[France] Filer à l'anglaise [PV. Cassy]

Au moins, elle prenait avec humour la différence de standing entre un petit village normand et la capitale mondiale de la mode. Il rit à sa blague, tout en se disant que de toute manière, il n’aurait certainement rien pu s’acheter dans un magasin comme Dior ou autres Chanel. Ici, perdu dans le bocage, les commerçants ne pouvaient pas faire la fine bouche et faisaient avec ce qu’ils avaient.

Une fois le guide parti, sans même un regard pour lui, Mathieu fut interloqué par la remarque d Cassy. Un contrat de confidentialité, sérieusement ? Finalement, il comprenait de mieux en mieux pourquoi sa vie devenait invivable, surtout à peine entrée dans le monde adulte. Elle ne pouvait parler à personne sans qu’il ou elle ne soit sous la pression de la production, du manager, ou tout simplement de la justice. Les barrières devaient être grandes et insupportables, mais en même temps si importantes pour continuer dans ce milieu. D’une seconde à l’autre, il s’apprêtait à la voir sortir de sa poche un papier qu’il devrait signer et remplir à son tour. Pourtant…

« Techniquement je devrais t’en faire signer un. Mais… Je te fais confiance. »

Un sentiment de satisfaction réchauffa son torse. Parmi les milliers de personnes qu’elle avait dû croiser dans sa vie, elle lui faisait confiance ? Son orgueil retrouva un peu de prestance après sa piètre performance sur le mur de roche. Pourtant, ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Envoyer un message à ses anciens amis, qui rageaient déjà de l’avoir vu en photo avec Cassy. Il n’avait qu’une envie, prévenir son ancien lycée qu’il était en tête à tête avec la star qu’ils adulaient tous. Les faire crever de jalousie, les voir ramper à ses pieds en s’excusant comme les pires des hypocrites, en quémandant ne serait-ce qu’une anecdote de sa part. Mais il n’en ferait rien. Il avait sa confiance, et ne comptait pas la trahir. Et puis, finalement, il ne voulait plus rien avoir à faire avec eux. Alors il garderait ça pour lui, même s’il voulait crier sa joie à la Terre entière. Il lui sourit :

« Promis, je garde tout secret, tu peux me faire confiance. Et puis, si j’en avais parlé, tu crois vraiment qu’il n’y aurait eu aucun paparazzi ici pour nous harceler ? »

Il lui glissa un clin d’œil complice. Chose qu’il n’aurait pas fait auparavant. Il se sentait de moins en moins gêné par le grand écart entre leurs deux milieux, au fil du temps. Enfin, elle proposa :

« On n’a pas mangé ce midi, tu as faim ? Allez viens, moi je meurs de faim Math »

Elle lui prit alors le bras pour l’entraîner vers une boulangerie. A dire vrai, tous ces efforts l’avaient affamé. Mais, absorbé par Cassy et sa haine de l’autre homme, il ne s’en était pas rendu compte. Après avoir gloussé discrètement devant l’accent de Cassy, il acheta ce qu’il put, puisque cette petite boulangerie ne disposait que de peu d’option véganes… Il opta finalement pour un sandwich aux crudités dont il enleva les œufs, un paquet de chips et une compote de pommes avant d’aller s’asseoir auprès de Cassy, dehors.

« Tu étais déjà venu ici ? Et tes parents, ils sont où ? En Angleterre aussi ? »

Elle semblait intriguée par sa vie, ce qu’il trouva touchant. Mathieu connaissait les grandes lignes de la sienne, grâce aux forums de fans et aux articles et interviews. Mais elle connaissait finalement peu de choses sur lui. Il lui sourit et décida de se confier, dorénavant en confiance :

« Non, je viens d’un peu plus bas, pas loin de la Bretagne, je sais pas si tu vois. Mes parents sont là-bas aussi, c’est pour ça que je suis en pensionnat. Je suis venu à Indarë vers la fin de l’année scolaire, parce que je me faisais harceler pour des fausses rumeurs dans mon lycée. C’était invivable. Alors je suis venu ici, et j’ai eu le temps de me faire quelques amis. Mais certains sont rentrés chez eux pour les vacances. Moi, j’dois suivre les cours d’été, pour me remettre au niveau. Alors ça me fait du bien d’être ici avec toi. »

