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J'étais consciente des mots que j'avais prononcée à ma dulcinée lors d'un instant d'éveil. J'étais consciente d'avoir glissé des abîmes du sommeil un court instant pour exprimer mes craintes les plus profondes. Les avaient-elles comprises? J'en doute fort. Naomi ne peut les comprendre. Elle n'est pas comme ça. Sans méchanceté aucune. Je l'aime et je l'admire mais je connais aussi ses faiblesses. Comprendre mes sentiments en est une. Du moins ce n'est pas son domaine de prédilection.
Qu'avait-elle donc compris alors? Que signifiait alors ses mots? C'était évident à deviner mais dans les heures qui suivirent un tourbillon de pensées, d’interprétations vint cependant troubler les eaux noires et profondes de ce sommeil sans rêves qui engloutissait ma conscience, comme si cette dernière était enchaîné à un boulet de fer et d'acier, entraînant par le fond le peu de lucidité que je parvenais à garder. Nomi pensait que j'avais peur du noir. Rien de plus simple. Le sens littéral de mes mots. Avais-je eu seulement peur du noir un jour ? Peut-être lorsque j'étais petite, de la même peur que toutes les petites filles ressentent à la perspective de voir un monstre difforme venir pour elle. Il y'a longtemps que les monstres ne me font plus peur. J'ai ouvert les yeux en grandissant. Les monstres ne sont pas cachés dans les placards, sous le lit ou dans le coin sombre de la chambre d'une enfant. Si seulement.. Non les monstres sont cachés derrière les faux-semblants, tapis dans le cœur des hommes et des femmes. Ils attendent qu'une enfant, devenue grande, passent pour anéantir ses espoirs, sa vie, pour faire d'elle l'une d'entre eux. Pas clairement : insidieusement, comme un mal qui progresserait dans les veines de sa victime jusqu'à noircir son cœur. Je ne suis plus une petite fille. Je suis l'un d'eux. Du moins c'est ce que j'ai crû longtemps. C'est en ça que j'ai peur du noir, l'obscurité. Elle n'est jamais seule. Elle se pare dans l'habit de son frère, le silence, pour que celui-ci vienne vous murmurer des mots qui marquent à jamais sans produire un seul son. Des mots comme des cicatrices encore béantes. Ses mots, eux, ne pouvaient être plus vrai mais encore une fois, elle ne comprenait pas leurs envergures. Oui c'était un cauchemar. Un cauchemar interminable. Un cauchemar qui continuait chaque jour de déchirer mon être et elle seule, comme si elle éclipsait de sa lumière le soleil froid de ce monde cruel, faisait de cet enfer sans fin quelque chose de supportable.
Je finis par me réveiller de ce songe à demi-conscient, de cette introspection lorsque les roues de l'avion vinrent toucher la piste, secouant l'appareil et ses minuscules habitants et marquant le début de mes aventures en ce nouveau pays. Je fis le choix de ne pas aborder le sujet de ce cauchemar avec elle et je fis bien : elle ne semblait pas curieuse de savoir ce qui agitait mon sommeil - par pudeur ou manque d'intérêt - et la suite fut la même que lors de mes précédents voyages en avion : après avoir récupérer les bagages cabines de ma camarade , nous nous mîmes en quête de mes propres bagages. L'attente ne fut pas longue par chance et mes valises, reconnaissables entre tous de part leur couleur accordé à mes yeux mais aussi le nombre astronomique de tampon de destination étrangères, me furent rendus et la traque de l'amie de Naomi commença. Que la chasse commence!
En vrai, j'étais plutôt stressée par la perspective de rencontrer une amie aussi chère à Naomi, ainsi qu'accessoirement jalouse. En effet, j'allais me confronter à quelqu'un dont l'avis comptait autant pour Naomi et cette perspective ne pouvait que m'impressionner, d'un autre côté j'étais partiellement jalouse car cette fille avait occupé la place qui était la mienne désormais, cette place qui selon Naomi valait mieux que tout les baisers et l'amour de son être, sa meilleure amie. Allait-elle me reprendre cette place? Allais-je être renier à nouveau? Etait-ce la cause de mes errances nocturnes? Je n'eus pas le temps d'approfondir l'idée que je me voyais confronter à ma "rivale".
- Naomi !
A peine un instant et elle l'avait prise dans ses bras. En plus de cet élan de tendresse dont je n'aurais jamais essayé de jouir auprès de Naomi, de peur de la mettre mal à l'aise, je constatais avec une certaine lassitude que la demoiselle était des plus jolies. Autant que moi, si ce n'est plus. Moi qui ne pouvait me féliciter que du don d'un jolie minois auprès des Dieux, anciens comme nouveaux, me voilà avec une concurrence redoutable. Je gardais cette pensée noir, semblable à un mouton céleste dans le ciel déjà bien nuageux de mon esprit, sans mot dire. Je hochais dès lors de la tête à l'énoncé de mon nom afin de ne pas paraître discourtoise même si mes pensées s'étaient déjà envolés quand quelques mots vinrent me rappeler à la terre ferme.
- On a beaucoup de choses à discuter toutes les trois. Naomi est la fille la plus secrète du monde sur sa vie à Londres et je veux à tout prix connaître la personne qui a eu l'insigne honneur de la suivre au bout du monde.
Deux informations vinrent rallumer les turbines de mon cerveau, qui si c'était possible, aurait fait ressembler ma tête à une usine steampunk, tant une fumée compacte se serait matérialisé au dessus de mes cheveux roses. Premièrement, Naomi n'avait, semble t-il pas, parler de moi à ses anciennes amies et seuls deux raisons pouvaient expliquer cette omission selon moi, cependant aucune ne semblait logique. Soit elle jugeait mon existence trop insignifiante pour en faire part mais cela me semblait inconcevable. Naomi était maladroite côté sentiment, pas méprisante : ce n'était pas Gina non plus; ou bien voulait-elle éviter que mes sentiments n'éclatent au grand jour auprès de ses amis et elle jugeait la tâche trop difficile mais dans ce cas, pourquoi m'avoir emmenée? Ainsi deuxièmement, j'avais "un insigne honneur" selon sa camarade et amie. Il est vrai que je m'étais demandé comment se faisait-il que j'eusse pris la place de son copain légitime à ses côtés mais j'avais préféré laisser ce sujet de côté plutôt que m'infliger la torture de penser à cette infâme cloporte à mèches blondes. Ma curiosité venait d'être relancer par Laura.
- En route, les filles. Je sais pas vous, mais j'ai la dalle, et si ta chère Melody veut visiter la ville cet après-midi, il vaut mieux qu'on ait toutes l'estomac plein !
-"Sa chère Melody?" murmurais-je en écho à la déclaration précédente, un sourire radieux germant sur mes lèvres.
Décidément je commençais à vraiment apprécier cette fille. Vraiment beaucoup. C'est ainsi que je suivais mes deux amies vers le véhicule de Laura, en trottinant comme le ferait une écolière.
Avant d'avoir le temps de me demander si Laura a entendu, je remarque le léger sourire qui se dessine au coin des lèvres de mon amie. Oui, elle a entendu. Et elle ne va pas manquer de me poser plein de questions à ce sujet - à moi et à Melody, sûrement. Je soupire. J'aurais préféré qu'elle ne soit pas au courant, ou pas tout de suite. Je me méfie de sa manie de se mêler de tout, et en particulier de ce qui ne la regarde pas. Je n'ai pas envie qu'elle dise quelque chose de travers ou qu'elle me harcèle pendant des heures pour avoir des détails, mais il va falloir que je m'y fasse : je ne pourrais jamais rien cacher à Laura pendant plus de cinq minutes. Elle le savait même probablement déjà avant de nous voir, peut-être même avant moi, qui sait, c'est un peu une sorcière.
Laura finit par retrouver sa voiture au milieu du parking - celle de ses parents, en fait, je la reconnais. Elle n'a pas fait plus de commentaires pendant qu'on marchait, à part un regard en coin à Melody que j'ai perçu et qui me fait légèrement grincer des dents. Il vaut peut-être mieux que je ne les laisse pas trop seules toutes les deux, elle serait capable de la noyer de questions... ou de conseils. Je sais pas lequel serait le pire.
- C'est ça, ta voiture ? Tu touches déjà ton héritage ?
Il faut que je la détourne au moins un instant des plans qu'elle doit être en train d'échafauder pour me soutirer tout ce qu'elle peut sur ma vie. Je l'aime bien mais sa curiosité est trop dérangeante. Elle me répond simplement par un haussement d'épaules.
- Mes parents ne me donneront jamais cette voiture. Je vais plutôt m'en acheter une moi-même, pour Noël.
Sur cette réplique, elle nous invite à monter en voiture - vu le bordel sur la place passager, toutes les deux à l'arrière - et se perd dans sa musique. Elle a toujours fait ça, je crois que personne n'a jamais réussi à lui tirer un mot quand elle est au volant, que ce soit pour discuter ou ne serait-ce que chanter en rythme. Je me retrouve donc seule à l'arrière avec Melody pendant que Laura décide sans concertation de l'endroit où on va manger. Je pose ma tête contre le siège en passant une main dans mes cheveux. Mon esprit s'est déjà réadapté au fait qu'on soit le matin, et il réagit comme si on venait de me tirer du lit. Encore un truc bizarre de plus chez moi.
- Elle est toujours un peu... speed. Et démonstrative. On s'y fait.
A bien y réfléchir, je me demande ce que Melo a pensé quand Laura m'a prise dans ses bras. Je ne me suis jamais demandé si elle serait jalouse, c'est tellement naturelle pour moi, mais maintenant j'en suis à espérer qu'elle ne s'est pas dit que j'était plus proche de Laura que d'elle. Pas que je classifie mes relations, j'ai tendance à mettre un peu tout le monde au même niveau, mais je suis à peu près sûre que je pourrais passer plus de temps en compagnie de Melody que de n'importe quel autre de mes amis. Après tout, elle a déjà eu la priorité sur Jack, et même si je place assez souvent l'amour au second plan, ça en dit déjà long.
- Tu verras, après une journée elle te fera déjà des câlins pour te dire au revoir.
C'est très probablement vrai, mais je ne sais pas vraiment pourquoi je dis ça. Peut-être pour la rassurer, pour qu'elle ne se sente ni à part ni jalouse...
Notre conversation et mes pensées s'arrêtent au moment où la voiture se gare devant un petit restaurant en bordure de la ville, qui fait apparemment petit-déjeuner et "brunch". Elle a dû se dire que vu qu'il est 13h en Angleterre, notre corps n'aurait pas forcément envie de manger un truc typiquement "petit dej". Alors qu'on sort de la voiture, elle pose sa main sur mon épaule, laissant Melody prendre quelques pas d'avance.
- Tu sais que Gloria va vouloir lui mettre le grappin dessus, hein ? - Je sais. - Et ça te dérange pas ?
Je lève les yeux au ciel et dégage doucement mon épaule pour rejoindre ma meilleure amie un peu plus loin. Si ça me dérange ? Peut-être, mais pas pour les raisons qu'elle s'imagine. Laura ne tarde pas à nous rattraper, avec un sourire énigmatique. Elle nous tient la porte du restaurant et je la vois chuchoter quelque chose à l'oreille de Melody.
