Le shopping, c'est mieux en famille

Aujourd'hui mon programme de la journée est simple. Sortie avec mon frère. Depuis le temps que je n'ai pas pu en avoir une vraie avec lui, je compte bien en profiter. Habituellement il est pas mal pris entre les cours qu'il doit donner et sa nouvelle vie de famille. Ca n'en a pas l'air mais ça lui bouffe plus de temps que ce qu'on peut croire. Et moi je commence à me sentir un peu délaissée. Je ne lui ai rien dit à ce sujet mais le sentiment est bien présent. Je pourrais aussi aller voir mon père mais il a déjà très peu de temps à cause de son travail et depuis quelques temps, il commence à voir une femme. Je crois qu'il s'est enfin décidé à se remettre sur pieds. Je suis contente pour lui. Ca fait depuis longtemps que je veux le voir à nouveau heureux même si ça veut dire que je le verrai peu souvent. Tout comme mon frère. Je veux qu'il soit heureux. Le seul hic dans ces deux situations, c'est que ça m'effraie de ne plus pouvoir les voir autant qu'avant. Bon okay je croise toujours mon frère dans l'institution vu qu'il est prof mais je me comprends.

Ayant prévu cette sortie depuis plusieurs jours, j'espère vraiment qu'il pourra venir. Lorsque l'heure du rendez-vous approche, je me rends devant le portail de l'institution. C'est ici que j'ai donné rendez-vous à mon frère. Je trouvais que c'était plus simple ici. Je me demande juste si on devra aller chercher Aaron ou non. Normalement pas. Je n'ai pas prévu de faire une activité dangereuse. C'est juste un petit tour au magasin multimédia pour acheter quelques jeux. Ca me permettra d'avoir de quoi m'occuper quand je suis en isolement. Puis après j'ai prévu de faire une simple balade avec lui. Bref deux petites activités assez simples mais qui me permettent de passer un peu de temps avec lui. Et puis j'aimerais aussi voir pour peut-être acheter un instrument de musique. Je ne sais pas vraiment en jouer bien qu'en Russie, Alexeï m'avait donnée quelques cours de guitare. Cependant je me dis que jouer d'un instrument peut m'aider à avoir les idées claires. Et qui de mieux qu'un musicien pour m'aider à choisir ce que je peux faire ?

Je patiente encore un peu avant de finalement être rejointe par Alexeï. Je pourrais dire qu'il a mis le temps pour venir mais je ne peux pas le blâmer. Je crois qu'il avait des cours à donner. Je ne sais plus son emploi du temps. Attendez... On est vendredi. Oui ! Je me rappelle ! Il a deux cours le vendredi tout comme le lundi. Les horaires sont les mêmes d'ailleurs. Le premier est le matin et le second en fin de journée – et moi je dois arrêter de stalker ses emplois du temps quand il en reçoit un nouveau –. Je ne peux donc vraiment pas le blâmer pour le retard. En plus certains élèves retiennent souvent les professeurs après la classe pour leur poser des questions ou leur parler. Peut-être que ça a été le cas cette fois. Ou peut-être que c'est l'un de ses collègues. Ou peut-être Emilie. Peu importe.

- Prêt pour me supporter tout le reste de la journée ?

J'ai fait exprès de choisir un vendredi. On n'aura pas le stress des cours pour le lendemain et comme ça, Alexeï a aussi son week-end de libre pour le passer avec Emilie et Aaron. Je ne sais pas s'il a prévu quelque chose mais au moins, je suis sûre de ne pas lui avoir chamboulé son programme. Sauf peut-être pour aujourd'hui.

- J'espère que j'ai pas trop chamboulé ton programme de début de week-end. D'ailleurs on doit aller chercher ton fils ou c'est bon ?

Nous nous mettons en route, direction la ville. Première activité prévue, la balade. Je n'ai pas vraiment envie de me trimballer un sac de jeux vidéos durant des heures. Je me promène déjà rarement avec un sac en général – même pas mes médicaments – alors ce n'est pas aujourd'hui que je changerai cette habitude si je peux l'éviter. Je marche tranquillement avec mon frère en prenant la direction d'un parc situé à Notting Hill. En plus on aura des boutiques pas très loin. J'aurais préféré rester près du quartier d'Indarë mais Soho est un lieu trop fréquenté pour moi. Je préfère un lieu plus calme même si ce n'est que de très peu. Puis je crois que pour les instruments, j'aurai plus de chance d'en trouver à Notting Hill même s'ils seront fatalement plus chers.

