Back in the pool [Rp Solo]

Nick plia et déplia son bras en se mordant la lèvre. Ça faisait un moment qu'il n'avait pas eu mal. Bien sûr, quand il forçait vraiment trop, généralement quand il ne se sentait pas très bien et qu'il se laissait emporter dans l'exercice, ça arrivait que ça le tiraille un peu, mais on était loin de la douleur qu'il avait ressentie dans son adolescence et qui l'avait forcé à arrêter. Non, celle-là avait disparu depuis longtemps. S'il arrivait à porter Jun avec une telle facilité, sans compter tous les entraînement où il n'avait plus eu mal depuis longtemps, c'était que quelque chose avait changé. Il serra et desserra le poing, pensif. Ça faisait un moment qu'il y réfléchissait. Il n'en avait parlé ni à Jun, ni à Ellia, ni à qui que ce soit, à part à Rihei qui lui avait mis cette idée en tête avec une simple petite question. "Est-ce que tu as toujours trop mal pour m'apprendre ?"

L'idée que Rihei ait récupéré sa passion de l'eau était une chose, celle qu'il veuille essayer le même sport que son père en était une autre. Avec une inspiration maladroite, Nick effleura du bout des doigts les médailles accrochées sur le mur de sa chambre. Est-ce qu'il avait toujours trop mal ? Beaucoup de sportifs avaient des blessures bien pire que les siennes mais parvenaient à reprendre. On lui avait assuré que c'était impossible pour lui, et pourtant il sentait son coude répondre plus naturellement à ses sollicitations. Jun aussi avait cru que son avenir lui avait définitivement échappé, mais il remontait sur scène, et sa voix était plus envoûtante que jamais.
Il secoua la tête avant de se laisser emporter par son imagination. Même penser à sa voix, en ce moment, le rendait un peu trop fébrile pour qu'il puisse se permettre de l'imaginer trop longtemps.

Est-ce que tu as toujours trop mal ? Il posa sa paume sur le mur, pensif. S'appuya sur la paroi en pliant le coude. Rien. Même pas un tiraillement, même pas un fourmillement. Quelques années plus tôt, il n'aurait même pas été capable d'initier le mouvement. Il n'avait plus aussi mal.
Il n'avait pas tout perdu.

La réalisation lui donna le vertige et il recula pour se laisser tomber sur le lit, prendre sa tête dans ses mains. Est-ce que c'était vraiment possible ? Imaginable ? Envisageable ? Il avait peur de se permettre de rêver pour se prendre un mur avant d'avoir fait quelques pas. Mais il avait aussi cru avoir perdu Jun pour toujours et maintenant, il pouvait le voir, l'embrasser, le prendre dans ses bras, entendre sa voix, se perdre dans son regard autant qu'il le désirait, et il savait au fond de son cœur que jamais il ne le perdrait. S'il avait pu reprendre un de ses rêves et le garder avec lui pour toujours, pourquoi pas l'autre ?

Chancelant un peu, il se releva pour aller se passer de l'eau sur le visage, referma le poing sur les lunettes de natation posées sur le bord du lavabo, releva les yeux vers son reflet. Peut-être que le monde ne lui avait pas véritablement fermé toute place. Il devait y avoir des clubs à Londres, ils avaient un fleuve, ils avaient une équipe, ils trouveraient bien sa place. Restait à savoir si les souvenirs de son adolescence seraient assez marquant pour qu'on le laisse reprendre l'aviron en compétition, ou s'il allait devoir se battre pour récupérer le statut qui lui avait été arraché. La différence serait minime : il n'avait plus touché de rames depuis longtemps, mais il avait toujours assez de force et de technique pour se hisser sur le podium comme il l'avait fait plusieurs fois. Il avait grandi, aussi. Sa force d'adolescent n'était rien face à celle qu'il avait maintenant.

Sortant de sa salle de bain, Nick enfila un t-shirt et une paire de basket en plus du jogging dans lequel il avait passé son début de journée et quitta son appartement, téléphone en main pour faire des recherches. Il trouva sans difficulté ce qu'il cherchait, programma son gps. Il y en avait un à même pas trente minutes à pieds, il pouvait y aller en courant, ça lui ferait de l'exercice pour la journée au passage. Quand il arriva sur place, il hésita une dernière fois, la main paralysée sur la poignée de la porte. Toutes les angoisses de son adolescence, le poids de sa dépression, de sa résignation, du deuil de ses rêve, vinrent subitement peser sur ses épaules et il se crispa. Et si c'était juste une accalmie passagère ? Et s'il devait à nouveau abandonner d'ici quelques mois, d'ici un an, d'ici moins que ça ?

Quelqu'un, en sortant du bâtiment, le tira au passage de ses pensées compliquées et Nick tressaillit en se décalant pour le laisser passer. Il ne pouvait pas se laisser entraîner encore dans cette spirale, pas emprunter cette pente. Il devait essayer. N'était-ce pas ce qu'il répétait à ceux qu'il entraînait ? C'est si on ne tente pas sa chance qu'on est sûr d'échouer. Si Jun avait pu retrouver toute sa gloire alors qu'un an avant de remonter sur scène, il était effondré avec la certitude d'avoir perdu la totalité de son existence, c'était que cette phrase avait du vrai. Il ne pourrait pas retrouver ce qu'il avait perdu s'il faisait demi-tour maintenant.
Avec une inspiration, Nick poussa la porte et entra dans le bâtiment.
Il ne se laisserait pas tout arracher une deuxième fois.