[L'Ouragan] Dans la salle commune des dortoirs

Mes écouteurs dans les oreilles, ma tête balance au rythme de la musique. Je suis posée dans ma chambre et m’occupe de mes ongles. Je m’en suis cassé un en cours d’italien et putain ce que ça fait mal ! Je ne sais pas comment j’ai fait alors que techniquement ce n’est pas un cours dans lequel on bouge beaucoup mais la résultante est la même. J’ai un ongle beaucoup plus court que les autres maintenant… Et c’est moche ! Très moche ! J’ai été obligée de retirer tout mon vernis et de couper tous mes ongles pour qu’ils soient à la même longueur. Chiant quand tu dois attendre pour qu’ils soient comme tu le souhaites. Tant pis ! On recommence du début !

Black Flies de Ben Howard dans les oreilles, je n’entends pas cogner à la porte. Je ne réponds donc pas. Normal quoi. C’est quand la porte s’ouvre sur un professeur que je m’indigne. Attends, le mec il s’est vraiment cru tout permis ! Et si j’étais à poil ! Il aurait fait quoi ?! Je fronce les sourcils. En plus c’est un mec ! Ils ne se sont pas passé le mot que je ne voulais pas avoir à faire avec des hommes ?!

- Mais ça va pas ! Faut pas rentrer tant qu’on a pas dit que vous pouvez !!

- Je n’ai pas le temps d’attendre une réponse Mlle Lindberg. On attend tout le monde dans la salle commune au rez-de-chaussée. Dépêchez-vous.

- Et pourquoi ? J’ai pas envie de sortir de ma chambre moi !

- Regardez dehors.

Il sort de la chambre et je suis encore plus sur les nerfs. Il se prend pour qui là ?! Je tourne la tête vers la fenêtre et regarde l’extérieur. Oulà. Ça sent pas bon ça. Il y a une forte pluie, des bourrasques qui font se pencher dangereusement les arbres et les nuages au loin n’annoncent pas une amélioration de sitôt. Une tempête ? Un frisson parcourt mon échine et je récupère mon téléphone. Je vais envoyer un message à ma mère… Je le déverrouille et me mords l’intérieur de la joue en voyant les barres de réseau vides. C’est…une blague ? J’inspire profondément, prends un pull plus chaud, mon mp3 et mon téléphone et finis par descendre à la salle commune.

Quand j’arrive, quelques élèves sont déjà rassemblés. Ils attendent et on voit bien l’inquiétude sur leur visage. Mais ce qui me fait le plus chier…c’est qu’il y a vraiment plus de mecs que de filles. Même le prof !! C’est une blague ? C’est mon karma ? C’est quoi l’histoire ?! Je vais m’assoir dans un coin et attends, les bras croisés. Honnêtement, que je sois ici ou dans ma chambre…ça change quoi ?

Alors que je fais la gueule dans mon coin, parce que sérieusement, la manière qu’a eu le prof de rentrer dans une chambre de fille est inacceptable, une fille s’approche de moi. C’est une fille alors ça va. Je n’ai pas envie de me faire remarquer. Je sens déjà les regards de certains gars sur moi. T’es pas censé avoir peur de ce qu’il se passe dehors là ? Je les fusille du regard et ils détournent rapidement le leur. Sérieusement…il y a des types qui devrait vivre la même chose que leur animal de compagnie… Je soupire encore et m’enfonce encore plus dans mon fauteuil.

- Toi aussi t'es pas très à l'aise parmi tout ce monde ?

Je lève les yeux vers la fille. Brune, yeux verts. Elle est jolie. J’essaye de me détendre. J’avoue que la situation est pas vraiment fun. On se retrouve tous dans la salle commune, plus de mecs que de filles, à pas pouvoir partir… J’ai juste envie de retourner dans ma chambre. On est à l’intérieur…on risque rien. Faut qu’ils se calment et se concentre sur les gens qui sont dehors quoi. Il y a un ordre des priorités !

- Ouais…trop de mecs. Même les profs. C’est trop pour moi. Je veux me barrer…

On se met à attendre en silence. Les autres continuent de discuter, s’effraient en imaginant des scénarios apocalyptique à la con. Ils sont stupides ou quoi ? Si tu flippes déjà, pourquoi tu empires la chose avec des sujets pareils ? Aaah je suis soûlée par la situation ! D’habitude, je suis pas d’humeur aussi massacrante. Je comprends pas. Les profs se sont contenté de nous compter, nous ont dit, qu’à cause de la tempête, on doit tous rester groupé en attendant que ça se calme. Mais je comprends pas pourquoi. Et quand j’ai demandé pourquoi, le prof m’a regardé comme si j’étais stupide. Super ! Merci ! Mais si je demande c’est que c’est peut-être pas évident pour tout le monde ! On a même pas de réseau pour connaitre l’envergure de la tempête !

Puis la fille me sort de mes pensées en me disant qu’elle doit aller chercher quelque chose qu’elle a oublié. Je me lève avec elle pour la suivre.

- Je t’accompagne. C’est mieux à deux que seule, non ? Surtout si comme ils le disent, « c’est dangereux ».

Je mime les guillemets avec un sourire narquois. En même temps, j’ai pas envie de rester là. Alors je préfère la suivre. On attend que la voie soit libre pour passer et se diriger vers l’ascenseur. Ce sera plus rapide, elle a raison. Plus vite on a récupéré son truc, plus vite on sera en bas et les profs n’y verront que du feu. On monte dans l’ascenseur, j’appuie sur l’étage 2, les portes se ferment et on est parties.

- Au fait. Moi c’est Lova.

Il est 16h50.