(France) Retour en terre natale [Alexei]

Cela faisait un petit moment que les deux planifiaient ce voyage. Emilie était vraiment heureuse de pouvoir faire rencontrer à Alexei son père. C'était un homme formidable contrairement à sa mère. Mais plus que ça, ça faisait six ans qu'elle n'y était pas retournée. Il avait dû changer en autant de temps. Et puis, au fond d'elle, elle espérait croiser Claire. Elle voulait enterrer la hache de guerre. Avant d'être sa petite amie, elle avait été surtout son amie, une amie fidèle qui l'avait supporté pendant sa crise d'adolescence très brutale pour ses proches. Elle ne voulait pas d'une ennemie. Surtout elle. Alexei se sentirait certainement méfiant s'il la voyait mais ils allaient forcement se voir de toute façon, elle avait gardé contact avec son père aux dernières nouvelles. Emilie savait cependant que son copain comprendrait même si la rencontre entre les deux n'avait pas été des meilleurs et qu'il avait cauchemardé une fois de son ex.

De toute façon, elle ne lui laissait pas le choix, elle voulait s'expliquer. Le couple se retrouvait donc dans un bus, histoire de faire un voyage économique. Économique mais long, le trajet allait bien durer huit heures. L'idée fut donc de partir de nuit histoire de dormir et de faire passer le temps plus vite. L'effet fut d'ailleurs assez rapide chez la jeune femme qui au bout de trente minutes de trajet abandonna son homme pour roupiller contre son épaule. Les transports avaient toujours eu cet effet là sur la demoiselle. Elle se sentait bercé. D'ailleurs, ça semblait aller mieux pour eux deux. L'incident de l'Alexei alcoolisé semblait être oublié pour la rouquine bien qu'elle savait que s'ils devaient un jour s'engueuler, elle allait le craindre. Elle avait un peu perdu la confiance qu'elle avait eu quand elle l'avait retourné pour le forcer à lui parler. Mais au fond elle préférait éviter d'y penser et d'en parler en général. Pour ainsi dire, elle faisait comme si rien ne s'était passé. Et si le sujet débordait là-dessus, elle essayait de le changer rapidement en faisant comme si c'était rien, que le passé c'était le passé.

La rouquine se réveilla avec le soleil et avec le chauffeur qui avait osé mettre de la musique à la radio. Mais cela ne l'agaça pas: c'était de la musique française. Des musiques qu'elle connaissait vu que ça passait des anciens morceaux. Elle releva la tête avec un bon mal de cou et regarda son copain pour vérifier s'il dormait ou pas. La rouquine observa la fenêtre, un panneau d'autoroute lui indiqua que Paris était dans plus d'une vingtaine de kilomètre. Un grand sourire se dessina sur ses lèvres. Si son copain dormait, elle le secourait doucement pour le réveiller, ne pouvant pas garder son excitation pour elle. Cela faisait si longtemps !

-On va arriver ! On va arriver ! chuchota-t-elle quand même par égard des autres dormeurs.

Puis elle ressembla à une mouche, collée à la vitre pour regarder le paysage. Le couple allait dormir directement chez le père. C'était moins chère, ils seraient nourris, blanchis et logés. De plus, contrairement à ce qu'on pourrait croire en voyant l'ancien appartement à Emilie, la famille était très aisée à cause de la carrière de la mère. Ce serait donc un très grand appartement dans les quartiers dis "riches". La rouquine avait coupé elle-même les vivres en fait.

Alors qu'il ne restait plus beaucoup de temps de route, elle préféra un peu informer son copain sur qui était son père.

- Mon père ne parle pas très bien anglais, il risque de faire des erreurs. C'est un homme vraiment agréable, tu sais le genre à rien dire quand tu fais une connerie...Le problème c'est qu'il ne disait rien non plus quand ma mère avait des comportements dangereux. Mais je lui en veux pas d'avoir laissé faire en fait.

Elle s'installa un peu plus correctement dans le siège:

-En fait, il a été un sans-abris pendant dix ans. Ouai dix ans. Ma mère l'a ramené chez elle quand elle était une star flamboyante en danse. Plus tard mon père m'a dit que c'était son manager qui lui avait dit de  faire  de la bonne pub en se montrant généreuse et altruiste. Puis ils sont tombés amoureux. Il a toujours été extrêmement reconnaissant pour elle. Quand elle a commencé à péter les plombs progressivement suite à ma naissance, il est resté jusqu'au bout avec elle à cause de sa gratitude, voulant lui rendre la pareil. Et même quand je suis partit. Il a été très courageux.

Visiblement, malgré le fait qu'il l'avait laissé se faire parfois frapper, engueuler par cette femme, elle ne lui en voulait pas, comme si elle savait qu'il était déjà très fort.