Cette dernière phrase était sortie toute seule, mais elle provenait de son bien être retrouvé. Il est vrai que cela faisait des mois qu’il n’avait pas été aussi bien. L’effet du retour au pays, ou l’effet Cassy Andrews ? Certainement un mélange des deux. Il avait dévoré son sandwich entre chaque phrase, proposant quelques chips à sa partenaire d’escalade et d’escapade. Il avait vraiment faim, finalement. Il avala ensuite sa compote en assez peu de temps, avant de se relever et de sourire à Cassy, requinqué par un estomac plein :

« On y va ? Ça m’a fait du bien de me confier et de manger ! J’suis d’encore meilleure humeur maintenant ! »

Cassy le comprenait, bien sûr. Elle devait s’y connaître en matière de harcèlement. Entre les fans, les paparazzis qui la poursuivaient pour remplir les torchons de presse people, son manager qui contrôlait chaque seconde de sa vie,… Pas facile d’avoir un minimum d’intimité et des relations sociales normales. Pendant qu’ils marchaient, Mathieu se sentait pourtant apaisé. Il avait vidé son sac, et cela lui avait fait du bien. Il n’avait pas raconté à beaucoup de monde les raisons de son harcèlement. Il n’en était pas fier, mais de toute façon, les détails… Il était apaisé, mais pas pour longtemps. Cassy semblait avoir un certain plaisir à chambouler les émotions du jeune homme…

« Moi aussi ça me fait du bien d’être ici… surtout avec toi. Je n’ai pas des masses d’amis sincères. Je dois toujours me méfier des gens, faire attention à ce que je dis et ce que je fais. Avec toi… j’ai l’impression de découvrir un monde normal et d’être normale. »

Cette confession lui alla droit au cœur. Lui qui, dans le passé, voulait se donner une image de jeune adolescent populaire et imperturbable, il était désormais en proie à ses émotions. A cause de la brise marine ? Peut-être. A cause de la présence de Cassy ? Beaucoup plus certain. Quoi qu’il en soit, il sourit en entendant ces mots. Mais une fois de plus, elle ne lui laissa pas le temps de répondre et enchaîna en se plantant devant lui, sourire narquois aux lèvres :

« J’ai oublié de te confier un truc. Je n’ai pas dit à mon manager que tu dormais à l’hôtel, du coup il n’a réservé qu’une chambre… et qu’un seul lit. »

Qu… Mais… C’est… Comment… Mais alors, cela voulait dire que...

« Donc soit tu prends la baignoire, soit on partage ce luxueux lit et si tu ronfles je te mets dehors. »

S’il avait pu saigner du nez sur commande, il l’aurait fait sur l’instant. Pour le moment, son esprit devait encaisser cette information. Ce qui était rendu difficile, notamment à cause de l’arrêt complet de son cerveau dû à un dysfonctionnement au niveau de l’imagination. Lui ? Cassy ? Dans le même lit ? Dans un hôtel de luxe ? DANS LE MÊME LIT ?! ENSEMBLE ?! TOUS LES DEUX ?!

Sa bouche devint pâteuse alors qu’il observait d’un regard vide Cassy se dandiner devant lui, le provocant allégrement. Elle lui attrapa alors la main en l’emmenant dans les boutiques, tandis que les connexions neuronales reprenaient lentement mais sûrement. Il ne digérait pas véritablement l’information. Dans la boutique, il regardait vaguement avec des yeux vitreux les babioles proposées. Il regardait mais ne voyait pas, plongé dans les quelques brides de pensées qui s’échappaient de temps à autres du magma informe qu’était devenu son esprit. Ça ne pouvait pas être vrai… Il allait vraiment… Non… Si… ?

Il entendit alors le murmure de Cassy, et la regarda, d’un œil à nouveau vivant. Elle lui posait une question sur un pendentif… d’un couple en plein acte. Il était toujours perturbé, mais parvint à articuler une réponse à peu près cohérente :

« Je sais pas… J’ai jamais essayé en tout cas, mais ça doit être sympa... »

Il fixa le collier, le trouvant d’assez mauvais goût et plutôt mal fait. Et puis, pour s’afficher avec ce genre de choses, il fallait vraiment le vouloir… Mathieu s’écarta un peu de Cassy, pour reprendre un peu ses esprits. Il fit un rapide tour de la petite boutique, en choisissant une carte postale au hasard. Il la griffonnera plus tard et la postera un jour, peut-être. Il acheta aussi discrètement un pendentif qui devait apporter le « calme ». Il lui offrirait plus tard, quand il aura les idées plus claires. Pour l’instant, il devait sortir. Même s’il ne faisait pas si chaud que ça, il étouffait.

