[2020] Meet me Inside [Ft: Ian Stevens]

Viktor se demandais quelle partie de sa vie à Indarë il appréciait le moins. Ne plus pouvoir fumer ? Ou devoir se rendre à ses rendez-vous avec un psychologue ? Il n’avait pas à se plaindre du reste. Bien au contraire. Quelque-part, il avait obtenu ce qu’il avait voulut lorsqu’il avait fugué : Il était loin de sa famille. Les restrictions auxquelles il était soumis ne le dérangeaient pas tant que ça. Il n’appréciait juste pas l’idée d’avoir des restrictions, mais elles ne le dérangeaient pas outre mesure. Tant qu’il pouvait étudier, et réfléchir dans son coin à un moyen de réaliser son ambition d’attirer l’attention sur lui, tout allait bien.

Et puis il y avait ces rendez-vous hebdomadaire.
HEBDOMADAIRE ! Quelle perte de temps !

Parce que, oui, pour commencer, ils n’étaient qu’une perte de temps. Parce qu’il ‘en avait pas besoin. Rien ne clochait chez lui. Il était bien placé pour le savoir, il était celui qui était dans sa tête. La seule raison pour laquelle les autres pensaient qu’il en avait besoin, c’était parce qu’il dérangeait. Parce qu’il ne s’alignait pas aux « valeurs morales ». Mais à quoi bon ? A quoi servait-elle au juste ? A quoi lui servait-elle ? Ca ne faisait aucun sens. Alors, oui, tuer quelqu’un pour de l’argent n’était peut-être pas moral, et par conséquent, était devenu illégal. Mais ça lui avait paru bien plus utile qu’une quelconque valeur morale quand il était à la rue, sans argent, après sa fugue. Mais j’ai dit au psy que j’ai eu à mon intégration que je ne recommencerais pas parce que ce n’est pas dans mon intérêt de me faire choper une deuxième fois, ça devrait leur suffire non ? Songea-t-il, frustré.

Si seulement les rendez-vous n’étaient pas si désagréables. Est-ce que c’était un truc de psy de poser des questions sur la famille ? Viktor ne voulait pas parler de sa famille. Il n’avait pas fugué pour parler d’eux toutes les semaines ! Oh, c’est sûrement parce que j’ai fugué qu’il m’a posé des question dessus quand je suis arrivé… Réalisa-t-il, dépité.

Il arriva finalement devant le bureau et s’arrêta un instant, conscient qu’il affichait une expression de « Cette séance m’ennuie profondément et je veux en finir au plus vite », il se détendit un peu pour essayer de transmettre plutôt une idée de « cette séance m’ennuie profondément alors je vais me montrer coopératif pour en finir au plus vite ». Il supposait que ça devait changer quelque chose sur les notes que prenait le psy ? « Le patient faisait l’effort de ne pas trop grimacer » quelque chose du genre ? Enfin, il frappa à la porte et attendit une réponse avant d’entrer.

Lorsque la porte s’ouvrit, le psychologue sortir de la salle sous le regard surpris de Viktor. Il lui annonça qu’ils « allaient faire une tour » et qu’il pouvait laisser ses affaires dans la salle. Le Forge fixa un instant son interlocuteur avec surprise. Faire un tour ? Ils n’étaient pas censés être en rendez-vous ? Que mijotait ce psy…
L’adolescent haussa les épaules. Peu importe, au fond. Le suivre était toujours mieux que de rester enfermé dans une salle pendant toute la séance. Mais hors de question de laisser ses affaires ! D’abord parce qu’il préférait les avoir sur lui au cas où. Ensuite parce qu’il ne voulait pas dépendre du psychologue pour les récupérer.
Il le suivit alors tandis que l’homme lui expliquait qu’il n’en pouvait plus d’être enfermé et qu’il voulait prendre l’air. Viktor l’écoutait d’une oreille distraite. Où est-ce que le psy comptait sortir exactement ? Non, inutile de rêver, ils resteraient sûrement dans l’enceinte d’Indarë. Il ne pourrait pas en profiter pour demander l’autorisation de fumer.

Alors qu’ils marchaient dans les couloirs, le psychologue commença à lui poser des questions. Viktor réprima un soupir. Ils n’auraient pas put juste marcher en silence ? Non. Bien sûr que non. C’était une séance de psy. Bien sûr qu’il allait lui poser des questions. Est-ce qu’il savait pourquoi il devait venir aux séances… Oui et non. Il avait une idée de la raison pour laquelle on considérait qu’il en avait besoin. Mais lui considérait ne pas en avoir besoin. Il ne put retenir un air renfrogné lorsqu’il répondit :

« Je préfère qu’on m’appelle Dio. Je pense avoir une idée des raisons pour lesquels on veut que je vienne ici, oui.