La rouquine sourit alors quand la radio passa "Un autre monde" de Téléphone. La demoiselle échangea un regard complice avec son petit-ami puis rigola doucement. Elle était dans sa terre à elle.

Quand le bus arriva, elle attrapa sa valise et sautilla sur place vraiment excitée de se retrouver ici.

Paris n'était pas forcément la ville la plus agréable, elle jouissait juste de sa popularité par les touristes. Certes, l'architecture haussmannienne était très jolie et c'était bien plus agréable, d'après Emilie, de se balader dans ce genre de rue que de voir les façades illuminées de publicités des buildings de New-York par exemple. La rouquine regarda la cigarette d'Alexei et fit une rapide moue, elle espérait qu'il essaye au moins d'arrêter un de ces jours, il se bousillait la santé sans raison. Il lui prit la main et la demoiselle sourit doucement. Et maintenant ? Maintenant elle allait retrouver son père. Ce voyage n'était pas là de base pour faire rencontrer les deux hommes, c'était un petit avantage en plus. Au départ, elle voulait surtout revoir sa famille. La rouquine sourit alors doucement et se regarda soleil.

-On va poser nos affaires chez papa.

La jeune femme lui indiqua alors chemin. Ce n'était pas très loin mais ils allaient quand même devoir marcher une quinzaine de minutes sans compter le petit bout de métro. Dire qu'elle devait avoir l'air d'une touriste alors qu'elle venait d'ici.... Elle tirait alors sa valise tout de même un peu lourde (allez savoir les inutilités qu'elle avait mit dedans). Les rues étaient toujours aussi peuplées. Ils purent croiser de nombreuses personnes. Certaines pressées, d'autres un peu moins. Un moment, il eu des mariés non loin qui prenaient des photo dans un parc, faisant sourire la demoiselle. La jeune femme là-bas était très belle. Cela la fit d'ailleurs ricaner quand elle imagina un voile sur sa propre tête avec ses cheveux. Ce serait un emmêlement de tissus sans aucun sens. Elle se demanda si un jour ça lui arrivera, mais elle ne garda pas cette pensée très longtemps, préférant se concentrer sur autre chose.

Elle ne connaissait pas tout ici mais une grande partie était reconnaissable visuellement. Ce ne fut pas facile quand ils durent rentrer dans le métro avec les bagages et heureusement, il n'y avait pas trop de monde. D'ailleurs durant le voyage, un homme louche lui fit un sourire trop insistant pour être sans arrière-pensée, elle s'accrocha au bras d'Alexei pour lui faire comprendre sa situation, lui lançant un regard froid.

Après ce petit tour en wagon, le quartier n'était plus très loin. Cela se voyait avec les magasins de luxe qui commençaient à apparaître  non loin. Elle n'avait jamais trop aimé ce genre d'endroits de bourgeois mais comment pourrait-elle se plaindre de ne pas avoir grandis dans la pauvreté ? Ce serait d'un culot assez gros...L'appartement n'était plus bien loin et son coeur se mettait à battre de plus en plus rapidement.

-Je stresse...Avoua-t-elle en continuant d'avancer.

Six ans bordel. Cela lui paraissait être une éternité. Et si elle ne le reconnaissait pas ? Non, impossible. C'était son père, on vieillit mais on ne se transforme pas non plus. Quand ils arrivèrent devant la porte, la jeune femme prit bien son temps pour trouver la sonnerie parmi les autres. Alors qu'elle l'avait bien sûr déjà vu il y a un moment. Elle devait dire quoi quand il ouvrirait ? Allez, zut. Elle appuya et une voix se fit entendre au bout de dix secondes, un voix filtré par le système:

-Je vous ouvre.

L'appartement se trouvait au deuxième étage. Quand celui-ci fut atteint, la silhouette du père se dessinait déjà dans l'encadrement de la porte. Il souriait doucement d'un air visiblement calme mais au fond, vraiment heureux de voir sa fille.  Il se faisait un peu vieux maintenant. Il avait 55 ans, il était mince, voir un peu frêle, à peine plus grand sa fille. Son crane possédait des cheveux courts, bruns dont la masse commençait à être parsemée de poils blancs. Une barbe mal-rasée et des vêtements très simples: un t-shirt noir avec les Avengers dessus et un jean. Il se tenait assez droit. Le cœur de la jeune fille loupa un battement quand elle vit son géniteur. Elle monta la valise puis l'abandonna sur le palier pour aller directement dans les bras de son père.

-Tu m'as manqué..., dit-elle en français

Le vieil homme resserra l'étreinte en souriant puis embrassa le front de sa fille. Après un temps, il lui dit toujours dans la même langue:

-Moi aussi.

