Will balançait ses pieds. Il était assis sur une chaise, il faisait un peu sombre comme si tout ça n'était qu'une ridicule mise en scène. Ses yeux rouges traversaient la pièce puis revenait sur l'individu qui lui posait des questions. Une femme, un visage fin, des cheveux blond tournant vers le brun, un sourire doux sur ses lèvres. Un sourire qui voulait dire « aie confiance en moi » .

Pourtant, aujourd'hui, il pensait qu'il serait tranquille. On lui avait dit que son psychologue était malade. Mais alors qu'il était dans la cour à prendre des photos, une personne s'était approchée en lui disant qu'ils avaient trouvé un remplaçant. L'esprit du garçon était partagé en deux. D'un côté, c'était l'occasion de faire chier une personne qu'il ne le connaissait pas. De l'autre, il trouvait ça un peu étrange qu'un psychologue puisse être remplacé. Mais bon, on lui avait assuré que c'était parce l'absence risquait d'être longue.

Alors le jeune observait. Il la jaugeait. Il continuait à se dire que c'était louche. Personne n'était sortie de la salle alors qu'il savait qu'il y avait habituellement un autre rendez-vous avant lui. Quelqu'un de  malade ? Il y avait des chances.

«  Will, je vous ai posé une question »

Il releva subitement la tête et sourit longuement à la femme. Il n'était pas sûr de ce qu'elle lui avait dit juste avant. Une question banale qu'il entendait en boucle toutes les semaines presque depuis trois ans sans doute. Alors il savait à peu près quoi répondre.

« Oh, vous n'avez pas reçu mon message télépathique ? Il y a parfois des bugs »

Silence, la femme nota. Tss, ce n'était pas la peine de faire une annotation pour une simple stupide phrase. C'était quoi la conclusion ? Il est fou ? Ou du moins, il semble l'être ? Will continua alors de fixer cette femme, ne la lâchant jamais du regard. Sa seule preuve d'humanité résidant de sa décence de cligner de tant à autre ses yeux. Il avait ses mains sur ses genoux et attendait impatiemment la prochaine question.

Mais ce n'était que des déceptions, elle enchaînait des questions stupides, sans intérêts et habituelles. Alors, il répondait stupidement toujours dans le but qu'elle diagnostique quelque chose qu'il n'avait pas. Ce n'était pas aujourd'hui que ces incompétents allaient rentrer dans sa tête. Le faux albinos continuait de la mener en bateau, parlant de princesses, parfois de pirates, ou encore extraterrestres. Cette dame ne pouvait qu'avaler ses mots, la folie fascinait, même si celle-ci était fausse.

«  Racontez moi votre enfance »

Il releva le regard intrigué. Elle voulait une histoire ? Alors il lui en sortie une belle : Un enfant roi possédant un pouvoir très puissant qu'il ne pouvait pas le contenir. Alors, un jour, il décida de l'éparpiller aux quatre coins du monde pour en être délesté. C'était sans compter  sur l'arrivé du terrible méchant qui en profita pour...

«  Will, s'il vous plaît. Nous savons ce qu'il s'est passé, arrêtez de raconter des histoires »

Elle souriait toujours. Mais Will arrêta lui de faire la grimace.

«  Pourquoi vous mutilez-vous  ? Qu'est-ce que ça vous apporte ? »

Will la fixait longuement. Il réfléchissait.

«  Pourquoi vous coudre le corps ?  Pourquoi les lentilles rouges ? »

Il crispa un peu ses mains. Il souffla et dit :

«  Cette jeunesse au laboratoire m'a flingué.
-Nous nous en doutons. Et qu'en tirez vous ? »

D'un coup, Will se leva du siège. L'école n'était pas au courant. Même ses parents adoptifs ne l'étaient pas. Mais cette femme en face de lui, pensait que l'établissement savait. Et puis, ses questions n'avaient pas de sens, des questions trop directs,  ne lui laissant pas le temps de répondre, lui coupant la parole. Cette femme n'était pas psychologue.

Le jeune homme avait une toute autre expression. Une expression humaine qui hésitait.

