[2019] Une altercation à la bibliothèque

Alors que la sonnerie de fin des cours retentissait, je rangea mes affaires dans le plus grand des calmes, au contraire de mes camarades de classe qui s'empressèrent de sortir comme des ahuris. Cela faisait tout juste deux mois que j'avais été admis dans cet établissement, deux mois durant lesquels j'avais pris mon temps pour me réadapter lentement à la vie scolaire. Ce n'était pas facile au début, je ne sortais même pas de ma chambre tant j'étais terrorisé par ce nouveau lieu qui m'était totalement inconnu. Les médecins commençaient d'ailleurs à s'inquiéter, mais loin de m'abandonner, ils surent trouver les mots justes pour me venir en aide et me rassurer. Au début ce n'était que quelques cours par jour, mais j'avais désormais l'emploi du temps standard des élèves d'Indarë. C'était toujours inférieur à ce que je faisais quand j'étais dans mon ancienne école, mais je ne savais pas si je supporterais de tels horaires à l'heure actuelle. Je préfèrais largement ces horaires là, qui me permettaient de souffler un peu, et de me concentrer sur mes soins.

Alors que tout le monde était déjà sorti de la salle, je remerciais poliment mon professeur pour son cours. En vérité, j'attendais surtout que les couloirs se vident un peu. Tout ce bruit et ces passages me rendaient encore nerveux. Le professeur me demanda si j'avais besoin de quelque chose et je répondis non de la tête, je jeta un petit coup d'oeil dehors puis me lança enfin. C'était le dernier cours de la journée, j'en avais donc fini pour aujourd'hui. Mais plutôt que de retourner directement m'enfermer dans ma chambre comme j'en avais l'habitude, je tenais à un petit rituel que je m'étais imposé. Pour que j'arrive à me sortir de ma bulle, les médecins m'avaient demandé d'essayer d'aller quelque part dans l'Institution, même si c'était pour un moment très court. J'ai promis de faire cet effort et je comptais bien m'y tenir. Parfois je sortais faire un tour dans le parc, d'autres fois je furetais dans la bibliothèque, peu importait du moment que je restais un peu dans le monde extérieur. C'était parfois difficile, surtout quand il y avait du monde.

Ce jour là, je devais me rendre à la bibliothèque pour rendre des livres que j'avais emprunté. Je pris donc la direction de l'escalier pour descendre jusqu'au rez-de-chaussé. Je ne rencontra presque personne sur le trajet, tout le monde était déjà dehors depuis quelques minutes. Je poussa timidement la porte et entra. La documentaliste me salua chaleureusement et je répondis avec un grand sourire. Elle était vraiment gentille. Je fouilla dans mon sac et posa les deux bouquins que j'avais emprunté sur son bureau. Elle vérifia rapidement que tout était en ordre et me dit que je pouvais y aller. Alors que je m’apprêtais à partir, je me dis que finalement, je pouvais essayer de rester un peu. Il n'y avait presque personne, je n'allais surement pas être dérangé par qui que ce soit ici. Je me mis donc à fouiller dans les rangés de livres, j'en prenais un que je lisais, puis allais le reposer pour en prendre un autre. Mais alors que je cherchais un énième livre dans la section science-fiction et que j'en avais déjà quatre sur les bras, quelqu'un me surprit par derrière.

"Yaaaaaah !" fut le seul bruit qui sortit de ma bouche alors que les livres que je portais tombaient.

Je me retourna aussitôt, totalement paniqué. Mon cœur battait à tout rompre et j'étais sur le point de me mettre à pleurer tant j'avais eu peur. Le garçon qui m'avait surpris était bien plus grand et plus costaud que moi, j'avais tellement peur qu'il me fasse du mal qu'aucun mot ne parvenait à sortir de ma bouche. Il n'y avait pas de raisons que ça arrive, mais je n'arrivais même plus à résonner correctement. Alors je resta planté là comme un piquet, sans pouvoir bouger le moindre muscle. Tout mon corps était comme paralysé par la peur qu'on me fasse du mal. Les larmes montèrent doucement jusqu'à l'explosion, et je fondis en larmes.

Les larmes coulaient à flot le long de mes joues, formant deux rivières partant de mes yeux. Je ne contrôlais plus rien, je ne parvenais pas à m'arrêter ou simplement à me calmer un petit peu. J'étais persuadé que ce garçon face à moi allait me faire du mal, quand bien même c'était totalement impossible dans un tel lieu. Il y avait d'autres élèves, même plusieurs adultes, pour l'arrêter si jamais c'était le cas. Mais même le fais de résonner m'était devenu difficile. J'étais simplement en pleine crise de panique.

Quand je me rendis enfin compte qu'il était en train d'essayer de me parler, je commença doucement à me calmer. Sa voix n'était pas du tout agressive, au contraire il semblait tenter de me calmer. Les larmes commencèrent à se faire plus rares, seules quelques hoquets sortaient encore de ma bouche. Il eut même la gentillesse de ramasser et de me tendre les livres que j'avais accidentellement fais tomber dans la panique. Je les repris et les serra fort contre ma poitrine encore un peu douloureuse. Je me rendis enfin compte qu'il ne me voulait aucun mal, il semblait même plutôt inquiet pour moi. Je me concentrais sur ma respiration, prenant mon temps entre chaque inspiration affin de retrouver mon calme. Peu à peu, les larmes s'arrêtèrent, j’essuyai d'un revers de la main mes joues encore un peu humides. Je ne devais pas être beau à voir, couvert de larmes somme un bébé. Peu sûr de moi, je pris mon courage à deux mains pour lui répondre enfin.

