Un philtre de rêve et de chlore [Jun]

Un philtre de rêve et de chlore

Ce n'est pas vrai. Non, je n'y crois. Voilà ce que je me dis alors que je suis face au miroir de ma chambre et que j'essaye des pantalons qui, depuis ma solide dépression, je pense que l'on peut appeler cette période de ma vie ainsi, devenaient impossible à porter. En effet, parmi les divers problèmes que l'alcool m'avait causés, il y a eu cette satané prisé de poids qui m'a, jusqu'alors, complexé comme pas possible. Trop juste au niveau de la taille, quelques difficultés pour fermer le dernier bouton ou tout simplement une ressemblance à une pièce de viande saucissonnée, la plupart de mes vêtements, si pas tous, étaient devenus la hantise de mes journées. C'est d'ailleurs pour ça que joggings et pulls trop larges étaient devenus mon style vestimentaire lors des jours où j'arrivais à quitter mon peignoir.

Seulement, aujourd'hui, tout a changé. Face à ce miroir qui, depuis des mois, reflétait un être répugnant et disgracieux, je me trouve à réessayer ma garde-robe initiale sur laquelle je pensais devoir tirer un trait définitif. La plupart des pantalons ferment et tombent assez bien. Du moins, nous ne sommes plus sur le bord de l'explosion ou le ligotage permanent.

Le sourire aux lèvres, je n'arrive tout simplement pas à m'arrêter dans ces essayages qui semblent n'en plus finir. Tous les angles sont méticuleusement étudiés ainsi que toutes les postures, même les plus loufoques, afin de vérifier chaque possibilité. A ma grande surprise et à mon plus grand bonheur, l'ensemble tient et je n'éprouve plus cette sensation d'étouffer ou de manquer de rentrée d'air à chaque fois que je fais autre chose que rester sur place. Je sais qu'il faut de temps en temps souffrir pour être beau, mais il y a une sacrée différence entre quelque peu subir une posture désagréable et risquer de s'évanouir à chaque pas.

Ça y est, j'ai donc enfin franchi l'étape où les efforts arrivent à se voir et où des résultats satisfaisants et non minimes sont apparents. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'aujourd'hui, en compagnie de mon coach sportif personnel, Nick Ballentine, que nous avons réservé une séance de sport à la piscine. Qui dit piscine, dit partielle nudité et il était hors de question que je me montre torse nu avec la totalité de mes kilos en trop. Il n'était pas là une quelconque question d'égo, mais une question de bien-être. Il y a quelques mois de ça, j'aurais été incapable de ne serait-ce que penser enfiler un maillot de bain. D'ailleurs, l'idée ne m'aurait même pas effleuré l'esprit.

C'est donc dans cette euphorie matinale que j'envoie un texto à l'intéressé, partageant ma prise de conscience et ma joie, en prenant, avant tout, de ses nouvelles et en lui demandant une confirmation du "rendez-vous". N'empêche, je n'arrête pas de penser à ce garçon. Enfin, à cet homme, qui n'est autre que ma bonne étoile. Qui d'autre se serait arrêté sur mon cas et aurait pris la peine de s'intéresser au jeune blondinet que j'étais, écroulé et mort bourré sur le comptoir d'un bar ? Qui aurait proposé son aide à une célébrité déchue dont les critiques s'enchaînaient dans les médias ? Qui aurait trouvé les moyens et l'envie de persévérer à remonter une personne qu'on ne connaissait finalement pas vraiment ? Qui d'autre à part lui ? Je n'en ai aucune idée, mais ce qui est certain, c'est que je lui suis éternellement reconnaissant.

Après m'être perdu dans des pensées qui ont de quoi me donner du baume au cœur, je me prépare pour cette nouvelle session sportive. Petit-déjeuner équilibré, douche, brossage de dents, habillage ainsi que préparation des affaires de piscine et voilà que je suis prêt à me rendre au lieu proposé par le grand sportif. Aujourd'hui, j'opte pour un style plutôt simple et décontracté : un t-shirt simple blanc sur lequel je passe un gilet brun-clair, un jeans foncé et des petites baskets noires.


Arrivé à destination, je remarque l'homme à la chevelure flamboyante patienter à côté des portes d'entrées du bâtiment en question. J'espère ne pas l'avoir trop fait attendre. Tout en m'approchant discrètement de lui, je remarque que celui-ci semble perdu dans ses pensées. A quoi pense-t-il ? Quelque chose au sein de sa vie privée le chiffonnerait-il ?

D'une voix naturellement rauque, je m'introduis auprès de lui, espérant ne pas l'effrayer ou au pire le déranger dans ses pensées qui ont l'air de lui prendre toute son attention.

- S-Salut, Nick. Tu vas bien ? Tu m'as l'air... pensif.

En même temps, ma question paraît stupide et légèrement intrusive. Si ça se trouve, c'est de l'ordre du privé et je risque plus de le mettre en colère ou de l'irriter qu'autre chose. Mais je prends tout de même ce risque de le lui demander, rien que par respect pour lui et pour tout ce qu'il a déjà fait pour moi, mais aussi par réel intérêt. Oui, malgré ce que l'on peut croire, je me soucie sincèrement des personnes qui m'entourent. Alors peut-être pas de monsieur et madame tout le monde, mais de Nick ça c'est certain.