Je n'aime pas attendre. Encore moins lorsque c'est pour aller faire une activité avec mon frère. Je sais qu'il a un emploi du temps chargé alors je ne le blâme pas quand il arrive en retard mais je reste impatiente quand même. Je ne passe déjà plus autant de temps qu'avant avec lui alors quand je peux avoir un moment avec Alexeï, j'aime pouvoir en profiter un maximum. Attendre, ça me retire quelques précieuses minutes que je pourrais passer avec lui. Lorsqu'il me rejoint enfin, je le taquine un peu avant de me mettre déjà en route. Et apparemment l'activité prévue tombe bien puisqu'il doit récupérer son instrument et il doit aussi acheter un jeu. J'imagine que le jeu est pour Aaron. Il est encore jeune mais il y a des trucs qui sont prévus pour aider l'enfant à apprendre. Peut-être que c'est ça qu'Alexeï doit acheter. Je verrai bien.

Je le questionne au sujet de son fils, histoire de prévoir un peu la suite selon ce qui est prévu avec son gamin. Il n'a pas besoin d'aller le récupérer. Tant mieux. Je n'ai rien contre lui mais grâce à ça, je peux passer plus de temps privilégié avec mon frère. Jusqu'à ce soir, il est pour moi. Euh...ouais mais ce soir, quelle heure ? Il est déjà presque 16h30 alors techniquement, on est déjà presque le soir. Encore une heure et demi et on y sera.

- Euh mais ce soir jusqu'à quand ? On est presque le soir déjà alors si c'est jusqu'à 18h, ça sera pas longtemps.

Et ça serait trop stressant de faire la promenade et les achats dans un laps de temps aussi court. Peut-être même impossible. Beuh.... J'espère que c'est plus long.

Je continue la marche vers le parc tout en écoutant mon frère. Toutefois un détail me turlupine depuis quelques temps. J'ai l'impression que quelque chose le travaille mais je ne saurais dire quoi. Je n'ose pas lui poser la question. Tant pis je verrai une prochaine fois. Aujourd'hui je vais juste profiter de passer du temps avec lui.

Lorsque nous arrivons dans le parc, il n'a pas fallu attendre longtemps avant que mon frère ne m'interroge à propos d'Austin. J'en suis même surprise parce que je ne m'attendais pas à ce qu'il aborde le sujet. Je sais qu'il n'apprécie pas mon petit-ami alors je pensais qu'il se contenterait d'éviter de parler de lui. C'est bizarre.

- Oui c'est Austin.

Il le déteste tellement qu'il doit avoir un blocage avec son prénom. Je suis sûre que si j'étais tombée amoureuse d'un russe qui s'appellerait aussi Alexeï, il aurait été capable de bousiller le prénom juste par frustration. Même Leo. Je suis sûre qu'Alexeï aurait écorché son prénom.

- Et oui, ça se passe bien.

On continue de se chamailler, de se frapper au point de finir parfois avec des bleus – surtout moi – on s'insulte toujours... Ouais ça se passe bien. Tout est parfaitement normal entre nous. Je sais que dans les relations de couple on doit normalement se dire des mots doux, niaiseux, se faire plein de mamours et de papouilles, et j'en passe. Chose qu'Austin et moi on fait à notre façon. D'un regard extérieur, les gens peuvent facilement croire qu'on se déteste, qu'il y a vraiment de la maltraitance sur moi vu les surnoms qu'il me donne et qui laissent à désirer. Heureusement qu'Austin s'était tenu un minimum quand il y a eu le repas de famille. Alexeï l'aurait sûrement tué sur place – et il le ferait sûrement même maintenant s'il l'apprend – si Austin s'était lâché avec les gestes et les surnoms débiles.

- On...On va...sûrement emménager ensemble quand j'aurai fini ma scolarité.