- A table, les filles.
Pendant qu'on s'installe, mon cerveau carbure. Qu'est-ce qu'elle a bien pu lui dire ? La connaissant, elle est capable de tout et n'importe quoi. De rapporter la vérité comme de la déformer en interprétant. De lui dire que je suis jalouse à idée qu'une de nos amis puisse flirter avec elle, que je ne laisse jamais personne s'introduire dans mon passé et que ça doit vouloir dire quelque chose, de lui dire de tenter sa chance pendant que je suis à des kilomètres de mon copain, de lui raconter des choses que je préfère garder pour moi... Peut-être qu'elle lui a juste dit de se méffier des sourires enjôleurs de Gloria, aussi, j'en sais rien. C'est à quelqu'un d'autre que j'aurais dû demander de venir nous chercher et manger avec nous, tiens. Ca aurait évité les incursions dans ma vie privée.
:copyright: Naomi paroles en #006600 Laura parle en #6699ff
Après ce petit élan de joie, je suivais les deux jeunes filles sans trop montrer cette joie nouvelle. Dans ma tête se bousculaient un nombre incalculable de question à propos de ce qui venait d'échapper -volontairement à n'en pas douter - à l'amie de Naomi. Essayait-elle de me passer un message? Après tout, je n'en savais que peu sur la relation entre Naomi et Laura. Peut-être était-elle sa confidente et disposait-elle d'informations dont je ne savais rien? Peut-être même qu'elle avait recueilli une confession de ma dulcinée à mon sujet? Peut-être qu'elle s’épanchait longuement à mon sujet lors de leurs conversations? Peut-être avait-elle décrypter quelque chose de significatif dans le comportement de la Miss de significatif? Non. Il me fallait cesser de m'enflammer et de me bercer d'illusions- aussi attirantes soient-elles. Un oasis dans le désert est alléchant mais le goût du sable ardent finit par rappeler le rêveur à la réalité : je préférais me passer de cette remise à ma place. Je prenais donc finalement le parti de garder mes interrogations pour moi en attendant de disposer d'un moment seule avec la demoiselle pour lui poser sans avoir la présence de Naomi pour fausser ses réponses. Je n'aurais plus à rêver lorsque mes questions trouveraient réponses.
J'ignorais la conversation des demoiselles avant de m'installer dans le véhicule de ma nouvelle amie aux côtés de Naomi. Je dois admettre ne pas être une fan du rangement mais le capharnaüm qui régnait dans cette voiture parvint à me convaincre du bien fondé de son intérêt en un instant. Je n'eus cependant ni l'envie de me lancer sur ce sujet avec la propriétaire, ni l'énergie. Certes, mon petit somme réparateur - quoi que très tumultueux - avait rempli son office à merveille mais le manque de sucre dans mon organisme commençait à se faire ressentir. Je me prenais déjà à rêver d'une glace ou d'un soda - on peut être mannequin et se foutre totalement de sa ligne je vous assure, j'en suis la preuve -.
- Elle est toujours un peu... speed. Et démonstrative. On s'y fait.
Je tournais la tête vers la blondinette, un peu stupéfaite par cette intervention inopinée. Pourquoi me dire ça? Je n'avais émis aucune remarque quand au comportement de notre conductrice. Même si j'étais jalouse en premier lieu, je commençais déjà à apprécier Laura pour sa spontanéité - et le fait qu'elle est dit que je suis la Melody de Nao, ne nous mentons guère - aussi je ne saisissais pas l'intention de la demoiselle.
- Tu verras, après une journée elle te fera déjà des câlins pour te dire au revoir.
Attends une seconde. Un début de réponse commençait à apparaître. Naomi était-elle en train de s'inquiéter pour moi? Je veux dire, ne vous méprenez pas, qu'elle s'inquiète sûrement chaque jour de mon sort mais n'était-elle pas en train de s'assurer que je ne me sente pas exclue, pire jalouse? Que je ne m'inquiète pas de cette proximité qui pourrait me fendre le cœur comme l'éclair fend la tempête? Un peu comme le ferait une peti.. Non Melody! Cesse d'espérer. Ne te fais pas plus de mal que nécessaire. J'essaye dès lors de me tourner légèrement et de me dissimuler derrière mes longs cheveux afin que mes joues rougies par ce sentiment d'espérance dévorante ne soit pas visible pour mes deux camarades.
Ma stratégie sembla porter ses fruits car personne ne fit mention de mon silence ni d'une éventuelle réaction corporel de ma part -et Dieu sait que l'idée avait entraîné mon cœur dans une course effrénée avec ma respiration tandis que mes joues s'embrasaient - aussi afin de préserver ma discrétion, je mis pied à terre dès que la voiture fut garée pour rejoindre le restaurant en premier - et officieusement pour me calmer - cependant mon avance fut de courte durée car je fus vite rattrapée par Naomi puis par Laura qui me glissa quelques mots à l'oreille. Quelques mots que mon cerveau prit un certain temps à imprimer, comme si Laura venait de composer une commande qui avait fait buguer mon système entier.
-" Tu lui plaît ça saute aux yeux.. tu es même sa chasse gardée.."
Assise dans le restaurant, je reprend finalement conscience de mon environnement. Il semblerait que je me sois installée sans un mot, comme un automate. Il est vrai que les mots de Laura m'ont quelque peu perturbée. Enfin disons plutôt que "Melo.exe crashed". Comment en aurait-il pu en être autrement? Comment aurais-je pu rester insensible à cette révélation? Bien sûr, mon manque d'optimisme habituelle me criait de ne pas croire ces paroles, de lutter contre cette idée de bonheur possible. Cette simple idée que je puisse vraiment être une chasse gardée pour Naomi me semble totalement impossible. Comment pourrais-je lui plaire? Comment pourrais-je compter à ce point alors que je ne suis qu'un boulet accroché à sa cheville depuis notre rencontre? Est-ce pour me préserver qu'elle ne désire pas que quelqu'un ne m'approche? A t-elle peur de me perdre? Je préfère délaisser cette question en me plongeant dans le menu et après y avoir jeté un coup d’œil, je me détourne de ces idées en énonçant mon choix.
-"Je crois que je vais prendre un thé Earl Grey et une glace! Pour une fois, que je trouve mon parfum favori quelque part!" dis-je avec un beau sourire avant d'interroger mes camarades. "Et vous les filles?"
Il faut bien reprendre ma façade de fille heureuse après tout. Quoi que.. Ce sourire... Est-ce ne serait-ce que possible? Ce sourire que j'arbore en ce moment.. Je suis véritablement heureuse. Sans faux semblant. Et ce n'est pas la glace qui me réjouit autant. Je crois que si les paroles de Laura venaient à se confirmer je pourrais être heureuse toute une vie et balayer mes malheurs d'un revers de la main, affronter des lions, des loups et des dragons, affronter le regard de Katie et John sans baisser les yeux.. Je crois que je serais la femme la plus heureuse qui soit.. Ce sourire c'est le mien.
Je ne sais pas ce que lui a dit Laura, mais Melody a le sourire. Impossible de savoir si c'est bon signe ou mauvais signe mais vu la situation, je suis prête à parier qu'elle lui a mis des espoirs en tête et qu'elle va passer les cinq prochains jours à essayer de nous mettre ensemble. Avec des amis comme elle, pas besoins d'ennemis pour comploter derrière mon dos.
- Je crois que je vais prendre un thé Earl Grey et une glace ! Pour une fois, que je trouve mon parfum favori quelque part ! Et vous les filles ?
C'est quand j'oublie qu'elle vient de Grande-Bretagne et pas moi que ce genre de choses me le rappelle. Rien que le type de thé pour commencer - ou peut-être juste le fait qu'elle prenne du thé alors que je suis droguée à la limonade et autres granités. Laura repose le menu devant elle en annonçant qu'elle va prendre un brownie et un iced cofee, ce qui dans son langage veut dire "tu commandes pour nous, Naomi ?" Je soupire. De toute façon, vu la façon dont on est assises, c'est forcément à moi qu'on va s'adresser en premier donc autant que je fasse toute la table, ça ira plus vite. Une serveuse ne tarde d'ailleurs pas à arriver à côté de nous avec un grand sourire - elle veut son pourboire, en même temps, parce que personne sourit comme ça à huit heures du matin.
- Bonjour. Vous voulez commander ? (Je hoche la tête). Qu'est-ce que ce sera ? - Des pancakes à la fraise avec une limonade, un brownie avec un iced cofee et une glace à la banane avec un Earl Grey.
La serveuse acquiesce en griffonnant sur son carnet, tandis que Laura en face de moi m'adresse un haussement de sourcil évocateur (le genre qui veut dire "Ouais... y a un truc louche"). C'est à ce moment-là seulement que je réalise que Melody n'a pas du tout précisé la glace qu'elle voulait et que j'ai commandé par réflexe parce qu'elle avait parlé de son parfum préféré. Je lève à nouveau les yeux au ciel. Laura est capable de voir des signes qui l'arrangent dans tout et n'importe quoi. Connaître les goûts de sa meilleure amie ne veut pas dire qu'il y a plus. Si elle décortique chacune de mes phrases, ça va m'agacer, en fait.
- Alors dis-moi tout Melody. Comment vous vous êtes rencontrées ? Vous êtes colocs, c'est ça ?
Elle le sait très bien, vu que même sans les détails je lui en avais un peu parlé à l'époque. Elle sait le minimum vital sur Melody - qu'on est colocs, qu'on se voit assez régulièrement et qu'on s'entend très bien. J'ai évité de lui parler des choses plus intimes, à commencer par tout ce qu'elle m'a raconté depuis qu'on se connaît, et je n'ai pas non plus mentionné qu'elle avait été mannequin : je ne voulais pas qu'elle tombe sur l'histoire tragique qui avait mis fin à sa carrière. L'image qu'elle pouvait avoir d'elle était trop importante pour que je la laisse avoir un jugement avant de la rencontrer.
La serveuse revient avec son faux sourire, posant une assiette avec un brownie, et une coupe de glace, avant de faire un aller-retour supplémentaire pour rapporter mon assiette - pancakes avec des fraises dans la pâte et du sirop d'érable, parce que ma mère sait pas les faire et que ça m'a vraiment trop manqué - et nos boissons.
- Une de nos amies organise une soirée dans deux jours. Gloria. Vous comptez venir ?
La dernière phrase, contrairement aux autres, m'est clairement adressée et je perçois son sourire en coin. Evidemment, le sous-entendu est pour moi, sinon elle n'aurait pas pris la peine de préciser que c'était Gloria : je sais très bien qui organise les soirées dans le groupe et Melody ne sait pas du tout qui c'est. C'est juste une pique par rapport à notre micro-conversation.
- On viendra. Après les tournages de demain et d'après-demain, faut bien qu'on ait l'occasion de passer un peu de temps ensemble. - Oui, bien sûr. C'est vrai que vous êtes venues ensemble mais que tu vas passer beaucoup de temps devant la caméra.