Je ne voudrais pas qu'il soit dans l'obligation de conserver ses pensées les plus noires ou ses craintes les plus vicieuses seulement parce qu'il n'ose pas m'en faire part ou parce qu'il croit que je ne peux pas, à mon tour, demeurer une oreille attentive ou une épaule sur laquelle se poser. Lui a bien été capable de me redonner le sourire et de chasser mes inquiétudes, alors pourquoi pas moi ?

Attendant une réaction de sa part, qu'elle soit positive ou non, je pose par réflexe une main sur son épaule, pour être sûr que le contact physique le sorte délicatement de son absence, sans pour autant en faire trop, mais aussi pour lui prouver, par ce geste délicat, que je suis prêt à l'écouter attentivement.

Un philtre de rêve et de chlore

Nick semble... différent... Un peu perdu, mais surtout à cran. Oui, c'est ça, comme s'il craint que quelque chose de terrifiant ne se produise. Alors, je sais que je ne le connais pas encore si bien que ça, du moins pas par cœur, mais je dois avouer que le voir dans un état pareil m'est étranger. Disons qu'en le côtoyant depuis déjà quelques mois, il ne nous était jamais arrivé une situation similaire dans laquelle un simple bonjour et un geste tout ce qu'il y a de plus innocent arrive à le mettre sans dessus-dessous.

Non seulement son esprit ne semble pas du tout coopérer avec son corps, mais s'ajoute aussi à cela des mots, ses premiers, brouillés par un bégaiement inédit. La vache, là je m'inquiète vraiment. Dans un geste naturel, je fronce les sourcils et manque presque de faire mine de le maintenir, tout en faisant mon maximum, auquel cas il serait pris d'une chute de tension. On ne sait jamais. Contrairement à moi, c'est un sportif et dieu sait qu'un surmenage ne se fait pas immédiatement ressentir. J'en ai déjà fait les frais, donc je sais de quoi je parle.

Il inspire après avoir remarqué que sa voix est branlante tandis que je le tiens à l'œil, prêt à appeler les secours et à lui tenir compagnie. Sans accentuer la chose, je suis sincèrement aux aguets. Je ne me permettrais pas de me tenir là, à ne penser qu'à moi et à ignorer que, de toute évidence et c'est un fait, quelque chose l'ennuie. Mais quoi ? Vais-je réussir à en tirer des aveux ? Pas sûr. Il m'a l'air bien trop enfoui dans ce qui le tracasse.

Après un long moment de silence jumelé à ma sévère volonté d'enchaîner avec une question, il vient couper court à mes interrogations en m'affirmant, cette fois-ci, de manière plus posée que les raisons de son état sont dues à la fatigue. Perplexe, j'acquiesce brièvement ce qu'il dit pour lui montrer que je l'écoute, mais maintient ma position, à savoir que, d'après moi, quelque chose le dérange, le fâche ou le chagrine.

Ayant désormais l'air d'être de retour parmi nous, Nick ne me laisse plus un instant de répit au sein de mes pensées qu'il nous propose déjà d'y aller, ce que je ne lui refuse bien évidemment pas. Toutefois, je ne baisse pas les bras et ne laisse sous aucun prétexte tomber à l'eau -la belle ironie- l'idée que j'essayerai, tôt ou tard, d'amener le sujet sur la table. Espérons simplement que cela ne soit pas trop personnel ou trop douloureux, auquel cas je me sentirais vraiment, vraiment mal.

Arrivés à l'accueil, je paye ma place d'entrée et direction les vestiaires pour se changer. Cela me fait tout bizarre d'être ici. C'est comme si je redécouvre la vie, la vraie, celle de monsieur et madame tout le monde. Celle que j'ai perdue il y a déjà des années de cela ou celle de laquelle je me suis détachée après m'être séparé d'Austin et m'être enfermé au sommet de ma tour d'ivoire, depuis laquelle je ne faisais que me lamenter et me laissais mourir à petit feu.

Cependant, cette histoire faisant désormais partie du passé, il est grand temps de se concentrer sur le présent et actuellement, ce qui me gêne, c'est de ne pas savoir Nick dans son assiette. Que lui arrive-t-il, au coach à la chevelure flamboyante ? C'est ce que je me dis en déballant tendrement mes affaires et en finissant par poser ma tête contre la paroi située derrière moi. J'espère que ça n'est tout de même pas de ma faute... Oh non, je sais, je lui ai refilé ma dépression ! Ou pire, il n'a pas envie d'être là, mais il fait semblant, seulement il ment très mal puisque ça se lit sur son visage ! Caaaaalme, du calme, Jun, respire. Alors, non, Nick ne serait pas assez masochiste que pour se trainer jusqu'ici avec une envie proche de zéro, mais il faut tout de même avouer que cette pseudo-fatigue est inquiétante.

Alors que je me change et enfile cette sorte de maillot-short, je n'arrête pas de retourner cette histoire dans tous les sens. Quel pourrait-être cet élément déclencheur ? Il n'était pourtant pas comme ça les jours précédents...