J'ai dit la fin d'une traite. Je ne suis pas sûre que ça lui fera plaisir en sachant qu'il déteste Austin, j'ai même peur de sa réaction. De toute façon si ça ne se fait pas, je demanderai sans doute pour vivre encore dans une résidence de l'institution le temps de me trouver un appartement à moi. Le plus dur ne sera pas d'en trouver un. Ce sera de trouver un job. Je n'ai pas la moindre idée de ce que je ferai alors que les examens sont dans deux mois. Ou dans un mois pour les dernières années... Je ne sais plus. Mais ils sont bientôt et après l'année sera finie. La plupart commenceront leurs études supérieures, d'autres auront des stages ou même un travail et moi...je ferai partie de ceux qui seront au chômage parce qu'aucun job ne leur convient.

- Et...Et d'ailleurs tu savais que papa a commencé à voir une femme ?

Ouais, je tente de changer de sujet comme la grande lâche que je suis. Si je parviens à détourner son attention sur un autre sujet, il ne ragera peut-être pas. Et peut-être qu'il oubliera vite l'avoeu que je lui ai fait concernant les projets d'Austin et moi-même.

Quand mon frère déteste une personne, ce n'est vraiment pas difficile à le deviner. Il suffit juste de lui demander de dire le prénom. Il va l'écorcher même quand c'est un nom facile à prononcer. Bref je rassure donc Alexeï sur ma relation avec Austin, tout se passe bien. Je termine souvent avec des bleus sur le corps parce qu'on se chamaille et que c'est un peu violent mais tout se passe vraiment bien. Enfin il faut aussi oublier les quelques fois où j'ai eu une crise hallucinatoire en sa présence et qu'il a dû me calmer aux dépends de sa propre santé...

Et puis j'ai lâché une bombe. Pas dans le sens où j'ai pété. Dans le sens où j'ai lancé une information qui ne va sans doute pas faire plaisir à mon frère. Je vais potentiellement emménager avec Austin à la fin de ma scolarité. C'est soit ça, soit je loge dans les résidences de l'institution en attendant de trouver mon propre appartement. Et peut-être un job si je peux en trouver un qui ne me stresse pas trop... Néanmoins je ne reste pas longtemps sur le sujet, préférant dévier sur autre chose qui est la vie sentimentale de notre père. Il retrouve goût à la vie de couple apparemment puisqu'il a commencé à fréquenter une femme.

- Il le fait pas dans son lit, il a tout juste commencé à la fréquenter !

Papa n'est pas du genre à coucher dès le premier soir... Il aime apprendre à connaître la personne. Et c'est ce qu'il fait actuellement. Peut-être qu'il ira plus loin un jour, peut-être pas.

- Mais... Toi t'as Emilie et Aaron ! Et pis j'ai dit qu'on allait sûrement le faire, j'ai pas dit que c'était sûr à 100%. C'est un projet...

C'est ce qu'on souhaite faire si on en a l'occasion. Et pour ça, il faudrait qu'on cherche un appartement. On ne va pas vivre ensemble dans celui de son cousin. Adieu l'intimité sinon. Enfin peu importe que ce ne soit qu'un projet ou non, l'idée ne plaît pas du tout à Alexeï. Comme je m'y attendais, il râle. Il me fait bien comprendre à quel point il déteste cette idée. Mais si je vis chez lui, il perd son intimité avec sa copine. Et je ne pourrais jamais être seule avec son gosse à moins de vouloir l'envoyer à l'hôpital ou pire, dans une tombe. C'est trop de contraintes pour lui comme pour moi.

- Même si Emilie est d'accord ou non, t'as toujours Aaron. Et puis tu dois garder un peu d'intimité. C'est déjà pas simple avec votre enfant alors si en plus j'me rajoute, vous n'en aurez plus du tout. En plus vous seriez toujours obligés de confier Aaron à quelqu'un pendant que vous bossez parce que je ne peux pas rester seule avec lui. Et puis de toute façon comme dit, ce n'est qu'un projet... Faudrait d'abord qu'on trouve un appartement parce que même si on emménage vraiment ensemble, on ne va pas vivre chez son cousin.

C'est dur d'annoncer à son frère qu'on va peut-être emménager avec quelqu'un. C'est plus dur que je ne l'imaginais. Le plus difficile est de supporter la déception que je lui ai provoquée. Il veut que je vienne vivre chez lui et honnêtement j'aimerais bien moi aussi mais...il a Emilie et Aaron. Je ne veux pas lui détruire le peu d'intimité qu'il lui reste avec sa copine et risquer la vie de son enfant avec mes problèmes psychiatriques.