Finalement il releva la tête et regarda Alexei. On sentait aisément le jugement du patriarche qui essayait voir s'il était assez bon gendre pour sa fille. Malgré le look qu'il ne comprenait pas, il n'avait pas l'air bien méchant. Bien que cela le surprit un peu vu que sa fille avait toujours eu des goûts simples. Pour lui, l'homme était plutôt extraverti. Emilie lui avait indiqué qu'il ne parlait pas français malgré ses quelques mots. Il se décolla de sa fille et alla pour lui faire la bise: bienvenu en France.

-Bonjour, tu es Alexei ? Emilie a beaucoup parlé de toi.

Il choisissait les phrases les plus simples à dire pour ne pas s'emmêler les pinceaux.

-Entrez.

Emilie était déjà rentrée en fait. C'était un endroit très grand, assez moderne.

La jeune femme était toute excitée, elle avait du mal à voir le fait que ça pouvait peut-être mettre mal à l'aise son petit ami le fait de voir son père. Non, elle retrouvait sa maison d'enfance ! Elle n'avait pas changé, c'était vraiment fou ! Elle regarda partout autour d'elle et la rouquine disparu très rapidement dans les autres pièces. On pouvait entendre qu'elle fouillait d'ici ou qu'elle s'exclamait sans raison. Oh ! Des jouets d'enfance ! Tout était resté à sa place. Le père d'Emilie sourit doucement quand il entendit son copain lui parler: au niveau des manières il faisait bonne impression bien que lui même ne se comportait pas vraiment comme un bourgeois. Il avait vécu une dizaine d'année à la rue quand même... Donc il restait toujours très simple dans sa manière d'être et il avait apprit à être calme avec la fameuse Denise Skies. Le père rentra alors dans son appartement et ouvra un peu plus les store pour faire rentrer de la lumière.

Il entendit d'un coup un truc se briser comme du verre, venant d'une des pièces.

-Emilie, tu fais quoi ? Dit-il en haussant le ton en français
-J'ai trouvé ma vieille boule à neige...

Rectification, elle venait de casser sa vieille boule à neige maladroitement. Le père soupira et rigola doucement avant de regarder Alexei et dire en anglais:

-Excuses-moi, j'essaye parler plus anglais. J'ai pas l'habitude. Tu veux boire quelque chose ?

Le père écouta sa réponse et s'il acceptait et lui disait quoi, il prendrait un verre pour le servir. D'un autre côté, il servit un jus d'orange à sa fille, posant le récipient sur la table. Il ne pouvait pas dire qu'il était content que sa femme soit partit mais c'était tellement plus calme depuis... Il était remplit de gratitude mais cette période l'avait beaucoup fatigué physiquement et mentalement. Il y avait sur les murs de l'appartement des photos de la mère plus jeune, d'Emilie bébé avec une sorte de coupe afro rousse assez rigolote. Les autres clichés étaient dans l'album photo non loin de là. A regarder comme ça, on aurait pu croire qu'ils avaient été une famille totalement normale.

-Vous jouez de la musique c'est ça ? Moi aussi, quand j'étais ado...Comment on dit déjà...?

Il chercha le mot sur son téléphone en anglais.

-Ah oui, bassiste

C'était les bon souvenir. Ils faisaient du vieux rock, il avait un air un peu plus cool à cette époque là. Après la rue, il n'avait plus jamais voulu toucher à un instrument. Il sourit alors gentiment et se prit un verre d'eau. Quand il se retourna, il vit sa fille dans l'encadrement de la porte... une épée en plastique en bois  dans la main avec un casque de cow-boy sur la tête. Elle souriait, semblant vraiment contente. Elle s'avança et planta le bout inoffensif en plastique dans la côte d'Alexei d'un air taquin. Le père ricana un peu avant de montrer le verre pour Emilie du bout des doigts.

-J'ai trouvé plein de truc dans ma chambre, dit-elle en anglais, tu savais que j'avais une épée ?
-Pendant un temps tu voulais être un chevalier, ça à durée un mois je crois.

Le jeune femme se mit à côté de son copain puis bu quelques gorgées, portant fièrement son chapeau.

-Vous allez faire quoi aujourd'hui ? Demanda le père à nouveau en anglais, faisant des efforts malgré sa difficulté.
- Marcher je pense ? Pour commencer ?(elle regarda Alexei pour lui demander confirmation). Dis papa, on va dormir dans ma vieille chambre ?
-J'ai pensé que ça pourrais vous gêner. J'ai préparé la chambre d'ami plutôt.

La rouquine hocha la tête et termina son verre avant de sauter du tabouret pour aller faire rouler sa valise jusqu'à la chambre d'amis, excitée comme une puce. Elle n'avait pas envie de la déballer maintenant. Elle se contenta de se jeter un coup sur le lit.