Il s’arrêta là. Après un moment de silence, il réalisa que le psychologue attendait sûrement qu’il développe sa réponse. Il lâcha un petit grognement. Il avait déjà envie d’en finir. Mais le meilleur moyen d’en finir était de répondre à ses questions.

- Les gens ont estimé que quelque chose ne tournait pas rond chez moi. Ma façon de raisonner dérange.

Il haussa les épaules et ajouta d’un ton railleur.

- Apparemment ce ne serait pas moral de tuer quelqu’un, et ça aurait du me déranger. Je ne vois pas pourquoi. Ce n’est pas comme si la morale servait à quelque chose. Pourquoi devrait-on s’arrêter pour quelque chose qui n’a aucune utilité ?

Son visage se ferma :

- Je n’ai pas besoin de séances. Je me porte très bien. Mon seul problème, c’est que pour je ne sais quelle raison je n’arrive pas à communiquer correctement avec les gens. Mais ça ne justifie pas des séances avec vous.

Le soupir du psychologue n'échappa pas à Viktor. L'étudiant était habitué à ce genre de réactions. Ce qu'il disait déplaisait souvent, sans qu'il ne comprenne tout à fait pourquoi. Ce n'était pas faute d'essayer pourtant. Quand Ian répondit enfin, ce fut au tour du jeune homme de pousser un soupir.

« Quand je disais que ma façon de raisonner dérangeait…

Répondit-il amèrement en tournant la tête vers le psychologue.

- Je ne suis pas dangereux. Pas plus qu’un autre. J’ai peut-être tué, mais seulement parce que j’avais besoin d’argent, et qu’on m’a payé pour. Pardonnez-moi, mais j’ai tendance à penser que ceux qui m’ont payé sont nettement plus dangereux. J’échoue peut-être à voir l’intérêt de votre morale, mais je n’agis pas sans logique et intérêt.

Il eu un sourire railleur.

- En l’occurrence, à présent que j’ai un casier judiciaire, considérez-moi muselé. Je n’ai aucun intérêt à réitérer mon acte, ça ne risquerais que de me desservir. Pour autant que je trouve vos règles dénuées de sens, le choix le plus logique est de m’y plier.

Son regard se durcit brusquement et il le détourna :

- C’est pour ça que les autres ne m’apprécient pas ? Parce que je ne vois pas les choses de la même façon qu’eux ?

Cracha-t-il avec colère. A chaque fois qu’il avait engagé la conversation avec quelqu’un, elle avait finit par prendre un mauvais tournant. Il ne l’avouerait jamais, mais finir toute ses conversations sur un conflit qu’il ne comprenait même pas le fatiguait, et il aimerait trouver un camarade avec qui il pourrait s’entendre. Il s’était souvent demandé si quelque chose clochait chez lui…
Selon ce psy, ce serait le cas ? Viktor serra les dents. Non ! Il raisonnait de façon logique. C’est juste que les autres n’étaient pas habitués à ce qu’on leur parle avec autant de franchise…

Essayer de comprendre la personne… Viktor ferma les poings un instant à ces mots. S’il devait essayer de comprendre les gens pour entretenir des relations… Alors autant abandonner maintenant. Parce que quand il essayait de comprendre les gens, les conversations semblaient empirer.

«  Je ne peux pas comprendre les gens. Ils ne font aucun sens. Leurs propos et leur comportement sont incohérents. Et si j’ai le malheur d’essayer de mettre une explication sur ce qu’ils font, ils m’insultent.

Voir encore, il recevait une gifle, quand la personne estimait qu’il avait passé ces fameuses limites dont il n’avait même pas conscience. Sentir si ses propos pouvaient dépasser les limites des autres… Comment est-ce qu’il était censé faire ça ?! Il affichait un regard dubitatif. Comprendre les autres… Sentir quand il dépassait les limites… Il ne voyait pas comment il était censé réaliser ce que le psychologue lui demandait…

– Je ne m’impose pas aux autres, il plissa les yeux, Je n’ai pas l’impression de m’imposer aux autres.

Il secoua la tête avant de tourner la tête vers Ian :

- Comment s’adapter à des gens qu’on ne comprend pas ? Comment ne pas dépasser des limites qu’on ne voit pas ? Ca n’a rien à voir avec le fait de respecter des règles qui n’ont aucun sens mais que je connais. Je ne prends conscience de ces limites qu’après les avoir franchit, et je ne sais même pas ce que j’ai fait pour les franchir !

La frustration l’avait fait hausser la voix sur la fin, il ferma les yeux un instant pour se reprendre. Quand il les rouvrit, il ajouta :

- Je n’ai jamais dit que je voulais me faire d’ami. J’ai juste noté que les gens ne semblent pas m’apprécier. »

Comme si tout dans son langage corporel, dans son ton lorsqu’il parlait, ne criait pas le contraire.