[2020] Comme c'est mignon

Codage par Libella sur Graphiorum

Comme c'est mignon

Quand je parle de malchance, je ne parle pas du petit incident qui peut arriver à tout le monde, même en file indienne. Non, lorsque je parle de malchance, je prends en exemple le fait que certaines situations se trouvent à m'être obligatoirement dédiées. Je ne sais pas pourquoi, j'attise ce que certains appellent le "karma" ou alors j'attire plus communément les problèmes. C'est peut-être ma tête qui fait cet effet ou mon caractère un peu trop trempé qui finit par me renvoyer en pleine figure toutes les atrocités que je peux dire ou toutes les infâmies qu'il m'arrive de prononcer.

L'heure du déjeuner a sonné. Un moment qui, avec le temps, s'est véritablement transformé en détente. S'il y a de cela maintenant un an, j'essayais par absolument tous les moyens de fuir le contact avec les autres élèves et enseignants, cette année porte bien son surnom de "changement". Désormais, je ne tente plus d'y échapper en sortant en douce pour aller en ville me balader en tête-à-tête avec mes pensées ainsi que la continuelle culture de la haine et de la colère ou en m'enfermant à double-tour dans ma chambre.

Attention, je n'irais pas non plus jusqu'à dire que je fais ami-ami avec tout le monde, ne mélangeons pas ouverture aux autres et hypocrisie, mais il m'arrive par exemple de partager ce moment avec Roxy ou parfois avec Jesse, lorsqu'il ne me tape pas sur les nerfs et qu'il calme ses ardeurs d'adolescent dont les hormones sont en pleine ébullition.

Cependant, aujourd'hui, il y a une exception à la règle, étant donné que ni Roxanna, ni Jesse ne sont présents au réfectoire, me retrouvant ainsi, pour une fois depuis longtemps, livré à moi-même. Ce n'est pas quelque chose qui me rebute, bien au contraire. Je vais pour une fois pouvoir me perdre dans mon imagination, potentiellement penser à la création de nouveaux modèles ou encore à ressasser un certain passé sur lequel je me permets de poser quelques regrets.

Ma faim ne se fait pas grandement ressentir à l'heure actuelle, mais il est hors de question que je demeure le ventre vide alors je me saisis d'un fruit que je paie à la caisse du réfectoire pour ensuite partir à la recherche, du coin de l'œil, d'une table libre et assez isolée du reste du monde. Ce n'est pas parce que la présence de ces enfants ne me donne plus d'urticaire que j'ai pour autant envie de me mêler au troupeau, surtout dans pas en ces temps psychologiquement troubles. La fin d'année scolaire approche plus rapidement qu'elle n'en a l'air, vu que nous sommes déjà en avril, et la question du futur, que ce soit en matière d'études ou de travail, me démange pas mal.

Moi qui ne fais pourtant pas souvent transparaître mes faiblesses comme une certaine sensibilité et un certain nombre d'angoisses, il y a un moment où ces dernières se doivent de sortir et de s'exprimer, et ce par n'importe quel moyen.

D'abord attablé une première fois dans mon coin, j'ai la tête posée sur mon poing tandis que je croque dans la pomme que je viens de me procurer et que je pense à tant de choses. Durant plusieurs longues minutes, je me perds dans mes pensées, un peu déboussolé par certains échos du passé qui ne font que me faire m'arrêter sur une seule et unique personne : Dan Maxwell. Les yeux fixant le vide, je me rends de plus en plus compte à quel point ce garçon, tout comme notre couple, me manquent. Ses bras qui encerclent ma taille pour me soulever, ses lèvres qui se perdent sur mon visage, contre les miennes ou dans mon cou et ses mots aussi sincères que puissants perçant à jour mon cœur ainsi que tous les secrets qu'il renferme. Depuis notre séparation, un grand vide s'est créé dans ma vie. Un vide presque aussi douloureux que lorsque l'on m'a arraché à ma terre natale pour venir vivre ici, en Angleterre.