La jeune femme resta un moment sur le lit. Ce n'était pas le sien mais il portait l'odeur de son enfance. Elle avait des regrets, le fait de les avoir abandonné, de ne pas avoir prit le temps de bien vivre avec son père. Mais d'un côté, elle ne pouvait plus côtoyer Denise Skies, elle ne pouvait plus supporter cette femme. Elle portait trop de haine et il lui a fallu six années entières pour arriver à faire sortir ça. La rouquine respira alors l'odeur des draps puis se redressa lentement, voyant Alexei aux fenêtres. Elle pensa. Il était content au moins d'être là avec elle ? C'est vrai qu'avec l'accident, il était devenu plus doux et avait plus tendance à accepter ce qu'elle demandait. La demoiselle espérait qu'il était vraiment venu en le voulant, et non par contrainte mentale. Comment rassurer son petit-ami ? Comment lui faire comprendre qu'il fallait passer à autre chose. C'est sûr qu'elle sera plus méfiante maintenant lors des disputes, c'est sûr aussi qu'elle a été vexé de découvrir qu'il était capable de lui faire ça...Mais c'est le principe des actions, elles font parties de la vie, on ne peut pas les effacer et il faut apprendre à avancer comme ça. La rouquine avait l'impression que le russe avait tendance à trop ressasser le passé. Elle se demandait s'il lui en voulait encore d'avoir appelé Jagger et pas lui. Après tout, il lui avait ressortit ça quand il était ivre...

Elle l'observa un moment puis dit d'un léger sourire pour attirer son attention:

-Alex...

Emilie ouvrit les bras comme une demande qu'il vienne lui faire un câlin. Elle avait envie d'un câlin. S'il ne venait pas, elle se lèverait elle-même pour lui en faire un. Dans tous les cas, elle ferait tout pour se retrouver contre lui. La demoiselle respira son odeur un moment puis chuchota:

- Merci...J'avoue je sais pas trop si t'es content ou pas content de venir ici mais tu fais l'effort et ça comptait beaucoup pour moi de revenir ici.

C'est ici qu'elle avait déconné. En France après tout, elle avait un beau casier juridique. Pas des choses très graves, plus de la délinquance. La rouquine avait beau faire un discours sur le fait qu'on ne peut pas revenir en arrière, elle caressait le rêve de pouvoir réparer un peu tout ça. Elle n'était pas prête pour aller voir sa mère en psy mais il y avait d'autres personnes qu'elle avait laissé ici... Mais pour Claire, elle lui en parlerait plus tard. Le temps qu'ils s’installent un peu mieux, qu'Alexei soit plus détendu pour qu'il  prenne bien la demande. Oui, Emilie devait demander, elle voulait éviter tous les quiproquos, elle ne voulait avoir aucune dispute, elle devait bien expliquer ses intentions. La rouquine pouvait être paranoïaque mais ça pouvait aussi être parfois le cas de son amant bien que ce n'est pas pensé et montré de la même manière. Ils avaient quand même bien évolué niveau communication quand même...

Emilie se mit alors sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur les lèvre du jeune russe puis sourit en caressant doucement sa joue.

- Tu sais quoi, j'ai envie d'une glace.

La demoiselle eu un sourire malin, elle voulait aussi aller marcher. Elle voulait passer une bonne journée, tranquillement avec son homme. La rouquine posa alors son chapeau et l'épée sur le lit.

-Faudrait que tu m'apprennes le Russe un jour. C'est frustrant, tu comprends ce que je dis mais toi tu peux tout me dire que je pourrais rien rétorquer ! Dit-elle en rigolant.

La demoiselle observait par la fenêtre la ville de Paris qui semblait toujours s'étendre plus loin. Elle aimait cette vue autant pour la nostalgie qu'elle en gagnait que pour cet air romantique et historique. Pour elle tout allait pour mieux, retrouver son père, sa ville d'origine, être avec son amant... C'était un peu comme si tout allait dans son sens et sa volonté. Alexei lui répondit alors qu'il était content mais seulement mal à l'aise avec les belles-familles. Ce qu'elle pouvait comprendre quand même. Quand elle lui demanda de lui apprendre le Russe, son amant sourit et lui sortit une phrase dans sa lange natale qu'elle ne comprit donc pas vraiment. Elle fronça faussement les sourcils, au fond un peu frustrée de ne pas comprendre.  La jeune femme l'écouta alors jusqu'à ce qu'il accepte de sortir pour aller prendre une glace. Ils seraient mieux tous les deux tranquille dehors. En sortant, la rouquine enlaça une dernière fois son père et elle descendit alors dans la rue.

