13/11/19. 7:39. Appartement de Cassy Andrews...

Le Corbeau ne s'éveilla pas lorsque la jeune actrice entra dans son appartement, ce matin là. Contrairement à d'habitude, il dormait trop profondément pour l'avoir entendue venir. Il était trop épuisé pour l'avoir sentie approcher. Effondré sur le lit, à moitié dissimulé par les couvertures, il ne réagit même pas lorsqu'elle monta les escaliers. Cela ne le tira pas du sommeil trop profond dans lequel il s'était enfoncé afin de récupérer de la nuit infernale qu'il venait de vivre. Ce n'est que lorsque Cassy s'adressa directement à lui que le brun ouvrit un oeil.
Le regard brumeux, encore à moitié endormi, et migraineux, il lui fallut un moment pour recoller les morceaux et se souvenir de l'endroit où il se trouvait. Il sentit une masse bondir sur son épaule brièvement, puis plus rien. Ce n'est que lorsqu'il tenta de bouger que la violente douleur qui lui traversa le bras et déforma les traits de son visage lui rafraîchît la mémoire, avec un peu trop de brutalité, de son point de vue...

Lentement, il se tourna sur le côté, lui qui était jusqu'alors allongé sur le ventre, afin de montrer son visage à la jeune Andrews qui le reconut enfin, avec étonnement.
- Chris ? C'est toi ? Qu'est ce qui s'est passé ici ?
- Rien, enfin... J'ai eu des ennuis, cette nuit...
Le brun se couvrit pour éviter de rester quasiment nu devant Cassy, en rabattant la couverture sur le bas de son corps, avant de poursuivre son récit:
- J'ai été blessé, comme tu peux le voir, et il me fallait un endroit sécurisé où passer la nuit. Je n'avais pas d'autre choix que d'emprunter ton appartement, je suis désolé. Avec mon bras cassé, et la tempête, mes options étaient plutôt limitées... Il est tard ? Demanda soudain l'assassin en se passant sa main valide sur le visage, désireux de savoir combien il avait dormi.

Pui, il leva la tête vers Cassy. Sa tête lui tambourinait. Il avait mal au crâne, comme un lendemain de cuite:
- Et toi, ça va ? Tu étais où pendant la tempête ?
Un instant, il fixa son arme factice sans oser lui dire que n'importe quel professionnel averti comme lui remarquerait que c'était une fausse. Mais il n'eût pas le courage d'entrer dans ce débat maintenant...
- Tu aurais... quelque chose pour la tête ? J'ai... j'ai une violente migraine... ajouta t'il d'une voix faible sans se lever, conscient de sa tenue légère. Et je suis désolé de te demander ça mais si tu pouvais m'aider à faire un bandage pour mon bras... au moins jusqu'à ce que j'aille à l'hôpital. J'ai emprunté une de tes serviettes cette nuit pour éviter de mettre du sang partout sur tes draps, mais... Il vaut mieux faire un vrai bandage pour aller à l'hôpital. J'ai laissé mon pantalon à sécher sur un des radiateurs du salon, ajouta t'il en restant assis, ses couvertures sur lui.

La jeune Andrews écouta Chris parler avant de le rassurer très vite: elle n'attendait personne, il pouvait rester aussi longtemps qu'il le voulait. Le brun en fut quelque peu soulagé, car dans son état, il n'était pas vraiment prêt à piquer un sprint en cas d'imprévu.
Il sentit très vite que le nombre d'informations qu'il fournissait à l'actrice était un peu trop pour elle, et surtout, son chien, nommé Freddy, la pressait pour sortir. Rien d'étonnant. Très vite, elle laissa le Corbeau seul dans l'appart' après lui avoir donné quelques infos utiles, comme l'endroit où trouver de l'aspirine. Lorsque la porte claqua, l'assassin se retrouva à nouveau seul, dans une ambiance de mort.
Il retomba sur le lit, le bras droit en croix, un peu trop assailli par sa migraine pour bouger. Tout ce qu'il entendit pendant les deux ou trois minutes pendant lesquelles il demeura dans cette position, ce fut sa migraine, cognant encore, et encore, au fond de son crâne...