Elle sourit à nouveau avant de boire comme si de rien n'était. Ça, ça veut clairement dire qu'elle va profiter de chaque seconde qu'elle pourra avoir seule avec Melody. Elle ou n'importe qui d'autre - disons que pour certaines personnes ça m'enchante plus que d'autres. Je suis pas pressée qu'elle fasse la connaissance de Grace, par exemple, et j'aimerais autant qu'on évite Neil.
- Melody, je me chargerai de te présenter les autres pendant que Nao tourne... enfin sauf si tu veux la regarder travailler évidemment. Je pourrais comprendre. - Au pire je te filerais les épisodes, tu pourras les regarder en m'attendant. Tu les as jamais vus, si ?
Ça fait un moment que je me dis que j'ai envie de regarder la série avec elle, pour qu'elle ait une idée un peu plus précise de ce que je faisais avant d'arriver à Londres - si elle ne l'a pas déjà regardée. Après tout, je suis déjà tombée plusieurs fois sur son travail à elle dans la chambre avec ma manie de prendre tout ce qui me passe sous la main, autant équilibrer les choses.
:copyright: Naomi paroles en #006600 Laura parle en #6699ff
J'écoutais avec attention les réponses de mes camarades de table, non pas que je cherche en celle-ci une quelconque information, mais plutôt pour chasser les idées toujours persistantes qui pourraient obscurcir mon jugement sur les faits et gestes de Laura ou de Naomi. Enfin surtout ceux de Naomi. Si je me devais cependant de commenter les diverses commandes, je dirais que la commande de Laura me semble cependant bien plus classique que je ne l'aurais crû. J'étais en train de me demander comment pouvait être la vie lorsque l'on vient d'un pays si lointain, mais pourtant si semblable que celui-ci quand la serveuse fit irruption et réveilla mes sens. Enfin à vrai dire, c'est plutôt la réponse de Naomi qui vint attirer mon intérêt.
- Des pancakes à la fraise avec une limonade, un brownie avec un iced cofee et une glace à la banane avec un Earl Grey.
Mon cerveau tiqua instantanément. Naomi avait deviné sans me le demander le parfum de ma glace. Rien de choquant me diriez-vous que ma meilleure amie connaisse une information si peu importante et surtout si originale cependant j'avais beau creusé ma mémoire, je ne me souvenais pas d'avoir mangé de pareilles glaces avec elle, ne serait-ce que parler de mon faible pour ce parfum si rare. Bien sûr, la réponse était évidente : elle avait lu mon S'Peach et avait retenu la donnée. Rien de plus simple. Vous vous tromperiez. Naomi n'a, à ma connaissance, aucune raison de retenir quelque chose de la sorte - surtout lorsque l'on sait qu'elle oublie des choses bien plus importantes parfois - mais aussi aucune raison de s'être intéressé à mon blog.
L'attention me faisait très plaisir. Je dirais même qu'elle égayait encore plus ma journée mais était-ce seulement possible? Je n'eus pas vraiment l'occasion de philosopher sur le sujet que Laura s'adressa à moi.
- Alors dis-moi tout Melody. Comment vous vous êtes rencontrées ? Vous êtes colocs, c'est ça ?
Je rassemblais aussitôt mes idées, essayant de formuler une réponse convenable à la demande de la demoiselle. J'échangeais un regard avec Naomi pendant mon énoncé pour discerner ce que je pouvais me permettre de raconter ou pas, même si j'avais une idée des limites que je devais adopter à mon énoncé. Je ne voulais pas l'embarrasser.
-" Et bien.. oui enfin.. on peut dire ça.. c'est la direction qui a décidé en soit.. du coup on est dans la même chambre..enfin était.. Naomi a fini ses études maintenant..." Je marquais une courte pause avant de poursuivre avec le résumé de notre rencontre - bien sûr en essayant de minimiser la faute de Naomi dans cet incident pour son bien même si je doutais que Laura soit dupe - "C'est à dire que Naomi m'a empruntée mon casque audio et que je ne l'avais pas vu...du coup je me suis inquiétée.. on a discuté et voilà..."
Et voilà je suis tombée amoureuse tu me trouve idiote hein Laura? Voilà ce qui concluait mon discours dans ma tête mais ça n'aurait pas servi le propos, tout autant que de dire que c'était plus un vol pour une durée limitée qu'un emprunt consenti.. J'avais aussi émis l'idée de ne pas mentionner mon passé pour éviter que cela n'influe sur la manière dont les amis de Naomi me verrait. De toute manière, il y'avait déjà une forte proportion de chance pour que l'un de ses amis ne sache déjà l'histoire. Tiens d'ailleurs.. Parler de tout cela me rappelle que je lui offert ce casque lors de ma déclaration d 'amour nocturne. Je dois avouer m'interroger sur le sort de ce dernier. Je doute qu'elle l'ai perdue. Elle l'a sûrement rangé dans un coin de sa chambre et oubliée mais qu'importe.
- Une de nos amies organise une soirée dans deux jours. Gloria. Vous comptez venir ?
Je dois admettre que je ne suis pas vraiment soirée donc la perspective ne m'enthousiasme pas en elle-même. Surtout quand c'est une soirée avec des amis de Naomi, dans un pays inconnu, avec des gens que je ne connais pas pour la plupart. Peut-être ai-je peur de revivre le calvaire des galas entre célébrités où je passais le plus clair de mon temps à servir d'appui au mur, ou inversement; je ne saurais plus dire tant cette place m'était attitrée. De plus, j'ai beau ne pas connaître Naomi aussi bien que Laura, du moins je présume, je sais reconnaître la plupart des émotions qui traversent son visage et l'embarras en fait partie. L'embarras et une forme d'agacement. Je ne sais pas qui est cette Gloria mais Naomi semble craindre de la côtoyer ou bien que je la côtoie. Je prend note mentalement de l'avertissement voilé avant de me plonger dans mon thé. J'en bois une gorgée tout en observant les alentours de notre table et le peu d'habitants des lieux à cette heure matinale quand l'énonciation de mon prénom me tire de mes rêveries.
- Melody, je me chargerai de te présenter les autres pendant que Nao tourne... enfin sauf si tu veux la regarder travailler évidemment. Je pourrais comprendre.
Je hoche la tête à sa proposition. Je n'avais pas dans l'idée d'importuner Naomi pendant qu'elle travaille. Après tout je savais mieux que nombre d'autre la concentration nécessaire pour donner le meilleur de soi devant un appareil photo comme devant une caméra. De plus, l'opportunité de rencontrer petit à petit le groupe d'ami de ma dulcinée me semblait moins angoissant cependant je n'eus pas le temps de le formuler que Naomi prit la parole à son tour.
- Au pire je te filerais les épisodes, tu pourras les regarder en m'attendant. Tu les as jamais vus, si ?
J'esquissais un léger sourire sans oser répondre par la négative. N'allez guère vous trompez! J'apprécie et je considère son travail mais il m'était difficile de lui avouer que durant mes longues insomnies de mon retour de l'hôpital, j'avais soigné ses dernières en regardant deux fois l'intégralité des épisodes de la série. Comment dire cela sans paraître bizarre voire obsédée? J'essayais dès lors de justifier mon refus à venir.
-"Je préférerais passer un peu de temps avec Laura si ça te gêne pas.. disons que je me sentirais moins à part à la soirée si je la connais un peu...et puis..."
Je marquais une légère pause avant de prendre mon courage à deux mains.
-"Disons que j'ai déjà vu toute la série.. deux fois..."
Je me mis alors à déguster ma glace délicatement tout en appréciant au mieux les arômes de cette dernière. J'avais grâce à elle une parfaite occasion de fuir la conversation concernant la manière dont j'avais vu cette série ni le but. Après tout elle allait finir par fondre!
- C'est à dire que Naomi m'a empruntée mon casque audio et que je ne l'avais pas vu...du coup je me suis inquiétée.. on a discuté et voilà...
"Emprunté", ou l'art de faire des euphémismes. Un petit haussement de sourcil de Laura me fait comprendre très vite qu'elle a compris sans soucis le sens du mot "emprunter" dans cette situation. En même temps, avec le nombre de choses qui ont disparu autour d'elle pour réapparaître soit le lendemain, soit le jour même sur moi, elle a pas trop de mal. Je n'arrive pas à savoir si Melody est à l'aise ou non avec le sujet - son casque est encore dans la chambre depuis qu'elle me l'a donné, quelque part dans mon armoire. Je fais de mon mieux pour qu'il ne lui arrive de rien pour le moment, histoire d'être à la hauteur de ce qu'elle m'avait demandé ce jour-là même si j'avais affirmé ne pas pouvoir faire de promesse, mais c'est vrai que maintenant que j'y pense c'est cet objet qui a tout déclenché. La première fois que je l'ai vue et que j'ai touché à ce casque, je l'ai trouvée en larmes. La deuxième fois, c'est aussi en larmes qu'elle me l'a tendu. Pas étonnant que je n'ai pas spécialement envie de le mettre ou de le garder trop visible, en fin de compte.
- Je préférerais passer un peu de temps avec Laura si ça te gêne pas.. disons que je me sentirais moins à part à la soirée si je la connais un peu...et puis... Disons que j'ai déjà vu toute la série.. deux fois...
La réaction de Laura est limite trop rapide pour que j'ai le temps d'être surprise : un petit rire soufflé, le genre de rire qui chez elle veut dire à la fois qu'elle avait raison et qu'elle en est très contente. Ça veut dire qu'elle a obtenu les éléments d'informations qu'elle voulait et, vu la conversation, c'est pas difficile de comprendre lesquelles. J'ai envie de soupirer. Et forcément, c'est avec ça en tête que je vais devoir les laisser seules toutes les deux, soit à visiter la ville soit à rencontrer les autres.
- Je savais bien que tu faisais partie de mes fans, dit-elle avec un ton rieur.
Je dois au moins lui accorder qu'elle essaye de détendre l'atmosphère parce que là, même avec mon insensibilité naturelle, la gêne de Melo est plus que perceptible. Je ne sais pas dans quelles circonstances elle a été amenée à regarder tout ça ; bon je suis légèrement déçue parce que j'aurais bien tout regardé avec elle de suite, mais en fin de compte vu que j'ai encore du mal à me regarder à la télé, c'est sûrement mieux comme ça. Je lui poserai peut-être la question plus tard, sauf si j'oublie, mais pas ici ni maintenant. Elle est amoureuse de moi, je ne suis pas sûre qu'elle ait envie d'exposer ça à tout le monde et même : qu'ils soient au courant à un moment ou un autre c'est une chose, révéler tout ce qui est liés à ses sentiments et à ce que ça a créé autour et entre nous en est une autre.
- Mais du coup si tu as déjà vu la série... Hm... Gloria, celle qui organise la soirée, c'est celle qui joue Rosa Hall. La copine de Melinda.
La mienne, en somme. Heureusement que Melody n'est pas du genre à crier au baiser indirect pour les choses comme les enfants parce qu'elle aurait limite pu embrasser Gloria juste pour m'embrasser indirectement - surtout que vu que Mel et Rosa sont censées se retrouver dans ces épisodes-là, je suis bonne pour le refaire.