Tout était très ensoleillé, les gens portaient des tenues légères et, dans ce quartier là, assez chics. La demoiselle se plaisait dans cette sensation de calme comme si tout allait pour le mieux. C'est ce qu'elle voulait croire. Alexei lui donna la traduction d'un bout de la phrase qu'il avait dit. Coeur. Cela ne l'aidait pas beaucoup pour comprendre ce qu'il lui avait dit mais ce devait certainement être quelque chose de mignon vu le mot qui se trouvait dedans. Il lui prit la main alors que le couple continuait d'avancer.

Mais d'un coup, il posa une question dont elle ne s'y attendait pas. Pourquoi il s’intéressait à cet enfant ? Oui c'était plutôt humain et sain de s’inquiéter d'un bébé mais il avait eu l'air tellement tranché sur la question quand elle l'avait ramené... Et puis devait-elle lui dire qu'elle travaillait "comme par hasard" dans le même orphelinat où il était ?

Elle ne répondit pas sur le coup et de toute façon il partit sur autre chose. Lui rappelant ce qu'il s'était passé la dernière fois. Elle n'avait pas vraiment envie de remettre ça sur le tapis. Elle préférait oublier, c'était plus relaxant. Il lui demandait si elle voulait encore un avenir avec lui. Comment pouvait-il en douter ? Bien sûr, elle l'aimait autant qu'avant. La rouquine était juste un peu plus méfiante et certainement au fond un peu vexée mais ça ne changeait rien sur ses attentions. Elle serra un peu plus sa main et regarda en face d'elle d'un air plutôt calme.

-Alexei, bien sûr que oui. Ce qui c'est passé, ça change rien pour moi. Je t'aime et je te l'ai dis, je ne me vois plus sans toi.

Finalement elle tourna la tête vers lui et sourit doucement en le regardant. Elle ne savait pas si ça suffisait comme réponse mais elle n'avait pas envie de continuer là-dessus, elle était sincère après tout. Après quelques secondes, elle marmonna:

-Concernant l'enfant, il va bien... Comment dire, j'ai peut-être fait un peu sorte d'avoir mon stage au même orphelinat.

Elle détourna le visage un peu honteuse et se mordilla la lèvre. Elle allait passer pour une psychopathe. Mais c'était plus fort qu'elle, elle sentait une responsabilité et elle était la seule qui était proche de lui à avoir des réponses, même minimes, sur ses origines. Ce n'était pas rien.

- J'aurais dû te le dire. Mais en même temps, je peux m'empêcher d'être inquiète. C'est comme si j'avais une responsabilité.

La rouquine fit un petit rire jaune et se gratta la nuque.

-C'est certainement un peu idiot.

Elle avouait ne pas trop savoir où il voulait en venir. Mais quand il l'attira vers lui pour qu'ils se posent et discutent, elle se douta que ce devait être important. Allait-il lui faire un discourt comme quoi il est désolé de ce qu'il s'était passé ? Ce n'était  pas impossible bien que peut-être excessif vu le nombre de fois qu'il l'avait fait. La jeune femme l'observa alors un moment, tentant de décrypter l'expression qu'il prenait. Mais contrairement à elle, Alexei n'était pas tellement transparent et savait retenir les choses à l’intérieur de lui.

"On pourrait l'adopter..."

Quoi ? Elle resta sans rien dire à le regarder. Il avait bien dit ce qu'il venait d'tentendre ? Il lui proposait d'adopter cet enfant ? Cela paraissait presque irréel pour demoiselle. Un bébé ? Ce bébé ? La rouquine continua de l'observer d'un air visiblement surpris. Cela lui prenait comme ça ? Depuis combien de temps y pensait-il ? Alexei avait l'air pourtant souvent dubitative aux étapes traditionnelles d'un couple. Tout ce qui était bébés, mariage... Elle ne pensait pas qu'il engagera lui-même ce genre de sujet...Quoi qu'elle ne l'aurait pas fait non plus, ayant l'habitude de ne pas trop affirmer ce genre d'envie quand la personne n'est pas d'accord.

Il lui dit alors les raisons de cette demande, comme quoi il était temps qu'il grandisse. La jeune femme l'écoutait d'un air toujours un peu abasourdit, sans rien dire. Il voulait un enfant car il en avait envie ou alors à cause des récents éventements ? Comme s'il voulait se prouver qu'il pouvait avoir un avenir avec elle ?  Pouvait-il aimer un enfant qui n'était pas vraiment le sien...? C'était sûre qu'Emilie ne pouvait pas tomber enceinte en ce moment... Avoir un congé maternité alors qu'elle change de travail n'était pas une bonne idée.