Alexeï clôture le débat rapidement en me donnant son opinion définitive sur le sujet. Il ne veut pas que j'emménage avec Austin. Je sais qu'il le déteste alors j'ai cru que lui préciser que le déménagement n'est qu'un projet, ça allait le rassurer. Echec sur toute la ligne. Il propose alors d'aller au magasin de musique pour commencer, chose que j'accepte bien évidemment. Je le suis alors jusqu'à la boutique en question et y entre.

Pendant qu'Alexeï va chercher sa guitare, moi je tourne un peu dans les rayons, observant les instruments. Guitare ? Hum...non. Même si mon frère m'a un peu appris à en jouer, je ne pense pas que ce soit un instrument fait pour être régulièrement utilisé par une personne comme moi. La batterie ? Sûrement pas ! Je suis déjà dangereuse sans baguettes dans les mains. Trompette et instruments de ce genre ? Non. Piano ? Pas assez de place. Plus je regarde les instruments proposés, moins j'ai d'idée pour ce que je pourrais faire. Peu importe ce que je trouve, il y a toujours quelque chose pour me rappeler pourquoi je ne peux pas les prendre.

- Alexeï ! Tu peux m'aider ? J'trouve rien !

Rien qui ne me correspond. Et puis le magasin de musique était surtout une excuse pour passer du temps avec lui même s'il est soucieux. Lorsqu'il approche, je décide de l'interroger sur ces soucis qui le hantent actuellement. Je m'en fiche de devoir oublier le fun pour un moment. Alexeï ne veut pas que ma journée avec lui soit gâchée mais elle le sera automatiquement s'il reste inquiet. Il sait pourtant que je repère quand il est soucieux et que plus il l'est, plus je m'inquiète pour lui. Et plus je le fais, moins j'arrive à me concentrer sur le reste.

- Dis... Qu'est-ce qui te tracasse encore ? Ca ne va pas avec Emilie ?

Je pose ma question innocemment en continuant de regarder les différents instruments, cherchant ce que je pourrais jouer. Il a peur que je m'éloigne de lui ? Ca ne va pas dans son couple ? Il a des problèmes financiers ? Des ennuis avec des gens pas fréquentables ? Il...

- T'as quand même pas commencé à prendre de la drogue, j'espère !

J'ai déjà du mal à accepter qu'il se saoule régulièrement mais la drogue, c'est un refus catégorique. Je ne veux pas qu'il touche à cette merde. C'est non négociable.

lJe ne trouve rien et ça m'agace un peu. Peu importe l'instrument susceptible de m'intéresser, il y a toujours un truc qui me rappelle à quel point ça peut devenir dangereux entre mes mains. Même un simple triangle peut devenir une arme. Ca m'énerve... Pourtant le traitement est censé calmer les hallucinations. Je sais que ce n'est pas un médicament miracle et que le psychiatre ne peut pas me donner trop fort mais cette situation me fatigue à la longue. Vous n'imaginez pas le nombre de loisirs que j'ai stoppé ou que je n'ose pas tester par la simple peur de blesser quelqu'un.

Je finis tout de même par demander de l'aide à mon frère. Il connaît mes problèmes, mes craintes, les instruments. Il saura peut-être ce que je peux faire sans avoir le risque de blesser des gens. Et puis je pourrai en profiter pour l'interroger sur ses soucis. Il peut faire genre que tout va bien mais je sens bien que ce n'est pas le cas. Plus il tentera de me le cacher, plus je m'inquiéterai alors je peux bien le questionner. De toute façon il ne pourra pas me cacher ses soucis bien longtemps, je finis toujours par les connaître. Soit parce qu'il m'en parle de lui-même, soit parce qu'il a craqué face à ma bouille.

À ma seconde question, il a enfin réagi. Il râle. C'est plutôt bon signe. S'il avait commencé avec la drogue, il n'aurait sûrement pas réagi aussi vite. Ou en tout cas, il n'aurait pas râlé de cette manière. Il me tend finalement un instrument – pas la moindre idée de ce que c'est ce machin – et je l'inspecte un peu pendant que mon frère répond enfin à mes interrogations concernant sa petite-amie. Je savais bien que ça n'allait pas. Il me montre ensuite son téléphone avec un sms d'une idiote qui lui court après. Et il s'excuse en plus de m'avoir délaissée. Je me recoiffe un peu avant de pouvoir prendre la parole.