Une fois dehors, il attendit que Cassy sorte, prenant soin de ranger le cadeau dans sa poche. Il devait retrouver un peu de sérieux, ou alors elle allait commencer à le trouver étrange. Il secoua sa tête et prit quelques grandes inspirations. Son cœur battait vite et fort à l’idée de… Non, il ne devait pas y penser, sinon la situation allait devenir… gênante.

Une fois qu’elle fut sortie, il arbora son plus beau sourire pour l’accueillir :

« Tu as trouvé ce que tu voulais ? Une robe Chanel, un parfum Guerlain, un sac Louis Vuitton ? »

Il utilisait le second degré pour essayer de masquer son trouble. Au fond, la situation lui plaisait. Beaucoup. Mais il n’était pas encore si tard que ça, et il ne voulait pas se réjouir trop tôt. Même si la situation, aussi irréelle soit-elle, s’y prêtait plutôt bien. Une fois la réponse de Cassy entendue, il lui dmanda, les yeux pétillants :

«Du coup, on va la voir cette suite royale ou pas ? »

Il avait évoqué lui-même la chambre, alors qu’il essayait d’arrêter d’y penser. Mais après réflexion, il n’était plus choqué, ni même buggé. Il était simplement pressé de voir le standing de l’hôtel, de la chambre, et… du lit. Son choix avait été rapidement fait : il ne ronflerait pas, et il ne dormirait pas dans la baignoire.

Cassy semblait plutôt bien prendre ce petit tour d’une boutique un peu moins haut de gamme qu’à son habitude. De plus, elle avait déjà repéré l’hôtel sur la falaise tout à l’heure. L’énorme bâtiment que Mathieu avait aperçut sans vraiment y faire attention ? Ce mastodonte ? C’était leur hôtel ? Il se dit que même sur les photos de la réservation, le palace ne semblait pas aussi impressionnant. Il avait même pensé à un moment qu’il s’agissait du Mont Saint-Michel. Il n’était vraiment pas doué en géographie normande.

Une fois dans la voiture, Cassy lui posa la question fatidique. Il pensait qu’elle lui aurait demandé plus tôt, juste après ses confessions à l’heure du déjeuner. Mais elle arriva finalement :

« Dis Mathieu… Les rumeurs sur toi, elles concernaient quoi comme sujet ? »

De toutes façon, il ne pouvait pas vraiment lui mentir. Et il avait commencé à être honnête. Il se l’était juré en arrivant en Angleterre, il n’allait pas revenir sur ses principes au motif qu’il passait une journée dans son pays natal… Il prit une grande inspiration, puis se lança :

« Pour faire court, à une soirée, j’avais trop bu. J’avais sympathisé avec une fille qui avait beaucoup bu aussi. A un moment, j’ai tenté une approche, et au lieu de me dire non, elle m’a mis son poing dans le nez. J’étais vraiment énervé, alors j’ai voulu lui rentrer dedans, mais mon meilleur pote de l’époque s’est interposé, et a voulu me calmer, parce que j’allais taper sur sa cousine. Au final, j’ai dit leurs quatre vérités à tous les gens de la soirée, et je me suis fait virer. Après, mon ancien meilleur pote est allé raconter partout que j’avais violé sa cousine et que je l’avais frappée. A partir de là, j’suis devenu un pestiféré. Messages d’insultes sur les réseaux sociaux, insultes aussi dans les couloirs, menaces de me violer à mon tour,… J’en avais marre, alors j’ai supplié ma mère de repartir à zéro, et de changer carrément de pays. Et voilà comment je suis arrivé ici... »

Durant sa tirade, son regard s’était porté sur la route. Il ressassait des souvenirs encore relativement frais dans sa tête. Il avait collé sa joue contre la vitre passager, et laissa à Cassy le temps de tout comprendre. Mais intérieurement, il était heureux de prendre sa revanche en revenant en France de la plus belle des manières, même pour une trop courte journée. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas vu le trajet passer.

Une fois arrivés, il suivit Cassy dans le hall. Et quel hall. La gare où le train les avait laissé pouvait presque rougir devant la taille de ce hall. Tout n’était que luxe et raffinement. Les étrangers devaient halluciner devant tant de prestige, et Mathieu faisait de même. Il mit quelques secondes avant de comprendre que le réceptionniste l’avait appelé M. Andrews. Est-ce qu’il le voyait comme son frère ou… ?