- Vous comptez faire quoi ? Je vous dépose à l'hôtel comme prévu ou tu veux lui faire visiter un peu la ville, Nao ? - Je sais pas... Melo, tu veux faire quoi ?
Oui j'ai toujours été nulle pour faire des choix mais on a toutes les deux fait une nuit blanche et elle peut très bien avoir envie de se reposer un peu. Ou juste d'être tranquille avec moi avant de replonger dans une ville totalement inconnue.
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- "Je savais bien que tu faisais partie de mes fans"
Je ne relevais pas, toujours plongée dans la dégustation de ma glace. Il était évident que je ne tentais en aucun cas de réduire son importance dans la série ou de dire par ce silence gêné que je ne regardais en rien leur série pour les beaux yeux de Laura. A vrai dire, je me souvenais à peine de son visage dans la série tant mon regard restait captivé par la blondinette dans chacune de ses scènes. La vraie star à mes yeux n'était autre que Naomi. Dans la série comme ailleurs. Chaque jour était un podium pour la laisser étinceler de tout ses éclats comme un diamant sous la lune.
-"Mais du coup si tu as déjà vu la série... Hm... Gloria, celle qui organise la soirée, c'est celle qui joue Rosa Hall. La copine de Melinda."
Je relève la tête, intriguée. Le personnage en question m'est un peu plus familier que celui de Laura. Non pas qu'il me plaise plus que le sien mais le lien qu'il entretient avec celui de la femme que j'aime ne m'a jamais vraiment laissé indifférent. Devrais-je compter les heures à me languir de ne pas avoir sa place? Les heures à renier ma carrière passé dans l'espoir de pouvoir en changer pour être l'actrice face à Naomi. Celle qu'elle embrasse. J'ai encore à l'esprit la jalousie que je pouvais éprouver à cette pensée. Je différencie sans mal personnage et personne mais illusions ou pas j'aurais aimé avoir cette chance. D'ailleurs... L'idée me traversa alors comme une évidence. J'allais les revoir ensemble.. de mes propres yeux.. Je sentis mon cœur se serrer légèrement à cette idée. Je ne doutais pas de pouvoir observer la scène sans en souffrir, du moins en terme de jalousie mais je doutais de ne pas en être ébranlé. Les jours à venir me diraient en quoi je serais affecté, à n'en pas douter.
Une autre idée traversa le paysage tranquille du ciel de mes pensées comme une étoile filante. Gloria avait-elle dit? N'était-ce guère la fille dont il n'avait cessé de parler auparavant et qui avait éveillé chez Naomi une certaine réticence assez transparente à ce que nous ne soyons dans la même pièce? Le mystère s'épaississait encore plus au sujet de la dénommée Gloria et j'en venais presque à redouter de la croiser pour une raison que je ne saurais justifier.
- Vous comptez faire quoi ? Je vous dépose à l'hôtel comme prévu ou tu veux lui faire visiter un peu la ville, Nao ?
- Je sais pas... Melo, tu veux faire quoi ?
Je terminais les dernières bouchées du délice sucré que j'avais commandé avant de lever les yeux d'un air un peu absent pour figer mon regard dans celui de ma colocataire d'Indare. J'étais toujours un peu préoccupée par cette fille qui semblait si importante aux yeux de tous et que certains semblaient vouloir écarter de mon chemin sans que je ne puisse comprendre la raison. Je ne pouvais que fabuler. Fabuler étant l'activité favorite de mon esprit négatif qui trouvait en toute situation le moyen de me rappeler qu'il était vain de me rapprocher de Naomi sans pour autant pouvoir se dépaître de l'amour exclusif et dévorant qui animait mes jours. Un supplice de Tantale.
-"Je sais pas trop..."
Je faisais tourner ma paille dans mon verre d'un air préoccupé. J'avais en réalité un avis bien tranché sur la chose. Je ne désirais pas rentrer à l'hôtel : je n'étais pas si fatiguée que ça grâce à ma sieste et de plus, je voulais passer le maximum de temps aux côtés de Naomi. Passer autant de temps que possible tant que je le pouvais : j'étais chiffonnée par ce secret de polichinelle qui semblait planer entre les deux jeunes femmes, en effet, j'aurais aimé que Naomi me fasse suffisamment confiance pour me dire quels étaient ces craintes sans que je ne doive lui demander. Il fallait ajouter à cela que le bonheur éphémère des derniers instants s'étant envolé, j'en venais à me demander si je pourrais encore profiter de moments pareilles en sa compagnie une fois que Jack,la rentrée, l'éloignement des devoirs quotidiens nous auraient séparés. Je soupirais à en fendre l'âme le plus discrètement possible.
-"Je dois avouer que je suis pas très fatiguée..."
Je passais alors le reste du déjeuner dans mon coin, répondant avec ma façade habituel de neutralité à chaque question qui m'était posé. Mon attitude me désolait pour Laura. Cette dernière, si elle était aussi observatrice que je ne le pense, devait avoir saisi mon air faussement enjouée mais je n'arrivais décidément à me départir des idées qui venaient troubler ma bonne humeur. Des idées qui semblaient vouloir me rappeler de la manière la plus douloureuse qu'il soit le fossé entre moi et la demoiselle. Les quelques sentiments qui nous séparaient me semblait des miles.
-"Je reviens une seconde les filles! Pas de bêtises !"
J'observais Laura s'absenter avec un petit sourire avant de me trouver seule avec Naomi. Le silence s'installa pendant un court instant alors que mon cœur me criait de lui faire part de ce que j'avais sur le cœur et que mon esprit, lui, me rappelait à mon serment de ne plus l'importuner avec mon amour. Mon corps céda aux avances du premier tentateur. Je saisis la main qui sommeillait sur la table entre les miennes avant de lui demander les yeux dans les yeux.
-"Dis Naomi...c'est quoi le souci avec Gloria...je suis pas dupe..."
Même si je m'y attendait, je ne peux pas m'empêcher de serrer un peu les dents à sa réaction instantanée à la mention du personnage de Rosa. Évidemment, Laura joue Liz, la meilleure ennemie de Melinda (pour résumer très simplement, vu qu'elles voguent entre amitié et rancœur toutes les deux minutes), et même si c'est mon personnage qui est dans l'ombre du sien en permanence, à se faire plus ou moins rabaisser selon l'humeur de Liz, je pense que Melo l'a vu autrement. Ça se voit rien qu'au fait qu'elle ait relevé la tête juste à ce nom, qu'elle était déjà amoureuse de moi quand elle a regardé la série. La rencontre avec Arthur promet d'être encore plus compliquée que ce que j'imaginais ; le couple Charlie-Melinda a duré plus longtemps que l'autre, après tout, vu que j'ai quitté la série en plein milieu – et que Rosa avait de toute façon fugué dans le scénario. Et puis c'est... plus compliqué. Enfin au moins lui, elle ne risque pas de le voir m'embrasser devant les caméras. C'est peut-être mieux qu'elle passe les jours de tournage avec les autres plutôt que trop près du plateau, en fin de compte.
- Je sais pas trop...
On va aller loin. Je suis la fille la plus indécise du monde et j'ai tendance à plus ou moins me ranger aux choix des autres quand je n'ai pas de décision précise en tête, mais Melody a l'air tellement perdue dans ses pensées depuis tout à l'heure que je ne suis même pas sûre qu'elle ait vraiment entendu la question ou qu'elle ait vraiment réfléchi à sa réponse. Elle a l'air un peu moins bien qu'il y a cinq minutes. Je sais ce que ça fait d'être complètement absorbée par des pensées parasites, ça m'arrive très souvent au cas où vous n'auriez pas encore compris, mais ça m'inquiète un peu. Elle semblait avoir eu un regain de bonne humeur un peu plus tôt – quoiqu'ait pu lui dire Laura, elle avait au moins eu cet effet – et maintenant... J'espère que ce n'est pas juste la mention de ce couple fictif qui l'a fait déprimer...
- Je dois avouer que je suis pas très fatiguée...
Ça veut dire qu'elle préfère qu'on sorte en ville, du coup ? Je ne sais pas trop comment réagir, je suis tiraillée entre ma joie d'être rentrée chez moi et l'inquiétude que je ressens pour Melo. Si elle souffre pendant les cinq jours qu'on passe toutes les deux et qu'elle en garde uniquement des souvenirs désagréables... Est-ce que j'ai bien fait de l'emmener ? Est-ce que je n'entretiens pas encore plus son désespoir en la traînant avec moi au bout du monde, en la gardant à mes côtés en permanence ? Si juste me regarder lui fait du mal... Oui, mais je ne peux pas la laisser s'en aller. C'est égoïste et cruel, je lui impose de souffrir à mes côtés sans pouvoir répondre à ses sentiments.
- Je reviens une seconde les filles! Pas de bêtises !
Ça faisait un petit moment qu'on parlait de tout et de rien – je me tenais un peu au courant des dernières histoires. Malheureusement, Neil était toujours dans la série malgré le rejet permanent de la moitié du cast. Shannon, qui joue ma sœur, va revenir le temps d'un tournage et de la soirée, mais sa décision de quitter la télévision est toujours aussi définitive. Gabrielle a sautillé partout à l'idée de me revoir, et Grace a fait la gueule. En soi rien de très surprenant. La seule nouvelle un minimum inattendue c'est que Gracie sorte avec Jude, mais je n'ai jamais été très portée ragots donc peut-être que ça se voyait à des kilomètres depuis un bout de temps. Laura nous adresse un petit sourire et quitte la table sur cette dernière phrase. Je ne sais pas quoi dire ; elle a l'air tellement mal depuis tout à l'heure que je n'ose pas ouvrir la bouche, de peur de prononcer un mot de travers.
- Dis Naomi...c'est quoi le souci avec Gloria...je suis pas dupe...
J'aurais pu dire quelque chose dès qu'elle a pris ma main, mais si son geste ne m'a pas fait réagir plus que ça, sa question me tire un réflexe que je n'ai contenu qu'à la dernière seconde ; ma main s'est crispée d'un coup en reculant brusquement, comme pour fuir, et j'ai dû lutter pour qu'elle ne pas l'enlever trop soudainement et ne la bouger que d'un demi-centimètre. Manquerait plus qu'elle croit que je ne veux pas qu'elle me touche, alors que ce n'était même pas la raison de mon mouvement de recul. Le problème avec Gloria, hein ? Je n'en sais rien. Je n'aime pas l'idée qu'elle vienne lui tourner autour, parce que c'est le genre de fille qui ne pourrait rien lui apporter de bon. Pas plus que moi, vous me direz, mais bon. Est-ce que j'ai réagi si visiblement quand Laura a mentionné son nom tout à l'heure, au point qu'elle se pose des questions ? Tu parles d'une actrice, si on lit en moi si facilement...
- Rien... Enfin juste que je veux pas que tu sois trop mal à l'aise face à elle par rapport à la série, tout ça.
C'est faux. Enfin non, c'est vrai mais pas totalement. J'ai effectivement peur qu'elle soit torturée par la jalousie, mais s'il n'y avait que ça, je ne voudrait pas plus qu'elle s'approche d'Arthur et ça me dérange moins. C'est le côté trop rentre-dedans de Gloria, je n'ai pas envie qu'elle se sente oppressée ou agressée par son comportement. Et puis si quelqu'un doit draguer Melody, je préfère encore que ça ne soit pas elle.
