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Je n’allais pas vraiment bien aujourd’hui. J’avais mal au crâne et ma tête tournait. C’était encore plus difficile que d’habitude de garder les idées claires. Même penser s’avérait compliqué. Cela me faisait penser aux espèces de crises qui me prenaient parfois. C’était assez difficile à expliquer… Comme si j’avais une masse sur la tête et que mes paupières étaient si lourdes qu’il était dur de laisser mes yeux ouverts normalement.
J’avais quitté les cours, il y avait une bonne heure déjà. Je m’étais assis sur un banc dans le hall, la tête dans les mains, fermant les yeux et essayant de penser à autre chose. Une vingtaine de minutes s’étaient écoulées. Personne ne m’avait dérangé, j’imagine qu’en me voyant comme cela, ils avaient tous dû penser que j’étais bizarre.
Soudain, mon souffle fut coupé. L’air me manquait, et je commençais à avoir des difficultés à respirer. J’avais besoin d’air frais, et vite. Mais que m’arrivait-il bon sang… ? Je me levai tant bien que mal du banc et me dirigeai lentement vers l’extérieur, les yeux presque fermés. J’avais sans doute l’air d’un zombie là maintenant. Toujours est-il que la présence du vent extérieur me fit le plus grand bien du monde. Un grognement sourd résonna dans ma tête. Je grimaçai de douleur.
« Jay-Jay »
Hein ?
« Jay-Jay… »
Adossé au mur du bâtiment, me tenant comme si j’allais tomber, j’ouvris les yeux un peu plus. Je distinguais la silhouette assez floue d’une jeune femme.
« Tu vas bien ? »
Je ne quittais pas la forme des yeux. Au fur et à mesure que les secondes s’écoulaient, ma vision se fit de plus en plus claire. Ma sœur jumelle se tenait juste devant moi, l’air inquiet. Ses traits restaient toujours bizarrement flous.
« Sara… qu’est-ce…. ici ? » Je n’avais pu que sortir la moitié des mots escomptés. Un vrai cauchemar…
Elle ne me répondit qu’avec un sourire mystérieux. Elle ne rajouta rien, et commença à s’éloigner.
« Hey ! » Dis-je en tendant le bras vers elle. C’était toujours plus rapide à dire que « attend »…
Je soufflai un bon coup. C’était quoi cette histoire ? Pourquoi je me sentais si mal ? Je frottai mes yeux, inspirai, expirai, inspirai, expirai… Il fallait que sache ce que j’avais. Et qui de mieux placé que Sara ? Elle avait toujours réponse à tout. Je pris mon courage à deux mains et m’empressai de la suivre. Je pouvais l’entendre rire, comme si elle se moquait de moi. Je fronçai les sourcils, c’était quoi son problème ?
Elle arriva vers un autre bâtiment que je reconnu difficilement. Je n’avais plus aucune idée d’où on se trouvait. Sara se retourna vers moi, juste devant une porte, éclata d’un rire malsain, et traversa la porte sans l’ouvrir. Je me stoppai net en voyant cela. J’étais en train de rêver ou quoi ? Mon état déplorable devait avoir provoqué tout ça… Je repris mes esprits, enfin j’essayai en tout cas, et marchai vers la porte. Je l’ouvris avec difficulté et rentrai dans la pièce. La porte était si lourde que quand je la lâchai, elle claqua brutalement. Le bruit horrible résonna dans mon crâne, et je portai mes mains sur mes tempes en grognant. Migraine de merde…
Quand le mal passa, je rouvris les yeux et tombai sur une silhouette que je ne parvins pas tout de suite à distinguer. Je n’eus de toute manière pas le temps de me demander quoique ce soit, car une douleur encore plus poignante que la précédente me prit, et me fit tomber en arrière contre la porte.
« Qu… » Je portais ma main à ma joue, là où la douleur avait frappé. C’était bizarre ça, ça n’avait rien à voir avec ma migraine…
Quelques secondes plus tard, je pu me redresser. Je devais avoir une de ces têtes… Les yeux plein de larmes à cause de la douleur, je voyais tout flou. Je reconnus cependant Brook qui se tenait devant moi, un balai à la main, l’air totalement angoissé. Je ne mis pas beaucoup de temps avant de comprendre ce qui s’était passé… La douleur soudaine, le balai, l’air angoissé... Elle m’avait carrément mis un coup de balai dans la tronche. Mais pourquoi avait-elle fait cela ?
« Hey… Je sais que… je ressemble à un zombie là mais… je suis toujours… vivant tu sais… » murmurai-je très difficilement en tenant ma mâchoire.