- J'te fais toujours confiance. C'est en Lloyd que j'ai pas confiance. Il suffit qu'il sache que t'es dans la merde pour qu'il propose une « alternative » pour penser à autre chose... Il est pire qu'un vautour pour ça.

Je ne sais pas s'il a vraiment encore contact avec lui mais je me méfie de ce type. Ca a toujours été le cas. Lloyd me fait peur alors forcément quand Alexeï doit le voir, je n'ai jamais l'esprit tranquille. À sa question, j'observe encore un peu l'instrument que j'ai entre les mains et tapote sur les espèces de touches. Je ne sais même pas quelles notes je joue puisque je ne suis pas douée avec le solfège. Je fais toujours au pif durant les cours.

- Ca peut se tenter oui. Mais j'sais pas en jouer, tu devras me donner des cours pour ce truc.

Ca fera une excuse pour nous voir plus souvent. Lui, ça lui changera les idées et moi, je retrouverai un peu ma relation – certes tordue – que j'avais avec mon frère. Ca le rassurerait peut-être un peu aussi. Surtout si le projet avec Austin se concrétise réellement.

- Tu sais...même si le projet avec Austin se fait vraiment, ça voudra pas dire que j'te verrai plus. Tu restes mon frère et t'es toujours en priorité chez moi. Si t'as besoin de moi, tu peux toujours compter sur mon aide.

Que je vive avec Austin ou dans un appartement seule, ou une résidence universitaire si je continue finalement mes études, Alexeï passera toujours en priorité. J'essaie seulement de faire en sorte à ce qu'il s'inquiète le moins possible pour moi. Je croyais que le fait que je vive avec quelqu'un le rassurerait mais apparemment, non. Je change rapidement de sujet en retrouvant le sourire et en agitant gentiment l'instrument devant lui.

- Allez on va le payer ! Comme ça on peut aller acheter des peluches ! Et de la bouffe ! Et tu pourras me donner des cours particuliers pour la musique !

Comment Alexeï peut-il croire que je n'ai plus confiance en lui ? Ca a toujours été de son pote Lloyd que je me suis méfiée. Ce type je ne l'aime pas, il me fait peur et j'ai toujours l'impression qu'il essaie d'entraîner mon frère sur un sentier dont il n'en ressortira jamais. Pas vivant en tout cas. Je ne veux pas qu'il parvienne à corrompre mon frère avec sa merde. Il devrait faire une cure de désintox par contre. Ca ne lui ferait pas de mal. Quoique mon frère devrait en faire une pour l'alcool... Sauf que si je le lui dis, je ne suis pas sûre qu'il le prenne bien. Pis je ne veux pas qu'il se prive de boire, je veux juste qu'il picole moins.

Je teste le kalimba un peu pour faire plaisir à Alexeï mais autant être honnête, il me faudra des cours. Ce n'est même pas l'instrument que je déciderai de jouer plus tard. Il me permet juste de passer du temps avec mon frère. Il me paie donc l'instrument, récupère le sien puis on ressort de la boutique. Lorsqu'il me prend la main, je serre un peu l'étreinte tout en me laissant guider hors de la rue et surtout hors de la foule qui commence à s'agglutiner.

- Oui oui, ça va. De toute façon j'veux juste acheter des peluches donc ça sera rapide.

C'est même la seule raison pour laquelle j'entre dans une boutique de jouet. Ce n'est pour aucune autre raison que les peluches. Si elles ne se trouvaient pas dans ce genre de boutique, je n'y poserais même pas un pied.

Alexeï revient sur le sujet « Austin » pour essayer de me rassurer. Si mon projet avec lui fonctionne et que je suis heureuse, c'est tout ce qui compte pour lui. Je suis contente de savoir qu'au final il le prend bien.

- Bah de toute façon j'serai toujours dispo pour t'embêter. Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement !

Je lui tire un peu la langue pour le narguer en souriant puis je reprends sa main pour qu'on aille au magasin de jouet. Peluches, me voilàààà ! Lorsqu'on entre dans la boutique, je lgarde la main de mon frère dans la mienne et 'entraîne aussitôt vers le rayon qui m'intéresse. J'observe les peluches présentées en cherchant celle qui peut faire l'affaire. En fait elles pourraient toutes faire l'affaire mais je ne peux pas toutes les embarquer. Et puis la résidence surveillée n'est pas assez grande pour contenir toutes mes peluches à la longue. Puis mon regard se pose un instant sur une grosse peluche rose. Zut. Dommage que la couleur soit aussi dégueulasse, le nounours était cool. Je me demande s'il en ont un  d'une autre couleur. Je lâche finalement la main de mon frère et pars en expédition dans les rayons. Cette fois j'ai un objectif de taille. Et au bout de quelques minutes de recherches, je trouve mon graal fait de poils synthétiques. Un gros nounours blanc comme la neige.