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Spoiler:
J'ai répondu quand même mais elles n'avaient rien dit sur Gloria avant que Laura en parle à table x) sauf leur petite discussion quand Melo était loin, le reste c'était dans la tête de Nao uniquement, y a pas eu un mot sur elle avant ça .o.
Imperceptible. La plupart n'aurait pas senti le geste de Naomi. Je ne suis pas ces gens. Je consacre mes jours, mes nuits, mes pensées, mes rêves et mon jardin secret à cultiver chaque fragment de la demoiselle qui me fait face, inexorablement,sans jamais voir pousser la rose rouge de l'amour, aussi elle ne peut me tromper. Je reste donc à attendre qu'elle réponde à ma question en gardant mon regard nacarat dans son propre regard, sans fléchir, sans rougir, sans lui laisser le soin de me fuir avec la vérité. Je dois avouer que l'attente fut presque insupportable. C'était comme si le temps s'était arrêté. Mon esprit profita de cette éternité de quelques secondes pour échafauder des milliers de théories sur la réaction de Naomi. Certaines loufoques. Certaines douloureuses. Certaines encombrant mon esprit plus que d'autres. Je m'attendais à tout instant d'entendre des mots insupportables. Mon esprit avait fini par convenir d'une théorie majeure qui commençait à surplomber les autres. Peut-être que Naomi avait eu une aventure avec cette fille? Aussi stupide que ça puisse paraître, cette théorie avait pour elle de faire disparaître des tas de zones d'ombres. Premièrement, c'était tout à fait plausible : la proximité entre deux acteurs jouant un couple à engendrer dans bien des cas de véritables couples comme Brad Pitt et Angelina Jolie par exemple.Peut-être même que c'était la raison de l'échec de ma relation naissante avec Naomi ? Peut-être que je n'étais pas la seule responsable? Gloria était peut-être responsable d'un traumatisme de Naomi qui l'avait éloigné de moi ou empêcher de m'avouer ses sentiments? Certes, ça arrangerait mes affaires mais je commençais vraiment à penser qu'il résidait un fond de vérité dans mes élucubrations.
- Rien... Enfin juste que je veux pas que tu sois trop mal à l'aise face à elle par rapport à la série, tout ça.
Il y'avait décidément un problème. Mon instinct amoureux ne m'avait guère trompé. J'analysais avec intérêt les propos de la demoiselle : je n'y voyais qu'une seule et unique chose. Avait-elle peur que je sois jalouse? Avais-je bien compris ce qu'elle venait de dire. Je lâchais sa main pour me réinstaller dans le fond de mon siège, tournant légèrement la tête pour observer les badauds dans la rue.Je n'essayais en rien de m'éloigner d'elle car l'ensemble des cellules de mon organisme me criait de rapprocher d'elle, de toucher encore ses doigts fins mais il le fallait. J'essayais de ne pas croiser son regard, grâce à la couverture de quelques mèches oscillant entre le rose et le rouge, en réalité car mes joues venaient de s'empourprer à l'arrivée d'une idée stupide.
Il était de plus en plus évident avec les précédentes paroles de la demoiselle que Laura avait raison. Naomi tenait à moi et s'inquiétait véritablement pour moi mais plus qu'elle ne le faisait auparavant. Ma théorie était-elle donc la bonne? Avait-elle réellement des sentiments pour moi qu'elle ne pouvait divulguer de part la présence de Jack et ses propres limites.Il fallait que j'en ai le cœur net.
-"Je sais que j'ai promis de ne plus en parler mais... si un jour les choses changeaient entre nous, tu me le dirais...tu ne me laisserais pas..."
Le temps semblait s'être figé pour sacraliser cet instant, cette demande mais.. Les mots peinèrent à se frayer un chemin jusqu'à mes lèvres et ne parvinrent pas à franchir leurs seuils. "Dans le noir".. Je repris mon sourire de façade avant de lui asséner une pichenette sur le nez.
"T'avoir aussi facilement! Tu crois vraiment que je ne sais pas différencier le vrai du faux ! Que je serais jalouse pour ton rôle! Je vais mal le prendre !"
Non seulement elle avait raison mais .. C'est parfois les choses qui restent sur le cœur qui l'enferme dans un étau. C'était le cas en ce moment même. Je peinais à respirer, j'avais envie de pleurer mais je ne pouvais pas le montrer alors je jouais d'illusions. Comme toujours. Il est triste qu'une actrice ne sache en détecter une autre mais je ne pouvais lui en vouloir. Je n'y arrivais pas. Comme je n'arrivais pas à laisser s'échapper ma demande. Je n'avais pas le droit de lui demander de remettre ce sujet sur la table. Si je le faisais ça ne serait qu'égoïste. J'étais trop plongé dans mes pensées pour m'apercevoir que nous n'étions plus seules.
Elle a l'air de réfléchir tellement intensément que je me demande quel genre d'idée elle peut bien se faire. Déjà, j'espère qu'elle n'a pas interprété mon geste comme un rejet – manquerait plus qu'elle pense que le contact avec elle me donne ce type de réflexes. J'aurais peut-être dû donner une autre réponse. Mais quoi d'autre ? Gloria avait un côté pot de colle, un côté étouffant parfois même, et j'avais eu la chance de ne pas trop en faire les frais. Bon, elle me parle toujours en faisant de grands gestes et en me donnant des surnoms divers et variés – c'est d'elle que je tiens cette manie d'appeler les gens "trésor", d'ailleurs – mais elle n'a jamais essayé de me draguer. Me demandez pas pourquoi, je dois juste pas être son genre et ça m'arrange très bien. J'ai déjà vu ce que ça donnait de tourner une scène romantique quand il y a une attirance d'un côté ou de l'autre, je suis contente qu'on ait pas eu à passer par là toutes les deux.
- Je sais que j'ai promis de ne plus en parler mais... si un jour les choses changeaient entre nous, tu me le dirais...tu ne me laisserais pas...
Hein ? Euh... Ok, alors soit ma phrase a vraiment porté à confusion, soit il va falloir que j'aille harceler Laura de questions pour savoir exactement ce qu'elle a pu lui souffler tout à l'heure. C'est pas le fait qu'elle en parle qui me dérange, c'est le fait que j'aie pu involontairement alimenter un espoir alors que je m'étais juré de ne pas la faire plus souffrir. Et avant de dire que je suis cruelle, mettez-vous à ma place une minute. L'amour a moins d'importance que l'amitié dans ma gradation sentimentale. Je choisirais toujours un ami avant mon couple, preuve est faite que c'est Melo qui est venue avec moi et pas Jack, donc c'est inconcevable que quelque chose change. Ça voudrait dire que je l'aimerais moins, que notre relation diminuerait suffisamment pour que mon cœur envisage la chose. Melody est ma meilleure amie, on est trop proche pour que je puisse "downgrader" notre relation, même si c'est ce qu'elle veut. Ce qu'elle pense vouloir, en tout cas ; vu qu'elle n'est jamais sortie avec moi, elle ne peut pas se rendre compte de la distance que ça mettrait entre nous, d'à quel point on serait moins proches si j'étais amoureuse d'elle. Je sais, ça paraît bizarre comme ça, mais j'ai pas choisi comment fonctionnait mon cerveau. Et mon cerveau il a placé l'amitié en priorité au coude à coude avec la famille – enfin ma mère – et l'amour loin derrière. Donc oui, j'essaye d'éviter d'entretenir ses espoirs. Parce que mine de rien ça me ferait mal de devoir lui redire ce que je lui ai dit ce soir-là, j'ai lu trop de souffrance dans ses yeux pour vouloir renouveler l'expérience. J'ai à peine le temps de hocher la tête dans un simulacre de réponse avant qu'elle n'enchaîne avec une pichenette - ça fait mal ces trucs.
- T'avoir aussi facilement ! Tu crois vraiment que je ne sais pas différencier le vrai du faux ! Que je serais jalouse pour ton rôle ! Je vais mal le prendre !
Soupir. Ne me mens pas, je t'ai vu réagir à son nom – au nom de son personnage. Même en étant assez insensible de nature, je suis quand même capable de comprendre ce que ça voulait dire. Si tu as retenu ce nom et pas les autres, ce n'est pas pour rien.
- Tu n'es pas...
Un toussotement de Laura à côté de moi m'interrompt dans ma phrase. Depuis combien de temps elle est revenue ? Vu qu'elle n'a pas d'expression spécifique sur le visage, ça ne doit pas faire bien longtemps. Elle me fait un signe de la tête et je réalise que je suis en train de torturer une pauvre fraise du bout de ma fourchette depuis bien cinq minutes. Nouveau soupir. Bon, on va commencer par manger ce pauvre fruit. Je suis la seule qui n'a pas fini de manger, mais je commence à avoir un poids sur l'estomac. Heureusement, il ne me reste plus grand chose donc ça devrait aller.
- Vous voulez que je vous laisse toutes seules pour la visite de la ville ?
Elle a parlé avec un voix un peu plus basse que d'habitude, ce qui remet un doute mon avis d'un peu plus tôt. Peut-être qu'elle est revenue depuis plus longtemps que je le pensais. Je ne sais pas trop quoi répondre. J'ai peur que Melo déprime ou que je finisse par être trop renfermée rien qu'à l'idée qu'elle déprime, si on reste toutes les deux. J'ai l'impression que les deux réponses sont des pièges, de toute façon. Si je dis non, ellerisque de mal le prendre, ou de croire qu'elle a dit quelque chose de travers et que je ne veux plus me retrouver seule avec elle. Si je dis oui, en dehors du fait que Laura va sûrement se mettre encore plus d'idées en tête, j'ai peur que Melody fasse pareille et s'imagine des chose. Avec sa question de tout à l'heure...
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L'ombre d'une réponse avait pointé le bout de son nez mais heureusement l'intervention de Laura me priva d'une longue séance d'explication. Je m'étais trompée. Rien n'avait changée. Je l'avais lu dans son regard quand il avait croisé le mien, lorsque j'avais saisi que malgré les faux semblants je ne pouvais la tromper comme je le pensais. Étrangement je n'avais rien ressenti. Pas même une once de souffrance. J'aurais dû pourtant. Après tout, c'était un couteau planté dans mon âme qui venait d'être enfoncé plus loin encore mais rien. M'y étais-je fait? Je ne crois pas. Avais-je cessé de l'aimer? Absolument pas. Alors comment pouvais-je ne rien ressentir..? Peut-être étais-je déjà morte à l'intérieur.. Peut-être que ce supplice de Tantale venait à disparaître.. Peut-être que mon cœur avait déversé toutes ses larmes dans l'hémorragie de cet amour à sens unique. Peut-être que le monde me paraîtrait désormais toujours aussi froid que le mince filet d'air qui s'engouffrait par la fenêtre toute proche.