A travers mes yeux larmoyants et à demi fermés, je pus constater l’ampleur de la gêne de la jeune femme. Elle se sentait clairement mal. Mais je ne pense pas qu’elle pouvait se sentir plus mal en point que moi. Elle m’expliqua qu’elle avait eu peur. Elle s’était simplement défendue donc… Et bien, une personne mal intentionnée ne devrait pas s’approcher trop près de Brook, s’il tenait à son visage…
Elle était à genoux près de moi, et ce qu’elle dit me fit sourire. Ce sourire se transforma cependant assez rapidement en une grimace de douleur. Bien évidemment, Sébastien avait parlé à la jeune femme de cet idiot qui nous servait de colocataire. Je ne savais pas si celui-ci avait pour habitude de frapper des gens, mais cela ne m’étonnerait pas vraiment. De plus, faire porter le chapeau à ce genre de personne était tout à fait raisonnable, pour tout ce qu’il avait pu nous dire à Sébastien et moi…
Brook m’aida à me relever et je me réadossai contre le mur le plus proche. La totalité de ma tête me faisait un mal de chien. J’avais l’impression qu’elle se trouvait dans un étau que l’on serrait de plus en plus. J’allais finir par exploser et ça n’allait pas être beau à voir ! La brune revint, une poche de glace dans la main. Elle me la tendit et je la posai contre ma joue qui commençait sérieusement à enfler.
« Pas grave… C’est bien si tu… sais te défendre… » Marmonnai-je difficilement à cause de la douleur.
En même temps elle n’avait pas eu à se défendre contre quoique ce soit… J’étais simplement entré par la porte et je n’avais rien fait d’autre.
Brook me demanda la raison de ma venue ici. Ici… ? J’étais où moi d’ailleurs… ? Je tournai la tête autour de moi, lentement pour reconnaître les lieux. J’étais venu ici sans même me rendre compte où j’allais. Je reconnus enfin le gymnase. Mais pourquoi Sara m’avait-elle conduit ici, ça n’avait aucun sens !
« Euh… Je… suivais Sara… Mais… » Je regardai une deuxième fois autour de moi, la cherchant. Mais elle avait complètement disparue. « J’sais pas où elle est… passée. » Mon regard se posa sur la porte par laquelle j’étais entré, et un petit rire traversa mes lèvres rouges. « C’est marrant… elle a traversé la… porte sans l’ouvrir tout… tout à l’heure… »
Je n’avais plus vraiment conscience de ce qu’il fallait que je dise ou pas, ma tête avait coulé sous le brouillard qui y régnait.
« Tu l’aurais pas vu… dis-moi ? Brune… Hum… comme moi en fait mais… en… en fille. »
Brook proposa de m’aider à chercher ma sœur. Elle ne l’avait pas vu rentrer ? C’était impossible, je l’avais vu de mes propres yeux ! Je n’avais pas bien vu à cause de ma migraine, certes… Mais elle était rentrée dans ce gymnase.
« Mais si… je l’ai vu, Brook. Là, elle est rentrée par là… » Dis-je en montrant la porte de ma main.
J’acquiesçai donc à sa proposition. Elle ne pouvait pas être bien loin. Peut-être qu’elle se cachait, oui. Je pris sa main, pour qu’elle m’emmène dans les différentes pièces. J’avais vraiment l’air d’un gamin comme ça… Ou bien une personne beaucoup trop ivre qui n’arrivait pas à réfléchir de sa propre initiative. Il fallait que je dorme, j’irai mieux après, sans doute.
« Ok… On y va. » Je lui souris. C’était très gentil de sa part de m’aider comme cela. En même temps après le coup qu’elle m’avait mis, elle me devait bien ça…
On entra dans la salle où était entreposé le matériel, je cherchai de mes yeux entrouverts dans tous les recoins. Une moue triste s’installa sur mon visage. Elle n’était pas ici. Mais il ne fallait pas se décourager comme cela, le gymnase était quand même grand.
La question de Brook me surpris. Je n’avais peut-être pas les idées claires, mais je savais au moins que la personne détestable et méchante qui vivait avec moi, n’était pas Sébastien. C’était l’autre brun.
« Méchant… ? Il est pas méchant. Au contraire… On se sert les coudes pour faire face… à l’autre con là… » Marmonnais-je.
Si seulement un jour je pouvais lui dire tout ce que j’avais à lui dire… Il ferait peut-être moins le malin. Mais il me fallait l’aide de Sara pour cela. Sara… Elle était où d’ailleurs… ?
« Pourquoi elle se cache… comme ça… Elle est pas sympa… » Ma fatigue se pointait de plus en plus. Et quand on mélange fatigue et tristesse, ça ne rend pas forcément quelque chose de très beau à voir…
J'écoutais Brook qui tentait de me rassurer. Cela me faisait chaud au cœur, on se connaissait à peine, et elle me réconfortait. Peut-être que Sara voulait être seule, oui c’était possible. Elle agissait tellement étrangement parfois.
« Tu crois… ? » Murmurai-je, presque inaudiblement.
Je lâchai un soupir, du plus profond de mon être, en regardant au sol. Aujourd’hui était vraiment une journée de merde. Cette migraine affreusement violente, le coup de balai de Brook qui n’arrangea rien et maintenant Sara qui disparaissait. Qu’avais-je bien pu faire pour mériter cela ? Je pris ma tête entre mes paumes et la secoua négativement. Ce n’était pas le moment de m’apitoyer sur mon sort. Il fallait que je me reprenne, que je pense à autre chose.
