vu. Je dirais pas que tu as vécu moins pire ou plus. Ce n'est pas la question. Mais tu parles de choses que tu ne connais pas. Sais-tu quel a été le premier réflexe de ma mère en voyant Kaede, en apprenant que Mei s'était enfuie, enceinte ? Elle m'a emmené à l'hôpital. Pas pour la coke. Pas pour le suivi psychologique. Non. Sa seule question a été « Elle est enceinte aussi Docteur ? ». Ma santé n'a pas d'importance. Il n'existe qu'une chose de bonne chez moi. Mon corps. C'est mon seul argument de vente. Je le sais. J'ai saisi. J'ai appris. Je n'ai que ça. Alors pourquoi tu t'inquiètes ?
Mais tu ne sais pas tout ça. Tu ignores. Je n'ai pas la force de retirer ta main de mon visage. On m'a tant touché que même mon corps m'indiffère. Peu importe qui me fait quoi, tant que mon enfer se finit vite. Peut-être que c'est pour ça que je me drogue. Pour niquer ma santé. Pour en finir. Vite. Encore plus vite.
- Dis moi ce que tu veux, Eri... ?
Je veux mourir. Je veux que mon ventre arrête de me brûler. Je veux arrêter d'entendre la voix de Kaede qui me supplie de la laisser mourir. Je veux arrêter mes crises d'angoisse... ou ce qui y ressemble. Je veux une mère qui me voit. Un père qui est là. Je veux des amies heureuses et vivantes. Je veux... Je veux...
- Je veux une vie normale. Je veux un copain qui m'aime pour ce que je suis. Des amis qui me jugent pas. Je veux arrêter de faire des cauchemars toutes les nuits. Je veux arrêter de penser cul aussi naturellement que tu respires. Je veux juste être une gamine inconnue de tous. Je veux sortir d'ici. Aller voir un film, tranquillement, sans qu'on me reconnaisse. Je veux pouvoir m'habiller comme je veux. Je veux pouvoir draguer tranquillement. Je veux tomber amoureuse. Je veux plein de choses que je peux pas avoir. Alors à défaut, je veux que ça s'arrête. Vite. Je veux que tout s'arrête. Parce que personne comprend. Je suis toute seule. Ça fait deux ans. J'en ai juste marre. Marre de faire semblant. Personne me voit, personne m'entend. J'ai toujours été seule. Et quand je trouve des amies... Elles finissent... comme ça. Je voulais pas grand chose et on m'a quand même tout retiré...
Une fois encore, il avait tenté de l'atteindre, mais il ne possédait visiblement pas les bonnes armes pour communiquer avec elle. La jeune fille n'aimait pas ce qu'elle entendait, n'aimait pas ce qu'il lui disait. Et Rock le sentait. Cependant, il obtint finalement ce qu'il voulait, et la jeune Tanaka lui révéla ce qu'elle désirait. Ce dont elle rêvait, ce qu'elle espérait. A la plupart de ces choses, il ne pouvait rien faire. Les cauchemars, sa maladie, ses désirs, le fait de tomber amoureuse... Tout cela faisait partie d'une équation complexe qu'elle seule devait résoudre en guérissant du mal qui la rongeait.
En revanche, il était convaincu qu'elle pouvait certainement se faire des amis ici. Et il se demandait pourquoi elle ne l'avait pas encore fait. Son regard balaya rapidement le bâtiment administratif, et il lui dit alors: - Viens, marchons un peu. Il avait l'impression d'être épié, ici. Il garda le silence pendant un moment, cherchant ses mots tandis qu'ils s'enfonçaient dans un petit chemin boisé du parc, puis: - Ecoute, Eri... Je sais que ce que tu as vécu avec Mei et Kaede a été un véritable cauchemar... Mais si tu ne veux pas être seule, il te faudra bien t'ouvrir aux autres à nouveau... Ce que j'essaie de te dire, c'est que... Il doit bien y avoir d'autres filles qui ont les mêmes passions que toi ici, et avec qui tu pourrais bien t'entendre si tu leur donnais une chance, non ?
Evidemment, de telles paroles venant d'un solitaire comme lui étaient assez étranges. Mais fort heureusement pour lui, la jeune Japonaise ne le connaissait pas encore assez bien pour savoir qu'il était un franc tireur, ce qui rendait ses paroles plus légitimes. - Ces choses... Que tu veux... Que tu désires... C'est un peu comme la réputation que tu avais bâti quand tu étais un idole. Ca se mérite, tu vois ? Si tu parvenais à te faire une ou deux amies, tu te sentirais moins seule, et ça irait automatiquement mieux. Je ne dis pas que ce serait un remède miracle... Mais ça t'aiderait à t'occuper l'esprit, au moins.