«  Qui êtes-vous ? »

La femme se défendit, feignant de ne pas comprendre. Qu'il devait se calmer. Et quand Will s 'excita, elle le menaça d'appeler de l'aide.

«  Je vous en pris, appelez un surveillant, allez-y »

Mais elle ne fit rien. Elle ne pouvait pas. Car elle ne travaillait pas ici. Will serra les poings. Une colère le prenait. Une colère violente qui n'avait jamais pu ressentir vraiment.  Il commençait à comprendre. D'un coup, il attrapa une statue posée sur le bureau et le jeta contre une miroir dont les morceaux s’étalèrent au sol. Lentement, le faux albinos dont les yeux n'avaient jamais fais aussi peur alla vers celui-ci et attrapa un morceau de glace de la taille d'une balle de tennis dans sa main.

« Comment...Osez vous venir ici et me questionner ? C'est quoi, un service après vente ?
-Calmez-vous, nous voulons juste nous assurer que...
-Ne parlez pas. »

Il s'avançait. Il hésitait sur ce qu'il allait faire alors qu'au fond, sa seule envie était de transmettre à un autre corps tout le mal qu'il ressentait en permanence. Cette sensation de vide qui ne sera jamais comblée. L'impression d'exister qu'à moitié.

La femme se recula et ouvrit la fenêtre. Il eu quelques secondes de vide, plus personne ne bougeait.

Elle sauta. Will se précipita vers celle ci et vit l'usurpatrice se relever pour commencer à courir, parlant visiblement dans un sorte d'appareil en même temps. Le garçon était actuellement comme une guêpe qu'on venait de trop exciter. Il sauta, il se mit à sa poursuite. La fenêtre donnait sur l'arrière de l'école. En cette heure de cours, il n'y avait personne.  Le jeune Will courra alors, bien plus rapide que l'usurpatrice qui tentait escalader les barrières avec une échelle qu'elle avait certainement posée plutôt au cas où tout ça échoue. Une autre se trouvait d'ailleurs également de l'autre côté.

L'albinos attrapa son haut et la jeta au sol avant de vite la traîner contre le mur du bâtiment pour que les potentiels voyeurs aux fenêtres ne puissent rien voir. Sa respiration était profonde, rapide, ses yeux brillaient d'une haine profonde. Il avait gardé le morceaux de verre entre ses mains. Il ne savait pas ce qu'il comptait en faire mais il était là, brillant à la lumière, menaçant. Il le serrait si fort qu'un liquide rouge salissait la surface lisse de l'objet.

Il n'avait jamais exprimé de la colère. Et étrangement, celle-ci était délicieuse. Elle était pleine. Il la ressentait entière comme lorsqu'il se faisait du mal, se droguait et sautait quelqu'un. Cela lui prenait aaux tripes.

Elle était vraie cette colère. Aussi douloureuse qu'agréable. Il avait du mal à comprendre même ce qu'il faisait. En oubliant même que quelqu'un pourrait les surprendre.

« Je vous hais »

Il la fixait, il ne la lâchait plus du regard. Il cherchait à comprendre ce à quoi elle pensait, si elle avait peur ou non. Il voulait qu'elle ai peur. Mais pour l'instant il ne faisait rien. Will n'était pas un meurtrier, il savait se faire mal mais était moins à l'aise pour le faire aux autres. Sa main se serrait fortement sur le verre, écoutant la respiration saccadée de la femme. Comment avait-elle pu avoir un badge pour rentrer ? A qui elle l'avait prit ? Qu'importe, il avait pour lui la réincarnation de son passé qui l'avait rendu aussi vide. Et il avait envie de le blesser. Comme si après, il pourrait ne plus exister.

D'un coup, il se sentit attrapé par le poignée. Il cru en un complice et commença à bouger, tirant violemment sur ses bras , donnant des coups de pieds en arrière. Will se défendait sans y arriver. Cette situation lui était familière.

La voix résonna dans son esprit. Il du prendre un temps pour comprendre, analyser et reconnaître. C'était Chris. Il arrêta pendant un court instant de se débattre en tournant sa tête vers l'étudiant. Il cligna des yeux puis fut d'un coup plaqué contre le mur. Il serra les dents et recommença à bouger, fixant l'usurpatrice, ne voulant surtout pas qu'elle s'enfuit. Il n'écoutait qu'à moitié les mots de Chris. Vu de l'extérieur, il semblait vraiment avoir perdu la raison.