« On y va, M. Andrews ? »

La situation semblait en tout cas beaucoup amuser Cassy. Ce qui l’amusa moins sembla être l’ascenseur. Serrés les uns contre les autres, Mathieu sentait sa gêne. De son côté, la présence de la jeune femme le rassurait. Il se sentait perdu dans un monde taille XXL qui n’était pas le sien. Et puis surtout, il ne rechignait ABSOLUMENT PAS sur ce moment de proximité charnelle avec elle. Même si un grand homme musclé en costume avait son coude planté dans le dos de Mathieu, ce dernier savourait chaque seconde, chaque respiration embarrassée de Cassy.

Une fois arrivés à leur étage, il fut une nouvelle fois choqué en entrant dans la pièce. La taille, la propreté, le luxe, la vue, tout était parfaitement splendide, éblouissant, idyllique. La suite devait bien faire l’équivalent d’un étage entier des bâtiments d’Indarë, d’après ses estimations approximatives.

« Je te laisse te déshydrater en bavant sur la suite, pendant ce temps je prends vite une douche. Il y a un minibar sous la télé normalement, sers toi j’arrive. »

Ça, un minibar ? C’était un bar à lui tout seul. Il y avait tellement de choix qu’il n’avait jamais entendu parler de la moitié des bouteilles et des cannettes disponibles. Son choix s’arrêta pourtant sur un jus de fruits frais, dont il prit quelques gorgées avant de s’affaler sur le lit. Pas trop moelleux, pas trop dur, parfait. Il se tortilla dedans, savourant ce moment de bonheur absolu. Puis, il écarquilla les yeux en se souvenant qu’il allait partager ce lit avec la jeune actrice.

Il la vit alors sortir de la douche, et manqua de s’étouffer. Dans cette tenue, il la trouvait absolument craquante. Simple, mais efficace et naturel. Lorsqu’elle se planta près de lui dans le lit, il eut une irrépressible envie de l’embrasser.

« Alors ta première suite de luxe, ça te fait quel effet ? »

« Erm… Disons que je m’attendais pas à ce que tout soit si… parfait. Je sais pas comment te remercier, c’est dingue. Je sais pas vraiment où poser mes yeux tellement c’est gigantesque... »

En réalité, il savait très bien où poser ses yeux. Mais par pudeur et par respect, il se retenait. Pourtant, il était fortement attiré par elle. Pour s’éviter toute situation gênante, il alla à son tour prendre une douche fraîche.

« Je reviens tout de suite, tu peux boire mon jus d’orange si tu veux ! »

Une fois nu, sous un filet d’eau infiniment agréable, dans une douche éclatante et immense, il se passa de l’eau sur le visage. Cela lui permit de réfléchir à ce qui se passait. Il prenait véritablement conscience de la situation, et il trouvait toujours cela irréel. Mais si cette situation onirique se prolongeait, il espérait se réveiller le plus tard possible. Quitte à être déçu le lendemain. Mais ça ne pouvait pas être un rêve, tout était si palpable… Il resta pensif pendant quelques minutes, immobile, le visage levé vers le jet d’eau qui lui coulait ensuite sur le corps.

Une fois sa douche terminée, il examina ses vêtements. Il dormait habituellement en caleçon, mais il se voyait mal débarquer quasiment nu dans la pièce. D’autant plus qu’il ne pouvait s’empêcher de penser que s’ils dormaient ensemble, peut-être que… Non, s’il restait en caleçon, elle saurait très vite à quoi il pensait. Il opta alors pour un léger short bleu et un t-shirt blanc ample en guise de pyjama. Pas vraiment le grand standing, mais c’était juste un pyjama, après tout…

Il sortit alors de la pièce et retourna sur le lit, près de Cassy. Il n’avait pas encore très faim, étant donné qu’ils avaient mangé assez tard leur déjeuner. Il voulut alors lui proposer :

« En attendant de manger, on regarde quelque chose ? Puisque apparemment ici il y a tout, j’imagine qu’il y a aussi Netflix... »

En attendant la réponse de Cassy, il attrapa la télécommande, et défila les films présents. Au fond de lui, il savait pourtant que ce film était un prétexte à un éventuel rapprochement…

Netflix and chill.

