Serving coffee with a cruller [Ft: Lucia Valentini]

Les affres de l'ouragan de novembre avait laissé beaucoup de traces. La ville avait encore beaucoup de mal à s'en remettre aujourd'hui, comme par exemple les petits commerces qui ont perdu 50% de leur chiffres d'affaires. Les gens ne sortent plus car ils ont peur ! C'est tout naturel, c'est une réaction humaine après tout ? Je m'en souviens encore de comment j'ai vécu le fameux cataclysme de Londres. Ma vie n'avait pas été attenté, mais beaucoup de stress et surtout la peur de perdre des êtres chers. Encore aujourd'hui, le Blackest Night, le café où je travaille à beaucoup de mal à se remettre de la tempête. D'abord des dégâts majeurs matériels, il a fallut réparer, et puis surtout la clientèle. Je le vois très bien, qu'il y a beaucoup moins de monde que d'habitude. C'est pourquoi étant étudiante en hôtellerie et restauration, j'ai proposé des solutions alternatives à mon patron pour aider à faire revenir petit à petit les clients. Il a accueilli mes idées comme des bénédictions, lui qui semble un peu perdu, et surtout pas très en forme depuis qu'il a perdu sa femme dans l'ouragan. Je ne peux que partager sa peine, si j'avais perdu Lysander. J'aurais été meurtrie. Je ne sais même pas si j'aurais encore été de ce monde. Cela a beau être juste un ami précieux, je ne me vois pas vivre sans lui à mes côtés.

The Blackest Night est un café/bar à l'ambiance steampunk ! La déco n'était pas chargée mais on se retrouvait vraiment dans l'univers. Quelque chose de stylisé ! Le bar étant entièrement en fonte massive, avec des éléments un peu de l'époque, des rouages, des maquette de premiers avions. Les éclairages étant tamisés, et surtout il y avait des effets animés dans la décoration. C'était un bar très prisé, mais depuis l'ouragan il avait comme beaucoup vu son chiffre d'affaires chuter. Tandis que je sers des clients habillée dans ma tenue steampunk, j'entends le petit bruit de la cloche et regarde un jeune garçon s'installer.

Il me héla de suite

▬ Bienvenue au Blackest night jeune homme, que puis-je vous servir ?

Il demande un cafe latte à la cannelle, le choix était très précis, ce qui veut dire que cela devait être quelqu'un de très pointilleux et qui attend donc à ce que la qualité rime avec la quantité. Un sourire chaleureux, avant de demander à mon collègue la commande, j'attends cette dernière et lui demanda de rajouter le fameux « truc »

Je revins finalement à la table de mon client, et déposa précieusement le café latte aux effluves cannelées, ce dernier avait une déco soignée sur son lit de chantilly.

▬ Comme c'est votre première venue chez nous, la maison vous offre une pâtisserie également. Aujourd'hui ce sont des moelleux au chocolat.

C'est cet aspect marketing sur lequel j'avais épilogué avec mon patron, pour faire revenir la clientèle, il faut savoir adopter les bons gestes commerciaux, et offrir des pâtisseries au nouveaux clients, permettrait d'étendre la notoriété du lieu et donc d'amener une nouvelle clientèle et faire gonfler le taux de transformation. Hé oui, je ne fais pas des études de neuromarketing pour rien non.

Je n'avais, bien entendu, pas loupé sa tenue vestimentaire, je ne connaissais que trop bien cet uniforme qu'il portait, cette couleur bleue, je l'ai côtoyée pendant des années à travers l'uniforme de Lys'

▬ Y'a t-il quelque chose que je puisse faire pour rendre votre venue dans ce café plus appréciable ?

Je n'aime pas poser cette question, souvent quand je la pose à la gente masculine, il profite de notre dévouement au client par de l'abus. J'ai souvent eu le droit à des « Ho hé bien si tu insistes, j'aimerais bien une petite gâterie là tout de suite, poupée » venant de gros pervers écervelé, ou parfois même des essais d’attouchements, alors que le règlement est formel. Ce n'est pas toujours facile de travailler dans un tel milieu, surtout quand on est une personne avec un caractère aussi doux que moi. Enfin Lys' m'a appris à en avoir un peu plus, mais je ne sais toujours pas comment repousser sans faire fuir le client. C'est compliqué vous dis-je...