- Lâche moi ! Je la hais, je la hais, je la hais

Il avait les yeux rouges, presque humide. Il fixait la femme avec fureur. Elle commençait à se relever dans l'espoir de s'enfuir, profitant de l'immobilisation de Will. En comprenant cela, il fixa Chris et lui attrapa le bras, le serrant.

- Elle était là-bas, j'en suis sûr, la laisse pas partir.

Il avait un peu de mal à s'exprimer, il était tellement prit dans l'instant, voyant la femme qui commençait à s'en aller, qu'il avait avait du mal à être clair. Il n'en avait pas finit avec elle ! Il serrait violemment son bras, le fixant comme si ses yeux allaient sortir de son crâne.

-C'est pas une psychologue, elle fait partie de cette merde, crois-moi !

Il disait ça alors qu'il n'avait pas de grosses preuves. Mais il en était sûr, c'était maintenant logique dans son esprit. Et elle ne s'était pas défendue contre. Mais il est vrai que ça devait être difficile de croire un IRS qui semblait en crise et qui a, pour le moment, une tête de fou alliée.

Will avait du mal à suivre tout ce qu'il se passait. Il était spontané et n'avait à vrai dire aucune idée de ce qu'il comptait faire par la suite. Le faux albinos avait commencé en agressant la femme. Mais après s'être ainsi fait bloquer, tout avait un peu redescendu. Il ne se rendait pas trop compte des possibles conséquences, de ce que ça pouvait faire à Chris. Il n'en avait absolument pas conscience et voulait juste profiter de sa colère et l'exploiter ainsi.

Quand il fixa Chris, il comprit que le message était passé et il fut bientôt à nouveau libre de ses mouvements. Il l'observa plusieurs secondes, haletant un peu. Et maintenant ...? Il jeta un oeil à la femme. Il sentait toujours cette rage un peu gronder en lui. Mais elle était vaguement moins forte. Et il trouvait ça dommage. Il aurait voulu en profiter un peu plus. Il supposait que maintenant elle pouvait s'en aller ? Il n'en savait rien et n'avait aucune idée de ce qu'il devait faire. Cette femme ne pourra jamais lui rendre son entièreté. Will était persuadé d'être destiné à vivre cette vie de frustration et avait abandonné l'idée qu'en jouant le jeu du psychologue, il pourrait se soigner. La chemin qu'il prenait après l'université était celui d'un hôpital psychiatrique. Il l'avait accepté car il ne se sentait pas de s'occuper de lui-même.


Un bruit le fit sursauter. Il vit Chris balancer une chaise dans le dos de la femme. Le faux albinos resta bête une belle paire de seconde. La violence l'avait d'un coup réveillé et il faut dire qu'il ne s'y attendait pas vraiment pour le coup. Il fixa son camarade en clignant des yeux. Il semblait différent, loin de la bienveillance qu'il avait faire preuve face à lui. Il en voulait à cette femme aussi ? C'est pour ça qu'il avait ainsi agit ?

Le jeune homme s'avança doucement en regardant le corps étendu de la femme puis tourna son regard vers ses yeux quand il ajouta qu'il y avait "un certain nombre de problèmes à régler.". Will fronça un peu les sourcils en tentant de comprendre. Bon, cette histoire de service après vente était rageante et humiliante mais cela ne changeait rien à ce qu'il s'était passé.

- On a qu'à larguer son corps plus loin

Il avait dit ça sans grande conviction, ne comprenant pas vraiment où était le danger. Il s'agenouilla et fouilla un peu ses poches par reflex. Il y avait peut-être des choses sympas alors que la femme tentait de faiblement l'en empêcher. Il sortit un téléphone et le regarda plusieurs secondes. Will soupira en serrant l’appareil de ses mains et le posa plus loin. Il observa la femme puis s'assit sur elle, à califourchon sur son corps pour avoir un contact direct avec son regard.