Il fit une pause, avant de poursuivre: - Quant à te rendre anonyme, eh bien, si j'étais toi, je commencerais par éviter le Japon dans un premier temps... Ici, à Londres, les choses ne semblent pas trop pénibles, de ce que j'en ai vu, si ? On ne te reconnaît pas trop il me semble ? Si tu te fais quelques amis et que vous vous organisez des sorties dans Londres, tu pourras goûter aux joies d'une étudiante ordinaire. Naturellement, tu devras rester prudente à cause de ton passé, et choisir en qui tu places ta confiance avec soin. A cause de ton passé, certains pourraient vouloir te trahir pour des tas de raisons toutes plus sales les unes que les autres. C'est la belle réalité de notre monde, commenta le Corbeau tout en continuant à avancer.
Durant quelques secondes, il oublia qu'il était supposé prendre ses distances et garder un masque avec elle, et lui parla normalement. Durant quelques secondes, il fit exactement ce que la jeune fille espérait, et le masque tomba. Même si c'était involontaire, elle avait une discussion normale avec le VRAI Chris. - Mais au moins, tu ne seras pas seule, et je pense que ce serait vraiment très bénéfique pour ton moral et ta maladie. Mais il faudrait que tu le veuilles. S'ouvrir aux autres, ce n'est pas une chose qu'on fait parce que c'est nécessaire. En tout cas, de mon point de vue...
Une nouvelle pause, puis il continua: - Si tu arrivais à trouver ces choses, tu ferais sûrement des progrès au niveau de ta guérison ! Et peut être qu'après, le reste suivrait ! Peut être que tes manques et tes cauchemars se calmeraient un peu, ou diminueraient à tout le moins, et peut être que tu rencontrerais quelqu'un dont tu pourrais tomber amoureuse. Tu sais, les causes et les conséquences sont parfois souvent imbriquées les unes dans les autres. Grâce à une ou plusieurs rencontres, eh bien tu auras possiblement plein de micro évènements qui suivront et qui n'auront à priori rien à voir avec ces premières rencontres, mais en y réfléchissant, tu te rendras compte que tout était lié, tu vois ?
Il s'immobilisa alors, et se tourna vers la jeune fille en lui souriant. Un sourire franc, pas celui de son masque ordinaire: - Ce que je veux dire, c'est que... Je comprends que ce soit dur, et je comprends que tu en aies marre... Et que tu te sentes isolée. Mais ce n'est pas pour ça que personne ne t'entend, ou ne te vois. Tout ce que je peux te suggérer, c'est que si tu veux des choses... Je ne te parle pas de ce que tu ressens là, ajouta t'il en pointant son ventre du doigt, je veux dire tes projets, ton avenir, ta vie... Il faut que tu te battes pour y arriver !
Il fit une pause. Il connaissait déjà la réaction de la jeune fille, aussi prit il les devants: - Je sais que c'est déja ce que tu fais, et je ne dis pas le contraire ! Tu bosses comme une forcenée depuis que tu es ici ! Personne ne le remet en question. Mais parallèlement à ça, tu t'enfermes dans ta bulle. Je ne sais pas si c'est une bonne idée... Mais comme tu l'as dit toi même, tu prends tes propres décisions, et tu les assumes ! Je ne fais que te donner un avis extérieur sur la situation. Ni plus, ni moins...
"L'art de plaire est l'air de tromper" Vauvenargues
En fait... Il ne me comprend pas. Non pas que ce soit une mauvaise chose... Mais il est des choses qu'on ne peut pas comprendre sans les avoir vécu. Et lorsqu'il reprend la parole... Moi je comprends. Je comprends que nous n'avons pas la même vision des choses, pas le même mode de penser. Pas les mêmes notions.
- Viens, marchons un peu.
Ça craint. Quand on commence comme ça, ça craint toujours. Il m'emmène dans un parc. Les odeurs des arbres s'entremêlent à mon shampooing, laissant mes muscles finir de se détendre. Je l'écoute me parler. Longuement. Je marche à ses côtés, retenant tout ce qu'il disait. Tout ce qu'il dit. Les conseils moyens, les conseils qui sont valables pour beaucoup... Mais pas pour moi. Il me parle d'autres filles ayant les mêmes passions que moi, partant du principe où je ne leur laissais pas de chances. C'est faux. Mais il ne sait pas. Je lui expliquerais. Il attise un haussement de sourcil sous des propos que je ne comprends pas.
- Ces choses... Que tu veux... Que tu désires... C'est un peu comme la réputation que tu avais bâti quand tu étais un idole. Ca se mérite, tu vois ?