Je crois que le pire c'est ce client un jour qui m'a répondu ceci
« Ho oui je veux bien un petit baiser chérie, que je te fasse voir par la suite ma grosse gondole, et ma belle tour de Pise, et que je plante ma fourchette dans tes raviolis »

Celui là, mon collègue est venu le remettre à sa place en expliquant que c'était inapproprié. Oui parfois il y a de sacrés cas ici. Je suis contente qu'après le premier écart mon patron ait embauché Erwan, je me sens un peu plus en sécurité avec lui à présent.

La question pouvait prendre au dépourvu c'est vrai. En temps normal le genre de service qui propose ce genre d'interrogation au clients, sont plus dans le domaine de la courtise. Les maids café notamment, même s'il y en a peu à Londres, sont réputés pour ce genre de choses. Donc il est tout naturel que mon client se retrouve prit de court. Que pouvait bien proposer un café steampunk comme services à la clientèle ? Certainement pas en tout cas de chercher à draguer quelqu'un ni quoi que ce soit. Ho non, ce café avait une bonne réputation à tenir, même si quand les chats sont de sortis, les hommes à la fréquentation peu appréciable, sont en quête de chercher l'amusement.

Il avait l'air en tout cas d'apprécier l'arôme cannelé qui se dégage du fumant délicat de sa boisson, ce qui est un bon point. Néanmoins, le blackest night n'a jamais cherché à faire plaisir au client, ou faire en sorte que le client est roi. Il ne tient sa renommée que parce que la passion crée la qualité. C'est ce qui m'a fortement encourager à postuler chez eux. Quand on aime son travail, cela ne peut que marcher. D'ailleurs il faudrait un jour que je propose à Lysander de venir, lui qui aime beaucoup cet univers.

▬ En temps normal, quand il n'y a pas trop de flux, nous proposons des activités liées au domaine du steampunk, comme par exemple des jeux ou bien même beaucoup se demande d'un point de vue historique pourquoi est-ce que cet univers a été si marquant dans la société ? Et nous leur racontons donc des récits.

Non loin l'idée de prendre les clients pour des enfants, bien entendu. Finalement il formula une demande, qui ne me laissa pas dubitative, car souvent c'est ce qui est demandé le plus. Des discussions. Je fais donc un signe de tête à une de mes collègues pour lui signifier qu'elle allait devoir prendre la relève pour satisfaire ce désir spontané de locution avec mon client actuel. Bien que je n'ai jamais été très douée dans le domaine, je ferais mon possible pour ne pas laisser mauvaise impression. Disons que je suis bien moins sauvage qu'auparavant, et tout ça c'est grâce à mon colocataire. Esquissant un léger sourire.

▬ Avec plaisir, je vous propose pour commencer dans les bonnes bases, de me présenter. Je m'appelle Lucia, ce n'est pas un nom anglais puisque je suis d'origine italienne. Je pense que vous avez du l'entendre à mon accent ! Je suis née à Florence. Et vous ? Parlez moi de vous, je suis toute ouïe !

Il n'est pas facile de ne pas paraître médisant avec quelqu'un quand on apprécie pas vraiment la chaleur humaine, ni même le contact avec, mais dans le milieu professionnel, j'avais appris à rejeter cet air timide et insolite de moi, pour laisser place à une femme exemplaire et digne de confidences.

Il est tout de même naturel dans une conversation de commencer par la présentation de soi, et ça permet de rendre plus clément son vis à vis de le faire. Je sais que Lys' avait souvent appliqué cette méthode avec les autres, car c'est le genre de joyeux luron à essayer de mettre les gens à l'aise, ou parfois à juste leur faire comprendre qu'ils ne les aiment pas. Il est direct, mais j'ai encore beaucoup de mal avec cet apprentissage. Néanmoins, il y a une évolution. Il y a maintenant des années, je n'aurais jamais accepté de discuter avec un inconnu, vu le mépris que j'ai pour la vie humaine et ses habitants. Je n'aurais même certainement jamais travaillé dans ce café, en équipe, entourée d'individus plus spéciaux les un que les autres.