Ce rêve que j'avais eu durant le trajet me parut plus vivace soudainement. Mon inconscient savait ce que je ne voulais, ce que je ne pouvais tout simplement pas admettre. Je n'aurais jamais le droit d'être près d'elle, de respirer son odeur, de la voir me regarder et me rendre plus forte. Je n'aurais jamais le droit d'être véritablement à ses côtés. Je n'étais pas seule dans le noir mais seule dans un océan de sable blanc sous un ciel laiteux et tout autour de moi s'effondrait lentement, inexorablement. Je ne pouvais rien faire d'autre que de me réfugier dans la dernière maison qui tenait sur ses murs dans ce paysage désertique. Là bas je m'y verrais, prostrée quelque part à attendre que tout finisse en cendres, que tout s'effondre et que je sombre. Comme cette fois là. Comme cette fois où je ne voyais plus aucun avenir.
La suite de la journée fut plutôt soporifique. Nous avions commencés à visiter les environs avec Laura et Naomi mais je ne parvenais vraiment pas à me concentrer sur les divers lieux que me présentait les deux demoiselles, trop plongée dans mes pensées et ma remise en question pour prêter attention à leurs explications. Trop muette pour alimenter la conversation. Trop seule à l'intérieur de la forteresse de solitude qu'était cette maison fragile dans ce lieu d'abandon. Trop monstrueuse pour en sortir.
Je ne saurais dire combien de temps nous pris cette visite, ni comment nous nous étions retrouvés à l'hôtel. Il était assez facile de présumer que nous avions marchés toute la journée sans nous arrêter - ou peut-être bien - tout en tâchant de ne pas laisser paraître les âpres questions qui envahissaient mon être. Je m'étais recluse dans mon abri fictif toute la journée et je n'en étais arrivée qu'à une seule solution pour que mon jardin secret cesse de dépérir et de s'effondrer. Je me devais de prendre du recul, prendre un peu d'écart avec elle ou je ne ferais que détruire le lien si particulier que nous avions. Je devais trouver un moyen de détourner mon cœur de la demoiselle pour ne pas la faire souffrir, ne plus la faire souffrir. J'avais fait suffisamment de mal avec mon égoïsme et si Laura avait raison, ne serait-ce qu'un peu, j'en ferais encore mais pour la dernière fois. C'était un serment que je me devais de faire. De respecter. C'est ainsi que lorsque nous arrivâmes chacune dans notre chambre et que le temps de se coucher vint à arriver, quelques mots résonnèrent en moi tout autrement.
-"Bonne nuit Naomi.."
"Je ne te gênerais plus.. je vais cesser de t'aimer, m'y efforcer.. pour ne plus te faire souffrir". Il le fallait avant que je ne puisse plus jamais rien ressentir, que je sois une coquille vide. Je ne pus cependant me résoudre à dormir. Je ne parvenais pas à me faire à l'idée et c'est pourquoi je voulais encore profiter de ce dernier jour où je pouvais profiter de ce rêve plus qu'illusoire. Je me relevais sans un bruit, marchant sur la pointe des pieds avant de venir me glisser dans les draps de la demoiselle sans un bruit. Je savais qu'elle ne dormait pas et je pris donc la décision de m'exprimer la première.
-"Pour ce midi tu as raison.. je sais ce que tu en penses..mais j'ai besoin de te dire que quoi qu'il en soit.. quoi que tu penses rien n'a changé.. je ne me fais pas d'illusions, mes yeux sont secs à force de pleurer.."
Je marquais une légère pause pour rassembler mes pensées et les exprimer au mieux. Je ressentais le besoin de lui annoncer ma réponse, lui dire ce que je pensais le mieux pour nous. Enfin pour moi.
-"Je vais..." Les mots eurent une peine sans nom à sortir. "Je vais essayer de.. de cesser de t'aimer pour ton bien.. pour ne plus te voir souffrir comme ça.. je ne peux pas t'offrir plus belle preuve d'amour non..?"
Je déposais un petit baiser sur sa nuque avant de me tourner et de relever le drap pour cacher une partie de mon visage tout en fixant l'horloge, le temps qui courre. J'aurais tout donné pour pouvoir l'arrêter ou même modifier. Si seulement j'avais ce pouvoir..peut-être l'aurais-je dans une autre vie pour ne plus jamais voir les choses changeaient sans que je ne puisse rien y faire.
-"Je crois que tu peux te dire que je romps avec toi même si on est pas ensemble.. je veux juste rester avec toi sans plus jamais t'inquiéter..sans plus jamais te voir souffrir.. Toi et moi c'est fini.. aussi douloureux que ce soit pour moi... Les choses redeviennent normales maintenant.. Bref.."
Je commençais à me perdre dans le cheminement de mes pensées tandis que des larmes silencieuses traçaient des sillons aqueux sur mes joues sans discontinuer, tandis que l'avatar de ma personne réfugié en son domaine s'agitait de soubresauts pour pleurer.
-"Dors bien... Et désolée..Vraiment désolée pour tout ça.. Je resterais ton amie et c'est mieux ainsi.."
Les derniers mots n'étaient là que pour me convaincre moi-même.
"Tu n'es pas obligée de mentir". J'aurais peut-être dû finir par phrase, Laura ou pas Laura, vu l'état dans lequel a été Melody toute la journée. Ça s'est vu assez vite, que sa bonne humeur était retombée, un peu avant qu'on ait cette conversation certes, mais pour de bon après mon début de phrase. J'aurais peut-être dû formuler mon "oui, je te le dirais" plutôt que de me contenter d'un hochement de tête. Quoique je puisse en penser, même si je suis persuadée que ça ne changera jamais pour toutes les raisons que j'ai déjà mentionnées, ça aurait peut-être été moins violent qu'une absence de réponse. Je sais pas. Moi et les émotions, on est toujours pas copines et visiblement c'est pas près de changer. Elles sont trop souvent là pour tout mettre en miette, dès qu'une émotion se mêle de quelque chose ça tourne au désastre. Surtout si je suis incluse dans les acteurs.
On a passé la journée toutes les trois, mais Melody aurait aussi bien pu être un fantôme en train de flotter à côté de nous. Je crois bien qu'elle répondait par automatisme, quand elle répondait, sans jamais nous écouter. J'ai été reconnaissante à Laura d'être restée, finalement. Malgré toute l'affection que je porte à Melody, j'ai beaucoup de mal à supporter le silence parce qu'il rend le bordel sous mon crâne encore plus assourdissant, et si j'avais dû parler dans le vide toute la journée j'aurais fini par entrer au hasard en phase apathique ou en phase hyperactive et, dans un cas comme dans l'autre, Je me serais mangée les insomnies et la patauge dans l'ennui qui va avec. Je doute que Melo aurait été moins silencieuse si Laura n'était pas là, ou peut-être que je l'aurais fait pleurer si j'avais pu finir ma phrase – pas mieux, du coup. Si le but était à la base de lui faire visiter la ville, à force, on a fini par se promener un peu au hasard de nos souvenir communs. Laura a évité soigneusement le quartier où mes mauvais souvenirs dégoulinent encore des murs (dans ma tête en tout cas), on est passées devant plusieurs lieux de tournage, devant le parc où j'ai regardé les étoiles avec Arthur, on a fini par prendre nos deux repas dans des coins où on traînait souvent tous ensembles, avec Melody en mode automatique à nos côtés. Je sais même pas si elle a eu conscience du déroulement de la journée. Je pense que non, elle avait l'air tellement déconnectée...
Finalement, on est arrivées à l'hôtel, et je n'arrive pas à savoir si je suis contente que cette journée soit finie ou angoissées à l'idée que Melody aille vraiment mal – je n'arrive pas à savoir si j'ai passé une bonne journée ou non, pour faire plus général, et ça dans ma tête ça veut dire des heures et des heures à repasser chaque petit événement et chaque parole. Souvent sans vraie conclusion, en plus, mais avec un aller simple pour les insomnies. J'ai pris les temps de me doucher, mais ça n'a pas suffi à me dégager le cerveau, même les douches glacées qui marchaient si bien dans mon adolescence. D'habitude, si je prends une douche à 30° ou moins, j'arrive à mettre mon hyperactivité mentale en pause et à dormir. Pas ce soir. Je ne dormais pas quand elle est venue me rejoindre, quand elle a commencé à parler. Je l'ai entendue, peut-être pas écoutée autant que je l'aurais pu, mais ce n'est pas la chose la plus évidente à faire quand on a une armée de pensées en tête – une foutue chanson qui tourne en boucle, des conversation passées qui se réécrivent ou probable qui s'inventent, des rêves qui essayent d'ignorer les panneau "Future Insomnie" placardé dans mon cerveau et tout un tas d'autres choses qui ne connaissent pas le bouton pause.
- Pour ce midi tu as raison.. je sais ce que tu en penses..mais j'ai besoin de te dire que quoi qu'il en soit.. quoi que tu penses rien n'a changé.. je ne me fais pas d'illusions, mes yeux sont secs à force de pleurer..
Raison ? À quel propos ? Quand je parlais de jalousie ? Peut-être, j'en sais rien, peut-être qu'elle a imaginé toute seule la fin de ma phrase, sûrement pas comme il le fallait d'ailleurs. Enfin... ses paroles (toutes ses paroles) auraient pu me serrer le cœur si le bordel cérébral n'entraînait pas avec lui un embouteillage qui laissait les émotions loin derrière. En tout cas les émotions en temps réel, parce que mon cerveau préfère aller piocher dans mes souvenir. Ces phrases reviendront sûrement plus tard, qui sait, quand mon cerveau aura décidé de les ressasser pour que j'y réponde autrement. Autant ne pas y répondre. Et, vraiment, qu'est-ce que vous auriez voulu que je dise ? Je n'y crois pas, je ne suis même pas sûre qu'elle y croit elle-même. On ne peut pas décider d'arrêter d'aimer, c'est même plutôt l'inverse qui a tendance à se produire, parce que plus on veut arrêter d'apprécier quelqu'un, plus on y pense, et moins on y arrive. C'est comme de se forcer à oublier quelque chose : le concept en soi est déjà contradictoire. La seule chose qui marche c'est le temps, ou de penser à autre chose. Et comment elle pourrait penser à autre chose, alors qu'elle est constamment avec moi ?
De toute façon, c'est déjà contradictoire. "Je te prouve que je t'aime en cessant de t'aimer". Une preuve d'amour... Si elle y pense comme ça, ça n'a aucune chance d'arriver. Je n'ai rien à répondre à ça. Ça fait vingt minutes que je force mes yeux à rester fermer pour avoir une chance de m'endormir et même si elles sont proches de zéro de toute manière, je peux continuer de faire ça – garder les yeux fermés, faire semblant de dormir, et ne pas avoir de réponse à trouver. Je ne sais même pas si j'ai envie qu'elle sache que je l'ai entendue. Je ne veux pas qu'elle se dise que j'ai entendu et approuvé – ou désapprouvé, peu importe – et qu'elle doit maintenant s'y tenir. Se forcer à souffrir en réprimant encore plus ce qu'elle réprime déjà énormément. Je n'arriverai pas à dormir. Je le sais déjà depuis à peu près ce midi, mais ça s'éclaircit au fil de la soirée. Je n'y arriverai pas parce que mon cerveau a trop pensé, parce que j'ai trop de choses qui l'embrument encore, parce que j'ai trop d'énergie au bout des doigts qui me démange et qui me donne envie de cogner dans des choses par réflexes, parce que ça m'a toujours vidé la tête, parce que je sais qu'elle pleure mais que je n'ai pas la force de bouger quand mon cerveau est dans cet état. Parce que je ne pourrai de toute façon rien faire pour elle. Peut-être qu'elle a vraiment besoin de temps loin de moi...