Après ces longues minutes de réflexion et de remémorations des souvenirs, je me rends compte que j'ai oublié de prendre de l'eau. Tout en laissant mon sac à la place à laquelle je suis installé, je ne prends que mon porte-monnaie pour me diriger vers la file d'attente afin de repasser acheter ma boisson. Seulement, c'est à cet instant précis que tout vacille. Une silhouette que j'ai remarquée et qui, je pensais, m'avais aussi repéré s'écarte de l'endroit où les personnes paient pour me rentrer dedans, renversant donc une partie de son plateau sur moi.

Sur le moment même, je ne réagis pas vraiment, mais c'est lorsque l'auteur de cet acte se met à s'excuser et à se munir de mouchoirs pour m'essuyer la tête et les épaules que je réalise qu'il vient de juste de véritablement me tremper de la tête au torse. Un instant, j'hésite grandement à l'envoyer paître avec mon tact si bien connu, mais je me retiens dans une simple exclamation un peu agacée.

- Oula ! Je pensais que tu m'avais vu arrivé... mais visiblement non...

Juste après cette première prise de parole, je relève la tête, haut, assez haut pour que mon menton se mette doucement à pointer vers le ciel et me rends compte qu'il s'agit d'un enseignant et que je viens de le tutoyer. Oups. Boh et puis merde, il a l'air d'avoir une bonne tête et puis vu la façon dont il s'est empressé de me toucher la tête et les épaules sans réellement se soucier de la distanciation élève/professeur, je doute qu'il me fasse une crise d'avoir omis une formule de politesse.

Alors qu'il me tend son paquet de mouchoir afin que je puisse terminer le travail commencer, il soulève le fait qu'il ne m'ait jamais aperçu dans l'école et encore moins au cours de musique, ce qui n'est pas bien étonnant vu que je n'y suis pas inscrit. Je secoue donc la tête en guise de négation tout en extirpant déjà un mouchoir que je passe sur mon visage et dans mon cou. C'en est d'ailleurs plus qu'irréaliste que je ne sois pas plus énervé que ça. Peut-être que le charme naturel de cet homme plutôt beau gosse annihile doucement la montée de la colère ?

- Effectivement, il y a une première fois à tout, comme de se faire asperger par l'eau d'un prof qu'on ne connaît pas. Et, vous avez raison, je ne fais pas partie du cours de musique. Je suis inscrit en couture.

En concluant ma phrase que je passe presque automatiquement au vouvoiement, je lui décroche un beau sourire en plissant momentanément les yeux, puis je viens me gratter l'arrière de la nuque tout en lui proposant quelque chose d'assez fou, glissé dans une question pour le moins indiscrète.

- Vous mangez avec les élèves ? Si vous voulez, j'ai une place assez tranquille dans ce coin-là, dis-je tout en lui pointant ma place au loin. Enfin, votre déjeuner semble pas mal foutu après ce choc. Si vous voulez, je dois me prendre de l'eau donc on pourrait peut-être faire la queue ensemble, qu'en dites-vous ?

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Comme c'est mignon

La conversation avance, continue, je dirais même qu'elle bat son plein tandis que cette dernière semble prendre une tournure à laquelle je ne m'attendais pas. Bourrée de sous-entendus, de sourires en tous genres, je me rends compte qu'il se passe quelque chose d'étrange entre cet homme, qui m'a confirmé être un enseignant en musique en me posant la question si j'en faisais partie, et moi qui ne suis qu'un simple élève. Enfin "simple", c'est un bien grand mot. S'il savait toutes les conneries que j'avais faites l'année passée, il me corrigerait certainement sur l'emploi de cet adjectif.

Mais bref, là n'est pas la question, ni le centre de mon intérêt, pour tout vous dire. Non, ce qui m'intrigue et à la fois excite mon petit côté rebelle ainsi que briseur de règles pour en cet instant présent, c'est cette étonnante conversation que nous entretenons tous les deux. Ses mots... arrivent à mes oreilles comme une sorte d'invitation indirecte, une invitation à le suivre dans cet échange au sein duquel des messages subliminaux véhiculent aisément sans que personne, aux alentours, ne puisse soupçonner le fond de leur signification. Quoique... ça n'est pas foncièrement discret. En même temps, est-ce que le manque de discrétion m'a déjà causé quelconque tord ou embarrassé ? Pas le moins du monde.

