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Le mois d'août était particulièrement chaud, sans doute plus que celui de l'année dernière, ce qui ne me laissait pas l'occasion de sortir. Cependant, vers la fin de journée, il faisait généralement plus frais, et donc, il était plus supportable de sortir à ce moment là. En plus, j'avais envie de faire un tour dans les magasins, afin de trouver quelques meubles ou passer du temps à glander dans les commerces. J'aurais pu y aller avec mon mari, mais encore une fois, monsieur est trop loin, autre séminaire dans une autre ville ou que sais-je encore, de toute façon, je ne l'écoute plus. Il me fait chier, et honnêtement, ça ne me faisait ni chaud, ni froid. Bref, je décidais donc de me balader pour me changer les idées, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y avait du choix en terme de commerces.
Magasins de vêtements, de tabac, sucreries, et j'en passe, j'avais parfaitement de quoi combler mes envies, afin de ne pas penser à ce manque d'adrénaline constant. On pourrait croire que c'est juste de l'ennui, que je n'ai rien à faire dans la vie, mais non, ça va plus loin que ça. J'ai réellement besoin de sensations fortes, de sentiments nouveaux ou intenses pour me sentir vivant. Et visiblement, j'ai choisi de me rendre dans un magasin de style IKEA, à savoir avec du mobilier en tout genre, pourquoi pas après tout, ça me changerait de mes habitudes. J'avais déjà acheté mes cigares et quelques sucreries que j'avais déjà dans un sac, et il me restait du temps de libre.
C'est alors que je tombe sur un pouf qui rendrait super bien dans le salon, avec les bonnes couleurs et la bonne dimension, c'était parfait. Ni une ni deux, je me décidais alors à le prendre, ça sera mon unique achat ici. En plus, c'était le dernier en stock, j'étais vraiment chanceux. Je me dirigeais donc vers la caisse afin de régler mon article, quand je vis une jeune femme juste derrière moi, qui semblait regarder mon article avec envie, afin qu'elle soit davantage intéressé par le propriétaire. Qui sait. Pendant que je payais mon article, je ne pus m'empêcher de parler à la cliente qui me suivait.
-Hey, bien le bonsoir. J'ai pas pu m'empêcher de remarquer que vous me regardiez depuis tout à l'heure. Seriez-vous intéressé par le pouf? C'est vrai qu'il en restait plus qu'un. On peut en discuter si vous voulez, je ne suis pas du genre casse-pieds.
J'avais encore un peu mon accent texan, mais ce n'est pas le genre de choses qui disparaît du jour au lendemain. Qui l'eut cru qu'un pouf pouvait être un motif pour débuter une conversation? Après, c'est comme elle voulait, soit elle acceptait de discuter avec moi pour avoir le pouf, soit elle passait son chemin, mais au fond de moi, j’avais envie qu'elle discute un peu, juste pour passer le temps et voir à qui j'avais à faire. Et peut-être aussi parce qu'elle est jolie, mais ça, c'est encore mon côté séducteur qui parle.
Installée depuis quelques mois, j’ai dépassé depuis un moment les soucis de manque de meubles. Enfin, en ce qui concerne le strict minimum. J’ai donc un frigo, une machine à laver, un four-micro-onde et un lave-vaisselle. Le strict minimum donc. J’ai rapidement acheté un lit et une armoire. Et malgré mes deux bibliothèques, je me vois rapidement dans l’obligation d’en reprendre au moins une. Et si je pouvais trouver un pouf, un rocking chair pourquoi pas. Un truc qui soit confortable et où c’est simple de tendre la jambe.
Depuis ce matin je multiplie donc les magasins. Il fait chaud et je ne regrette pas d’avoir choisi un haut léger, rose sombre. Je porte un pantalon noir, sombre, lisse. Des escarpins pour me relever et j’avais estimé inutile d’emporter une veste. Je raie une option de ma liste. J’ai trouvé une double bibliothèque sympa. Maintenant, un truc pour poser mon boule dessus. Les chaises ont l’air toutes trop simples et j’entre dans un rayon. Longuement j’observe un pouf en cherchant sa taille. Mon appartement est sympa mais pas si grand. Une petite cinquantaine de mètres. Pour une femme seule c’est largement suffisant. Mais bon, je ne devais pas niquer ma surface pour un pouf. Pourtant dans les coloris, il y a un bleu océan que je trouve superbe. Doux et profond, je peux déjà l’imaginer entre mes bibliothèques, à côté de la fenêtre.
