[2020][PNJ] Dans le monde des grands (Alya-Rihei)

Premier jour d’école, Alya est prête, son petit cartable sur le dos à attendre sa nouvelle maman. Elle est silencieuse, son expression du visage éteinte, comme d’habitude.
Sa maman est pressée, elle semble aussi stressée. Parfois elle est triste. Elle parle de son nouveau grand-frère, souvent. Ça fait un moment qu’il n’a pas donné de nouvelles. Alya ne comprend pas vraiment.
Sa maman arrive rapidement avec toutes ses affaires, prend sa main, et l’amène à la voiture. Silencieuse, la petite se laisse installer, et elles sont parties pour l’école.

Quand elles arrivent, sa maman est toujours pressée. Elle doit vite partir pour le travail. Elle se met à sa hauteur et lui sourit. Elle embrasse sa joue, lui dit d’être sage, d’essayer de se faire des amis. Puis après un dernier bisou, s’en va, la laissant seule, et silencieuse.
Une maîtresse s’approche avec un sourire rassurant et se baisse à son tour. Alya, elle, la regarde sans rien dire, sans laisser transparaitre une émotion.

- Bonjour Alya. Tu viens avec moi ? On va aller dans la classe.

Elle lui tend la main, et la petite de 6 ans la regarde. Après un instant sans rien faire, elle prend timidement cette main tendue, et suit la maîtresse dans sa salle de classe. Maman est partie. Elle est seule maintenant…

Elle est installée à une table à sa taille. Les mains posées sur ses genoux, assise et silencieuse, elle attend. Elle ne sait pas vraiment ce qu’elle attend mais elle le fait. Sa maman lui a dit de ses faire des amis, mais elle ne sait pas comment faire. Elle n’a pas envie de parler… C’est presque comme si elle ne savait plus. Si elle parle, elle pourrait se faire taper…
Une maitresse approche et Alya continue de regarder ses petits doigts recroquevillés autour du tissu de sa jupe. Elle sent que quelqu’un s’assoit à côté d’elle mais elle ne le regarde pas. C’est quand elle entend sa voix qu’elle lève ses yeux marrons vers lui.

C’est un petit garçon. Il a les cheveux et les yeux...noirs… Lui aussi il a l’air de se sentir bizarre. C’est bizarre ici… c'est vrai. Il s’appelle Rihei. C’est bizarre comme nom. Elle n’en a jamais entendu qui sonne comme ça. Elle hoche timidement la tête, lui répondant silencieusement. Elle ne lui donne pas son nom. Elle ne veut pas parler. Ça ne sert à rien de parler. Il pourrait vouloir la frapper, et elle ne veut pas. Maman dit qu’elle ne risque rien, mais elle n’est pas sûre. Alors elle ne dit rien, et baisse les yeux sur ses mains.

Il continue de lui parler et ses mains se resserrent sur sa jupe pendant qu’elle détourne le regard encore plus. Il lui demande si elle ne peut pas parler… Pourquoi il demande ça ? Est-ce qu’il va la taper si elle ne parle pas ? Est-ce que c’est l’inverse cette fois ? Elle mordille sa langue, hésitante. Pourquoi maman n’est pas là ? Elle veut pas se débrouiller toute seule… Ça fait peur…
Maintenant il demande si elle a un prénom… et timidement, elle tourne la tête vers lui, le regardant. Est-ce qu’elle doit parler ? Est-ce qu’elle peut ?

Elle hoche la tête rapidement, ses doigts se resserrant encore. Ses yeux se posent de nouveau sur ses petits doigts qui deviennent tous blancs. Son cœur bat tout vite ! Elle ne sait pas quoi faire. Les larmes menacent et elle se mord plus fort. Il faut pas ! Il faut pas pleurer ! Si elle pleure les autres vont se moquer. Alors elle se bat… de toutes ses forces. Elle veut rentrer à la maison… C’est bizarre ici. C’est mieux près de maman…

Les larmes finissent par lui échapper et elle renifle, prise de petits hoquets de tristesse, mêlée au stress et à la peur de l’inconnu, gardant les yeux rivés sur ses mains.

Elle n’arrive pas à retenir ses larmes. Elle veut rentrer à la maison. C’était pas une bonne idée. L’école ça fait trop peur. Il y a trop de gens. Et les gens font peur. Reniflant, ses petits poings viennent essuyer ses larmes qui ne s’arrêtent pas. Les hoquets de tristesse continuent de secouer ses frêles épaules et elle ne remarque pas le petit garçon dessiner.
C’est quand elle entend la feuille de papier glisser vers elle qu’elle ouvre les yeux en reniflant. Et quand elle voit le poisson, et écarquille les yeux de surprise.

- C'est un poisson. Comme ça l'eau dans tes yeux lui fera une maison.

L’eau dans ses yeux ? Une larme tombe sur la tête du poisson et elle cligne ses petits yeux mouillés. Elle comprend. L’eau est la maison des poissons. Et…Il est mignon. Elle a arrêté de pleurer. Quand elle tourne la tête pour regarder le garçon, et qu’elle voit son sourire, un très léger apparait sur son visage. Il est gentil. Il… Il fait moins peur. Il s’appelle Rihei. Il l’a dit. Rihei n’est pas effrayant. Il lui a fait un beau dessin. Ses doigts viennent tracer les lignes alors qu’elle renifle encore un peu, regardant le dessin et souriant très discrètement, avant de murmurer, hésitante.

- …Il est joli…

Il a dit qu’il lui manque un nom. Un nom pour le poisson. Elle lève les yeux vers lui, attendant qu’il dise autre chose. Elle n’a pas d’idée de nom. Elle n’a jamais nommé de poisson. Qu’est-ce qu’on pourrait donner comme nom à un poisson ? Elle n’en sait rien.

- Un… nom ?

Elle l’interroge timidement du regard avant de poser les yeux sur le petit poisson mouillé par ses pleurs. Comment tu veux t’appeler ? Elle attend. Elle attend qu’il lui réponde. M. Poisson ? On a besoin de votre avis… Comment vous vous appelez ?
Délicatement, ses mains viennent sécher ses larmes alors qu’elle réfléchit fort à un nom. Elle veut un nom mignon. Parce que le poisson est mignon. Mais elle ne sait pas… Elle ne connait pas de nom mignon… Il n’y en a qu’un qui lui vient. Ce n’est pas un nom mignon mais… c’est le seul auquel elle pense.

- Monsieur Poisson.

Sa voix est toute petite, peu assurée. Elle n’est pas sûre que ce soit un bon nom. Peut-être qu’il ne va pas l’aimer. Oui, c’est sûr. Il va le trouver nul et la taper. À cette pensée, elle se recroqueville, regrettant instantanément d’avoir proposé ce nom. C’est sûr qu’il va en trouver un mieux. Le sien est nul. Elle n’ose pas dire un mot de plus. Monsieur Poisson, c’est nuuuul.