- Je veux que vous me rendiez mes émotions

Ne savait-on jamais...Cela était peut-être possible ? De son point de vu, c'était comme si une machine lui avait tout prit. ll y avait peut-être un traitement pour stimuler tout ça ? La femme ne savait visiblement pas trop quoi répondre, comme si c'était impossible, ou qu'elle n'était pas au courant. Voir qu'elle avait tout simplement trop peur pour réagir. Will la regardait alors. Il n'avait jamais espéré retrouver tout ça, ayant un peu abandonné. Mais avec du recul, il aimerait aller mieux. Il avait beau faire le pitre, il souffrait beaucoup de cette frustration.

- Je ne vois pas....Je peux...Vous proposer de vous...Examiner là-bas.

Elle tentait. Will l'observa, il n'aimait pas trop le sens que pouvait avoir le terme "là-bas". Il ne dit rien pendant un moment, il réfléchissait sans prendre un compte la présence de Chris. Serait-ce une si mauvaise idée ? Au pire, il deviendra un légume et il n'aura plus conscience du reste. En soit, le faux albinos n'avait plus de valeurs en tant que cobaye. Du moins, c'est qu'il imaginait. Il se mordit l'interieur de la joue plusieurs secondes.

Il était curieux, ce n'était pas de sa faute. Il avait souvent eu cette tendance à penser que rien n'était de sa faute et il attendait depuis longtemps qu'on lui dise qu'il y avait un remède tout fait pour ses maux autre que la communication. Alors, en regardant cette dame, qu'il voyait comme une scientifique, lui expliquer qu'ils pouvaient toujours l'examiner, il était curieux, il devait bien l'avouer. De toute façon, il ne manquerait probablement à personne, il n'avait pas spécialement d'amis, la seule fille qu'il avait aimé s'était cassée du jour au lendemain et il n'était qu'un foutu clown de classe un peu dérangé.

En voyant Chris revenir, il se décala, n'ayant pas eu le temps de répondre à l'usurpatrice. De toute façon, il ne savait pas si Chris allait laisser cette femme partir avec le faux albinos comme ça, comme si de rien n'était. Il avait remarqué que son aîné se la jouait un peu protecteur avec lui. Ce qui était à double tranchant pour le garçon. D'un côté, il avait l'impression d'être plus restreint de conneries à ses côtés. De l'autre, c'était étrange mais agréable. Il ne connaissait pas la raison de l'étudiant de faire ça, et il ne cherchait pas à la savoir aussi, mais il avait l'impression d'être apprécié pour de vrai et plus vu seulement pour ses conneries.

Il le regarda plaquer la femme contre le mur. Il se redressa, il n'était pas sûr d'avoir finalement envie de rentrer dans une scène d'interrogatoire à la sauce film policier. Il était en rage tout à l'heure, et il était toujours en colère mais il ne voulait pas non plus s'inclure dans ce genre d'histoires si ça ne lui était pas profitable. Comme par exemple être soigné. Et puis il n'aimait pas trop voir Chris en colère. Ce qui était ironique parce que lui même aurait pu lui éclater le crâne il y a quelques minutes.

Il se mit alors à le suivre, quand même trop curieux puis arriva jusqu'à la piscine où ils s'étaient cachés la dernière fois. Il fit une moue en regardant tout autour de lui. Il observa l'eau, sachant que le chlore ne possédait aucune odeur, ça le fit sourire en sachant le nombre de personnes qui avaient dû uriner dans ce bassin. Will se tourna alors vers la femme quand il entendit un petit cri quand elle fut jeté au sol. Il n'était pas non plus compatissant, il voulait juste éviter de se faire chopper. Il s'approcha alors d'elle et s'assit au sol, se foutant de l'eau qui y traînait. Il regarda la dame puis marmonna:

- Comment ils pourraient m'aider ?

Il s'en fichait un peu au fond que Chris entende, de toute façon, il n'allait pas pouvoir le séquestrer. S'il voulait y aller, il irait. La femme releva la tête, elle n'en savait certainement rien du tout, mais si quelqu'un pouvait être de son côté et si elle pouvait ramener un ancien cobaye, ce serait le jackpot malgré la situation.