Nous nous remettons dans la file d'attente, le sourire aux lèvres en réaction à ce qu'il vient d'être dit. "On peut faire la queue si tu veux, je serai derrière toi, j'ai pas l'habitude d'être devant". Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il ne fait pas uniquement allusion à sa réelle préférence de positionnement au sein d'une file d'attente, n'est-ce-pas ? A moins que je me fasse des idées et que je finisse par passer pour plus pervers que je ne le pensais jusqu'à présent. Ça serait tout de même le comble de l'ironie, un accro aux allusions sexuelles qui n'a jamais rien fait, même avec son propre corps.

En réaction à cette pensée, je ris discrètement, me retournant finalement vers lui. Un instant, je le regarde sans un mot et je ne peux m'empêcher de remarquer son style vestimentaire, qui ne me laisse, pour ainsi dire, pas indifférent. C'est peut-être ma mauvaise manie de créateur de mode qui revient à la charge, mais j'estime que l'apparence se lit et transmet des messages à travers les vêtements que les personnes portent. Quelqu'un a beau avoir une personnalité haute en couleurs et déployer ses plus beaux atouts physiques, si ce dernier s'habille comme un sac, il y a fort à parier que le manque de goût et de style risque de nullifier l'attraction qu'il aurait pu émettre envers les autres. Enfin, en tout cas envers moi. Or ici, tout semble cohérent ainsi que très alléchant. Il est grand, très grand, même, possède une belle gueule délicieusement décorée d'une barbe, dont il a l'air de prendre le plus grand soin, alors que les vêtements qu'il porte aujourd'hui, dont cette veste en cuir, ont de quoi mettre en valeur un corps n'étant ni trop, ni trop peu ce qu'il est censé être.

- Tant mieux... je n'ai pas l'habitude d'être à l'arrière...

Réalisant les paroles que je suis en train de prononcer, je ris à nouveau, me raclant la gorge juste après ça tout en revenant sur ce qu'il m'a dit et sur ce que je pense de lui, après avoir quelque peu zieuté son apparence générale. D'ailleurs, j'en profite pour lui glisser une petite remarque sur le qualificatif qu'il vient d'employer en m'ayant rattaché à celui-ci. Un mot que l'on peut potentiellement rattacher à presque n'importe qui sur cette planète, sauf à moi.

- En tout cas, j'adore votre style ! Et, juste comme ça... je ne suis pas mignon.

Le ton employé n'est pas sec, ni froid, il est simplement... sérieux, peut-être même légèrement joueur puisqu'après tout, nous sommes en train de jouer, pas vrai ? J'espère ne pas avoir cassé l'ambiance avec ça, mais cet homme ne m'a pas l'air pourvu d'une grande susceptibilité, contrairement à d'autres. D'ailleurs, le sourire qu'il emploie, en reprenant la parole, me confirme bel et bien qu'il ne semble pas avoir mal interprété mon commentaire.

La conversation continue et voilà que des présentations officielles se produisent, comprenant donc qu'il s'appelle Dwayne Marshall. Intéressant. Le plus intéressant est qu'il insiste sur le fait qu'en dehors des cours, il semble préférer un tutoiement et une appellation par son prénom, et non pas par son nom de famille. Je souris à nouveau, hochant doucement la tête afin de lui faire comprendre que le message a bien été saisi, ce après quoi je lui révèle mon identité.

- Enchanté, Dwayne Marshall. Moi, c'est Timaé Amber.

Ne sachant trop comment réagir, que ce soit par un hochement de tête ou une poignée de main, je ne fais pas grand-chose, vérifiant tout de même du coin de l'œil l'avancée de la file, histoire de ne pas créer d'embouteillages qui déboucheraient sur une colère des élèves encore en attente.

Cependant, muni d'un sourire un peu charmeur, je penche la tête sur le côté tout en relevant le regard vers le sien, m'amusant quelque peu à titiller ce que je crois être un nouveau partenaire de jeu.

- Et donc, en termes de surnoms... ? Tu avais des idées ? Ou je me trompe ?

L'intonation qui est mise dans ma voix et celle d'un jeune homme désireux de s'amuser, de tenter les limites et de braver les interdits, un peu comme une sorte de défi ou de pari au sein duquel je me permets de voir jusqu'où serait capable d'aller celui qui me fait face.