Mathieu sentit rapidement la jeune femme un peu dans la lune. Elle avait mis du temps à réagir à sa proposition de films, le regard perdu, l’esprit certainement ailleurs. Elle était peut-être simplement fatiguée de sa journée, ce qu’il comprenait totalement. Lui-même, peu habitué à ce genre de séances de sport intensives en conditions réelles sentait déjà avec amertume que ses bras allaient lui faire regretter le lendemain les crispations qu’il leur avait fait subir. Mais il était quand même fier de lui, il avait réussi à grimper jusqu’en haut, malgré tout.

« Je… euh… hein ? Ah euh oui vas-y trouve nous un truc. »

Décidément, elle semblait perturbée. Il haussa les épaules, cela ne le regardait probablement pas après tout. Mathieu s’arrêta sur une nouvelle série mise en avant par le site de streaming. Une histoires de braquage par des criminels avec des masques étranges… Il n’avait aucune idée de la qualité de la série, mais il se prépara à lancer le premier épisode. Et puis, si la série était nouvelle, Cassy ne la connaîtrait peut-être pas, elle non plus…

Il attendit qu’elle quitte son portable pour appuyer sur play. Il ricana en voyant la photo du brave compagnon de Cassy, qui tirait une tête hilarante, sur le ventre d’un Hans apparemment lui aussi en pause. Sans faire attention, son regard ne quitta cependant pas le téléphone de l’actrice, et il aperçut un message étonnant. Il savait qu’il n’avait pas à savoir cela, et il détourna le regard. Il n’avait cependant aucune idée de la personne qui avait envoyé cela… Un petit-ami ? Un ex jaloux ? Ou alors… Le harceleur ? Mais comment aurait-il eu son numéro… Il garda ses interrogations secrètes. Après tout, il n’était pas censé avoir lu son portable à son insu.

Lorsqu’elle reposa enfin son téléphone, Mathieu entendit le son d’une notification dans son sac. Il eut cependant la flemme d’aller voir. Elle avait dû poster un tweet ou quelque chose dans le genre, vu le timing. Puis, alors qu’il appuyait sur le bouton play et lançait le générique, il l’observa se dandiner pour venir se coucher sur son ventre, presque naturellement.

Il fixa cette tête se servant de lui comme d’un oreiller, étonné. Il ne savait pas vraiment comment interpréter cela. Enfin, si, il savait. Mais il avait peur d’être à côté de la plaque. Tous allait si vite depuis un peu plus d’une semaine, comment est-ce que ce genre de choses était possible…

Il préféra une fois de plus garder le silence, hormis un :

« Tu es bien installée, c’est bon ? »

Il se voulait rassurant, tendre. Il n’osait pas précipiter les choses. En fait, il voulait bien oser, mais il appréhendait la réaction de Cassy. Il se mordit la lèvre inférieure, prenant son mal en patience. Il mit quelques longues minutes de réflexion personnelle avant de finalement commencer à rentrer dans l’épisode.

Après avoir fait la connaissance de quelques personnages, l’intensité de l’épisode commença à légèrement diminuer, replongeant Mathieu dans ses pensées. Il regarda encore une fois la chevelure de Cassy de haut, ne sachant quoi en penser. Pourtant, alors que son regard glissait discrètement le long des flancs de la jeune femme, il réprima un hoquet en apercevant sa main posée sur sa hanche. Il ne s’en était même pas aperçu, et même sous l’effet de la surprise, il ne la retirait pas. Passée la surprise, il scruta la réaction de Cassy. Il ne voulait pas passer pour un pervers… Mais il se sentait pourtant bien, brisant la barrière physique entre lui et elle.

Il était complètement sorti de la série. Toute son attention était désormais complètement rivée sur cette main, sur cette tête qui reposait sur lui, sur ce visage qu’il apercevait à travers les longs cheveux de la jeune femme… Lentement, progressivement… Alors qu’il l’observait, son cœur se mit à battre plus fort, plus vite. Une bouffée de chaleur envahit sa tête et s’en alla jusqu’aux oreilles. Qu’est-ce qu’il se passait chez lui ? Lentement, progressivement… Sa vue se troublait, et il n’entendait plus qu’un son étouffé provenant des enceintes de la télévision. Il ne réfléchissait plus vraiment, il agissait. C’était maintenant.

Lentement, progressivement… Il s’était penché sur son visage, et avait déposé un baiser sur sa joue. Il releva alors doucement la tête, reprenant lentement, progressivement le contrôle de ses sens.