Ayant terminé, je sors discrètement de la cabine, sac pendouillant sur l'épaule et serviette maintenue par le bras servant à cacher le haut de mon corps. Il faut admettre que malgré ma perte de poids, je ne suis plus à 100% aussi sûr de moi. Chose à laquelle je n'ai pas pensée, c'est qu'une fois mis à nu, ou presque, devant les autres, les questions ressurgissent, un peu comme lorsque l'on se retrouve devant sa feuille d'examen et qu'on sèche. Bah là, c'est pareil. J'ai les jambes qui tremblent légèrement, la boule au ventre, les mains et les pieds qui deviennent froids tandis que j'attends Nick qui met un temps étrangement long à venir, lui qui est pourtant un habitué. Ne me dites pas que ses pensées le hantent à nouveau.

Lorsque je l'aperçois, je me dirige vers lui, dans cette même posture du gars gêné, mais inquiet pour son état. Une fois assez proche, je pose mon regard sur son visage, ne prenant pas encore en compte le fait que nous soyons, pour la première fois, il me semble, torses nus l'un devant l'autre, et le scrute avec attention, cherchant par tous les moyens d'en apprendre davantage.

- Es-tu sûr que ça va ? Si tu es trop fatigué, on peut annuler et plutôt se boire un café ou quelque chose d'autre. Tu as peut-être des choses importantes à régler ?

Là, je suis dans l'attente. Dans l'attente de quelque chose qui me permettrait de rebondir et de me donner des indications sur quoi faire, comme agir et comment lui changer les idées. Le pauvre avait déjà tellement saigné pour moi qu'il était temps que je passe à l'action.

Un philtre de rêve et de chlore

Une fois près de Nick, les choses ne semblent pas aller en s'améliorant. Après avoir à peine posé son regard sur moi, il tourne la tête... comme si... comme si je le mettais mal à l'aise. Peut-être est-ce le cas ? Je veux dire, il pourrait justifier cette sensation étant donné que je suis une célébrité déchue qui n'est plus réellement connue pour ses succès musicaux, mais plus pour ses scandales liés à sa descente aux enfers. Et puis, il y a toutes les choses qu'il a vues et entendues à mes côtés qui n'ont pas réellement été joyeuses ou entrainantes. A moins que...

Tout en le fixant étrangement, je continue de me perdre dans mes pensées. Je n'aime vraiment pas le voir comme ça et il me faut des réponses. Seulement, à présent, une chose est certaine, ce qui le met dans cet état a un rapport avec moi. Bah oui, c'est logique, sinon il ne détournerait pas le regard ainsi. Ai-je... Ai-je fait ou dit quelque chose de mal, même sans m'en rendre compte ?

Oh, je sais, c'est mon corps ! Il en a honte. C'est ça, il a honte de se retrouver en maillot de bain, à la piscine, à côté d'un type comme moi. Le tout mélangé, entre mes histoires, ma réputation et ma morphologie, il ne sait plus où se mettre, mais a peur de me vexer en le disant en face, peut-être par crainte que je retombe en dépression.

Et alors que je m'apprête à lui demander si mes craintes sont fondées, il fait un geste qui ne me laisse pas indifférent. Il... Il passe sa main dans mes cheveux, les ébouriffant, le sourire aux lèvres, me plaçant dans une posture plus que délicate. Moi qui étais déterminé à lui faire cracher le morceau, quelque peu inquiet pour lui, voilà que cette simple tendresse me fait perdre tous mes moyens. Mon corps se fige, légèrement penché vers l'avant avec la pression émise par sa main, tandis qu'à côté de ça, mes joues se colorent de rose.

Le temps que ce geste, qui selon lui doit être anodin, se termine, aucun son, ni aucun geste ne se manifestent de ma part. C-Comment réagir face à ça ? Dois-je en rire ? Dois-je être gêné ? Ou devrais-je m'énerver qu'il tente, par tous les moyens, d'éviter une confrontation directe avec moi ? Parce que soyons sérieux une minute, bien que je ne sois pas du tout qualifié pour être détective, je suis absolument certain qu'il me cache quelque chose et que ceci n'est qu'une ruse afin d'éviter tout questionnement superflu. Il le sait que je me penche sur son "problème", vu que depuis que nous nous sommes retrouvés devant le bâtiment de la piscine, je ne fais que lui poser des questions concernant ce qui le dérange. Ma nouvelle interrogation est donc de découvrir pour quel genre de secret Nick s'efforcerait-il de fuir la conversation ?

Après s'être adonné à une sorte de décoiffage, il essaye à nouveau de me rassurer en me demandant de ne pas m'inquiéter tout en précisant qu'une fois dans l'eau, tout ira mieux. Seulement, j'ai du mal à le croire. Loin de là l'idée de le traiter de menteur, mais ses réactions sont bien trop différentes du naturel que je côtoie tout de même depuis quelques temps.

Lorsque je relève mon visage vers le sien, je remarque que lui, comme moi, sommes tous deux épris de rougeurs au niveau des joues, ce qui a tendance à, en plus d'ajouter un questionnement, intensifier celles déjà présentes. S'éparpillant désormais de mes pommettes à mon nez, je détourne, moi aussi, le regard, manquant presque de me cacher derrière la serviette que je serre contre mon corps et qui semble légèrement remonter le long de celui-ci. Mais que nous arrive-t-il ? Que suis-je en train de fabriquer ? Est-ce normal de réagir de la sorte en présence de mon coach sportif ? D'un ami ? A cause d'un geste aussi futile que celui-ci ? D'ailleurs, je n'ai pas l'air d'être le seul à qui cette situation créer de l'embarras.