Il la colla à elle, posant son front sur sa clavicule, lui parlant comme pour la rassurer qu'elle serait une bonne mère. La rouquine restait toujours aussi surprise. Elle ne savait pas quoi penser. Cet enfant, elle l'aimait déjà, c'était peut-être un sorte d'instinct maternel mais ce n'était pas pour rien qu'elle avait choisit un endroit où l'enfant se trouvait. Et ce n'était pas, pour une fois, en elle qu'elle doutait. C'était plutôt en leur situation financière pas encore stable et en les raisons de ce choix pour Alexei. Elle ne voulait pas que ce soit pour lui une manière de s'accrocher à leur couple comme si c'était instable. S'ils devaient avoir un enfant, Emilie voulait que ce soit parce qu'il en a envie...Vraiment. La jeune femme en même temps était sensible à ces histoires de famille, hors de question de reproduire l'ambiance dans laquelle elle a grandit ! Et si...Et si c'était encore une façon pour lui d'essayer de s'excuser  en lui donnant ce qu'elle voulait ?

Finalement sa réflexion fut coupée par un baiser qui la ramena un peu sur la terre. Il se releva et proposa d'aller manger la glace. La demoiselle, encore ailleurs, hocha la tête, ayant du mal à retourner dans son envie initial. Elle s'accrocha au bras de son amant d'un air quand même absent mais il devrait s'en douter, elle qui faisait souvent une montage pour pas grand chose, son cerveau dansait comme pas possible.  

-Je connais un glacier... Il est super.

Elle sourit doucement mais elle avait tellement de question à poser... Sur le chemin, elle ne pu s'empêcher quand même de poser des questions de la façon la plus diplomatique que possible. Elle ne voulait pas accuser Alexei ou quoi que ce soit. Mais c'était des demandes légitimes pour elle.

-Mais Alexei... Toi, tu te sens vraiment capable d'aimer un enfant qui ne viendrait pas vraiment de nous ?

Dans une légère nervosité, elle s'amusait avec une mèche qui tombait devant son visage. D'ailleurs, qu'est-ce que cette crinière lui donnait chaud...

-Enfin je veux dire... Tu veux l'adopter car tu voudrais vraiment avoir un enfant ou alors... Comment dire... C'est pour te sentir mieux par rapport à quelque chose...Te garantir une sorte de stabilité ?

Encore une question légitime. Après ce qu'il s'était passé, le fait qu'il culpabilisait, qu'il semblait beaucoup plus répondre  à ses envies, la demoiselle craignait qu'il ai peur. Comme s'il pensait que le couple pouvait se briser à n'importe quel instant. Alors que c'était bien évidement faux. Emilie voulait vraiment savoir pour qui il faisait ça. Pour l'enfant ? Pour eux ? Pour lui ? Il ne fallait pas partir sur des mauvaises bases, ces décisions ne se font pas à la légère. Avant qu'il ai d'ailleurs le temps de répondre, elle reprit:

-Désolé si j'ai l'air de douter de toi mais c'est important pour moi de savoir ça, car c'est souvent après ça qu'il y a des...Conneries dans les familles.

La jeune femme écouta alors tout ce qu'il avait a dire jusqu'à ce qu'elle voit le glacier de son enfance. Un petit stand qui était resté presque le même. Cela la fit doucement sourire, lui allégeant l'esprit. Surtout en voyant qui était au comptoir...Le vieux Fred et son fils qui devait avoir maintenant à peu près son âge. La vache, ça faisait bien longtemps qu'elle ne les avait pas vu... La jeune femme s'approcha en restant toujours bien accrochée à son homme, un poil timide finalement. Quand le vieux monsieur se retourna, il plissa les yeux, la fixant comme si son cerveau essayait de faire les connections.

-Emilie...?

Un sourire s'afficha sur ses lèvres. En entendant le prénom, le fils se retourna également, surpris. Le plus vieux était un peu enrobé avec une longue barbe, un air d'ours en peluche. Le fils était cependant plus maigrichon. Le plus jeune sortit alors du comptoir pour aller à sa rencontre:

-Mon dieu, ça fait longtemps ! Combien...6 ans non ? Bordel, t'as pas changé du tout !

Il serra la demoiselle dans ses bras qui se crispa un peu, ayant perdu l'habitude des câlins platoniques entre amis. Il se recula puis sourit un peu plus. Le jeune homme regarda Alexei avant de dire:

-Tu es son copain ? Enchanté, je suis un vieil ami à la rousse. Vous savez quoi, je vais vous offrir les glaces gratuitement pour fêter ça ! Vous voulez les prendre à emporter ou ici ?

La jeune femme regarda son homme puis dit:

-A emporter, on fait une balade en amoureux.

Elle ne voulait pas lui imposer toutes ses connaissances, il faisait déjà des effort avec son père. Son vieil ami fit un clin d'oeil et retourna derrière le comptoir.