- De...De simple examen, j'suis sûr que c'est pas grand chose vous savez... Vous pourriez être soigné

Will n'était pas non plus un être complètement crédule. Mais dans son esprit, il n'avait pas d'autres choix, son état était médical selon lui, pas psychologique. Et vu que la médecine légale n'avait rien réussi et qu'il se voyait mal finir sa vie à être vu comme le vieux fou du village...

Il jeta un oeil à Chris, Will ne parla pas plus que ça. Il pouvait toujours trouver l'adresse non ? Avec quelques recherches. Il ne savait pas si c'était aussi simple que ça cependant.

Il ne savait pas s'il pouvait être guérit et au fond, il le voulait. Ce n'était pas un secret pour Chris mais ça l'était pour pas mal de monde: le faux albinos souffrait beaucoup de son insensibilité et même s'il disait le contraire, il voulait devenir comme les autres. Ne pas se sentir constamment vide et à la recherche de sensations fortes pour faire passer le tout. Mais Will ne faisait pas d'efforts, au fond il avait laissé tomber avant même qu'il ne se dise qu'il voulait que ça change. Il regarda alors la femme pendant que son camarade criait qu'elle mentait. Il n'aimait pas comment se déroulait la scène, c'était violent. Mais c'était une violence différente de celle de provoquer trois cons dans la rue. Non, tout semblait beaucoup plus grave et sérieux. Cela le mettait mal à l'aise, comme s'il avait perdu le contrôle de quelque chose. Après tout...Il n'avait pas beaucoup de souvenirs de son enfance là bas...Il était jeune et il n'en gardait pas une haine profonde. La vraie haine était plutôt dans ce qu'il avait perdu, pas dans ce qu'il avait vécu.

Il resta sans bouger quand il la plongea dans l'eau pour la torturer. Il ne savait ni ce qui était bien de faire, ni ce qu'il devait faire. Il se leva alors pour aller verrouiller la salle, un peu perdu. Il revint mais resta à quelques mètres de la scène, il commençait à vouloir s'en détacher un peu. Lui il était qu'un gosse aux soucis psychologiques aimant baiser et fumer des joins... Ce genre de chose n'était pas dans son planning.

Il s'accroupit en regardant le carrelage tout en écoutant, il se doutait qu'elle était venue pour lui, après tout elle s'était légèrement incrustée dans l'école pour se faire passer pour une psychologue. Il se demandait ce qu'il foutait là. Il voulait juste entendre la réponse de la dame à propos de son état de santé puis partir, il ne voulait pas se rapprocher de cette situation, il n'était pas un psychopathe, il voulait torturer personne, juste redoubler son année, continuer d'être à Indare où des gens s'occupent un minimum de lui et faire ça aussi longtemps qu'il le pourra. Puis certainement aller dans un sorte de centre pour "personnes pas socialement apte  à la vie en société" jusqu'à sa mort.

Il ferma les yeux quand il la replongea dans l'eau puis leva la tête;

- Tu veux pas arrêter de faire ça ?

Son ton était étrangement neutre. Il ne ressentait pas spécifiquement de la pitié pour cette femme. Mais il vivait un manque de contrôle sur la situation qui ne lui plaisait pas vraiment. Il détourna alors le regard.

Son attention revint alors quand il posa la question sur l'état du garçon. La femme reprenait son souffle, la tête trempée. Elle avait visiblement peur, peut-être était-ce la première fois qu'elle subissait les conséquences de ce qu'elle avait crée ? Son regard vacillait dans toute la pièce, elle voulait s'en aller, retrouver probablement une famille qu'elle avait. Elle comprenait qu'elle s'était foutue dans une sacrée merde. Will attendit sa réponse alors que leurs regards se croisèrent. Visiblement elle hésitait, elle ne voulait pas avoir à nouveau la tête plongée dans l'eau et avoir l'impression que la fin était proche. La troisième fois pourrait être la dernière qui sait. Elle toussa un peu, ayant avalé la tasse.

- On lui a fait ce qu'on a fait à pleins de gosses. Écoutez ! Certaines choses sont nécessaires pour faire avancer la science, et les cas comme Will on pu nous en apprendre plus sur la santé enfantine et la psychologie des jeunes enfants. Des choses très précises qu'on aurait jamais pu avoir sans ces sacrifices !