Il se prénomme donc Lúka, il est américain. Ainsi donc lui aussi est considéré comme un étranger à Londres. Cela ne doit pas être facile tout les jours. Je sais très bien à quel point le jugement peut être annonciateur, et instaurer un mal du pays dans l'esprit des gens aux divers nationalités, l'ayant moi même vécu. C'est comme au Japon. Les Japonais n'aiment pas trop les étrangers, car ils ont peur des autres. En faites, j'aurais dû naitre japonaise, comme ça j'aurais eu possibilité de me méfier des autres, et surtout je n'aurais jamais été une Valentini...Et cela est mon plus grand fardeau.

Vu ses mimiques de diva, et son ton assez hautain, il n'est pas difficile de réaliser que j'avais en face de moi, un des élèves arrogants qui aiment se vanter de leur talents. Heureusement que Lysander n'est pas comme ça ! Sinon je pense que jamais je n'aurais pu tomber amoureuse de lui. C'est d'ailleurs curieux qu'il soit unique à ce point. Dans ma scolarité, je me souviens très bien que les Gifted aimaient faire l'étalage de leur dons, leur aptitude. Il y avait ce groupe de filles qui n'aimaient pas que je passe du temps avec leur musicien préféré et qui aimait me rappeler ma situation et comme quoi je ne suis pas une élève à part. Je ne suis pas trop sure d'apprécier finalement ce mémoriel de mon passé, mais bon je ne vais pas juger quelqu'un sur sa couverture car si ça se trouve, ce jeune homme est peut être juste disposé à aimer ce qu'il fait et a du mal avec les conventions sociales ?

▬ Votre uniforme ne vous plait pas ?

Autant poser la question, peut être qu'il se confierait un peu plus, et que je pourrais analyser dans ses paroles sa personnalité ? Autre détail qui me fait tiquer un petit peu, il dit être un peintre, cela me rappelle Emilio, ce garçon dans mon école d'art qui ne cessait de clamer qu'il était un génie, un vrai Leonardo Da Vinci. Et bien entendu, le souvenir de cette école me reste particulièrement amer....Car après tout...n'est ce pas là bas que ma vie s'est effondrée ?...

Violée par des camarades, avant de devenir folle, et de tuer le monde ? Ha oui tiens, je crois que ça me revient maintenant. J'évite cependant de paniquer, de me mettre à trembler, ou bien même de montrer ne serait ce qu'une mimique disgracieuse sur mon visage. Il faut garder son sang froid en tout lieu, et surtout en milieu professionnel. Cela a beau être un échange, je suis encore face à un client. Ne cassons pas cette barrière.

▬ Je m'intéresse énormément à l'art, je serais donc très honorée de pouvoir voir vos peintures.

Il cherche l'inspiration, comme la plupart artistes, comme la plupart des musiciens. Apparemment j'ai la fâcheuse manie de faire des rencontres dans ce domaine. Lys' je l'ai aussi rencontré alors qu'il cherché l'inspiration, la plupart des personnes avec qui j'ai discuté aussi. A croire que j'arrive toujours au point nommé pour les sauver de leur détresse...Pfff c'est bien ma veine. Mais mon devoir c'est aussi de me porter garante dans le confort de mes clients, et n'étant pas de nature mauvaise, je vais donc l'aider, aussi outrecuidant soit-il.

▬ Vous avez vu juste, l'univers steampunk est très inspirant, il a notamment été source pour la plupart des artistes du surréalisme. Ce que l'on retrouve très souvent dans les toiles, c'est la fascination pour les machines à vapeur. On a surtout découvert cela à travers la littérature. Quelqu'un qui dit ne pas connaître cette époque se méprend beaucoup. Peut être que si je vous dis Jules Verne ? Cela vous parle n'est ce pas ? Hé bien tout simplement parce qu'il est la figure tutélaire du steampunk avec son œuvre vingt mille lieux sous les mers. C'est le précurseur, et l’icône de ce monde industriel.

Je regarde la décoration où figure quelques tableaux d'artistes

▬ Ce que l'on peut retenir de ce courant se résume en plusieurs mots clés : Industrialisation, Phénomène mécanique, Voyage Temporel, Robotisation. Cette époque a cassé l’icône et l'idéalisme de la peinture de la renaissance, avec son avancée technologique et cette envie à l'homme de découvrir le monde.