Pourtant, la gêne est coupée courte lorsque Nick reprend la parole en me lançant une phrase qui me fait tiquer. Sur le ton de l'humour, il prétend que je commence à me chercher des excuses afin d'échapper aux entraînements, ce qui est totalement faux ! Aujourd'hui, s'il y a bien quelqu'un qui semble se chercher des excuses, c'est lui, pas moi. J'en viens donc à naturellement froncer les sourcils, sans pour autant prendre un air agressif ou menaçant, les rougeurs toujours présentes, étant aussi là pour adoucir les traits.

- M-Mais non ! P-Pas du tout !

Sans le vouloir, j'hausse la voix en m'exprimant ainsi, éprouvant certainement pour la première fois de ma vie des difficultés à parler. Je bute sur le premier mot de chaque phrase, un peu comme celui qui me fait face, quand il fut sorti de ses pensées les plus profondes. Après quoi, je détourne encore le regard, la serviette désormais sous le nez et chuchote en coin, comme un enfant à la mine boudeuse, attristé d'être accusé.

- Tu racontes n'importe quoi...

Je peux sentir son regard insistant se poser sur moi. Et durant tout ce temps, je n'ose m'extraire de cette posture. Il doit me prendre pour un fou ou doit s'amuser de ma réaction, mais je n'ai pas le courage d'assumer ses pupilles qui afficheront certainement ce qu'il pense en me fixant de la sorte.

Quand sa voix grave retentit à nouveau à mes oreilles, m'invitant à le rejoindre aux casiers, je le suis sans broncher. Arrivés là-bas, je range mes affaires en ne gardant que ma serviette avec moi, les joues et le nez toujours rosés, n'arrêtant pas de me repasser en tête cette scène qui vient de se produire. Pourquoi ai-je réagi de la sorte ? Enfin, je veux dire, que s'est-il passé ? Timidement, je pose un regard discret sur l'homme qui me fait peut-être dos et regrette immédiatement cette décision, revenant à ma posture initiale.

Le tissu désormais gardé à deux bras contre mon torse, je finis par oser reprendre les rennes de la conversation. De manière plus calme et réfléchie, j'arrive à exprimer ce que je souhaite lui faire part, sans me montrer trop insistant ou perplexe.

- Dis... C'est à cause de situations similaires que tu n'es pas dans ton assiette depuis ce matin ? Ou est-ce précisément ma présence qui te dérange ? Je ne t'en voudrai pas si tu me réponds "oui", tu sais.

Le regard rivé vers le casier que j'ai refermé, je poursuis sans ne serait-ce que me retourner afin de lui faire face, bien trop anxieux à l'idée d'amener cette pensée sur la table.

- Je te fais honte ? Que ce soit par ma réputation ou par mon corps ? Je te dis ça parce que... c'est l'impression que ça donne... mais je... je t'assure que je ne veux pas être un poids pour toi ! Cependant, il faut que tu me promettes de me dire si des choses me concernant te tracassent ou te bloquent, d'accord ?

Peut-être qu'avec cette façon de faire, je vais finir par comprendre ce qui le ronge ou si j'ai vu juste. A moins qu'il ne soit décidé à tout nier en bloc jusqu'à la fin de la journée ?

Un philtre de rêve et de chlore

Visiblement, ce que je lui ai dit l'a fait tiquer puisqu'il montre des réactions qui s'ajoutent au simple fait de détourner la conversation. Il y a notamment ce bégaiement, similaire à celui entendu devant le bâtiment dans lequel nous nous trouvons, qui revient à la charge et qu'il masque en toussotant légèrement. Je n'aime pas jouer aux intrus ou aux forceurs, mais cette histoire ne s'arrêtera pas là, du moins pas comme ça. Il y a beaucoup trop d'éléments qui manquent, mais qui semblent néanmoins se tourner vers une personne précise... Et en l'occurrence, cette personne n'est autre que moi. Je le sens. De toute façon, ses réponses sont claires et il n'a à aucun moment nié en bloc le fait que j'y sois inclus.

"Tu n'as rien fait de mal". D'accord, mais dans ce cas-là, pourquoi tout ce mystère ? Pourquoi ne pas vouloir calmement en discuter ? Pourquoi désirer tant que ça de repousser cette confrontation à son extrême ? J'avoue que je ne comprends pas, mais je n'ai pas non plus envie de forcer les choses jusqu'à en arriver à un point où cela lui hérisserait les poils. Déjà qu'actuellement, en plus d'être tendu, il semble s'impatienter. Du moins, il a l'air déterminé dans son idée de reporter tout ceci à plus tard, après l'entraînement.

Cependant, ça va faire égoïste ou comme étant le caprice de star qui s'enclenche, mais je veux savoir ! Même pas dans l'optique de garder un secret, mais simplement parce que Nick est un garçon que j'apprécie énormément, au-delà du fait qu'il m'ait aidé à remonter la pente et qu'il le fasse encore actuellement, et que l'idée que quelque chose puisse à ce point le gêner me laisse un petit goût amer.