Il avait eu chaud, cette nuit. Très chaud. Il s'en était sorti, et ses assaillants étaient tous morts. D'autre part, il y avait fort à parier que la tempête aurait recouvert ses traces, et fait passer ces morts pour des accidents. Il fallait l'espérer, en tout cas. Il savait que ce groupe d'assassins avait été envoyé par Black Thorn, mais il ne savait pas bien pourquoi. A priori, ils semblaient aussi surpris d'être tombés sur lui, que lui sur eux. Et ils n'avaient pas pu prévenir leur QG. L'ouragan avait coupé les communications. Ils étaient isolés lorsqu'ils étaient morts. Tout ça était dangereux, mais d'après Chris, ils n'avaient aucun moyen de remonter jusqu'à lui. Du moins, pas pour l'instant...
Mais tôt ou tard, ils enverraient d'autres assassins. La thèse de l'intégralité de l'unité tuée par accident dans la tempête ne tiendrait pas longtemps auprès du conseil. Il le savait. Il les avait côtoyés. Cela ne lui offrirait qu'un répit temporaire...

Lentement, le brun se redressa en esquissant une grimace de douleur, et s'approcha de la table de nuit, et l'ouvrit. Comme indiqué par Cassy, et parmi d'autres choses appartenant à la jeune femme, il y trouva des cachets, et en prit deux avant de descendre à la cuisine d'un pas précautionneux. Il se remplit un verre d'eau, et avala rapidement les cachets. Puis, il se dirigea vers le radiateur et attrapa son jean noir qui avait séché, et l'enfila afin d'avoir quelque chose sur le dos lorsque la jeune Andrews reviendrait.
Il se rendit alors compte qu'il avait oublié son arme en haut, grimaça, et remonta lentement d'un pas claudiquant. Il retrouva son gloc sur le lit et s'en saisit. Il ne voulait pas se balader sans son arme pendant les prochaines heures. Même si cet endroit était théoriquement sûr, on ne sait jamais...

C'est alors qu'il entendit la clé dans la porte, et se plaqua au mur de la chambre, par réflexe, le temps d'identifier sa cible. Rien qu'à la démarche, il sut que c'était bien Cassy, et se détendit à nouveau. Il s'allongea à nouveau dans le lit, le temps que le cachet fasse effet. Peu à peu, les yeux fermés, il sentait la douleur s'atténuer, et son crâne le lancer de moins en moins.
Il entendit la jeune femme s'affairer dans la maison, la salle de bain notamment, et devina qu'elle devait nettoyer les dégâts qu'il avait causés en arrivant la nuit dernière. Il ne se redressa que lorsqu'elle revint dans la chambre:
- Y a pas de mal, t'en fais pas. Je sais que j'ai débarqué de manière impromptue, lui répondit le brun d'une voix douce pour la rassurer. Si j'avais eu le choix, j'aurais agi différemment, mais... Là, les circonstances étaient... exceptionnelles... acheva t'il simplement.

Il posa son gloc à côté de lui tout en le dissimulant un peu sous les draps pour éviter de trop faire peur à Cassy, et se laissa faire par la jeune femme. Apparemment, elle avait une phobie de l'orage. Il nota soudain qu'elle s'était arrêtée au milieu d'une phrase de façon étrange, mais demeura silencieux. Mais soudain, lorsqu'elle toucha la blessure près du coude, là où l'os était sorti de son axe, le brun ne put retenir un grognement de douleur, bien que ses mâchoires soient serrées.

Un léger sourire ourla les lèvres du Corbeau lorsque la jeune actrice mentionna la salle de bain ruinée, et un moyen de se venger. C'est vrai que dans l'état dans lequel il était la veille au soir, chercher à ne pas faire de tâche ne faisait pas vraiment partie de ses priorités. Il voulut rétorquer quelque chose, la faire rire, ou même sourire, n'importe quoi pour contre balancer le bordel qu'il avait mis dans son appartement, même si elle venait d'affirmer qu'il était tout excusé, mais rien ne lui vint en tête. Aucun son ne franchit ses lèvres. Il se contenta de rester là, à se laisser soigner, les sourcils légèrement froncés.

C'est alors qu'une autre question de Cassy attira l'attention du brun, qui hésita un instant. Il ne pouvait pas l'impliquer dans son conflit avec Black Thorn, c'était exclu. Aussi, il était hors de question de les mentionner. Toutefois, il ne pouvait pas ne rien lui dire après tout ce qu'elle faisait pour lui.

Finalement, il décida de ne lui révéler qu'une partie de la vérité. Mais une partie quand même ! Elle la méritait bien, après tout:
- J'ai été pris dans une mini tornade et soulevé dans les airs à plusieurs mètres de haut. Enfin, je crois... Quand je suis retombé sur le béton, mon bras s'est brisé et...
C'est alors qu'un violent craquement fit hurler le Corbeau de douleur. Un hurlement qui se répercuta dans tout l'appartement, avant que, après plusieurs secondes à reprendre son souffle haletant, Chris n'ajoute d'un ton faible mais malgré tout plaisantin:
- Bon sang... Je ne pensais pas que tu comptais te venger aussi vite...

