Robin Bardel

Prélude
Le début de la vie de Robin, ce sont deux histoires qui s'entremêlent sans se ressembler le moins du monde. D'un côté, on trouve Cassie Stewart et Roy Parson, un couple de dix-huit ans en première année d'université qui voient le début des études perturbé par l'arrivé d'une grossesse imprévue. Malgré des doutes et quelques angoisses, ils décident de garder l'enfant et de l'élever.
De l'autre, Ellen et Scott Bardel, vingt-sept ans, renoncent à la possibilité de concevoir suite au diagnostic d'Ellen, atteinte d'une source de VIH pouvant être passée directement de la mère à l'enfant. Ils entreprennent des procédures d'adoption.

Un an plus tard, dépassés par l'aggravation de la schizophrénie de Roy, l'éducation de leur enfant, leurs études et leur travail, Cassie et Roy décident à contrecœur de se séparer de leur fils, Calvin. Ils contactent une agence d'adoption qui les met en contact avec la famille Bardel, en recherche d'un enfant, pour une adoption ouverte avec possibilité de visite une fois par mois. C'est ainsi que l'enfant change de famille et de nom pour devenir Robin Bardel.


Vie familiale
Pendant les deux premières années de sa nouvelle vie, Robin était en contact récurrent avec ses parents biologiques, jusqu'à l'incident avec Roy. Lors d'une crise, il s'en prit à son fils, qui se retrouva à l'hôpital suite à un coup sur la tête. Heureusement, il en est ressorti sans séquelles, mais ce fut la dernière fois qu'il vit son père biologique. Quant à Cassie, elle déménagea deux ans plus tard. Elle prend toujours des nouvelles de lui par téléphone mais il ne l'a plus revue en personne depuis son cinquième anniversaire. Ca ne l'empêche pas de s'entendre relativement bien avec elle, bien qu'il soit naturellement plus proche d'Ellen.

Fils unique du côté biologique comme adoptif, Robin a grandi avec comme compagnes de jeu ses cousines, Mya et Ana. Filles de la sœur de son père, elles sont nées d'une relation secrète. Leur mère, Daniella, voyait un homme marié sans le savoir et, lorsqu'elle est tombée enceinte, celui-ci a préféré mettre fin à leur liaison plutôt que de devoir l'avouer à sa femme. Amère mais pas rancunière, Daniella n'a jamais cherché à faire éclater la vérité, et s'est contentée d'élever ses jumelles sans chercher à leur trouver de nouveau père. À ce jour, elle est toujours célibataire, et semble déterminée à le rester toute sa vie. Elle a transmis à ses filles une méfiance envers les relations sentimentales qui les suit toujours aujourd'hui. Âgées de dix-huit ans, aucune des deux ne s'est jamais essayée à une relation de couple, et elles sont chacune concentrée sur leurs centre d'intérêts, loin de l'amour et de ses déboires.

Pendant de nombreuses années, Mya et Ana ont été ses seules amies. Timide et avec certaines difficultés à se rapprocher des gens, Robin n'a pas essayé plus que ça d'étendre son cercle relationnel au-delà de sa famille. Lorsqu'il était malade, il était gardé par sa grand-mère. Le midi, il allait manger avec son père, qui travaillait à une dizaine de minutes à pieds de l'école et venait le chercher pour des pique-niques divers et variés qui les ont énormément rapprochés. Très talentueux pour la cuisine, Scott a longtemps essayé de transmettre la flamme à son fils, et son succès a été mitigé. Robin n'a clairement pas récupéré sa passion, mais il s'y intéresse malgré tout parfois.

Autant dire que sa vie de famille était et est toujours un modèle de calme. Paisible, le clan Bardel est de ceux qui reste uni sans forcément toujours tendre la main vers l'extérieur. "Comme des blocs de légos accrochés les uns aux autres dans un pays de playmobiles", tel que les décrivait Mya.


Vie scolaire
À l'école, Robin a toujours été le gamin calme qui reste dans son coin et n'embête personne. Avec sa pâte à modeler ou toutes les choses équivalentes qu'on pouvait lui mettre entre les mains, il oubliait ce qui l'entourait et s'enfuyait dans un monde issu de son imagination où nul autre que lui n'avait l'autorisation de s'immiscer. Beaucoup d'enseignants s'inquiétaient de ce comportement solitaire, d'autre prétendaient qu'il deviendrait écrivain ou réalisateur. Mais ça n'a jamais été sa place.

Le ateliers d'halloween étaient les seuls moments où l'enfant qu'il était semblait se socialiser un peu plus. Il se mêlait aux autres et s'amusait à créer des déguisements improbables, qui faisaient de lui cet étrange gamin populaire uniquement à une période précise de l'année. Ça lui convenait bien : il préférait, de toute manière, la solitude de ses créations, et sa vie sociale se faisait entièrement loin des murs de l'école.