Tout en conservant cette tonalité ainsi que cette mine d'enfant boudeur, je ne peux que me résigner à accepter sa proposition d'en parler plus tard. Après tout, quand bien même cela me concerne, je n'ai aucun droit me permettant de l'obliger à passer aux aveux. Si, pour une et milles raisons, il préfère en parler plus tard ou carrément ne pas m'en toucher un seul mot, je ne vois pas ce que je peux faire de plus pour lui faire changer d'avis. Du chantage ? Ça en serait ridicule et puéril... peut-être même effrayant ! Nous avons beau nous côtoyer depuis maintenant un certain temps, nous ne demeurons pas des personnes assez proches qui pourraient se permettre de trop en dévoiler, non plus, sur nos vies privées respectives.

Définitivement décidé à ce que cette séance de natation se passe sans encombre, et donc sans tracas liés à ce qu'il vient de se passer et qui chauffent actuellement mon crâne jusqu'à l'ébullition, j'inspire et expire un grand coup, cherchant à laisser s'échapper les questionnements afin de laisser place au conditionnement pour le sport. Après tout, c'est pour ça que nous sommes ici, non ? Et mon coach m'a bien fait de me le rappeler.

Discrètement, je me tourne vers lui, le rose toujours présent sur les joues, hésitant quant à l'approche à adopter. Mon regard aussi se veut craintif, ne sachant trop sur quoi se poser en espérant ne pas, soit déclencher une autre gêne partagée, soit provoquer des réactions personnelles qui me mettraient, à mon tour, dans un embarras dont il serait difficile de se débarrasser.

Finalement, sans réellement contrôler l'impulsion qui s'impose comme étant mon guide, je parcours la quasi-totalité de son corps. Partant de sa chevelure de feu, je glisse le long de sa nuque qui s'élargit sur son impressionnante paire d'épaules. De là, deux glissades similaires s'opposent dans la continuité de ses bras musclés et rassurants. Par la suite, j'admire les lignes de son dos développé par le sport, sans que cela en devienne une exagération désagréable à regarder, au contraire. Une fois arrivé sous la ceinture, mes yeux se détournent de leur route, intensifiant mes rougeurs, ayant malheureusement (ou heureusement ?) eu le temps de me perdre et de contempler, ne serait-ce qu'un quart de secondes, ses fesses et ses jambes moulées dans son pantalon réalisé en matière pour les maillots de bains.

Des frissons se déposent alors sur mon corps, me faisant réagir en gigotant légèrement, raidissant mon dos en réaction à tout ça. Heureusement que je tiens une serviette qui peut me servir de cache-misère et heureusement que Nick ne me fait pas face, sans quoi je devrais me justifier auprès de lui vis-à-vis de mes mouvements quelque peu soudains et étranges. J'essaye tant bien que mal de faire partir ces picotements dérangeants qui s'immiscent sur le grain de ma peau, me demandant pourquoi je me mets dans un tel état en ayant innocemment posé mes yeux sur lui. Enfin, "innocemment"... Bon, d'accord, j'avoue que mon geste n'était peut-être pas si chaste que ça, mais il ne faut pas se voiler la face ! Nick est un très beau garçon et je suis attiré par les hommes... donc par extension, il n'est pas anormal d'être curieux ?! Sachant surtout que je suis p... enfin bref.

Pour éviter tout soupçon et ainsi détourner la conversation, en même temps que son attention, je reprends délicatement la parole.

- Et donc... pour l'entraînement, qu'allons-nous faire comme exercices, aujourd'hui ?

Très fin, comme changement de sujet. Pas du tout suspect. Néanmoins, cela nous permettra, à lui, comme à moi, de nous changer les idées et de chasser nos pensées respectives qui, visiblement, nous mettent dans un sale état. En espérant qu'un renvoi de l'ascenseur ne se fasse pas et qu'il ne se mette pas, à son tour, à me poser un nombre incalculable de questions... en ne faisant finalement qu'imiter ce que je lui ai fait subir jusqu'à présent.

Un philtre de rêve et de chlore

Je ne sais pas pourquoi, ni comment j'en arrive à ressentir ça, mais... mais j'aimerais bien que... qu'il ne se concentre que sur moi, rien que sur moi. Je sais, ça peut faire peur dire comme ça, mais je vous assure que ça n'est en aucun cas la pensée d'un fou psychopathe qui risque de tuer quiconque s'approchera de lui. Cependant, j'avoue que le fait qu'on ait pratiquement passé les derniers mois ensemble, nous a quelque peu rapprochés. Du moins, de mon côté, c'est comme ça que je le ressens. Il ne se passe pas un jour sans lequel j'hésite à lui envoyer un sms ou à l'appeler que ce soit pour discuter ou se voir. Alors, on va dire que ces entraînements sont une bonne excuse pour pouvoir profiter de sa présence.