Emilie avait du mal pour l'instant à vraiment déterminer si c'était une bonne nouvelle. C'était vraiment toutes ses questions dans sa tête qui lui faisaient un blocage. Ce n'était pas une décision à prendre à la légère et là il venait surtout de la prendre au dépourvue. Son cerveau avait tout simplement disjoncté. Cela la gênait un peu de poser ce genre de question. Car là ou Alexei ne passait pas vraiment pas quatre chemins quand il était décidé de parler de quelque chose, ce n'était pas vraiment le cas de la rouquine qui essayait souvent d'arrondir les angles, d'être diplomate pour ne jamais vexer ou fâcher personne. Elle savait que ce n'était pas spécialement la meilleur option mais tant pis, c'était sa manière à elle de s'exprimer.

Elle exposa alors ses craintes à son petit-ami puis il lui répondit, disant que cette idée lui était venue après qu'elle aie emmené l'enfant au commissariat et il n'avait pas osé faire part de son idée vu qu'elle ne semblait pas le vouloir. Sérieusement ? C'était lui qui avait dit qu'ils ne pouvaient pas le garder ! Bon c'était pas vraiment le même sens mais il y avait eu encore là en cas flagrant où les deux pensaient que l'autre était contre. Et le côté peu démonstratif d'Alexei ne l'avait pas non plus idée.

-Je pensais que tu voulais pas toi, marmonna-t-elle comme une enfant boudeuse, détournant le regard.

Il continua alors de parler, disant qu'il ne voulait pas l'adopter pour se déculpabiliser et que le fait qu'il n'avait pas son sang n'était pour lui pas gênant. La demoiselle l'observait du coin de l'oeil. Mais avant qu'elle n'ai le temps de répondre, il eu la scène du glacier qui fit sourire la demoiselle. Retrouver des gens qu'elle connaissait...Quel bonheur ! D'ailleurs, heureusement que depuis le début ils n'avaient pas croisé Claire et que personne n'avait abordé le sujet... D'ailleurs pourquoi avait-elle l'impression que ce truc était une bombe à retardement ? Si cela se prouvait, tout se passerait bien, ils sont des adultes matures après tout ! La demoiselle commanda alors son parfum,  deux boules: cookie et citron. Le mélange n'était pas spécialement fou mais elle aimait bien ailier un parfum gourmand et un sorbet frais.

Pendant que l'homme faisait les glaces, Alexei lui demanda si sa réponse s’éclaircissait. C'est sûre, elle y voyait plus claire mais bien que l'idée d'avoir cet enfant, de pouvoir veiller sur lui et fonder une famille était excitante, il allait lui falloir un poil plus de temps, histoire de laisser sa paranoïa un peu s'effacer et qu'elle puisse correctement se rassurer, se renseigner. Mais elle préférait se montrer tout de même assez partante sur l'idée. De toute façon, il la connaissait, elle ne prenait pas des décisions spontanées.

-Tu sais ce qui serait bien alors ? Une maison en campagne.

Elle fit un petit clin d’œil. Ils n'avaient vraiment pas l'argent pour ça mais la vision de se voir dans un lieu comme ça, avec un enfant qui peut courir dehors...Faire un jardin ! Mais il devait se douter que c'était une petite plaisanterie fantasmée, elle était consciente qu'une maison en dehors des villes et un enfant en même temps serait galère financièrement parlant.

Emilie sentit les mains d'Alexei prendre ses cheveux pour les nouer avec un élastique dont elle ignorait la provenance pour lui faire un chignon. Elle aimait toujours qu'on lui touche les cheveux, c'était franchement agréable pour elle. Surtout que sentir sa peau se délester de toute cette masse capillaire fut d'un soulagement. Quand il eu finit, elle passa quand même une main dessus histoire d'être sûre qu'il n'avait pas fait de forme étrange puis lui sourit avant de lui donner un léger baiser. Le fils donna alors les glaces en souriant.

-En tout cas c'est super de te revoir. Ah, t'as mon numéro ? Tu restes combien de temps ? Il faut que je ramène les autres et qu'on se fasse un truc ! Boire un coup.
-Ce serait sympa mais...ils vont pas m'en vouloir....?..J'veux dire, tu vois quoi ?
-Nan (il rigola), on est passé à autre chose. Y'a que vous deux qui remuent encore le passé sans cesse. Mais on l'invitera pas, promis, dit-il en souriant
-Super merci, on verra ça plus tard alors.

La demoiselle lui fit un petit signe et accrocha le bras libre d'Alexei en souriant doucement, semblant finalement vraiment contente par tous les événements.  Elle goûta sa glace en observant Paris d'un air calme. Finalement elle demanda à son homme:

-Tu me fais goûter ?