Je cherche le-dit pouf. Malheureusement, il n’y a plus celui que je cherche. Je fronce des sourcils. Peut-être est-il encore dans le magasin? Peut-être que je peux le négocier? Mon regard se tourne autour de moi et j’avance dans les rayons. J’en aperçois un, loupé, c’est un rose. Les caisses? Ah. Un homme. Quelle couleur…. Quelle couleur… Ah! Celui que je veux! J’ouvre les lèvres pour contester l’achat avant qu’un “biiiiiip” ne m’arrête. Trop tard. Je ferme les lippes en soupirant, une voix masculine m’empêchant de sombrer dans un autre soupir rêveur.
Inconnu - Hey, bien le bonsoir. J'ai pas pu m'empêcher de remarquer que vous me regardiez depuis tout à l'heure. Seriez-vous intéressé par le pouf? C'est vrai qu'il en restait plus qu'un. On peut en discuter si vous voulez, je ne suis pas du genre casse-pieds.
“Bonsoir”? Hein? Mon sourcil se hausse alors que je jette un coup d’oeil à mon téléphone. Ah. Ah meeeeeeerde. Il est déjà si tard? La vache… Bon d’accord, j’aurais pas dû être si longue, d’accord! Mais assez vite mon oreille remarque un détail qui éclipse l’heure. Il n’est pas anglais lui. Ah non mais il n’y a pas de question. Je suis ici depuis plusieurs mois, j’ai bien mémorisé l’accent anglais. Et lui, clairement, il a un accent de cowboy. Il me rappelle les films que mon père adore tant. Ça attise un léger sourire. Je ne pensais pas repenser à cela.
Midori - Effectivement, le pouf m’intéresse… Mais comme vous venez de l’acheter… Puis-je vous inviter pour un café? Je souhaiterais négocier pour vous le racheter.
Je ne sais pas trop ce qu’il va entendre. J’ai quelques tics de langage qui me viennent du Japon. Les “etoooo” d’hésitation, les “neeeee” de surprise, les “sugoï” d’émerveillement. Et pourtant je trouve toujours ma voix trop américaine. Mon vocabulaire plus que mon accent je pense. J’ai du mal avec le vocabulaire anglais, il n’est pas instinctif. Je le connais hein. Mais ça m’emmerde d’y penser alors que je venais pour un pouf.
Et si je peux l’avoir, je l’aurais. Je suis comme ça. Bornée. Après je l’assume. C’est même une critique qu’on m’a fait. Quand j’ai un but, on ne m’arrête pas, aussi stupide soit le-dit but.
Visiblement, mes paroles avaient fait réagir la jeune femme en face de moi. Peut-être mon accent qui n'était pas du coin l'avait fait réagir. C'est sûr qu'un américain à Londres, c'était pas si courant que ça. Qui sait, elle trouve mon accent sexy et j'allais pouvoir en jouer. Enfin ça, c'est ce que je pensais, avant de l'entendre parler. Cet accent, je pouvais facilement le reconnaître, car il ressemblait au mien. Elle n'était pas du Royaume-Uni, c'était clairement une habitante du pays de l'Oncle Sam. Si mes estimations sont bonnes, je dirais qu'elle vient de l'Ouest, mais je n'ose pas trop m'avancer, après tout, je n'ai pas vécu toute ma vie aux States. L'américaine était visiblement intéressée par le pouf, et je pouvais déceler quelques intonations japonaises que j'ai pu reconnaître grâce à une précédente rencontre. Je souriais alors à la jeune femme, acceptant avec plaisir son invitation.
-Avec plaisir! Si vous voulez, on peut se tutoyer, je n'ai rien contre.. D'ailleurs, je me présente. Dwayne Marshall, professeur de musique à l'Institution et à l'université d'Indarë. Prendre un café avec une femme aussi agréable, je sens que ça peut faire baisser les prix.
Je riais quelques instants, gardant un sourire chaleureux. Son regard ne trompait pas, elle semblait déterminée pour avoir son pouf et cela me donnait envie de la titiller un peu. J'avais envie de voir jusqu'où elle voulait aller pour avoir l'objet convoité. Devant une telle proposition, il continua.
-Je suppose que tu viens des USA, toi aussi? Tu viens de quel coin? Moi, je suppose que tu as pu deviner : Je suis originaire du Texas. Qu'est ce qui t'amène ici, au pays du fish and chips? Me dit pas la nourriture, je ne te croirais pas.
Je plaisantais un peu avec elle. Notre pays n'était pas reconnu pour sa cuisine, mais sérieusement, les plats anglais, c'est une catastrophe, non? Entre la jelly, la marmite, la gelée d'anguilles et d'autres horreurs que j'ai oublié. Un bon steak-house, ça c'est la vie! J'avais donc accepté l'invitation et je l'accompagnais alors avec mon pouf jusqu'au café ou bar le pus proche, afin de discuter business avec une compatriote. Je lui laissais donc choisir l'endroit de son choix afin de pouvoir y boire un coup. Une fois cela fait, nous nous installâmes à la première table disponible, et en attendant qu'un serveur prenne notre commande, je déballais mon jeu.