C'est vraiment très étrange de penser à ça en ce moment, mais il faut dire que la situation s'y prête plutôt bien et c'est d'ailleurs pour cela que je me mets autant dans un état lamentable en le voyant plus réservé que d'habitude... limite dérangé par quelque chose. Sachant désormais que tout ceci possède un rapport avec moi, je ne peux m'empêcher de psychoter, de me dire que, dans le fond, je le dérange, je le gêne ou lui fais honte. Et rien qu'à l'idée de me dire que ça pourrait être le cas me bouffe entièrement. Pourtant, nous n'avons signé aucune exclusivité l'un envers l'autre à partir du moment où il a prononcé les mots du réconfort, ceux qui m'ont plusieurs fois fait comprendre qu'il ne me laisserait pas tomber et qu'il m'aiderait à retrouver la silhouette ainsi que l'hygiène de vie que je possédais autrefois. Et pourtant... oui... et pourtant...

Tout en affichant un sourire qui se marie étrangement bien avec les rougeurs apparentes sur mon visage, je me remémore toute notre histoire depuis son commencement, n'écoutant alors pas ce qu'il est actuellement en train de me dire. Depuis ce jour où cet homme, à la musculature développée et à la chevelure de feu, est entré dans ma vie. Lorsque ses premiers mots sont arrivés au creux de mes oreilles, lorsque ses premières mains se sont posées sur mon corps ou encore lorsque ses premiers bras sont venus me serrer contre lui.

Alors perdu dans mes pensées, mes doigts se resserrent sur cette serviette que je maintiens encore pour camoufler mon torse tandis que je viens instinctivement pincer ma lèvre inférieure. Pourquoi suis-je en train de faire ça ? Pourquoi ici ? Maintenant ? Mais je ne peux m'y résigner, surtout pas en voyant Nick me jeter un dernier regard avant de se glisser sous la douche obligatoire sous laquelle il ramène, de ses deux grandes mains de sportif, ses cheveux en arrière, laissant cette pluie perler sur la quasi-totalité de son corps. Un instant, je détourne le regard, le visage plus empourpré que jamais, décidant d'attendre que celui qui me place dans un état pareil ait terminé de se rincer. Hors de question que j'y aille en même temps que lui. De toute façon, même si je le voulais, mes jambes m'interdisent toute entrée en action, alors je n'ai plus qu'à attendre.

Une fois la voie dégagée, je me précipite sous le jet d'eau plutôt froide, chassant par la même occasion les pensées qui seraient de trop, cherchant à uniquement me concentrer sur ce pourquoi nous sommes ici. Si je commence à partir à gauche et à droite pour des questions que je me pose ou pour des scénarios que j'imagine, les choses risquent de ne pas très bien se passer et je n'ai vraiment pas envie d'encore plus envenimer la situation qui est déjà assez bien tendue, dirons-nous.

Soudain, alors que je fixe mes pieds tout en restant sous l'eau de la douche, j'entends une voix, celle que je connais trop bien. La sienne. Il m'appelle. Et lorsque je tourne la tête dans la direction de sa provenance, celle des grands bassins, je remarque sa main qui me fait des gestes ainsi que son visage sur lequel un incroyable et grand sourire persiste malgré l'état dans lequel il se trouvait quelques minutes auparavant. A cet instant précis, mon cœur se fracasse contre ma poitrine en un seul et unique battement plus puissant et plus fort que les autres. De quoi légèrement me faire grimacer en y apposant ma main.

Cependant, je ne veux pas l'inquiéter et ne pas m'arrêter à ça. Faisons comme si de rien état. Oui, c'est ça, essayons de passer à autre chose. De toute façon, comme Nick me l'a promis, nous discuterons après l'entraînement. Ne serait-ce donc pas le moment opportun pour, moi aussi, lui faire part de certaines choses ? Allez Jun, on se motive !

Je range ma bouille perturbée par le signal que m'a envoyé l'un de mes organes pour l'échanger avec un visage ensoleillé. Naturellement, je me dirige vers le garçon qui m'a appelé et m'assieds sur le bord de la piscine, les jambes trempant déjà dans l'eau, celle-ci m'arrivant aux genoux.

- Et bien, déjà à l'eau ! On dirait que tu es dans ton élément.

Tout en gardant ce sourire légèrement forcé, je me rends compte, en fixant mes mains ouvertes et posées sur mes jambes, que je n'ai désormais plus ma serviette pour camoufler mon corps, m'agitant donc afin de l'entourer de mes bras, rougissant à nouveau de honte.

- Sinon, l'entraînement... Tu voulais tester mon endurance, c'est ça ?

Un philtre de rêve et de chlore

C'est une impression étrange qui envahit l'entièreté de mon être alors que je fais seulement aller mes jambes dans cette eau jonglant en même temps entre le froid et le chaud. Dans une proximité presque naturelle, me retrouver à moitié nu auprès de cet homme, dont je viens à peine de reconsidérer la relation, me perturbe. Est-il normal de se sentir ainsi lorsque nous nous tenons proche d'une personne que nous sommes censé considérer comme étant un ami ?

Depuis le début de la journée, du moins depuis que nous nous sommes retrouvés devant ce bâtiment, beaucoup de choses se sont bousculées autant au sein de ma tête qu'au sein de mon corps. Ces pensées qui ne s'étaient alors encore jamais fait entendre sont dès lors de l'ordre du présent. Ces sensations, semblables à celles ressenties lors de ma relation avec Austin et que je ne pensais pas retrouver de sitôt, pointent le bout de leur nez sans crier gare, me laissant ainsi plongé dans une perplexité quasi permanente.