J'esquisse un léger sourire

▬ Je ne sais pas si mon explication vous aide, mais je suis persuadée que vous trouverez une inspiration éloquente et grandissante à la hauteur de votre art.

Non non je ne le brosse pas dans le sens du poil, j'essaye d'être courtoise, rien de plus.

Je l'avais bien cerné ! Comme je m'y attendais, sa réponse exagérée, très directe, trop hautaine ne vint pas me prendre au dépourvu. Car je suis habituée à ce genre de fanfaron qui épate la galerie. Disons juste que d'un point de vue purement humain, ce n'est pas le genre d'ami ou de fréquentations que j'aimerais avoir. Tout simplement parce que je suis trop attentionnée, et trop douce pour me laisser baigner dans un tel narcissisme. Enfin il y a tout de même quelque chose qui m'intrigue dans son comportement.
Il dit ne pas vouloir faire l'étalage de ses possessions. C'est très curieux. Quelqu'un qui veut purement de vanter, ne ce serait jamais posé la question. Au japon, on appellerait ça une tsundere, sauf que c'est un homme qu'elle a en face d'elle. Certes aux allures un peu féminines, et à l'arrogance semblable, mais tout de même. Peut on changer la nature de quelqu'un ? C'est psychologiquement, quelque chose que je suis toujours posée. Suffit t-il d'avoir de la douceur ? Ou bien est-ce qu'il cache une tristesse dérrière un semblant d'orgueil ?

Qu'importe le résultat, mais je suis une personne qui aide son prochain. J'aurais pu le remettre à sa place, mais déjà ce ne serait pas professionnel, et surtout je n'ai pas envie d'histoires avec des individus quelconque. Et puis, il y a eu cette phrase. Il dit vouloir, changer de registre...
J'observe alors les œuvres inachevées qu'il me montre. On sent de la tristesse dans ses peintures, comme si quelque chose l'avait marqué profondément...un peu comme....la perte d'un être cher ? C'est très courant en ce moment depuis l'ouragan, donc sait on jamais...

▬ Avez vous vécu récemment quelque chose qui vous a marqué ? On le ressent dans le thème de vos peintures...

Peut être qu'il a besoin de se confier, que soulager sa peine lui fera du bien. Je suis la première à me rendre compte que parler ou pleurer c'est un médicament face au fardeau que nous portons. Pendant que la question était en suspension, je continuais de l'écouter. Le thème du steampunk semble l'intéresser. Il n'a pas étudié mais surement que si on l'y aidait, il y verrait là un début très prometteur. La serveuse réfléchit.

▬ Si vous avez besoin, je peux vous épauler ! En ce moment il y a une exposition sur le steampunk au National Gallery. Tout les artistes sont passés par là. Regardez ce que les autres font pour tenter d'en attraper la fibre naissante. Tout comme beaucoup de peintres se sont inspirés des précurseurs du mouvement. Dali  qui lui même est un précurseur et un influenceur a commencé à regarder l'art des autres pour créer le sien. Ce qu'il vous manque, c'est la connaissance, les références d'images.

La demoiselle rougit légèrement à sa question, un sourire aux lèvres.

▬ Pas exactement, je suis très intéressée en tant que spectatrice. Sinon je suis une musicienne, je pratique le violon et le piano. Enfin c'est une forme d'art cela dit, il n'y a juste pas d'images.

Oui la musique est un art, et ce qui me fascine c'est qu'avec les sons, on peut créer des paysages aux couleurs fades ou somptueuses dans la tête de ceux qui l'écoutent.

Tout est une question de regard, de complicité dans une conversation. Mais quand ton interlocuteur commence à avoir ce dernier fuyant, c'est que quelque chose cloche, qu'iil y a un malaise quelque part. Je l'ai vu, il a détourné les yeux un instant et cela a suffit pour me faire les aprioris ! Il ne semble pas porté la musique dans son coeur ! Ou bien peut-être est-ce juste un instrument en particulier ? Mais quoi qu'il en coûte, il fallait rattraper cette erreur. Il revint quand même remettre sur le tapis la fameuse exposition, surement pour détourner le sens du dialogue ou pour l'arranger de la manière qu'il le souhaite. Il est peut être maître des arts, mais pas celui de son discours qu'il peine à faire marcher, quoi que ses réponses sont mécaniques. Au moins, il est dans le thème.