Ça a changé au début de son adolescence. Après avoir quitté la primaire, Robin est entré dans une école secondaire nettement moins tolérante. Camarades comme professeurs faisaient peser sur lui une pression qu'il n'avait encore jamais ressentie, celle d'être normal et de se fondre dans la masse, celle de se faire des amis sans trop s'y attacher, celle de commencer à se comporter "comme un homme". Son comportement solitaire et empathique lui valait des regards chargés de jugement. Et même si les moqueries de ses camarades ont sans aucun doute pesé dans la balance, ce sont celles de ses professeurs qui ont remodelé sa personnalité. Des commentaires quand il ne souriait pas ou laissait afficher une émotion de façon trop concrètes, des remarques méprisantes quand il aidait les filles de sa classe à parfaire leur maquillage, fort de son expérience familiale et de son talent pour le déguisement, ces petits mots simples et pourtant si destructeurs quand son malaise à parler en public ressortait de façon trop visible. Arrête de jouer avec du maquillage, arrête de te comporter comme un enfant, ne fait pas ta chochotte, grandis un peu, t'es un ado ou une fillette ? Et à force, il a associé les émotions à la faiblesse, à la puérilité, et les a rangées dans un coin de sa tête, sans intention de les laisser un jour reprendre sa place.

Cependant, malgré toutes les remarques de ses camarades et de ses enseignants, il n'a jamais abandonné son goût pour les effets spéciaux. Fan de films qui ne ratait jamais une occasion pour aller au cinéma, il s'est très vite rapproché des filles de son école pour leur apprendre le maquillage, ce qui faisait de lui un mec assez populaire pour s'attirer de la jalousie. Les remarques désobligeantes quittèrent le camp des professeurs pour passer dans celui des élèves. On l'accusait de draguer toutes celles qui passaient à sa portée, ce qu'il finit par cesser de nier auprès des garçons pour ne le faire qu'auprès des filles en question, d'autant plus lorsqu'il se rendit compte que ce genre de réputation ressortait de façon plus positive que celle qu'il avait avant.

Robin n'a jamais été spécialement bon élève. Gamin moyen qui s'en sortait comme il pouvait, il a failli redoubler à plusieurs reprises et ne s'en est sorti qu'en bossant comme un malade sur les derniers mois pour relever ses notes. Il est entré à Indarë pendant les cours d'été de l'année 2020, après avoir convaincu facilement ses parents de l'envoyer dans le programme Gifted. Le test d'aptitude pour y être accepté a été la période la plus stressante de sa vie, et la lettre qui l'informait de son entrée officielle, son meilleur souvenir à ce jour.


Vie sentimentale
Les sentiments sont une chose qu'il préfère ne pas exprimer. Plusieurs fois, il s'est engagé dans des petites histoires qui n'ont jamais duré bien longtemps : dès qu'on le taquinait sur le sujet, sa tendance à se renfermer et a préféré jouer les durs plutôt que d'admettre qu'il s'attachait à quelqu'un y coupait court.

Au début du secondaire, c'était un garçon assez populaire. Les filles lui tournaient autour et tout le monde supposaient qu'elles s'intéressaient à lui. De son côté, il n'en avait pas la moindre idée : à ses yeux, elles étaient toutes des amies, et aucune ne l'intéressait spécialement plus qu'une autre. Il est malgré tout sorti avec deux d'entres elles, mais ce furent des relations si courtes que peu de personnes les qualifient encore comme telles.

C'est pendant la seconde qu'il s'est persuadé d'être anormal. Sa petite amie, d'un an plus âgée que lui, n'a eu besoin que de ces deux semaines pour écorcher son ego. Parce qu'elle aimait le contact physique, qu'elle voulait du contact physique, et que l'idée d'aller plus loin que des baisers lui donnait, à lui, une vague sensation de nausée. "Tous les mecs sont intéressés par ça, il doit y avoir quelque chose qui cloche chez toi". "Quoi, t'as jamais envie ? C'est parce que tu m'aimes pas, en fait ?". Leur relation a pris fin rapidement, mais pas la rumeur qui en a découlé. Très vite, Robin a compris que ne pas être intéressé par ça, à son âge, n'était pas quelque chose de normal. Alors il a commencé à se renseigner dans son coin, à se rebuter davantage, pour pouvoir mentir. Ça n'a fait que convaincre la fille en question qu'il ne l'aimait pas vraiment et que c'était la raison pour laquelle il n'avait jamais rien fait avec elle, mais il s'en fichait : au moins, la rumeur s'était arrêtée.

Il n'a pas voulu refaire la même erreur avec la fille qu'il a rencontrée en arrivant à Indarë. Pendant l'été, il a commencé une relation brève avec une élève de l'IRS, à qui il a caché cette part de lui. Il comptait sur les règles de l'internat pour qu'elle ne lui pose jamais la question, qu'elle ne lui propose pas.

Ce n'est pas ça qui a brisé leur couple, mais un mélange savamment dosé d'émotions contradictoire. Pour Robin, les beaux yeux bleus d'un camarade de classe, finalement transféré à la fin de l'été et qu'il n'a jamais revu. Pour elle, les effets de la jalousie associés à sa dépression. Leur relation s'est détériorée jusqu'à ce qu'elle menace de se suicider s'il ne coupait pas les ponts avec ce garçon, et avec tous ceux qui le regardaient ou qu'il regardait pendant une seconde de trop. Effrayé par son comportement, il est allé directement parler au psy qui s'occupait d'elle pour ne pas avoir à la rejeter en face, de peur qu'elle ne s'en prenne à lui ou à elle-même. Depuis, il évite soigneusement l'IRS, traumatisé par cette expérience.