- Alexeï, regarde j'ai trouvé !

J'embarque la peluche et tente de me diriger vers mon frère. Pas facile, l'ours géant est presque aussi grand que moi et il est aussi plus épais que moi. Je ne vois quasiment rien. Dès que je suis face à mon frère, je baisse un peu l''ourson en regardant mon frère avec des yeux de chiot battu pour qu'il craque plus facilement à ma demande. Un petit caprice que je me permets parce que le nounours est adorable et qu'il n'est pas rose. Il ne devrait pas avoir honte de se balader avec un truc blanc. Si ?

- Regarde il est tout mignon et en plus il est tout blanc. Ca te dérange pas si j'le prends ? Sinon j'peux prendre le rose si tu préfères.

Technique de traître. Jamais je prendrai le rose. C'est trop moche comme couleur. Je préfère le blanc. C'est une couleur pure.

- Alleeeez. Regarde Flocon t'aime déjà !

Est-ce que le fait d'avoir donné un nom à la peluche signifie que je me suis déjà trop attachée à sa bouille ? Totalement, oui ! Mais comment résister à une bouille pareille ? C'est impossible.

Mon aventure dans le magasin de peluche s'est terminée face à un gros nounours blanc. Un majestueux ours que j'ai déjà prénommé Flocon. Je suis donc retournée vers mon frère avec la peluche qui est presque aussi grande que moi. J'y vois presque rien jusqu'à ce que je baisse un peu le roi ours pour fixer mon frère avec une bouille adorable. Allez, craque Alexeï ! Je veux ce nounours. Son peuple a besoin de lui. Ah ! Il est sur le point de craquer ! Il m'a regardée et aussi la peluche ! Je reconnais aussi se mordillage de lèvre qui suit !

- Mais si y en a ! Y en aura toujours pour le seigneur des peluches ! Il doit régner sur son royaume et je le poserai sur son trône.

Ca ne devrait pas le surprendre que je parle de royaume, trône, seigneur, et je passe. Après tout je crois bien aux fées, elfes et autres créatures de ce genre alors pourquoi pas un roi ours qui règne sur un peuple de peluches ? Surtout quand on sait que ce sont un peu mes seules amies. C'est triste dit comme ça mais c'est vrai.

- Alleeez ! Son peuple a besoin de lui. On ne peut pas le priver de son seigneur et maître ours.

J'accentue ma petite bouille mignonne pour l'achever et...ça marche ! Ca marche toujours. J'en profite pas souvent mais quand il s'agit d'avoir une nouvelle peluche à rajouter à ma collection, rien ne peut se mettre sur mon chemin. Il me fait un petit échange, me refilant la peluche qu'il a prévu de donner à son fils et lui, il porte le gros machin qui m'empêche de voir clair.

- Ils s'en fichent, j'ai une résidence pour moi toute seule alors je dérange personne avec ça. Enfin sauf quand quelqu'un vient me rendre visite là-bas mais vu qu'il n'y a que toi de temps en temps...

Autant dire que ça ne gêne vraiment personne. Et puis c'est peut-être une invasion mais c'est dans cette collection que je me sens le mieux. Pourquoi croit-il que je dors la majorité du temps sous un tas de peluches ?

Pendant qu'on avance en direction de la caisse, mon frère me pose une question un peu étrange. Enfin elle l'est dans le sens où elle n'a absolument rien à voir avec le sujet abordé quelques secondes plus tôt. Qu'est-ce que ça me fait le fait que notre père retombe amoureux et décide de revoir une femme avec l'intention de peut-être se mettre en couple ? Je ne sais pas trop. Je suis contente pour lui, je ne souhaite que son bonheur et peut-être qu'une femme parviendra à le soulager des soucis que je peux provoquer mais...en même temps ça me fait peur. Alexeï a dû m'accorder moins de temps depuis qu'il est en couple, et encore moins depuis qu'il a adopté un gosse. Je suis contente pour lui aussi mais je n'aime pas me sentir délaissée. Et j'ai peur que ça arrive aussi avec mon père. Qu'il nous délaisse. Il travaille beaucoup donc il ne peut déjà pas nous accorder beaucoup de temps. On le voit surtout durant les vacances ou durant les fêtes. J'espère que le fait de se mettre en couple ne va pas empirer le truc.