Alors... bluff ou sincérité ?

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Comme c'est mignon

Bon, je l'avoue, je le taquine grandement. En même temps, cet homme possède absolument tout pour me faire tourner la tête, que ce soit physiquement, en termes de style ou par le biais de son attitude. Et qui pourrait nous interdire d'un peu jouer ensemble ? Tant d'institutions ou de figures d'autorité au sein même de l'école... mais c'est justement ce qui rend nos échanges d'autant plus gorgés d'adrénaline ! Et je ne sais pas si c'est son cas, ou si ça l'a un jour été, mais personnellement, je m'amuse à briser les codes et les règles, que ce soit par pur plaisir ou par simple rejet de ce que je juge trop sévère, voire dépourvue de logique.

Je continue de l'observer, perdant un peu plus la discrétion que je m'essayais, jusqu'alors, de tenir afin de ne pas paraître trop dévergondé, simplement parce que je ne parviens plus à garder mon sang-froid face à ce professeur, qui m'a clairement tapé dans l'œil. Et si je ne me trompe pas, je ne pense pas non plus le laisser indifférent, au vu des paroles que nous échangeons depuis qu'il m'a sauvagement aspergé le haut du torse et que nous avons engagé la conversation.

Il me reprend sur le fait que je ne me juge pas mignon, me précisant que ça n'est pas à moi de décider de ce genre de choses. Ses paroles me font sourire, me flattent légèrement, mais font tout aussi bien quelque peu grincer des dents. C'est une appellation que je ne peux tout bonnement pas supporter vis-à-vis de moi-même étant donné que je ne vois absolument pas en quoi je suis mignon. Parce que je suis un garçon de petite taille qui n'est pas très développé ? C'est un peu stéréotypé comme vision des choses, mais bon, pour l'instant je préfère tourner ça de façon ironique et m'en servir de sorte que je puisse un peu plus le titiller.

- Tu es sûr de ce que tu dis, Marshall ? Étant donné que ce qualificatif me concerne, j'ai tous les droits, comme t'empêcher de l'utiliser à tout va. Je ne suis pas aussi saint que j'en ai l'air.

Encore une fois, mon caractère bien trempé, qui se démarque avec l'insistance que je porte à la prononciation de son nom de famille, se dilue dans une immense et étrange volonté de pousser le professeur, encore bien docile à mes yeux, à sortir de sa carapace d'enseignant trop doux et trop rassurant pour les petits enfants certainement terrorisés et bafouillant dès qu'il pose son regard sur eux. Je ne suis pas de cette trempe-là et je suis doté d'un solide goût du danger, le combo parfait pour entretenir le manège qui est toujours en cours.

Ensuite, d'abord muni d'un sourire assez provocateur sur les bords, je fuis un instant ce Dwayne du regard, tout en prenant quelques rougeurs, lorsqu'il évoque le fait que je puisse essayer sa veste après le repas. Veste qui, soyons tous d'accord là-dessus, a tout autant retenu mon attention que l'homme qui la porte. Je ne sais pas pourquoi, mais elle fait partie intégrante de l'ensemble, qui en perdrait peut-être une lichette de saveur auquel cas cette dernière finit par quitter son propriétaire. La sentir sur mes épaules, pourquoi pas, mais en ressentir la matière sur les siennes, c'est d'autant plus alléchant.

- C'est si gentiment proposé ! Mais je t'avoue préférer en profiter sur tes grandes épaules. Qui sait... peut-être qu'un jour j'aurai la possibilité de prendre connaissance de celle-ci sans qu'elle ne te quitte.

Presque guidé par un automatisme que l'on rencontre dans les films les plus cultes, mais qui tend à devenir ringard au fil des années, je conclus mon petit discours par un clin d'œil loin d'être discret et à l'allure d'un beauf qui tente de draguer par tous les moyens. J'en pouffe légèrement de rire tout en plaçant l'une de mes mains devant mes lèvres juste avant que je ne relève le regard vers le sien, lui rendant le sourire qu'il m'offre avec tant de générosité.