Mon regard se pose sur lui alors que mes pupilles me donnent comme effet de tromper mes intentions. Mais que suis-je en train de faire ? Ne me dites pas que je tombe amoureux ?! Que je développe donc ce qu'on appelle des sentiments ?! En l'espace d'un instant, d'une ridicule petite seconde, mon cœur se fracasse à nouveau contre ma cage thoracique, faisant alors vibrer mon corps du haut de ma tête à mes orteils, déboussolant absolument toutes mes pensées ainsi que la totalité de mes ressentis.

Et puis, il y a sa main. Elle est grande, elle est douce, elle est chaude, légèrement humidifiée par le fait qu'il barbote déjà entièrement dans l'eau depuis plusieurs minutes. Celle-ci vient se poser sur mon bras, proche de mes épaules et de mon cou, m'apportant un second violent choque en provenance de l'intérieur de mon corps. Dans un entraînement que mon anatomie juge presque sensuel, Nick me tire, sans brutalité, de ma tour d'ivoire et m'entraîne totalement dans l'eau. Sous la nonchalance que j'arbore, presque paralysé par les différents émois et porté par le mouvement des vagues que mon entrée dans le bassin engendre, je me retrouve à une distance bien trop insuffisante par rapport à l'état dans lequel je me trouve. Le froid de la piscine qui a désormais, non seulement, englouti le reste de mon corps, m'impose en plus de ça l'arrivée d'autres frissons cumulés à l'expression de la différence de température. Timidement, je lâche un léger soupir qui, dans le fond, n'est que la pleine affirmation de diverses choses.

Les joues empourprées, les bras se tenant mutuellement et les yeux écarquillés en direction du visage souriant du sportif, je manque presque de m'autoriser à m'accrocher à lui, par peur de couler, étant donné qu'au début, je ne prends même pas la peine de faire aller mes jambes dans un mouvement régulier me servant à me maintenir à la surface. Cependant, le fait qu'il me tienne encore le bras me rassure, tandis que le voir s'écarter dans un élan de potentiel malaise m'assène une légère claque psychologique, me permettant de me concentrer sur ce que je dois faire : c'est-à-dire faire aller mes jambes pour ne pas directement aller au fond du bassin.

Durant un moment assez conséquent, je ne laisse plus aucun son s'échapper d'entre mes lèvres. Seule la sienne, grave et enchanteresse, se perd dans un monologue que je ne suis même pas sûr d'avoir écouté. Pour être tout à fait sincère, les signaux que m'envoient mes organes, mes muscles, ma chair et mon sang me poussent à l'interpellation, à me poser de sérieuses questions.

Complètement ailleurs, seuls mes pouces passent et repassent à la même allure sur mes avant-bras alors que mon menton se baisse pour se poser contre le haut de mon torse. Mon expression n'est pas triste, de quoi lui éviter une panique inutile, mais elle ne se montre plus aussi joyeuse et rayonnante qu'au début. Pourtant, je suis bien ici, mais ça serait mentir que d'affirmer que je me sente actuellement bien. Non, je suis rongé par les questions sans réponses, par les manifestations incompréhensibles et ça me frustre.

Alors que je parais parti pour rester planter là sans ne rien faire, de petites éclaboussures provoquées par les doigts agiles de Nick me sortent de mon effrayante absence. Je cligne des yeux comme si je venais de me réveiller d'une longue somnolence et voilà que tout semble reprendre vie, repartir de plus bel. Par réflexe, j'affiche un sourire assez doux, mais néanmoins légèrement nerveux, m'excusant par la même occasion de m'être reclus sur moi-même et décide de lui renvoyer ses petites taquineries.

D'une voix perdue, mais que je force à se faire entendre, je prends la parole, n'ayant pas envie qu'il se vexe ou s'interroge sur ce qu'il vient de se produire.

- Et bien... o-oui... Euh, de quoi parlais-tu ? Excuse-moi, je suis un peu chamboulé. Nager, c'est ça ?

Je ne suis définitivement pas doué pour me trouver des excuses ou faire semblant. Ça s'entend, ça se voit et ça se ressent. Cependant, j'espère simplement que tout ceci ne tournera pas en interrogatoire de police. Bien que Nick ne soit pas de ce genre-là, il me connaît déjà bien, a vu mon parcours et pourrait très gentiment s'inquiéter d'une possible rechute. Ce n'est pas le cas ! Je suis simplement déboussolé par... tout ça. Rien d'autre.

Un philtre de rêve et de chlore

Nager... C'est bien pour ça que nous sommes ici, non ? Et pourtant, peu importe à quel point cette vérité s'applique depuis le début et est ancrée dans nos têtes respectives, désormais, ni Nick, ni moi n'avons l'air entièrement prêts à passer à l'entraînement. Dans le fond, à cause de quoi ? Ou à cause de qui ? Je serais tenté de porter un jugement accusateur sur mon coach, mais ça en serait ridicule ainsi que faussement approuvé. Non, il n'est pas réellement fautif. Alors, certes, son état d'absence générale rencontré au début du rendez-vous m'a quelque peu laissé perplexe, mais il en va de ma responsabilité si j'ai tant que ça désiré lui tirer les vers du nez. Et maintenant, voilà que c'est à mon tour de temps en temps disparaître de la surface de la Terre afin de me nicher, mais surtout de me perdre, dans des pensées qui, parfois, sont dénuées de sens.