On verra demain. Même si ça ne change rien, même si elle n'est pas comme moi à oublier tout ce qui a pu la tourmenter dès que la nuit est passée. Même si, vu l'insomnie qui se prépare, je n'aurais pas non plus réussi à vider ma tête quand le réveil sonnera pour le début des tournages.
:copyright: Naomi paroles en #006600 Laura parle en #6699ff
Avais-je dormi cette nuit -là ? Je ne crois pas. Je ne sais pas. Est-ce que ça avait réellement une importance? Je n'avais en tout cas pas eu le courage de me lever et de regagner mes propres draps lorsque l'aube vint à poindre. J'avais passé la nuit entière sans trouver le sommeil ou du moins sans autre rêve que celui, très réaliste, de cette chambre silencieuse et froide avec comme seul bruit la respiration toute proche de celle que mon cœur voulait fuir, l'horloge qui trahissait l'avancée inéluctable du temps et la course nocturne de l'astre lunaire qui se frayait un chemin parmi les étoiles pour finalement disparaître à l'horizon. A l'image de mon amour pour la demoiselle à mes côtés. Ma décision était prise j'allais m'évertuer à la laisser être heureuse, j'allais même mettre dans l'eau dans mon vin avec Jack si besoin. Les choses seraient difficiles mais j'y parviendrais. Je reviendrais à l'Institution et viendrait un jour où un garçon ou une fille viendrait à moi pour me permettre de guérir des dernières blessures et d'oublier les derniers fragments de ce sentiment si noble, si pur qui m'avait habitué pendant un an entier. Jolie histoire non? Si la vie était un conte de fée ça se saurais et je savais malheureusement une chose : la réalité serait bien plus difficile.
Je n'attendais pas que le soleil se lève finalement pour quitter la présence chaude et réconfortante de mon amour. Je n'avais même pas besoin de jeter un regard en arrière pour savoir qu'elle avait eu une nuit aussi brève que la mienne et qu'elle était éveillée. Je savais mieux que quiconque à quoi ressembler sa respiration quand Morphée l’accueillait auprès de lui : j'avais suffisamment veillé sur elle lors de mes diverses insomnies pour ne pas connaître la différence. Quoi que je puisse faire, je serais toujours celle qui saurait le plus de choses sur elle, qui connaîtrait le mieux ces réactions et cette unique pensée acheva de me convier à fuir la pièce. Bien sûr je ne la fuirais pas. Je ne passerais pas mes jours comme le précédent à me murer dans une forteresse de solitude et de silence. Je me détacherais juste de ce besoin constant d'affection la concernant. J'apprendrais à être une vraie amie avec laquelle elle pourrait exprimer l'ensemble de ses tracas même amoureux, sans que je ne sourcille. Je deviendrais ce que j'aurais dû être depuis toujours. Une confidente.
J'entrais dans la salle de bains, constatant par la même occasion que je portais toujours mes vêtements de la veille. Je n'avais même pas penser à me changer avec les tourments qui m'agitaient. Le second point notable était ma mine des mauvais jours : aucune joie, aucune énergie ne transparaissaient de mes traits et pour cause. Je décidais d'ignorer ce détail, me dénudant avant de rejoindre la douche. Je ne sais pas combien de temps j'y restais mais je fis le maximum pour chasser les reliquats de mes idées nocturnes. C'était une nouvelle journée et je me devais de permettre à Naomi de profiter de sa journée avec ses amis et ses camarades acteurs. Je me vêtis correctement pour être la plus convenable pour rencontrer toutes ces personnes : j'arborais donc une robe mauve foncé qui couvrait un haut de couleur rose et mes jambes se paraient de collants à rayures.
Une heure et demi plus tard, je vins doucement ouvrir le volet pour laisser le soleil percé véritablement dans la chambre tout en souriant à ma camarade, comme si rien n'avait eu lieu.
-"Allez lève toi, je suis prête moi !"
Je rapprochais la table toute proche du lit de Naomi. J'y avais disposé un petit déjeuner constitué de tout ce que j'avais pu obtenir en cuisine. Je voulais certes me préserver mais je ne pouvais pour autant me résoudre à ne plus me comporter de manière aussi prévenante avec elle et j'espérais qu'elle ne changerait pas de manière d'agir avec moi. Après tout j'étais la seule responsable de notre situation, de ma souffrance, de l'aimer. Elle n'avait jamais rien demandé. J'étais donc la seule à devoir me remettre en question.
La nuit a été longue. Je sais que j'ai eu des semblants de somnolence, ces moments où on s'endort à peine pendant cinq minutes en ayant l'impression d'avoir dormi une vie, puis on regarde sa montre et on voit la réalité. Qu'il reste encore six ou sept heures avant le matin. Que l'horloge continue de tiquer. Putain d'horloge. Je déteste ces saletés. Il n'y a rien de pire que le tic-tac d'une horloge comme nuisance sonore, ça s'infiltre sous votre crâne et ça y résonne, ça y reste jusqu'à rendre fou. Je ne sais pas pourquoi je déteste ça à ce point, mais j'ai tendance à vouloir assommer les gens qui portent une montre à aiguille à côté de moi, alors vous imaginez bien que cette foutue horloge dans la chambre m'a donné des envies de meurtre. Mais je suis restée immobile, le dos tourné à Melody et les yeux finalement ouverts, parce que je suis incapable de les garder fermés trop longtemps. De toute façon, elle était de l'autre côté, elle ne pouvait pas me voir, et je n'aime pas mentir.
Je l'ai sentie se lever mais je n'ai pas bougé ni rien dit. À quoi bon ? Si j'avais eu une nuit de sommeil, j'aurais pu trouver quelque chose à faire ou à dire, j'aurais même pu dérouler la journée en ayant totalement oublié la veille. C'est comme ça que fonctionne mon cerveau : il pense, il m'enferme dans un monde inextricable, puis une fois que j'ai dormi, il efface tout. Je ne me rappelle ni ce que j'ai pensé, ni ce que j'ai ressenti, sauf si j'en ai parlé à quelqu'un. Mes amis doivent avoir quelques sms de ce genre de phases, enfin ont eu parce qu'ils ont dû disparaître depuis longtemps, et c'est en les relisant que je m'en souvenais. Sinon, je ne me rappelais que vaguement avoir traversé une phase pas très agréable, mais rien dans les détails. Sauf que là je n'ai pas dormi, donc rien n'est venu faire le ménage dans ma tête et chasser tout ça. Ça restera là jusqu'à ce que j'arrive à dormir. Soupir. Je ferme les yeux le plus fort possible comme si ça allait changer quelque chose – c'est peine perdu, avec cette horloge à la con j'ai aucune chance d'avoir un semblant de sommeil.
J'entends Melody entrer sous la douche et je me relève lentement. J'ai vraiment envie de dormir pour me vider la tête, casser ce foutu cercle vicieux qui veut que pensées encombrantes = insomnies = pensées encombrantes, et ce à l'infini. Je profite qu'elle est dans l'autre pièce pour avancer et décrocher l'horloge du mur. Il doit bien y avoir moyen de bousiller le mécanisme pour qu'elle s'arrête, quitte à le remettre en place avant de partir. Enfin c'est beaucoup espérer. Au pire je la fous sur le bord de la fenêtre jusqu'à ce qu'on s'en aille. Ouais... je vais faire ça. Puis retourner me coucher et espérer que la chanson qui traîne dans ma tête depuis tout à l'heure va me fiche la paix.
- Allez lève toi, je suis prête moi !
Je rouvre les yeux et les ferme aussitôt, un peu trop éblouie pour le moment après avoir passé la nuit à fixer l'obscurité. Ah, j'ai dû réussir à dormir, finalement. Je me redresse en baillant, observant un instant le petit-déjeuner qu'elle a rapporté. Je ne savais même pas qu'ils laissaient les gens emporter les petit-déj dans les chambres, dans les hôtels. J'ai pas dû y passer assez de temps.
- J'ai pas mal de tournages aujourd'hui, ça va aller ? Tu vas pas te sentir trop seule ?
Bon, je sais que la moitié des gens vont sûrement venir lui parler pour l'occuper, Laura la première, mais c'est autre chose que d'être avec moi. Parler avec des inconnus ou avec moi n'a pas le même impact, mais j'espère qu'ils réussiront à retenir assez son attention pour qu'elle ne regarde pas vraiment ce qui se passe sur le plateau – quitte à l'emmener ailleurs – parce que le script des retrouvailles entre Melinda et Rosa serait un peu désagréable à voir adapté, pour elle.
Le petit déjeuner fini, je souris à Melody avant de lui faire signe pour qu'on sorte. La voiture prêté par la prod est sûrement sur le parking de l'hôtel, Laura m'a filé la clef hier, et je dois être au lieu de tournage principal dans une heure. Largement faisable, on devrait même arriver en avance, mais je préfère être sûre. Ottawa reste une capitale, et on est pas si loin de l'heure de pointe, même si elle est moindre par rapport à Londres. Je m'installe donc dans la voiture prêté avec mon amie et conduis jusqu'au bâtiment de l'école, en essayant de discuter de sujets légers et sans trop d'importance en soi. Je ne sais pas qui sera là, ni avec qui elle risque de discuter. Normalement, Neil ne sera pas sur place – même si j'ai perdu le procès, la boîte n'est pas assez sadique pour nous remettre face à face. Et elle aurait sûrement trop peur que je refuse de tourner, ce qui serait sûrement le cas. J'ai assez côtoyé ce psychopathe pour le reste de mon existence. De toute façon il n'est pas dans mon script. Le procès entre Melinda et Thomas (qu'ils ont eu la gentillesse de me faire gagner, d'ailleurs) a été prévu spécifiquement pour qu'on ait jamais besoin d'être dans un plan en commun ; ses scènes ont été tournées avant que j'arrive. Ça implique plus de risques de faux raccords, sans doute, mais ça évite de perdre un des deux rôles essentiels.
On arrive vingt minutes avant l'heure prévue. Je les aurais bien passées avec elle, mais si on peut commencer à tourner plus tôt – si tout le monde est là en somme – ils ne vont pas se priver pour le faire. Eux aussi, ils veulent prendre leur pause en avance. J'ai failli ne pas voir la silhouette aux cheveux rose pâle qui s'est plantée devant moi juste avant les portes, et j'ai reculé instinctivement en mettant mon bras devant Melody, sans trop savoir si c'était pour l'empêcher d'avancer ou pour empêcher l'autre de l'atteindre.
- Naomi. - Grace...
Elle me regarde avec son petit sourire narquois habituel. Grace Grimstone, aka Caitlin Wiseman (ce prénom me poursuit décidément) et la fille qui me déteste probablement le plus sur ce tournage. Elle toise Melo avec un air de mépris teinté de pitié qui me donne envie de lui arracher les yeux.
