[2019] Un sens de l'orientation hors du commun

En regardant mon emploi du temps, j’avais parfois l’impression d'avoir étonnamment beaucoup de temps libre. Une erreur dans laquelle il ne fallait pas que je tombe comme j'aurais pu le faire au lycée. Enfin… Je savais travailler un minimum en général en faisant mes exercices à l’avance, apprenant un minimum mes leçons et rendant mes travaux en temps et en heure. Mais j’avais encore des problèmes pour réussir à savoir seule si mes connaissances étaient bien ancrées ou non. Je n’étais pas non plus le genre de personne à demander de l’aide pour cela et c’était ce qui m’amenait à vouloir profiter de ce temps qui semblait libre. A côté de cela, j’avais également des séances chez le psy, entre autres. Finalement, à vivre, la vie à l’université n’était pas de tout repos et je ne comprenais généralement pas les personnes qui sortaient sans penser aux examens qui les attendaient. Je ne comprenais pas qu'on ne soit pas tous concernés par nos études. Nous les avions pourtant tous choisis, non ? Enfin… Je ne devais pas penser à eux. C’était leur faute s'ils ne validaient pas leur année. Pourtant, au fond de moi-même je me sentais concernée parce que je me voyais un peu à leur place. Il n’y avait rien de glorieux à se retrouver dans leur situation. C’était douloureux en réalité. Mais je ne pouvais rien pour eux et c’était sans doute ce qui m’énervait le plus.

Lundi 7 janvier. L’un des premiers de l’année. Mais ce n’était sans doute pas le meilleur de ma vie. Pour commencer, je m’étais réveillée à cause d’un cauchemar en pleine nuit. Réveillée brutalement, je m’étais mise à douter sur les devoirs à faire pour le lendemain, si je les avais terminés. Pendant une vingtaine de minutes j’avais alors commencé à tourner dans mes couvertures en m’en faisant la liste mentalement. Rien à faire, je ne parvins pas à me calmer. Alors, un peu énervée par la situation et, surtout, moi-même, je me levai brusquement pour aller vérifier. Cela me prit bien une bonne heure et demi puisque j’en avais profité pour améliorer ce qui pouvait l’être. Un travail minutieux comme j’avais l’habitude de l’être en codant. J'aimais ça et faire en sorte que tout soit comme je le voulais. Mais il y avait tout de même quelques matières qui me prenaient la tête et c’était ces dernières qui me réveillaient en pleine nuit. Elles et les professeurs qui avaient tendance à tellement critiquer qu'on pouvait facilement croire que jamais rien ne leur allait. Pour moi qui était facilement stressée, je me voyais obligée de les supporter en essayant de ne pas tout prendre pour moi. Une mission pratiquement impossible, au fond…

Suite à cela, je pus me rendormir quelques heures. Malheureusement, lorsque je dûs me réveiller, je ressentis immédiatement le manque de sommeil peser sur mon corps. Néanmoins, je m’étais levée sans faire de chichi afin de me préparer et manger un peu pour pouvoir tenir jusqu’à midi sans crise d’hypoglycémie. C’était une de mes bêtes noires même si je n’en parlais que très peu souvent. Ainsi, après un bon petit déjeuner et une douche chaude à m’en brûler la peau, j’enfilai par-dessus mes sous vêtements un jean bleu foncé qui semblait délavé au niveau des plis, des chaussettes et un pull simple rose clair tirant sur le beige. J’avais ramené mes cheveux en une tresse simple et rapide qui laissait des mèches de cheveux encadrer mon visage. Puis, une fois mes affaires dans mon sac d’ordinateur, je mis des bottes couleur cuir simples et une doudoune noir avec une sorte de fourrure synthétique sur la capuche. Ainsi prête à affronter le froid, je sortis de chez moi pour aller à mon premier cours de la matinée. J’avais prévu de rester à l’université toute la journée pour ne pas avoir envie de faire autre chose que travailler pendant mon “temps libre”.

La journée se passa sans vraiment d’embuche. Sincèrement, mis à part les remontrances habituellement désagréables de la part des mêmes cours, je n’avais eu aucun problème. J’avais même eu le droit à de bons résultats, ce qui était plutôt rare puisque j’étais une élève considérée comme étant moyenne. C’est donc plutôt légère que j’allai à la recherche d’un coin tranquille pour travailler. Étrangement, tout le monde semblait avoir décidé de profiter du soleil en squattant tous les endroits où j'aurais pu m’installer. Alors, je décidai de m’installer à la bibliothèque. Finalement, ce n’était pas une mauvaise chose puisque cela me donnerait accès à des documents d’étude plus facilement. Puis, de toute façon, je n’étais pas bien difficile. Tout ce que je souhaitais était de pouvoir m'avancer dans mes devoirs et mes études sans être emmerdée. On n'allait quand même pas me faire croire que c’était trop demander… J’avais déjà assez à gérer avec mes insomnies et ma vie familiale qui semblait légèrement s’améliorer.

Alors que je marchais d’un bon pas, je sentis qu'on me tapotait l’épaule. Surprise, je me tournai vers la personne m'interpellant silencieusement afin de lui faire face. Ne cachant pas mon émotion principale, je l’observai un instant pour tenter de savoir à qui j’avais affaire. Un petit rituel nécessaire puisque j’avais pas mal de difficultés à me rappeler des visages et des noms des personnes que je connaissais peu. Ainsi, je fus persuadée de ne pas connaître cette lycéenne. En même temps, je n’avais pas rencontré grand monde depuis mon arrivée, et encore moins une personne comme elle. Sans doute me serais-je rappelée de ses jolis et longs cheveux noirs. Mais pas seulement… Son ton aussi me serait sans doute resté en mémoire. Cette personne était extrêmement désagréable qui m’empêcha de lui sourire. En fait, je ne pus vraiment me demander si j’avais fait quelque chose de mal puisque je ne l’avais jamais vue. C’était donc une attaque gratuite que je me vis subir. J’avais horreur de cela tant ça me ramenait à mes anciennes années de scolarité. Et cela n’avait rien à voir avec le fait que j’étais une adulte. Je ne me sentais pas l’être, au fond.

Faisant un effort, je lui répondis le plus neutrement possible pour cacher que j’étais blessée, ce qui n’était pas mon fort, sans sourire malheureusement :

-J’allais à la bibliothèque moi aussi. T’as qu’à me suivre, si tu veux.

Lui dire de changer de ton ne me semblait pas nécessaire puisque cela ne ferait que donner naissance à un conflit inutile. Pourtant, il me restait énormément en travers de la gorge, me donnant envie de pleurer. Ce n’était ni le lieu, ni le moment. Avec un peu de chance, elle se rendrait compte toute seule qu’elle avait fait une erreur. A moins que mon manque de salutation lui donne une autre impression ? Encore une fois, j’étais en proie aux doutes. Mais je n’avais aucun moyen de vérifier quelle était la vérité comme je l'avais fait pendant la nuit dernière...