Enfin... peut-être pas complètement ? Mais que m'arrive-t-il, au juste ?! Ça n'est pas dans mes habitudes de manquer des informations de façon aussi régulière, de me perdre dans des réflexions lorsque je suis avec lui... Lui... Pourquoi, lorsque je prononce son nom dans ma tête, mon corps et mon esprit réagissent-ils ainsi ? Je suis là, à barboter dans l'eau, buvant cette fois-ci, et contrairement à tout à l'heure, les paroles et les réactions de cet homme qui me bercent autant qu'elles me perturbent.

Il me répète la question que je lui ai posée, mais je ne parviens même pas à y réagir de sorte à pointer du doigt le fait qu'il m'imite, bien trop préoccupé par ce qu'il se passe par après. Au moment où le sujet dérive à nouveau, et ce de manière très peu naturelle, sur la question de la nage que je "pratique" le plus, je mets un certain temps à répondre. Un peu comme embrouillé par quelque chose, je peine à trouver les mots ainsi qu'à les prononcer, ces derniers saccadant presque autant que ceux de celui qui me fait face.

- L-Le... L-La b-brasse... J-Je... crois...

Je ne suis même plus certain des idées que mes lèvres avancent toutes seules. La coordination naturelle initialement établie entre mon cerveau et la manifestation de la parole semble rompue, ou du moins fragilisée par un élément. Élément que je suis quasi certain de connaître, mais que je me refuse d'admettre. Par crainte ? Par gêne ? Par déni ? Toutes les solutions semblent plausibles et je pourrais aisément les mettre sur le tapis si seulement je n'étais pas tétanisé à l'idée d'avancer ce sujet aux yeux de cet homme. Le moment n'est pas propice. Mais le sera-t-il, un jour ? Même moi je ne le sais pas.

Je plante mon regard ébahi sur le visage de Nick alors que mes joues reviennent s'empourprer lors d'un bafouillement ayant eu lieu au mauvais endroit, au mauvais moment. Me regarder ? Me regarder nager, bien sûr. Peu importe le complément de sa phrase, mon corps semble ne s'être concentré que sur la première partie de son allocution, provoquant un énième battement de cœur plus puissant et électrique que les autres. Je serre le plus discrètement possible les dents, posant une main timide sur ma poitrine, pile là où se sont déroulés les fracassements à la sensation désagréable, resserrant machinalement mes petits doigts.

Malgré une intense douleur cependant éphémère, celle-ci se juxtapose à l'apparition de ce qu'on appelle généralement des papillons dans le ventre. C'est... C'est bien la première fois que je subis cette sensation par rapport à Nick, de quoi ne plus me permettre de douter. Et cette révélation, cette acceptation, toutes deux me chamboulent. Je dois donc tenter de demeurer concentré du mieux que possible, sachant pertinemment qu'il va poser ses yeux sur moi de manière "purement professionnelle". Et le plus ironique dans tout ça, c'est que je commence à prendre conscience que j'aimerais bien qu'il me regarde... pour autre chose qu'une analyse sportive, à titre informatif, ne servant finalement qu'à corriger mes erreurs ou à réorganiser son planning.

Durant un long moment, je ne bouge pas, toujours hypnotisé par... par absolument tout ce qui se trame, que ce soit sous mes yeux ou dans ma tête. Finalement j'arrive quelque peu à me mouvoir. Après tout, ce n'est pas en restant planté là comme un légume que notre situation risque d'aller en s'améliorant. Cherchons avant tout à ce que cet entraînement se fasse, et de préférence sans trop d'encombres supplémentaires sur les bras de chacun.

Décidé à aller de l'avant, du moins pour cette séance de piscine, j'exécute ce que Nick me demande de faire, lui montrant en tout premier lieu la façon dont je me débrouille avec ma nage de prédilection. Il me corrige et me montre tout un tas d'exercices à faire. Peu à peu, avec le temps, mon cerveau arrive à se focus sur mes mouvements ainsi que sur les conseils et instructions que le coach me donne. Les rares fois où il se penche un peu trop sur moi ou, qui sait, effleure ma peau pour me montrer exactement les gestes à appliquer, je rougis timidement tandis que mon cœur accélère ses battements.

La séance se poursuit dans le temps jusqu'à tout doucement toucher la fin du bout des doigts. Toujours dans l'eau depuis maintenant quelques heures, avec des petites pauses placées entre, voilà que je m'adosse à l'un des murets servant de contour du bassin. J'inspire et expire pour tenter de dompter l'irrégularité de ma respiration survenue suite aux exercices tout de même assez intenses.

Dire qu'au début, je redoutais ces entraînements, sachant pertinemment que je n'avais pas la condition physique requise ou que les résultats mettraient peut-être trop de temps à arriver. Aujourd'hui, malgré le fait que je ne sois pas un fan de sport et que je ne cherche pas non plus à devenir un grand sportif, ça me fait du bien de me défouler, mais surtout de remarquer que tout ceci réussit à porter ses fruits, me redonnant graduellement l'apparence que je possédais avant... avant tout ce qu'il s'est produit dans ma vie.