Un peu dans les vapes, il se contenta de hocher de la tête aux instructions suivantes de la jeune Andrews, et conserva le silence. Cependant, il observa la jeune femme le soigner du coin de l'oeil avec une certaine expertise et ne put s'empêcher de lui demander d'une voix toujours affaiblie:
- Où est ce que tu appris tout ça ?
Il se tut à nouveau en écoutant Cassy parler, puis hocha à nouveau de la tête lorsqu'elle le prévint que tout ça n'était que temporaire, et qu'il fallait qu'il se rende à l'hôpital. Il était fatigué. Epuisé, même. La douleur retombait doucement et la migraine s'était tue, mais il ne se sentait pas du tout prêt à regagner son appartement dans un tel état...
- Entendu... Si ça ne te dérange pas, j'aimerais encore rester un moment ici. Je me sens vraiment épuisé, et j'aime autant ne pas traverser la ville avant d'être certain que la tempête est terminée, et d'avoir dormi encore un peu.

Reconnaissant, mais malgré tout gêné pour tout ce qu'elle faisait pour lui, le brun remercia Cassy avant de retourner s'allonger. La remise en place de son bras l'avait vidé du peu de forces qu'il avait réussi à récupérer. Et en fin de compte, ce qui ne devait être qu'une petite sieste d'une poignée d'heures se prolongea jusqu'en début d'après midi.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, Chris mit plusieurs secondes à rassembler ses esprits. Ce n'est que lorsqu'il vit l'heure qu'il réalisa qu'il n'avait que trop dormi. Du moins, pour le moment...
Lentement, il se fit violence, et sortit du lit. Heureusement, une sympathique odeur de nourriture l'aida à se motiver et son estomac vide se rappela à son bon souvenir. Cela faisait des heures et des heures qu'il n'avait pas mangé.

Il se leva lentement, et descendit les escaliers en se grattant la tête, toujours dans le coltar. Il ne répondit pas lorsqu'elle lui annonça qu'une assiette l'attendait dans le micro ondes. En revanche, il lui présenta un grand sourire qui n'était pas feint. Chose assez rare, chez lui. Il se dirigea aussitôt vers le micro ondes en question et fit chauffer sa nourriture tout en lui demandant:
- Tu fais quoi ?
Dès que l'appareil sonna, il attrapa son assiette, des couverts, et se dirigea vers la table basse à côté d'elle avant de littéralement dévorer le contenu de son assiette. C'est alors qu'il se rendit compte à quel point il avait faim. C'est aussi à ce moment là qu'il se rendit compte que manger des pâtes bolognaises avec un bras cassé n'était pas aussi simple qu'il y paraissait...

Il toucha le fond de son assiette avec une lueur de déception dans le regard: il aurait bien vidé une autre assiette...
Il se recula au fond du canapé, et observa alors la jeune Andrews quelques secondes, pour voir ce qu'elle faisait. Le coude posé sur le dossier du canapé, la joue appuyée sur son poing encore valide, il l'observa travailler un petit moment. Et puis, finalement, sa phrase sortit:
- Je te remercie, Cassy. J'avais besoin d'aide, et tu as répondu présente. C'est quelque chose d'important, et de rare, aussi. Et même si je ne t'ai pas vraiment laissé le choix au départ... Enfin, ce que je veux dire, c'est que... J'estime que ta dette envers moi est largement payée, conclut il avec un sourire.

Après avoir mangé, Chris tenta de remercier Cassy, en essayant de lui faire comprendre que ce qu'elle venait de faire pour lui était important. Que tout comme lors de leur rencontre il avait changé sa vie et cela avait signifié beaucoup pour elle, le fait qu'elle ait répondu "présente" ce soir alors qu'il était blessé et dans les ennuis jusqu'au cou signifiait également beaucoup pour lui. Mais de toute évidence, son message passa mal. Très mal...
Il le comprit dès que l'actrice perdit son sourire. Et quelques secondes après, ses mots cassants confirmèrent les soupçons de l'assassin, qui ne sut pas comment réagir, trop surpris par cette réaction totalement aux antipodes de ce qu'il espérait au départ.

