[L'Ouragan] Dans le parking

Il est 18h10 quand ils atteignent enfin le parking, à l'abri des vents qui, plus d'une fois, ont encore failli les faire tomber ou voler. Dans un film, ils se seraient tenus la main pour ne pas s'envoler. Dans la réalité, ça n'est pas arrivé. Non pas qu'il soit spécialement contre le fait de tenir la main à deux jolies filles mais les siennes sont encore pleines de sang, d'une part, ce qui a plus de chances de les faire s'enfuir en courant qu'autre chose, et il n'est même pas sûr que ça aurait suffi. Est-ce qu'ils ne se seraient pas envolés quand même ? Peut-être. Cela dit, un vol plané à trois, ça aurait pu être drôle, comme faire du parachute en cercle. Mais sans parachute.

Et maintenant qu'ils sont sous terre, à l'abri, d'une certaine manière ? Que faire ? La petite blonde semble un peu plus hésitante, le coup qui a frappé leur camarade semble avoir refroidi ses velléités d'exploration. Damen, lui, effleure les portières des voitures. Laquelle est ouverte, laquelle a une alarme ? Est-ce que la présence d'une alarme importe vraiment dans ce genre de situation. Il teste quelques portes. S'arrête. Celles qu'il a testées ne s'ouvrent pas, mais sa jambe lui fait subitement mal. Il peste. Retire sa chemise sans réfléchir pour essayer d'en arracher quelques bandes. A 18h30, il est en train de resserrer les reste de son haut sur sa cuisse, autour de sa blessure. Peut-être qu'arrêter le sang arrêtera la douleur. Et au pire, il aura arrêté le sang.

Le tissu blanc change rapidement de couleur, mais il n'y prête pas attention. Il s'adosse à une voiture qui a l'air plus solide que les autres pour faire face à ses deux compagnes d'aventure. Lui était toujours partant pour sortir, risquer sa vie et celle des autres. Et elles ?

Les filles commencent à se dégonfler. Toutes les deux. Damen laisse échapper un petit soupir. Bon, il semble que son grand plan "allons rouler comme un dingue dans les rues de Londres" soit compromis. Enfin, c'est sans doute mieux comme ça. Avec la pluie et le vent, de nombreux quartiers doivent être inondés, ou encombrés. Si ça se trouve, ils n'auraient même pas pu sortir de la rue.

18h30. Damen lève à peine un sourcil en voyant Eri retirer sa chemise. Pas que ça ne l’intéresse pas, au contraire, mais d'abord il n'a pas besoin d'un ouragan pour s'attarder sur ses formes, et ensuite il est encore plus dénudé qu'elle depuis que son propre haut est en partie enroulé autour de sa cuisse. Il note cependant que la blondinette se place devant comme si elle voulait cacher la petite japonaise et, là, il sourit.

» Pourquoi tu ne m'as pas caché quand j'ai enlevé la mienne ? Et puis ce n'est pas la peine, tu sais. je l'ai déjà vue comme ça. Et même avec moins que ça.

Un petit clin d'œil, et il passe une main dans ses cheveux trempés pour essayer de les essorer, avant de se souvenir qu'il a la main pleine de sang. Sur un petit juron marmonné, il s'écarte un peu de la voiture, juste le temps de regarder son reflet dans le rétroviseur. Ouais, il a du sang dans ses jolies mèches blondes, ça n'a pas loupé. Tant pis, ça lui fera un petit effet hardcore pendant un moment, et de quoi faire stresser ceux qui le retrouveront après la fin de la tempête.

Parlant de stresser, les deux filles semblent avoir des difficultés à garder l'équilibre. Blondie ne tarde d'ailleurs pas à le prouver en s'étalant par terre et Damen pose une main devant sa bouche pour étouffer un rire. Eh bien, ce parking est bien plus sûr que l'extérieur et que le poste de sécurité mais, visiblement, il ne protège pas de la maladresse. Lui, adossé à sa voiture, ne risque rien.

C'est du moins ce qu'il croit jusqu'à ce qu'un objet percute la voiture non loin de son bras. Trop près de son bras, en fait, à quelques centimètres près il se le prenait. Une étincelle allume un petit éclat grésillant qui, lui, ne rate pas son bras. Seule une grimace déforme quelque seconde ses traits, unique signe de la légère brûlure qui vient marquer sa peau. Quelques millimètres à peine, rien de grave, mais il espère quand même que ça partira vite. Il n'aime pas ce genre de marque. L'adolescent soupire.