"Je...je m'appelle Alex...Alex Graham..."

La peur que je ressentais laissa peu à peu sa place à la honte, quel comportement ridicule. Je m'en rendais bien compte maintenant. Il m'avait simplement surpris dans le dos et moi j'avais totalement perdu le contrôle de moi-même. Vraiment, vraiment ridicule. Je regardais autour de nous, quelques regards s'étaient tournés dans notre direction, je me sentais vraiment gêné d'avoir réagi de la sorte. Mais alors que je retrouvais mon calme, les gens semblaient se désintéresser de nous pour reprendre leurs activités. Mes joues qui avaient un peu repris leur couleur normale se remirent à rougir, mais pas pour pleurer cette fois, simplement de honte. Il fallait immédiatement que je me calme, ou j'allais à nouveau paniquer et perdre le contrôle. Je ne voulais pas imposer ça à mon camarade, qui devait déjà être bien assez mal comme ça lui aussi. Ma réaction totalement démesurée l'avait surement perturbé lui aussi, et pourtant il était resté avec moi pour me rassurer, ça me suffisait pour le considérer comme quelqu'un de plutôt bienveillant à mon égard.

"Désolé de t'avoir imposé ça, ma réaction a dut te paraître vraiment bizarre. Tu m'as surpris et j'ai eu peur. Je panique assez facilement quand je suis avec des gens. Vraiment désolé."

Je baissais les yeux, terriblement honteux. Quand je les releva pour croiser le regard du garçon en face de moi, je tenta de lui adresser un sourire. Puis derrière lui, je vis la documentaliste qui se dirigeait dans notre direction. Elle avait surement été alerté par mon cri ou par un camarade qui n'avait pas tout compris à la situation. Elle se positionna entre nous deux et posa une main rassurante sur mon épaule. Puis, d'une voix douce, elle me demanda ce qu'il s'était passé. Toujours terriblement gêné, je mis quelques secondes avant de parvenir à prononcer le moindre mot pour lui expliquer la situation. J'avais vraiment peur qu'elle me juge par rapport à ma réaction.

"Rien madame...j'ai été surpris et j'ai un peu paniqué. C'est tout..."

J'essuyais les dernières larmes qui perlaient encore le long de mes joues, le plus dur de la crise était maintenant derrière moi. Le calme et le silence revenait peu à peu dans la bibliothèque, il faut dire que j'avais surement dus faire pas mal de bruit avec mes pleures. Quelques personnes autour nous regardaient encore alors que la documentaliste retournait à son bureau rassurée que rien de grave ne se soit produit. Heureusement que j'avais réussi à m'exprimer quand elle m'avait demandé ce qu'il se passait, sinon le pauvre garçon avec moi aurait put avoir de très gros ennuis. Et je ne me serais jamais pardonné de savoir que quelqu'un avait été punis par ma faute, surtout pour une raison aussi stupide qu'une simple crise de ma part. Au moins, c'était réglé.

"C'est normal...tu n'as rien fais de mal après tout. C'est simplement moi qui ait prit peur alors que tu me parlais simplement et calmement...Je m'en serais voulu si tu avais été punis par ma faute. C'était la moindre des choses..."

Le garçon dont je ne connaissais pas encore le nom semblait gentil finalement. Il s'était inquiété pour mon état, et maintenant il semblait vouloir sympathiser. Mais j'avais comme l'impression qu'il se forçait un peu, comme pour essayer de se racheter. Comment quelqu'un pouvait-il simplement s'intéresser à moi sans quelque chose d'autre en tête ? Pour moi, c'était inconcevable. Mais puisqu'il semblait tout de même vouloir un peu parler, je n'allais pas m'enfuir ou me mettre à pleurer de nouveau pour rien. D'une main légèrement tremblante, je lui tendais l'un des livres que je gardais avec moi depuis tout à l'heure. La couverture était sombre et représentait au milieu l’œil d'un dragon, avec une pupille légèrement enflammée.  

C'est un livre de fantasy, avec de la magie et des dragons. J'aime beaucoup cette auteur, elle a un vrai talent pour l'immersion dans son monde. J'aimerais écrire aussi bien qu'elle un jour...

J'adorais écrire, c'était quelque chose qui me passionnait. Je n'étais pas encore très bon à mon gout donc je ne montrais mes écris à personne par contre. J'avais bien trop peur qu'on me dise que je suis nul pour ça, et pour moi c'était la seule réponse possible. Je n'envisageais même pas que mes histoires puissent plaire à quelqu'un. Si on me félicitait pour ce que je faisais, c'était simplement pour ne pas me vexer, c'était l'impression que j'avais. Alors que je tendais mon bras, le livre m'échappa de la main. J'avais terriblement chaud tout à coup. Je me sentais nauséeux et je me mettais à transpirer fortement sans raison. Ma tête se mit à tourner rapidement. Cela devait être le contrecoup du trop plein d'émotion de tout à l'heure.

Est ce qu'on peut...est ce qu'on peut aller s'assoir s'il te plait...?

A peine terminais-je ma phrase que mon corps bascula en avant pour finir par heurter le corps de mon camarade.