-Honnêtement, j'aime bien ce pouf, mais je suis toujours ouvert pour des négociations, surtout que tu m'as l'air sympathique et que ça fait du bien de parler avec une américaine. Je pourrais te le vendre un peu plus cher mais... C'est pas mon genre, je préfère qu'on discute ensemble et faire une offre ensuite. Après tout, rien ne presse, si?
Je n'avais pas envie de lui revendre le pouf tout de suite. Une femme aussi charmante qui m'invite pour un café... je comptais au moins prendre son numéro pour la revoir et aller plus en profondeur dans nos discussions, et qui sait... rajouter un visage parmi les femmes les plus agréable à côtoyer de Londres.
Un prof? Et bien, que la vie est étrange et bien faite. C’est surprenant d’ailleurs, de voir que l’être qui vient d’acheter mon meuble parfait bosse dans le même établissement. Ça fait très cartoon je trouve. Mais bon. La vie est pleine de surprise. Il y avait celles que l’on aimait. Et celles qu’on méprisait. Reste à voir ce qu’il sera.
Midori - Enchantée Dwayne. Midori Cox, documentaliste à Indarë, que ce soit chez les IRS ou les ISS. Je n’ai visiblement pas eu la chance de te croiser dans les couloirs ou dans la bibliothèque. Mais il est vrai que je ne suis pas le genre de femme à traîner dans les couloirs…
Avec mon genou de toutes façons, faire ça c’est me tirer une balle. Et je douille assez régulièrement pour ça pour m’infliger plus de douleur “gratuite”. Mon esprit se reconcentre sur ses propos. Il m’annonce qu’il est texan. Rien d’étonnant. Vu son accent de cow-boy, j’aurais presque pu le parier. Ah… Si la vie était un casino, je parierais peu mais je gagnerais souvent…
Midori - Je viens de Californie… Enfin, de base. Là je reviens du Japon. Et c’est une reconversion professionnelle.
Doux mensonge à l’odeur de sucre et au goût de miel. Il n’y a “techniquement” pas de mensonge mais dans les faits, je sais parfaitement que j’ai fuis et la danse et lui. Mais la reconversion professionnelle est un mensonge socialement accepté alors bon… Je ne prends que peu de risques avec celui là.
Midori - Je regrette juste la cuisine d’ici. Elle est vraiment pas dingue… C’est fou d’être si bons en plein de domaine et pauvre en gastronomie. Alors que leurs voisins européens se débrouillent pas trop mal… J’aurais dû aller en France…
Je me plains faussement. Ça me permet de détourner la discussion et d’en entamer une autre le temps du trajet. C’est vrai que la cuisine anglaise est pas dingue… Mais bon. Peu m’importe, je cuisine moi-même quasiment tout ce que je mange. J’ai trop pris l’habitude au Japon… D’ailleurs faut que je me commande des trucs… Du tofu. Du miso.. Bah je ferais la liste plus tard. Enfin, je trouve un café pas trop loin du magasin. Assez petit, en terrasse, je m’y dirige en m’asseyant dehors. Et c’est lui qui “attaque” les hostilités.
Je l’écoute et soupire.
Midori - Quand je suis dehors, j’aime allier l’utile et l’agréable. Alors soit je fais des courses, soit je m’amuse. Alors… Rien ne presse, sur le papier je suis d’accord. Dans les faits, je préfère rester chez moi que discuter en dehors de ma zone de confort.
Et d’être visible. Chez moi j’étais protégée. Si mes volets étaient fermés, mes rideaux aussi, personne ne pouvait me voir… Pas là. Mais visiblement, je n’aurais pas d’autres occasions d’avoir ce pouf. Je pourrais attendre que le stock revienne, bien sûr. Mais je veux ce pouf maintenant.
Midori - Mais bon, nous sommes à un bar. Autant profiter un peu. On verra si ton offre me convient. Ah! - je m’arrête sous le serveur qui arrive. Instinctivement je lui souris - Bonjour! J’aimerais… - je m’arrête pour regarder l’heure, prise d’une semi conscience - un demi s’il vous plaît. Et un cendrier, j’aimerais fumer.
Le serveur note mes demandes et se tourne vers mon invité pour prendre la sienne, de commande. Lorsqu’on est servi, je sors un joint en l’allumant, levant ma bière pour trinquer sans bruit.