Lorsque son cerveau reprit enfin les rênes de son corps, après une lutte acharnée contre le reste de son corps, Mathieu sentit tout à coup le sang qui lui était monté à la tête se canaliser dans ses joues, les faisant certainement rougir à vue d’œil. Estomaqué par sa propre audace, il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, n’importe quoi… Une explication, une excuse… Mais aucun son n’en sortit. A peine revenu aux commandes de son propre corps, il ne contrôlait déjà plus rien. Il se contentait de fixer Cassy, interdit, incapable de faire quoi que ce soit.

Lorsque la jeune femme se leva et se retourna, Mathieu se dit qu’il aurait préféré être désintégré sur le champ plutôt que de soutenir son regard une seconde de plus. Encore une fois, aucun son ne sortit de sa bouche. Il avait presque honte, tout en étant fier de ce qu’il avait fait. Une contradiction qui parvenait presque à couper sa respiration. Ces secondes étaient si longues, et les yeux de Cassy étaient si difficiles à décrypter…

Quand elle posa silencieusement sa main près de lui, il ferma les yeux d’avance, s’attendant à recevoir une gifle sur ses joues écarlates. Pourtant, c’était un contact bien plus doux, plus chaud qui se posa délicatement sur l’une d’elle. Surpris, il ouvrit les yeux. Des yeux remplis de milliers de questions qui se chamboulaient et qui ne pouvaient pas s’exprimer par la parole. Il ne les garda ouverts que quelques secondes, lorsque les lèvres de Cassy rencontrèrent les siennes. Pas longtemps, pas assez longtemps. A l’inverse, ces secondes là parurent bien trop courtes au jeune homme.

Lorsqu’elle s’éloigna, il garda le silence. Il ne savait pas vraiment quoi en penser. Qu’est-ce que tout cela signifiait ? Son cerveau était d’ailleurs étrangement calme, comparé aux autres fois où elle lui avait causé des surprises. Son esprit semblait s’accrocher de tout son être à sa conscience, comme s’il sentait que ce n’était pas le bon moment pour laisser tourner la machine toute seule. Il entendit un murmure qui le fit frissonner, alors qu’il regardait toujours Cassy dans les yeux :

« Désolée… Je pensais… Enfin... »

Même son murmure lui parvenait affaibli. Son sang tambourinait dans ses oreilles à chaque battement de cœur, et il ne parvenait pas à calmer ces derniers. Comment fallait-il réagir dans cette situation ? Il n’en avait aucune idée. Il n’avait jamais pensé que les choses se passeraient de cette manière, qu’il serait dans cet état. Après quelques secondes de silence, il abandonna l’idée de planifier la moindre chose. Il prit une grand inspiration, et posa sa main sur celle de la jeune actrice :

« Je… T’excuse pas… Tu pensais bien. J’ai eu envie de le faire en haut de la falaise, mais j’ai pas osé.  Mais j’ai beaucoup aimé tu sais… C’était agréable, doux, chaud... »

Alors qu’il évoquait de ce qu’il avait ressenti, son regard était lentement descendu jusqu’à sa bouche. Nerveusement, il mordilla sa lèvre inférieure, une fois qu’il eut fini de parler. Il n’avait toujours aucune idée de quoi faire. S’excuser ? Il était heureux après le baiser de Cassy. Il ne se voyait pas lui mentir en disant qu’il regrettait. Se jeter sur elle ? Rien au monde n’aurait été plus déplacé. Et puis il ne voulait absolument pas passer pour l’affamé de service, prêt à tout pour coucher avec sa star favorite. Ce n’était pas lui, tout simplement. Pourtant, alors qu’il se torturait l’esprit pour savoir quoi faire, il savait au fond qu’il ne souhaitait qu’une chose : réitérer l’expérience. Il souffla légèrement pour se donner du courage, puis remonta ses yeux pour soutenir le regard de Cassy :

« C’était génial oui… Mais j’ai encore envie de t’embrasser... »

Sur ces mots, il se pencha à son tour vers la jeune femme, en faufilant ses doigts entre les siens. Les sens en éveil, décuplant chacune de ses sensations, chacun de ses sentiments, il ferma les yeux et déposa un baiser plus enflammé que le précédent sur les lèvres de Cassy, venant jusqu’à effleurer sa bouche avec sa langue.

Une sensation de bien être envahit instantanément la tête de Mathieu quand il rencontra les lèvres de son amie. Il sentait que des shots d’adrénaline étaient envoyés dans tout son corps par son cerveau à chaque fois que sa langue caressait celle de Cassy, occasionnant des frissons qui parcouraient sa peau. Il ne pensait plus à rien sinon à l’instant en lui-même, mais il savait qu’il se souviendrait de cette journée.