- C'est qui, elle ? Ta nouvelle moi ? - Elle n'a rien à voir avec toi. - Ah bon ? Je vois déjà un point commun pourtant.
Elle passe une main dans ses cheveux rose pâle avec un sourire qui ne transparaît pas dans ses yeux. Le genre de sourire plein de haine qui aurait donné des frissons à pas mal de monde. Pas moi. Je m'y suis habituée.
- Et oh ! Je crois que je peux en deviner un autre. Est-ce qu'elle aussi, tu lui as brisé le cœur pour un blondinet ?
Je serre les dents. J'aurais bien répondu non juste pour qu'elle n'ait pas la satisfaction d'avoir raison, mais la présence de Melody me retient. Mentir à Grace pour lui faire ravaler sa prétention ne m'a jamais dérangé, mais je ne veux pas affirmer un mensonge pareil devant la principale concernée. Parce que oui, ça serait un mensonge, même si leur histoire n'a rien d'autre en commun. Je vois le sourire de mon ennemie s'agrandir et je serre un peu plus les dents et les poings, tout en m'assurant que Melo lise dans mes gestes qu'il vaut mieux laisser couler et ne pas insister. Cette nana est plus mesquine que Gina, parce que l'orgueil blessé peut transformer n'importe qui en serpent perfide.
- Ha ! Je m'en doutais. Tu es si prévisible et si facile à lire, Nao. À se demander comment tu as pu devenir actrice.
J'ai tellement, mais tellement, envie de lui en coller une. Mais ça ne sert à rien. Au mieux ça lui fera plaisir, et au pire ça se retournera contre moi.
- Fous-lui la paix, Grace.
Le sourire de l'autre s'agrandit encore, à se demander comment c'est possible, et elle effectue une parodie de révérence.
- À vos ordres, Lady garde du corps. Les rôles de vos personnages auraient dû être inversés. Naomi jouerait mieux Liz Harris que toi.
Laura, qui vient d'arriver à côté de nous et de l'envoyer balader, lève les yeux au ciel. Liz et Mel, la leadeuse et la fille dans son ombre. Inverser nos rôles ? Oui, sans doute que de son point de vue je jouerai mieux la garce insensible qui se croit supérieure aux autres et les brise sur son passage que celle qui se fait marcher dessus, mais elle a une image tellement maléfique de moi que je me demande si parfois elle me voit pas avec des cornes, aussi. Grace finit par s'éloigner en levant les yeux au ciel, mais elle a l'air satisfaite de son petit numéro.
- Ça va ? - Oui, ça va... J'ai l'habitude. - Hm... Si tu le dis... L'équipe t'attends par là. Melody, je vais t'accompagner pour le moment, j'ai qu'une petite scène à tourner et c'est cet aprem donc on pourra parler un peu.
Alors que je fronce les sourcils, elle sourit et ajoute :
- Je te raconterai même des petits secrets de Naomi quitte à me faire étrangler derrière. -Sérieusement...
Finalement, je hausse les épaules avec un dernier "fais comme tu veux" et je me dirige vers là où on m'attends après avoir salué Melody. J'entends juste une dernière phrase de Laura avant d'être trop loin :
- Viens, c'est par là. Il y a des sales inutilisées pour ceux qui ne tournent pas. On peut se mettre de façon à voir le tournage ou pas, comme tu veux.
Je n'ai pas entendu la réponse de Melo. J'espère qu'elle a dit non. Gloria mise à part, je n'ai pas non plus en vie de tourner cette scène du tribunal – trop réelle – et qu'elle soit là pour voir que justement, ça serait trop authentique. C'est débile vu tout ce qu'elle m'a confié, et parce que ça va finir enregistré et passer à la télé, mais c'est une chose de le voir fini sur un écran et une autre de me voir le refaire plusieurs fois et revivre ça en même temps. Ça ne peut pas être si difficile à tourner. Melinda va gagner, elle, parce qu'elle a des scénaristes de son côté.
:copyright: Naomi paroles en #006600 Laura parle en #6699ff
La suite de la matinée fut des plus calmes jusqu'à l'arrivée au studio. En effet, Naomi semblait avoir pris le parti que je lui pensais voir prendre : faire comme si de rien n'était. En soit, je bénissais mon aptitude à deviner ses réactions comme je maudissais de tomber juste. J'aurais aimé qu'elle essaye de me détourner de la voie que je souhaitais emprunter, qu'elle me montre qu'elle trouvait mes sentiments suffisamment précieux pour leur accorder un peu d'attention mais il n'en fit rien. Tant pis. Cela ne faisait que me rendre la tâche plus aisée. Pourtant je ne pouvais être plus certaine qu'elle avait tout entendu de mon discours hier soir mais qu'elle avait décidé de ne rien y répondre. D'accepter. D'encourager ma démarche. Peut-être que cela n'avait jamais eu aucune importance à ses yeux après tout? Comment je le savais? Tout en elle me le criait sa manière de s'adresser à moi sur des sujets aussi bateaux , l'air soucieuse qu'elle prenait à chaque fois qu'elle pensait échapper à mon regard.. Comment pouvait-elle être actrice alors que je n'avais qu'à la regarder pour lire en elle comme on lit un livre ouvert? Je crois que je ne le saurais pas.
- Naomi. - Grace...
Nous venions de quitter le véhicule et nous apprêtions à pénétrer sur le lieu de tournage qu'une jeune fille aux cheveux roses vint se planter entre nous et la porte, apostrophant la blondinette avec moi. Je dois admettre que je serais rentrée dans cette jeune fille si le bras de ma camarade ne m'en avait pas gardé, trop plongée dans mes réflexions métaphysiques sur la réaction de Naomi.
- C'est qui, elle ? Ta nouvelle moi ?
Je ne soufflais mot mais à l'intérieur de ma tête les divers idées se mélangeaient en un ouragan qui tambourinait dans ma tête faisant fuser ça et là des hypothèses sur le rempart rose bonbon qui nous empêchait de passer. Je m'interrogeais en premier lieu sur son allégation et son identité. En effet, ni Laura ni Naomi ne m'avait parlé d'une dénommée Grace - si tant est que j'eusse compris correctement son nom - ; de plus elle semblait bien connaître Naomi, suffisamment pour que je devine chez Naomi une méfiance exacerbée et un énervement certain. Je restais au second plan, m'accrochant à mon serment de cesser de m'intéresser à ce qui ne me regardait - c'est à dire les affaires de Naomi - pour garder le silence quand un détour de la conversation vint capter mon attention.
- Et oh ! Je crois que je peux en deviner un autre. Est-ce qu'elle aussi, tu lui as brisé le cœur pour un blondinet ?
Capter mon attention est le plus léger des euphémismes en vérité. La foudre aurait tapé à quelques millimètres de moi que je n'aurais pas accusé un tel choc. Briser son cœur? Naomi m'avait-elle caché un amour à sens unique qu'elle aurait vécu auparavant ; de plus cette histoire semblait similaire à la mienne et c'est par bon sens que je parvins difficilement à m'ôter de l'idée que Naomi avait reproduit le même schéma avec moi comme si je n'étais qu'un jouet pour occuper ses journées moroses. Non Naomi ne pouvait pas être capable de ça. Je ne supporterais pas cette vérité si elle s'avérait. Je fis un pas de recul sous l'impact des nombreuses pensées qui venaient me déchirer l'esprit, heureusement sans que "Grace" ne vint à l'observer. Même si je ne savais rien du conflit se déroulant devant moi, je ne tenais guère à l'alimenter. Surtout que si je ne commettais pas une erreur en croyant en Naomi, elle serait prompte à monter aux créneaux si l'autre en venait à s'en prendre à moi.
- Ha ! Je m'en doutais. Tu es si prévisible et si facile à lire, Nao. À se demander comment tu as pu devenir actrice.
Je retins un sourire pour éviter de laisser penser que je prenais le parti de l'assaillante mais je ne pouvais que m'avouer vaincue : nous partagions le même avis pour le coup. C'était dommageable mais au moins je n'étais pas la seule à le penser.
- Fous-lui la paix, Grace.
Je me décalais pour laisser la jeune femme dont j'avais reconnu la voix, préférant toujours ne pas prendre parti même si je ne pouvais m'empêcher de bouillir intérieurement. Malgré toutes mes belles paroles, mes doutes, je souhaitais la défendre. Je ne pouvais m'en empêcher. C'était comme gravé dans mes gênes, comme un code source que je ne pouvais ignorer et c'est en cela que cette intervention arriva à pic.
- Hm... Si tu le dis... L'équipe t'attends par là. Melody, je vais t'accompagner pour le moment, j'ai qu'une petite scène à tourner et c'est cet aprem donc on pourra parler un peu.
J'avais été distraite une seconde et je semblais déjà en décalage total avec la situation. La chipie s'en était allée, ne cherchant pas plus loin, Laura et Naomi semblait en pleine conversation et je n'avais pas écouté la moitié de cette dernière. Oh oui justement!
-"Ah euh.. Oui! Je te suis Laura.."
Il était assez évident que je n'avais pas toutes les clefs pour répondre et j'espérais au fond de moi que Naomi ne prenne pas mon absence pour des doutes sur son honnêteté à mon égard. Certes, j'avais des questions restées en suspens de part la précédente conversation et je ne comptais pas en rester là. Je lui demanderais ce qu'entendait la jeune femme par briser son cœur et j'exigerais de Nao qu'elle ne laisse aucune zone d'ombre mais je croyais en elle. Envers et contre tout.
- Je te raconterai même des petits secrets de Naomi quitte à me faire étrangler derrière.
La question me heurta comme une évidence suivie d'une autre interrogation bien plus problématique pour moi. En premier lieu, il m'apparut que je pouvais glaner des réponses à mes nouvelles question auprès de Laura : il serait en effet tout à fait normal qu'elle sache de quoi il retourne quant à cette relation ambiguë. Dans un autre temps, je me demandais si je voulais vraiment savoir les petits secrets que me proposait Laura. Après tout, n'était-ce pas contre productif avec ma nouvelle résolution. Je pesais le pour et le contre quand je fis le choix de voir ce dont il retournerait. La curiosité avait gagné la bataille contre ma volonté. Ou était-ce les reliquats de mes sentiments? Enfin reliquats... Il n'avait pas disparu, pas encore...
- Viens, c'est par là. Il y a des sales inutilisées pour ceux qui ne tournent pas. On peut se mettre de façon à voir le tournage ou pas, comme tu veux
Je hochais la tête avant de redoubler de curiosité.
-"Oui je t'avoue que je me rends compte qu'elle m'a cachée certaines choses."
Entendrait-elle ma pique inconsciente? Qu'importe, ce n'était pas le but. Je n'étais pas fâchée même si ça aurait été normal après lui avoir confié ma douloureuse expérience et me rendre compte que je ne savais pas l'essentiel de la femme que je tentais d'oublier, celle que j'aimais mais avant tout ma meilleure amie. Oui Laura pourrait m'aider à confirmer ma décision ou la révoquer et surtout faire un point.