Ah ? Depuis quand faut-il mériter une vie normale ? Depuis quand faut-il mériter un non-jugement ? Un amour ? Il me reparle d'amitié... Mais ce n'est pas mon plus gros soucis, chéri. Je me fous d'avoir des amies. Elles finiront par me juger. Elles finiront par me laissez tomber. Comme les autres. Comme toujours. Il me dit que ça occupera mon esprit. Oui. Mais la dépression occuperait aussi mon esprit, c'pas pour ça que ça me tente en fait... Et il me dit que je devrais rester à Londres. Rester inconnue ici. Il me parle de sorties avec des amis que je n'ai pas. D'une vie ordinaire que je n'aurais jamais. Il me parle de placer ma confiance... Mais mon chou, je ne connais ce mot que dans un dictionnaire. Ce n'est pas quelque chose que je connais. Je sais ce que ça veut dire. Je sais que je peux avoir confiance en ma capacité à poser, à danser, à chanter. Mais bon... J'imagine que c'est une nouvelle chose qu'il ne sait pas. Peut-être a-t-il grandi dans un endroit où la confiance s'offre facilement ? Peut-être...
Et après... Il continue. Il me parle de « si », de « peut-être », de « sûrement ». Autant de mots que je n'entends que trop peu. Je n'ai pas l'habitude du conditionnel. Ce n'était pas quelque chose que j'ai l'habitude d'entendre. Dans le monde dans lequel j'ai grandi, le conditionnel est fatal. Je ne dirais pas mortel mais presque. Personne ne veut d'une mannequin en plein insécurité. Parce que dans notre monde, on appelle ça de l'insécurité. Et dans mon monde, c'est comme enterrer sa vie professionnelle.
- Ce que je veux dire, c'est que... Je comprends que ce soit dur, et je comprends que tu en aies marre... Et que tu te sentes isolée. Mais ce n'est pas pour ça que personne ne t'entend, ou ne te vois.
Il n'a donc pas comprit. C'est un fait. Il ne comprend pas. Ses mots m'ont bien aidé à le comprendre... Mais les suivants me l'auraient affirmés.
- Je ne te parle pas de ce que tu ressens là, je veux dire tes projets, ton avenir, ta vie... Il faut que tu te battes pour y arriver !
Mon ? Avenir ? Mes ? Projets ? Pensait-il vraiment que j'en avais ? Je le vois enfin sans son masque... Et lui il me dit ce genre de chose... Doucement, alors qu'il tente de justifier ses propos, mon sourire s'élargit lentement. Juste assez pour que je souris franchement, secouant la tête.
- Ce n'est pas ça... Tu ne comprends pas. Objectivement tu as raison. Mais dans ma situation. Ça ne marche pas. Attend que je revienne sur tes propos... Tu as dis... Que je devrais trouver des camarades avec les mêmes passions. Et que je devais leur donner une chance. Je ne pense pas que ça soit … si simple que ça... Je ne sais pas comment je suis censée faire ça. Déjà. Et puis... Mes passions hein ?
Mon sourire s'attriste lentement.
- Je n'ai ni passions, ni projet, ni ave... Ni avenir. Tu me parles de rester en Angleterre... Mais ma mère ne me laissera pas faire. Elle reviendra me chercher. J'ai encore un bon nombre d'année où je suis encore sous sa coupe. Si elle vient demain pour me ramener au Japon, je n'aurais pas le choix. Je serais contrainte de finir mes contrats. Sans possibilités de refus. Tu sais, elle a signé des contrats pour me faire travailler jusqu'à mes vingt-deux ans. J'ai juste pas le choix... C'est comme cette histoire de confiance. La confiance n'existe que dans le monde professionnel. En dehors, ça ne sert à rien. Enfin si, ça sert à être trahi. Blessé. Rien de bien, rien de bon. Et puis...
Mon souffle semble se couper alors que je repense à ses mots. À sa volonté de m'aider. À tout ça...
- Je ne vois pas comment je peux mériter une vie normale. Ne pas être jugée. Je ne devrais pas avoir à me battre pour ça ! Je devrais pouvoir faire mes choix. Toute seule. Mais... Je peux pas faire ce que tu me dis. Je peux pas sortir. J'ai pas le droit. Je ne peux pas faire ce que les autres font. Ça les éloigne indubitablement. De toutes les personnes à qui j'ai parlé... Je crois que tu es celle qui es le plus proche d'être mon ami. Et tu es celle qui me connaît le mieux. C'est pour ça que je te disais que j'étais seule. Ya que toi qui m'écoute. Les autres... Ils ne m'écoutent pas. Ils ont soit peur de moi, soit ils sont intimidés. Je ne suis pas isolée Chris. Je suis seule. Depuis ma naissance, j'ai toujours toute seule.