Mes yeux retournèrent se poser sur la jeune femme devant moi, qui essayait tant bien que mal de se faire pardonner. Elle affichait un sourire protecteur, et cela m’apaisa un peu. Je lui souris à mon tour, faiblement et toujours un peu triste. Brook avait sans doute raison. Sara n’était pas ici, et je n’y pouvais rien.
La brune me proposa une partie de basket, gentiment. Pour me changer les idées j’imagine. Je ne pus m’empêcher de rire doucement. Une partie de basket dans mon état de douleur et de fatigue ? Cela pouvait être drôle à voir. J’allais refuser quand elle tira ma main, en insistant comme une enfant. C’était adorable. Ses arguments tenaient la route, il fallait l’avouer.
« T’as raison. Mais… je vais pas réussir à faire grand-chose… regarde-moi… » Souriais-je en écartant mes bras, lui montrant l’ampleur des dégâts. Je ne savais pas s’il était possible de trouver un corps plus faible que le mien.
« Aller… ça peut être drôle. Mais m’envoie pas… la balle à la figure, ok ? » Plaisantai-je. Non, réellement, j’espérais qu’elle ne me l’envoie pas sur moi violemment. Je n’étais pas certain de pouvoir me relever après un autre coup.
Je partis prendre un ballon de basket dans la réserve, en marchant lentement. La douleur du coup de balai commençait à s’estomper, mais ma migraine était toujours présente. Je m’approchais du panier, me reculai pour avoir un bon angle de lancé, visai et tirai. Raté. Mais de peu ! Je regardai Brook en souriant comme un gosse.
« Woh ! Pas loin t’as vu ! »
Je devais avoir l’air d’un handicapé qui tentait de mettre des paniers, mais cela s’annonçait plutôt marrant.
Après mon grand « exploit », je lançais plusieurs autres fois le ballon, sans jamais réussir à marquer un panier. Je n’étais pas fait pour ce sport apparemment. En même temps, mon état n’arrangeait pas vraiment la donne. Au bout du sixième lancé, Brook récupéra la balle quand celle-ci tapa dans le cadre du panier. J’eus un petit moment d’anxiété, j’étais tellement dedans, que je n’avais même pas remarqué que je jouais tout seul sans partager le ballon avec la jeune fille. J’espérais qu’elle ne m’en voulait pas. Mais je fus soulagé de voir un sourire sur son visage.
Brook commença à faire des dribles en tournant autour de moi. Elle voulait que je lui prenne le ballon. Etant donné que je n’avais aucun don pour ce genre de sport, ou le sport en général d’ailleurs, ce petit jeu s’avérait assez complexe. Cependant, j’étais content de m’occuper d’autre chose, et j’acceptai de participer. Essayant tant bien que mal d’attraper ce satané ballon, je sautais presque sur Brook afin de l’avoir, en vain. Finalement, elle fit un lancer au-dessus de moi, visant le panier, mais le rata elle-aussi. Elle non plus n’était pas passé loin.
« Quelle sportive. » Dis-je en souriant, pour la taquiner.
Je ramassai la balle qui rebondissait jusqu’à mes pieds. Je lui montrais, un sourire large traversant mon visage.
« Bon bah on va dire que j’ai… réussi… »
Brook s’assit à mes côtés, tandis que je tentais encore et encore de mettre au moins un panier. Je ne repartirais pas de ce gymnase sans en avoir mis un, c’était décidé.
La jeune femme me posa soudain une question qui me paralysa pendant quelques secondes. Avant de répondre, je relançai le ballon, en soupirant. Evidemment que j’étais bien là, à m’amuser avec elle. Mais c’était plus compliqué que ça.
« Si… Mais c’est rare que je trouve quelqu’un qui… s’en fiche de mes différences… » Je posai mes yeux dans les siens, après avoir ramassé le ballon. « Toi tu n’as pas fui quand j’ai… enfin tout à l’heure quand j’étais sonné. »
Le coup de balais m’avait tellement assommé, que je n’avais pas mesuré mes paroles et dis tout ce qui me passait par la tête, alors que d’habitude je m’arrangeais pour ne parler de Sara à personne.
« Du coup je préfère passer du temps avec… avec quelqu’un qui ne me quitte pas, et qui m’aime… enfin je pense qu’elle m’aime… »
Je l’espérais de tout mon cœur. Je relançai la balle en ratant une fois de plus la cible. Je regardai le sol, un sourire triste au visage.
« Je suis destiné à rester avec elle pour toujours… Notre relation n’est pas vraiment pareil que les autres et… quand elle est pas là c’est comme s’il me manquait une partie de moi. »
Je m’amusais bien, mais je n’étais pas vraiment moi-même sans Sara. Même si j’allais être en colère contre elle, tout ce que je souhaitais c’était qu’elle revienne.
The Wiesel Den 
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