Je décide donc de rebondir pour essayer de ne pas lui laisser la porte de sortie trop ouverte. Il veut fuir, grand bien lui fasse ! Mais s'esquiver n'arrangera en rien ce qui le ronge.

▬ Je préfère le violon ! le son qu'un instrument de cette ampleur, dégage est bien plus puissant que l'on puisse imaginer. Tant d'émotions peuvent être communiquées avec juste quelques notes. Je vous recommande d'écouter des solos de violon, cela vous aidera surement à vous plonger dans l'inspiration que vous chercher conquérir. Bien entendu ce n'est qu'un conseil d'une jeune serveuse de café à la passion sommaire, mais croyez moi si je vous le suggère, c'est qu'il y a une très bonne raison à tout cela.

Je m'écarte de la table, pour lui amener un petit tract concernant l'exposition en question. Il y a sur cette dernière toutes les informations qu'il souhaite savoir. L'endroit, les heures de visite, quelques aperçus rapides des œuvres que l'on peut y dénicher, et une petit explication rapide sur les modalités ainsi que l'histoire de cette époque révolutionnaire.

▬ Dites moi Lùka....sans vouloir vous offenser, mais...avez vous vécu dans une famille aristocratique ? Vous m'avez l'air d'être un homme doué d'une grande intelligence et d'un certain savoir vivre...alors je m'interrogeais juste sur vos origines plus en détails...

Je ne suis pas très fan de la manière qu'il a de vanter ces capacités, c'est un peu narcissique, imbu de soi-même et moi même qui a une famille aristocrate italienne, je ne me trouve pas si désinvolte. Disons que ce genre de comportement n'aide pas à se faire des alliés, mais bien plus d'ennemis...et les listes peuvent très vite être longues.

J'avais volontairement pour ne pas mettre mon vis à vis dans l’embarras, tourné la conversation autour du violon, et non pas du piano, donc qu'elle n'est pas ma surprise de le voir en parler de lui même. Si dans ce cas il aime cet instrument....Pourquoi avoir cet air si triste sur le visage ? Est-ce dû à un traumatisme passé ? Cela est forcément le cas, peut être en parlera t-il de lui même si je l'exhorte à le faire ? Mais cela s'appelle de la manipulation sociale, et je n'aime pas ce procédé. Je me contenterais donc d'attendre s'il souhaite l'évoquer à une inconnue. Car parfois, il est plus simple d'épancher son coeur vers quelqu'un qu'on vient de rencontrer, que plutôt quelqu'un qui nous comprend depuis des années. Pourquoi ? Parce que quelqu'un que l'on ne connait à peine sera plus apte à faire preuve de sincérité et non pas à dire les choses que vous souhaitez entendre.

Il y a une part de noirceur chez l'être humain, un certain égoïsme pour protéger ce que l'on aime. Mais on n'y peut rien, car c'est la nature qui est faites ainsi, ce sont les médias, les conversations, les cercles qui forgent une personne. Mais parfois parler de choses gênantes avec n'importe qui cela nous met aussi dans une position inconfortable, et oblige notre orgueil à s'atténuer.

▬ Vous avez l'air d'aimer beaucoup le piano...pourtant vous l'exprimez si tristement que j'ai du mal à imaginer que vous puissiez l'aduler autant. Néanmoins je vous admire. Car peu importe votre vécu, si cet instrument vous a blessé d'une quelconque façon, vous en parlez quand même avec beaucoup d'ardeur et de passion. Cela montre que vous ne lui donnez pas complètement rancune aux malheurs qu'il vous a infligés....

Peut être avais-je été un peu trop forte, que j'avais ouvert ma bouche de manière trop libérale ! Peut être allait-il s'insurger, me dire de me taire, mais je ne veux que l'aider à ce qu'il se sente mieux. C'est tout de même un peu notre travail, de faire en sorte que nos clients passent un bon moment. Pour en revenir à la famille aristocratique, je suis d'autant plus étonnée qu'il le prenne avec autant de zèle. Mais cette question est d'une importance capitale pour moi, car c'est la première fois que je rencontre quelqu'un qui vient d'une famille aristocratique aussi ! J'ai besoin de savoir si la mienne est vraiment aussi spéciale ou si c'est le genre commun de toutes ces dernières....