Elle fit les petits yeux de chien assez malin. Elle était souvent en train de gratter un peu dans les assiettes des autres quand c'était différent de ce qu'elle avait. Alexei n'échappait pas à cette règle. Selon sa réponse, elle en prit une petite portion puis réfléchit quelques secondes:

-Je te remercie d'avoir parlé de ça, on est pas encore au top niveau communication (il rigole doucement) mais je sais que je peux compter sur toi. A priori, je suis pour cette adoption. Mais va falloir me laisser un poil de temps en plus histoire que je me renseigne bien...Ce que ça implique et tout le bazar.  

Au final, la jeune demoiselle se sentit pas mal soulagée et commençait à se régaler de la crème glacée qu'elle avait. Un glace, à Paris, avec son homme, tout semblait aller pour le mieux. Bon avec le programme qu'elle s'était faite, elle allait certainement avoir quelques épreuves mais elle préférait ne pas y penser pour l'instant. Après avoir remercié Alexei d'oser aborder les sujets délicats contrairement à elle, il en aborda un autre. Celui de Claire. En même temps, il n'était pas stupide, il pouvait très bien comprendre que le fils du glacier parlait d'elle. Mais ça fit bizarre pour la demoiselle d'entendre ces mots là. Il lui demanda si elle comptait la voir durant le voyage. De toute façon, elle ne comptait pas le lui cacher, juste lui dire un peu plus tard, quand ils seraient un peu plus tranquilles. Ne rien dire aurait été juste suspicieux pour rien. Mais ce qu'il en plus la surprit un peu: il ne l'interdirait pas d'y aller. Bon, dans tous les cas, il n'avait pas à l'empêcher de faire quoi que ce soit mais c'était très positif pour la jeune femme. Ils ne partaient pas d'un mauvais point du coup. Finalement il ajouta en plus que si elle était là durant la soirée proposée par son ami, ça ne le dérangeait pas. Puis il parla rapidement des potes qu'il aimerait visiter et qu'il ne fallait mieux pas qu'elle soit avec lui. La rouquine se demanda au fond comment on pouvait fréquenter des gens avec des idéaux bas comme ça. Peut-être pensait-elle comme ça car elle était une femme et que ça la touchait indirectement ? Certainement.

-Ouai je comptais revoir Claire. Je voulais t'en parler un peu plus tard.

Elle chercha un peu ses mots, toujours dans sa volonté d'arrondir le plus possible les angles.

-Ce qu'elle a fait en Angleterre...C'était pas cool, même totalement dégueulasse. Mais c'était pas une façon de me reconquérir. Elle voulait se venger et tenter de briser ce que j'avais commencé à construire avec toi. Je suis même pas sûre qu'elle avait un plan en arrivant. Elle a du me voir passer et a du penser que c'était la meilleure façon pour arriver à ses fins.

La demoiselle goûta de nouveau à sa glace d'un air un peu pensif, s'accrochant toujours bien au bras de son homme.

-Mais entre elle et moi, c'est moi qui ai vraiment merdé. C'est moi qui est partit sans rien dire à personne, qui a fui alors qu'avant d'être ma copine, elle a surtout été une amie qui m'a toujours aidé avec ma mère...Enfin bref. Je suis fautive. Avant toi, je ne comprenais pas les responsabilités qu'on avait à l’égard des autres.

Elle soupira.

-Je vivais au jour le jour, comme si y'avait jamais de conséquence. Et j'ai eu aucun regret quand je suis partit tellement que j'étais dans mon monde. Donc c'est pas elle la connasse. Dans cet optique, c'est moi.

Emilie rigola un peu jaune. Elle n'avait jamais pu détailler la complexité de sa relation avec Claire, ayant peur de la jalousie d'Alexei. Mais maintenant qu'ils s'étaient promis un avenir ensemble, elle supposait qu'elle pouvait s'exprimer là dessus.

-Sa colère était normale bien que maladroite. Et tu vois, je veux m'excuser, réparer et me justifier mais si ça ne pardonnera rien. Je lui ai fais du mal, je peux pas faire ma vie avec l'idée que quelqu'un me hais tu vois ?

Un peu ailleurs, elle apporta la glace à sa lèvre mais visa mal. Celle-ci atterrit sur le bout de son nez. Elle jura en rigola doucement puis essuya du revers de sa main.

-Mais je veux pas la voir si on fait une soirée, l'ambiance sera vite malsaine avec les autres. Je préfère la trouver ailleurs.

Emilie regarda au loin, elle voyait un bout de la tour Eiffel dépasser un peu. Elle sourit en continuant sa dégustation.

-On pourrait faire quoi après ?