- J'comprends... Moi ça me fait peur. Je suis contente qu'il ait fait le deuil et qu'il ait peut-être trouvé une femme pour combler sa solitude. Mais j'ai peur qu'il ait aussi encore moins de temps à nous accorder après.

Une fois à la caisse, je laisse payer les deux peluches puis ressors de la boutique, toujours accompagnée par mon frère.

- Enfin peut-être que ça le motivera à lever un peu le pied niveau boulot. Il travaille beaucoup, même trop. On verra bien. Si ça se concrétise vraiment entre eux, il nous en parlera.

Je regarde ensuite les peluches puis l'heure. J'ai fait tout ce que je voulais. Voir les instruments, on en a même acheté un pour moi, acheter une peluche,... J'ai vraiment tout. Je regarde ensuite mon frère.

- Je pense que j'vais bientôt rentrer. J'ai l'instrument et la peluche notre balade est faite indirectement. En plus se promener avec une grosse peluches et deux instruments, ça sera pas très pratique. Tu veux encore faire quelque chose ?

Victoire pour moi ! J’ai pu avoir ma peluche géante. Alexeï a craqué et je suis assez fière de moi. Il ne peut pas se plaindre, c’est une grosse peluche certes mais elle n’est pas rose. Et puis en voyant ma petite carrure, les gens ne vont même pas se poser de questions. Ils sauront direct que mon frère porte la peluche parce que sinon moi je verrai que dalle. Alors qu’on passe en caisse, je lui explique ce que je pense de la nouvelle relation de notre père. Ca m’effraie mais en même temps, je suis contente pour lui. La peur que j’ai est plutôt égoïste en plus. J’ai seulement peur qu’il ait moins de temps pour moi. J’ai la même peur avec mon frère. C’est égoïste, c’est mal et pourtant je ne peux pas m’empêcher de vouloir les garder rien que pour moi.

Les peluches sont payées puis on ressort de la boutique. Alexeï se tape le gros ours, moi je me tape le plus petit nounours. On se dirige alors vers le magasin de multimédia tout en continuant de discuter. Je peux comprendre son sentiment. Moi non plus je ne veux pas que notre père remplace notre mère. Pourtant il faut bien qu’il puisse reprendre une vie intime. Il lui faut quelqu’un qui soit présent un maximum pour lui après le travail et Alexeï et moi on ne peut malheureusement pas remplir ce rôle.

- Hein ? Euh...ouais.

Honnêtement j’ai surtout totalement oublié cette boutique. On aurait peut-être dû y passer avant d’aller chercher les peluches au final. Et puis, il pose la question qui tue. Celle qui mettrait n’importe qui dans l’embarras. Je l’ai été. Il me parle vraiment d’histoire de cul ? Mes joues prennent une légère couleur rouge alors que je réponds à la question de mon frère très protecteur.

- Oui oui, on se protège. Il met des capotes alors pas de risque de maladies supplémentaires, ni d’avoir un gosse.

Enfin…quand on n’oublie pas de les mettre. Je ne vais toutefois pas révéler ce détail, ça risquerait de l’inquiéter et je ne veux pas qu’il se fasse plus de souci. Déjà qu’il n’aime pas Austin, si en plus il apprend qu’on ne se protège pas toujours, il risquerait de voir rouge.

J’entre dans le magasin et me mets rapidement à fouiller les rayons, à la recherche d’un jeu qui pourrait m’intéresser. Echec, échec et encore échec. Je fais deux fois le tour des rayons en prenant le temps de bien regarder ce qui est proposé mais rien ne me motive. Tant pis. Je regarde à nouveau mon frère avec un petit sourire.

- On s’en va ? J’trouve rien d’intéressant. À moins que t’aies trouvé quelque chose qui t’as attiré l’oeil ?

Peut-être que lui il a trouvé quelque chose qui l’intéresse. C’est vrai qu’on est venus pour moi à la base mais rien ne l’a empêché de zieuter pour lui aussi.