▬ Vous....est-ce que vous avez de bon rapports avec votre famille ? Le fait de faire partie d'une telle famille importante ne vous condamne pas à être ce que vous ne voulez pas être....?

Je me fourvoie un peu, et m'incline légèrement

▬ Veuillez me pardonner si cette question vous parait insensée, mais je viens d'une famille aristocratique également, et j'ai tendance à subir le poids de cette dernière sur les épaules. Je suis vouée à épouser un homme d'une autre famille qui est en association professionnelle avec mon père.....du coup je me devais d'expliquer ma situation pour vous faire comprendre pourquoi de tels questionnements....Est-ce que vous aussi Lúka....votre famille veut contrôler votre vie et votre avenir ?

Je me dis qu'entre personnes aristocratiques, il sera plus à même de comprendre pourquoi je me mêle des affaires de la haute.

Ne plus supporter quelque chose est un état d'esprit courant chez un être humain quand une overdose se créé ou quand un traumatisme a lieu. C'est forcément ce qui est arrivé à ce jeune homme, je ne peux que concevoir une telle approbation. Il dit ne pas détester le son du pian, mais admets tout de même ne plus pouvoir en écouter. Un blocage psychologique, je l'ai connu aussi avec ce même instrument quand j'étais petite. Jusqu'à ce que une nouvelle raison me pousse à y jouer, à écouter de nouveau ces sons mélodieux. Préférant quand même mes cordes pincées à mon vieil ami de touches en ivoires. Pourquoi referais-je une association avec cet instrument qui m'a brisée toute mon enfance ? Certaines personnes arrivent à aller au delà de ces mots, et ces questionnements. Mais je dois admettre que de mon côté ce qui m'a aidé, c'est ce garçon....que j'ai rencontré quand j'étais enfant, qui s'était introduit chez moi !

Je me souviens depuis peu de ce souvenir, même si j'ignore encore l'identité de ce squatteur. Il m'a entendu jouer avec une telle tristesse, et finalement on a joué ensemble. C'est la seule fois où j'ai pu discuter avec quelqu'un du monde extérieur quand j'avais 8 ans. Alors oui ma famille me pourrie la vie. A un point inimaginable.

▬ Mon père me traite de monstre et d'erreur. Il veut que j'épouse un homme que je n'aime pas pour le bien de ma famille....Alors oui on peut dire que ma famille n'est pas facile...

Pour ne pas dire anormale, mais il parait que c'est courant chez l'aristocratie. Fort heureusement Lúka lui n'a pas connu un tel fléau. Il dit qu'ils ne sont pas en conflits. Oui donc, un rapport neutre, pas d'amour comme pas de haine. J'envie un peu ce garçon, il a l'air tout de même d'avoir vécu dans un environnement embaumé de douceur et d'amour. Du moins de sa mère. Quant à moi, je n'ai jamais reçu une seule caresse, une seule tendresse de la mienne. Déjà je la voyais très peu...et de l'infime moment où ça arrivait,j'avais toujours le droit à ces regards de mépris qui m'annonçaient qu'elle aurait préféré que je ne naisse jamais.

▬ Je suis bien entendu contre ce mariage, mais je ne peux me dresser contre mon père....la seule fois où je l'ai fait...où je lui ai dit non....je l'ai amèrement vécue...alors je refuse de devoir vivre quelque chose comme cela à nouveau....Pourtant je cherche une solution pour que ça n'arrive pas...Voyez vous...Je me suis éprise de quelqu'un....et je ne veux pas me retrouver séparé de cette personne...C'est pourquoi je ne veux pas que ça arrive, mais je n'ai aucune idée de comment empêcher cela...

J'en ai trop dit ! J'ai parlé de mes problèmes à un client ! Il faut croire qu'aujourd'hui ça ne tourne vraiment pas rond chez moi....

▬ Vous avez de la chance d'avoir vécu ainsi, votre mère doit être fière de vous.

Je n'en dirais rien de plus de la mienne...