Pourtant, il sursauta quand Cassy changea de chaîne en posant ses fesses sur la télécommande, mettant fin à leur baiser. Il insulta intérieurement le destin, qui semblait prendre un malin plaisir à interrompre chacun des moments intimes qu’ils passaient ensemble. A la fois déçu et heureux, il laissa la jeune femme lui remettre une mèche en place tout en lui souriant, ce qui lui donnait presque un air simplet, mais profondément joyeux.

« Au fait j’ai… Je t’ai pris un truc dans la boutique. C’est peut-être le moment de te l’offrir. »

Un cadeau ? Elle lui avait pris un cadeau ? Il n’en revenait pas… Lorsqu’elle lui glissa un court baiser, cela lui parut presque naturel, spontané. Il s’habituait déjà presque au pétillement de ses lèvres lorsqu’elle l’embrassait. Il l’observa se déplacer jusqu’à un sac, en l’observant de haut en bas. Il la trouvait irrésistible, au naturel.

Alors qu’elle revenait, elle déposa le sac devant lui, en lui expliquant :

« Je te vois pas comme un fanboy. Ne te vexe pas surtout, mais je me suis dit qu’il t’amuserait. Je savais pas trop quoi t’offrir pour te remercier de ce voyage… Mais maintenant je sais que t’offrir un baiser suffit à te faire plaisir. »

Sur ce point, elle n’avait pas tord. Ses poils devaient encore être hérissés, et ses joues teintées de rouge. Il n’attendait qu’une seule chose : pourvoir regoûter à ce frisson de plaisir qui l’avait envahi quelques dizaines de secondes plus tôt. Pourtant, lorsqu’il ouvrit le paquet cadeau et qu’il déplia le t-shirt, on pouvait clairement lire l’incompréhension sur son visage. « Déjà pris » ? Qu’est-ce que ça voulait bien dire ? A peine avait-il haussé un sourcil et retourné le t-shirt vers Cassy que celle-ci se tordait de rire. Il ne comprit pas tout ce qu’elle avait dit en s’affalant sur le lit, mais il l’entendit dire qu’il y avait dû avoir une erreur. Il ricana à son tour de cette situation, avant de l’embrasser sur la joue pour le remercier :

« C’est vraiment gentil d’avoir pensé à moi, fallait pas, merci… J-OH ATTENDS ! J’ai quelque chose pour toi moi aussi ! »

Il venait à peine de s’en rendre compte. Quel débile il faisait. Il se jeta hors du lit pour aller fouiller dans l’une des poches de son ancien pantalon et en sortir le collier avec le pendentif vert. Il arracha d’un coup sec l’étiquette avec le prix, puis se retourna vers le lit, tout sourire :

« Tiens, moi aussi je t’ai pris un petit quelque chose. C’est une pierre qui est censée attirer le calme et la tranquillité. Je me suis dit que ça te serait utile entre deux tournages… »

Il lui enfila autour du cou, avant de se reculer d’un pas, pour voir l’effet que cela donnait. Le collier étant un peu long, il en profita aussi pour admirer inconsciemment sa poitrine, mise en valeur dans son débardeur. Il murmura :

« Je trouve qu’il te va bien »

Puis, il sourit, satisfait. Finalement, qu’elle le garde ou non sur elle, il était heureux d’avoir participé à la joie de Cassy aujourd’hui.

Innocemment, il se laissa glisser doucement sur le lit à son tour, s’allongeant à côté d’elle et passant son bras sous la tête de la jeune femme. Il fit attention à ne pas lui tirer de cheveux et l’attira doucement contre lui, apaisé. Finalement, une fois la gêne initiale passée, il se sentait bien avec Cassy. Plus à l’aise, plus lui-même. Il déposa un baiser sur son front en se tournant un peu et en la fixant dans les pupilles :

« C’est moi qui te remercie pour cette journée… Tout est parfait ! »

Son cadeau avait semblé faire vraiment plaisir à Cassy. Du moins, si c’était faux, elle avait sacrément bien joué la comédie. Elle avait l’air aussi à l’aise que lui, comme apaisée. Ou alors fatiguée de sa journée, après tout c’était bien légitime. Elle posa alors sa main sur le torse de Mathieu, ce qui lui parut presque naturel. Il la laissa faire, sourire satisfait sur le visage.