Midori - Et bien à la nôtre j’imagine. Et à cette possible vente! -Je bois une gorgée - Et toi du coup? Qu’est-ce qui t’a fait traverser l’océan pour venir te perdre au milieu d’une île pleine d’anglais?
Quel hasard! Elle est documentaliste à Indarë. Si j'avais su, je serais venu plus souvent à la bibliothèque moi. La jeune femme raconta qu'elle n'était pas du genre à traîner dans les couloirs. Ça explique mieux pourquoi je ne l'ai jamais croisée auparavant. Un visage comme le sien, je m'en serais souvenu. Je retiens juste que je pourrais lui rendre visite de temps à autre, si jamais j'ai un autre pouf à lui proposer, ou si je souhaitais tout simplement discuter avec elle. Nous continuâmes alors de discuter et son parcours était pour le moins assez atypique. Une californienne ayant été au Japon avant de se rendre à Londres pour une reconversion professionnelle. Ça expliquait son accent japonais, du moins, en parti. Cela donnait un mélange curieux, mais agréable à l'oreille. Je continuais alors à l'écouter et je me mis soudainement à rire en l'entendant parler de la nourriture.
-Tu m'étonnes. Bon, il y a quelques trucs de bizarre en France, mais la nourriture d'ici... Heureusement que les autres pays existent, sinon, je pense que je serais anorexique. Un jour, je pense que je passerai mes vacances là-bas, juste pour tester.
C'est vrai qu'en dehors d'ici ... je n'ai jamais vraiment voyagé, alors que j'ai bien des possibilités. Mon budget me le permet et ça me permettrait de m'élargir spirituellement. Ça et pouvoir draguer toujours plus de mecs et de femmes, mais ça, c'est une autre histoire. Nous arrivâmes au bar, et d'entrée de jeu, je commençais à négocier pour ce pouf, après tout, rien ne m'obligeait à le vendre mais j'avais envie de jouer un peu. Midori était d'accord avec moi, voulant prendre son temps, et c'était tout à son honneur. Qui sait, son capital sympathie penchera en sa faveur pour le prix. Déjà, sa vision des choses me plaisait, mêler l'utile et l'agréable, c'est quelque chose que je fais souvent. Elle interpela le serveur, réclamant une bière et un cendrier. Tiens, une fumeuse, encore un point en plus pour moi, elle ne sera pas dégoûtée quand j'allumerai ma clope. Je regardais le serveur, dictant ma commande.
-La même chose que la demoiselle, sauf que je vais prendre une brune. Je regarde alors Midori avec un sourire charmeur. J'ai un faible pour les brunes.
Une fois la commande passée, le serveur ne mit pas longtemps à apporter nos boissons, ainsi que le cendrier. Je sortis alors un de mes cigares et je fus surpris de voir que ce n'était pas une cigarette qu'elle avait sorti, mais un joint. Cela me rappelait quelques souvenirs, mais ce n'était clairement pas la drogue la plus dangereuse, bien au contraire. On fait toujours un cirque concernant la drogue, mais l'alcool et le tabac font davantage de ravages. Seules les drogues dures sont vraiment nuisibles, un petit joint ne fait de mal à personne. Je lève mon verre pour trinquer avec elle, répondant à sa question au passage après voir bu une gorgée
À la notre! Et à la possible vente, bien entendu. Ce qui m'amène ici? Et bien... comme on l'a dit avant, pas la bouffe. Disons que c'est assez flou... j'ai été placé dans une famille d'accueil en septembre 2003 au Royaume-Uni. Ouais, ça date. C'est un peu compliqué on va dire, il s'est passé pas mal de choses et encore aujourd'hui, c'est un brouillon dans ma tête. Je n'ai plus quitté le pays depuis et après pas mal de conneries faites en étant plus jeune... me voilà prof à Indarë.
Je bus une autre gorgée de ma bière. Elle était plus amère que la blonde, mais avec plus de caractère. Reposant mon verre, je décidais de continuer de mener cet interrogatoire.
-Et toi? Qu'est ce qui t'as attiré ici? La reconversion professionnelle au Japon n'était pas possible? Ou alors, tu avais juste envie de changer d'air peut-être, tester de nouvelles choses. D'ailleurs, en parlant de boulot... ça fait combien de temps que tu travailles à Indarë?
J'allumais mon cigare, déposant quelques cendres dans le récipient prévu à cet effet avant de cracher ma fumée sur le côté. L'odeur de marijuana et de tabac se mêlant alors autour de nous, j'écoutais attentivement ce que la jeune femme aux airs innocents avait à me répondre. Il fallait bien varier les plaisirs, entre la fumette et l'alcool, il y avait de quoi faire.
The Wiesel Den 
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