L'attribution d'un surnom dépend donc de facteurs tels que le déroulement du repas ou de mes limites ? Hm... intéressant... voilà que le sauvageon se décide enfin à prendre la place de l'homme se devant de respecter et d'honorer ses fonctions. Difficile, donc, de rester de marbre face à moi ? C'en est presque touchant. Mon rictus s'élargit un peu plus jusqu'au moment où le mot interdit reprend sa place dans la clôture de sa phrase. Mes sourcils se froncent légèrement sans pour autant que la totalité de l'expression de mon visage ne change. Oh, je vois, il veut donc jouer à ça ? A qui aura la dernière réplique qui piquera l'autre ? Ça tombe bien, je ne manque jamais de répartie. Nous allons donc jouer, mais je ne garantis pas de me battre à armes égales vu que moi, contrairement à lui, je ne m'octroie aucunes limites qu'elles soient liées à mon statut ou à la vie, de manière plus générale.

- Oh oui, ne t'en fais pas, chéri, je suis parmi les ainés, ici. Tu n'auras donc aucuns soucis avec la loi en cherchant ainsi à t'attaquer à moi de la sorte.

Sans gants, je saute pieds-joints dans le plat de la joute verbale, bel et bien décidé à le faire craquer en premier ou, s'il détient un self-control plus important que je ne l'ai espéré, simplement tirer sur la corde jusqu'à le rendre complètement fou de devoir à ce point se contrôler en ma présence et en ce lieu. Quoiqu'il arrive, quoiqu'il advienne, je compte bien m'amuser avec lui, c'est certain... ne serait-ce qu'en le poussant à bout !

- Et donc, pour répondre à ta véritable question, j'ai 18 ans. Plus communément connu comme étant l'atteinte de la majorité. Tu es soulagé ? Je comprends ! Je le suis aussi.

Un sourire, presque innocent, mais bien moins large, se dessine sur mon visage histoire d'un peu jouer avec mon attitude, en plus de glisser énormément d'ironies et de provocations au sein de mes prises de paroles qu'il n'est pas prêt d'oublier.

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Comme c'est mignon

Encore... Encore une fois, il ose me qualifier de ce mot infect qui ne me ravit tout simplement pas. "Mignon". Depuis quand suis-je une personne se rapportant à cet adjectif ? Mise à part être une provocation supplémentaire, et qui plus est volontaire, je ne vois pas vraiment ce que cela pourrait bien être d'autre. Il me cherche. Ça se voit, ça se sent. Et il finira bien par me trouver, car je ne suis pas connu pour être ce genre de type qui lâche l'affaire aussi facilement, surtout dans l'optique où on tente de sciemment me faire tomber. Ça n'arrivera pas. Certainement pas. Et pas avec lui. Si j'ai réussi à autant tenir tête à Dan, envers qui j'ai réussi à malencontreusement développer des sentiments, un prof que je ne connais ni d'Eve, ni d'Adam ne devrait pas me poser le moindre problème.

A sa remarque sur l'enfer, les flammes et le fait d'être chaud comme la braise, je souris. Oui, continue Dwaynou... Tu ne sais pas à quel point tu es en train de te faire engloutir par l'étreinte des ténèbres et de la tentation elle-même. On en viendrait presque à croire qu'il se compare à un démon ou à Satan en personne, mais est-ce que ses paroles trouvent sens dans les actes ? Jusqu'à maintenant, il n'a pas tenté grand-chose. Non, il doit avoir peur. Peur que le monde qui nous entoure puisse imprimer l'image de l'enseignement pervers qu'il est, au cas où ses pulsions, auxquelles il serait bien trop difficile de résister, le pousserait à commettre l'irréparable, l'inévitable. Et s'il pose sa main sur mon épaule ? Et s'il s'approche un peu trop près de moi dans l'idée de venir me taquiner à l'oreille ? Cela émousserait la foule, cela provoquerait des scandales et cela n'activerait que le processus d'une déferlante et douloureuse série de problèmes allant à son encontre qui semblent n'être plus qu'une évidence.