« Je n’ai pas fait grand-chose alors que toi… Vraiment merci pour ce cadeau et ce voyage »

Il fixa la main de Cassy en train de tournoyer, lui chatouillant la peau à travers son t-shirt, et décida d’arrêter cette sorte de duel de remerciements. Ils semblaient tous les deux avoir beaucoup apprécié ce voyage, et les mots valaient parfois moins que les silences. En l’occurrence, toute son attention était portée sur la main de la jeune femme, qui semblait presque innocente. Quand il tourna la tête, il aperçut pourtant une sorte de lueur dans les yeux de l’actrice. Il remarqua aussi que ses joues prenaient une teinte tirant vers le rouge. Son regard se fit instable, il croisait parfois ses yeux, parfois il les perdait. Il essayait de s’y accrocher, mais ce fut finalement elle qui l’accrocha.

Cassy agrippa soudain son t-shirt et plaqua doucement ses lèvres douces contre les siennes. Pourtant, il sentait que ce baiser n’avait pas la même saveur que les autres, pas la même ambiguïté. Non, ce baiser dérapa lentement sur sa joue, avant que Cassy ne s’en prenne à son cou. Elle l’attaquait sur son point faible. Il mordilla sa lèvre inférieure tandis qu’un grand frisson de plaisir et d’excitation parcourut son corps à l’instant où il sentit le contact chaud de sa bouche. Il était au supplice, en proie à une sensation indescriptible qui faisait se hérisser ses poils et commençait à se propager au reste de son corps. Mais elle ne s’arrêta pas là et grimpa sur lui, s’étendant sur son corps, leurs peau n’étant séparées que par deux fins tissus.

« J’ai envie qu’on profite de cette soirée… La journée est déjà passée très vite... »

Ces quelques mots électrisèrent les neurones de Mathieu. Il allait vraiment… Cassy était vraiment sur son bassin, allongée sur lui, à lui susurrer des mots doux au creux du cou ? Il ne savait pas vraiment quoi faire, il n’aurait pas pu imaginer cela même dans ses rêves les plus fous. Au moins, l’ambiguïté était dissipée. Des décharges d’adrénaline pulsaient dans ses veines d’un seul coup, envoyées par un cerveau paniqué.

Pourtant, il avait appris à gérer cette panique qui le prenait au ventre dès que Cassy approchait. Il ferma les yeux et se concentra sur la sensation de plaisir qui grossissait en lui. Il se laissa faire, s’abandonnant à l’étreinte de la jeune femme, respirant le parfum agréable de ses cheveux qui recouvraient en partie son visage. Il essayait d’avoir les idées claires, mais son cerveau pétillait de joie, envoyant des informations à tous les muscles de son corps en même temps.

« Cassy, je... »

Il avait parlé sans s’en rendre compte, et s’était arrêté. Qu’est-ce que son cerveau avait voulu lui faire dire ? Il n’en savait rien, mais il mettait son corps en mouvement. Ses lèvres vinrent déposer un tas de baisers passionnés sur l’épaule de Cassy, tandis que l’un de ses bras glissant lentement le long de son flanc, le caressant à travers son débardeur, vers le creux de ses reins, et que l’autre enlaçait l’actrice contre lui.

Il haletait entre deux baisers, son souffle chaud et saccadé rencontrant la peau nue de l’épaule de son idole. Il sentit une pression monter en lui, et il se risqua à passer une main sous le tissu du dos de Cassy, lui effleurant la peau de ses doigts fins. Cette sensation le remplit de bonheur, et il se mit presque inconsciemment à mordre gentiment l’épaule de Cassy. Pas assez pour lui faire mal, mais juste assez pour qu’elle ressente les pulsions qu’elle venait de faire soudainement exploser en lui.

Il  tourna alors la tête et son second bras lâcha alors son étreinte sur elle. Il se tortilla un peu, sentant son envie grandir à vue d’œil pour venir décoller les lèvres de Cassy de son cou, et les porter à quelques millimètres des siennes en la tenant par le menton. Il avait une respiration un peu plus forte que d’habitude, plus chaude. Les cheveux partiellement en bataille, l’œil pétillant, Mathieu planta son regard empreint d’une touche d’animalité dans les yeux émeraudes de Cassy. Il avait besoin d’une réponse. Entre deux halètements, il murmura :

« Cassy… Tu es sûre...? Un mot de ta part et je… »