Encore grogui et mal réveillé, le Corbeau chercha à déterminer ce qu'il avait fait ou dit de mal tout en fixant la jeune Andrews d'un regard étrange.
- Non, merci... répondit il d'une voix faible à sa proposition de thé.
Toujours fatigué, il s'avança jusqu'au canapé, dans lequel il se laissa tomber tout en faisant attention à ses blessures. Qu'avait il bien pu faire pour qu'elle ait une réaction aussi violente ?! Il voulait juste lui faire plaisir, après tout ! Lui faire comprendre que sa dette était effacée, un point, c'est tout !

Enfermé dans son silence, il vit finalement Cassy approcher avec son thé, le visage fermé. Elle était pour le moins vexée, de toute évidence...
Et puis soudain, elle s'adressa à nouveau à Chris, de plus en plus en désarçonné par la situation. Bouche bée, il fixa Cassy avant de reprendre contenance. Il avait envie d'une cigarette... Mais il trouva un peu trop impoli d'aller chercher son paquet de cigarettes dans la chambre AVANT de lui répondre.

Finalement, il se leva, et fit quelques pas dans l'appartement avant de s'immobiliser de l'autre côté de la table basse, en face de l'actrice. Il réfléchissait à ses mots, cela se voyait. Il n'était pas du tout habitué à ce genre de situation, cela aussi se voyait:
- Je crois... Je crois que tu ne m'as pas compris... Tu as mal compris mes paroles... En fait, ce que j'essayais de faire, tout à l'heure, c'était... Le fait que tu aies été là pour moi aujourd'hui, quand j'en avais besoin... Ca signifie beaucoup pour moi. C'est important ! Et je voulais te remercier pour ça. Tout ce que je veux dire, c'est que je considère que la dette que tu avais envers moi, est effacée ! C'est tout.  J'ai l'impression que tu t'énerves pour rien... Ajouta t'il avant de lui présenter un sourire faible.

Mais soudain, un autre flash apparut devant ses yeux: et si le fait que Cassy lui présente la porte et le rejette ainsi était l'occasion idéale de la protéger ? S'il s'en allait, s'il partait et ne la revoyait plus, au moins, il n'aurait apporté que des bonnes choses à UNE personne sur cette planète ! C'était déjà ça de pris...
Son cerveau se mit à bouillonner, à peser le pour et le contre. Mais néanmoins, pendant qu'il le faisait, il ne reprit pas la parole, attendant que Cassy ne s'adresse à nouveau à lui...

Chris avait tenté de dissiper le malentendu. Pourtant, étrangement, la jeune actrice semblait s'être emmurée dans une illusion étrange. Elle ne l'écouta pas, ne décoda pas ses paroles, et ne chercha pas à comprendre ce qu'il lui expliqua, si bien que finalement, le Corbeau finit par  jeter l'éponge...
Tout en écoutant les dernières paroles de Cassy, il réfléchît, et en arriva à la conclusion que ce serait mieux pour tout le monde qu'ils ne conservent pas de contact. Surtout pour elle...
Après tout, il était dangereux, toxique, pour son entourage... Ou tout du moins, le croyait il. Quant à Cassy, elle était un peu trop connue à son goût. Certes, sa célébrité n'était que locale. Mais elle était suffisante pour avoir des paparazzi après elle, chose dangereux pour Chris.

Il en vint à réaliser qu'il ne pouvait pas garder le contact avec elle. Les personnalités "publiques" étaient trop dangereuses pour lui. Il ne l'expliquerait jamais, mais c'était ainsi...
Dès lors qu'il eût acquis la certitude que la jeune femme s'était butée, il baisssa les yeux, et eût un air navré.
- Très bien... Comme tu voudras... se contenta t'il de répondre.
Il fit le tour de l'appartement pour récupérer ses affaires d'un pas encore un peu traînant, mais il ne claudiquait plus, au moins. Il récupéra également son arme qu'il rengaina, après quoi il revint dans le salon pour se rapprocher de la porte d'entrée.

En passant près du canapé, il s'immobilisa une dernière fois, pour regarder Cassy.
- Je te remercie pour ton aide. Pour tout ce que tu as fait pour moi... Je ne te dérangerai plus... Compte là dessus... Acheva t'il d'un ton neutre, avant de s'éloigner vers la porte d'entrée.
Une poignée de secondes plus tard, Cassy entendit la porte claquer, peut être un peu trop fort pour quelqu'un qui n'en aurait rien à faire. Mais il était trop tard. Le Corbeau s'était envolé...