» Bon, j'aurais bien aimé bouger d'ici mais si vous n'avez plus envie de sortir, allons au moins ailleurs. Je suis pas pressé de me prendre un de ces machins dans la tronche.

Il ignore totalement le sujet de sa blessure. En fait il n'a pas envie d'y penser. Les morceaux de verre brisé évoquent des souvenirs qu'il préfère garder scellés dans un coin de sa tête, surtout quand il n'a pas d'alcool sous la main. Et là, il n'en a pas. Il est 19h10 quand il reprend la parole.

» On va se planquer à l'étage d'en-dessous. Et si à un moment vous avez envie de tenter votre chance, je sais conduire. Et voler des voitures.

Deux connaissances purement théoriques qu'il ne manquera pas de mettre en pratique si on lui en donne l'occasion.

Il est 19h20, et Damen essaye encore de comprendre ce qui vient de se passer. La situation était relativement calme, ils avaient décidé à son grand déplaisir de ne plus sortir mais d'aller finalement se cacher à l'étage inférieur - oui, c'est lui qui l'a proposé, mais il ne l'a fait que parce qu'elles auraient refusé de sortir de toute manière. Bref, les choses étaient calmes jusqu'à ce que blondie... pète un plomb ? Il ne voit que ça comme explication. D'un coup, sans la moindre raison apparente, elle a attrapé une barre en métal pour frapper de toutes ses forces le bras d'Eri avec. Et à cause de ce stupide morceau de verre dans sa stupide jambe, il n'a pas pu bouger assez vide pour l'empêcher de porter les trois coups. Elle a lâché sa barre lorsqu'il arrive à son niveau pour lui saisir le bras et l'éloigner de sa petite japonaise.

» Mais ça va pas ?! Qu'est-ce que tu fous ?!

Son "explication" n'a pas beaucoup plus de sens. Un chien ? Comment ça, un chien ? Elle a fumé quoi, avant de venir ? Il connaît un bon nombre de drogues hallucinogènes qui pourraient être la réponse à cette question, mais s'il elle a en pris une avant ou pendant l'ouragan, le minimum aurait été de prévenir, histoire d'éviter ce genre de... surprise. Et pendant ce temps, Eri hurle. Ce qui est on ne peut plus compréhensible vu la violence qu'elle vient de subir. Voyant que la blonde est plus occuper à geindre et s'excuser qu'à démontrer à nouveau de la violence, Damen écarte la barre de faire du pied jusqu'à ce qu'elle roule sous une voiture, puis il s'approche de la jeune fille. Pas de "ça va" ou autre absurdité. Il ne dit pas un mot tandis qu'il observe son bras. Cassé, sans le moindre doute. Et ils n'ont rien conte la douleur, ici... Il la regarde l'enrouler dans son gilet pour le mettre en écharpe. Ça ne changera sûrement pas grand chose, mais au moins elle ne forcera pas dessus.

» Ouvre la bouche, chuchote-t-il.

Il a cru voir du sang au coin de ses lèvres et, vu la douleur qu'elle a dû ressentir, ce n'est pas improbable qu'elle se soit mordu la langue. Il veut vérifier qu'elle n'a pas une blessure encore plus grave que son bras et son dos. Du bout du pouce, il essuie une des larmes sur sa joue, avant d'effleurer doucement sa lèvre inférieure. A vrai dire, il ne sait pas trop ce qu'il fera si elle est blessée à la langue. Mais vu qu'ils sont coincés dans ce parking, ils devraient bien trouver quelque chose pour calmer la douleur une fois qu'ils seront en dessous. Quelqu'un doit bien avoir de l'alcool ou des cachets dans sa voiture, surtout dans une école pareille.

Il vient à peine de se faire cette réflexion qu'il a l'impression subite de sentir le sol trembler. Wow. Les ouragans ne sont pas censés déclencher de tremblements de terre. Est-ce que le sol du parking a été fragilisé ? Ça voudrait dire que l'étage où ils sont... et l'étage inférieur sont dangereux ? Dans l'état où elle est, et avec l'état de sa propre jambe, sortir n'est plus une option, pas pour l'instant. Mais si le sol ou le plafond s'effondre...

» Il faut qu'on s'éloigne de cet endroit.

Peut-être que plus loin dans le parking, le sol sera plus stable, moins fragile. Et ils seront à l'abri du vent. Il est 19h35, et temps de prendre une décision.