Rien qu'à cette idée, je souris on ne peut plus fort. Loin de là l'envie qu'une telle crasse lui arrive, je me joue cependant de cette barrière faussement créée juste histoire de se coller au protocole imposé par ses supérieurs, ainsi que par l'Etat, qui n'est autre que LA chose qui nous différencie, lui et moi. Il est soumis tandis que j'écrase tout sur mon passage. Il est docile et je suis indomptable. Il est prisonnier du rouage du monde du travail, du professionnalisme et du monde de l'éducation alors que je n'obéis qu'à mes propres désirs. Je ne sais pas vous, mais je trouve ça satisfait de prouver par A + B qu'il ne m'arrive pas à la cheville en termes de liberté ou de possibilité. Et si on le titillait un peu là-dessus, ça pourrait être amusant, non ?

Il ose prétendre le fait que je ne sache pas dans quoi je m'engage. No, honey, je crois que TU ne sais pas dans quoi tu t'engages, ni avec qui. Et ça n'est pas cette menace de convocation à son bureau qui me fera cesser ce jeu devenu tellement plus intéressant depuis qu'intensité de la discussion a soudainement grimpé. Je sais où il veut en venir. Ou du moins, je suis quasiment certain du test qu'il est en train de me faire passer. Un sous-entendu caché au sein-même d'une menace fondée de toute pièce, quoi de mieux pour vérifier si la personne en face de nous bluff ou n'est autre que pleine de vérité ?

Encore une fois, je souris tout en n'omettant sous aucun prétexte d'ajouter cette légère lueur envoûtante qui fait référence à la séduction et à la provocation. Effectivement, ma curiosité n'a d'égal que mon sang-froid et ma répartie et j'espère pour toi que tu as faim, car tu risques d'y goûter sans modération.

- M'excuser ? Je n'ai aucune raison de m'excuser.

Je crois rêver. Sait-il seulement à qui il a réellement à faire ? Ou n'est-ce qu'un trop plein d'hypothèses en tous genres qui le rendent à ce point naïf et... littéralement à côté de la plaque. A moins que là encore, cela ne soit qu'un jeu. Je préfère opter pour cette option, sans quoi je serais bien déçu de voir la facilité avec laquelle j'ai réussi à le berner, lui et ses sens visiblement en totale ébullition.

- Oh et... Me convoquer est une chose. M'avoir présent à la convocation en est une autre. Tu apprendras avec le temps que je suis aussi insaisissable qu'un nuage de fumée.

Ce après-quoi, je suis le mouvement de la fille d'attente jusqu'à ce que je passe à la caisse pour payer la bouteille d'eau dont je me suis saisie en passant le long du self. Tout en lui lançant un dernier regard un chouia tentateur, je me dirige vers la table à laquelle je m'étais trouvé une petite place dans l'espoir et dans l'idée qu'il ne me quitte pas du regard. Ou mieux, qu'il me suive.

Bingo, il mord à l'hameçon et s'assied juste en face de moi. C'en est presque facile.

Mon sourire n'en est que plus entretenu tandis qu'il semble s'être malencontreusement calmé dans ses propos, revenant à des discussions banales et ennuyeuses. Mais je suis de bonne humeur alors je ne vais pas l'envoyer paître tout de suite, en espérant que cela ne soit pas ce genre de relation élève-professeur durant tout le repas. Quoique, il faut bien que papi se remette de ses émotions. Pas facile de se faire clouer le bec par un gamin à peine majeur.

- Ça dépend si les gens me font chier ou pas. C'est assez rare que je vienne au réfectoire, pour être tout à fait honnête. Le bruit et les gosses, ça n'est pas trop ma tasse de thé, si tu veux tout savoir.

Bien... Je me lasse déjà de ce petit manque d'adrénaline. Et si nous poussions le vice un peu plus loin, qu'en dites-vous ? Oh et puis, c'est pas comme si vous aviez le choix. Dans le pire des cas, il me repousse ou m'engueule. Ça ne serait pas la première fois de ma vie, ni certainement la dernière. Alors que "Monsieur Marshall" profite de son repas ou en profite pour me répondre, je tente une approche... légère... un effleurement de mon pied contre sa jambe... son mollet pour commencer. On pourrait croire que cela découle d'un accident, d'un simple jeu de jambe entre les miennes qui a fini par toucher les siennes, mais c'est bel et bien voulu. A l'abris des regards, même des nôtres, je le titille en passant à l'acte, remontant doucement et en redescendant sur le même rythme, le visage on ne peut plus satisfait sans pour autant laisser passer le moindre surplus d'émotion.

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