Elle fixa Will quelques secondes.

- C'est graces à ce genre de recherches que des milliers de gamins vont être sauvé dans le futur !

L'albinos se mordilla la lèvre, il commençait à s'énerver à nouveau. Il s'en foutait des autres gamins de ce monde. Il n'en avait véritablement rien à faire des autres. Il ne voulait pas souffrir pour les autres. Il ne savait pas si c'était égoïste ou pas, mais il n'avait envie d'être le jouet d'un groupe.

- quant à l'état de Will... C'est pas médicale, du moins je ne le pense pas

Le second se redressa. Comment ça ? Non, il y avait quelque chose de cassé en lui et c'était à cause des docteurs incompétents qu'il n'arrivait pas à vivre convenablement !

- C'est probablement traumatique.

Non ! Ce n'était pas de sa faute à lui ! Il ne pouvait pas changer son état de lui même ! C'était médicale. Purement médicale. Il se leva;

- C'est faux !

La femme voulu avoir une geste de recul mais était toujours bloquée.

- Le dernier rapport sur vous n'avait montré aucun soucis de santé important. Mais on a pleins de recherches sur les traumatismes ! Je suis sûr qu'on peut vous aider !

Il secoua la tête. Il n'avait aucun pouvoir sur tout ça, il ne pouvait rien y faire. Un traumatisme suggérait que s'il voulait changer...Il allait devoir faire un travail sur lui même.

Il refusait, il ne pouvait rien faire à son état et c'était ainsi depuis qu'il était rentré en famille d’accueil. Il avait un problème médical et il ne pouvait juste pas agir là-dessus. C'est ce qu'il voulait croire. Surtout parce qu'il refusait que ce qu'il avait vécu l'ai véritablement affecté émotionnellement parlant. Il ne se souvenait même pas s'il s'était déjà sentit triste en y pensant. Tout étant un peu flou, comme un rêve. Quelles personnes se souviennent aussi précisément de leurs enfances ? La dame en face de lui ne lui disait rien, pas de visage familier, c'était seulement par déduction qu'il en était arrivé à cette conclusion. Il croisa les bras et regarda le sol, se fermant à cette possibilité qui venait renverser toute la façon dont il vivait jusqu'à présent.

Et si c'était vrai ? Il n'avait aucune envie de faire un travail sur lui comme n'importe lequel de ces élèves stupides. Changer, et même si son état était souvent une souffrance, était beaucoup trop terrifiant. Et puis l'effort était chiant. Bref, un mélange de peur, de flemme et de fatalité l'animait. Surtout quand ça faisait des années qu'il se disait que tout ça n'évoluera probablement jamais. L'espoir qu'il pouvait voir devenait une plaie.

- Existe t'il des dossiers sur les gosses comme Will, de l'époque où il était testé ? Qu'on puisse comprendre par quoi il est passé ? Quelles expériences il a subies ? Ce qui lui est arrivé, précisément ?

Quand il entendit Chris parler, il releva la tête. Qu'est-ce qu'il foutait là déjà ? Pourquoi est-ce qu'il restait là ? Il n'avait rien avoir avec tout ça. Enfin si, mais il ne voulait plus être concerné par cette situation. Il n'était pas dans une école de fous pour vivre la même expérience que les scènes d'interrogatoire de la CIA.

La femme continuait à être terrifiée. Elle avait du mal à chercher ses mots et en même temps, elle savait qu'elle ne devait pas traîner sous peine de se retrouver à nouveau la tête dans l'eau chlorée. Elle toussa un peu, hésitante, cherchant une formulation pour en dire sans non plus trop en dire. Si elle sortait vivante de tout ça, son métier était déjà foutu de toute façon.

- Oui... Une grosse partie des dossiers ont été brûlée dans l’incendie lors de l'accident.

Will avait une vague idée de ce dont elle parlait. Il se souvenait avoir été proche des flammes. Bien trop proche. Et d'avoir était laissé là tandis que les employés sauvaient les enfants les plus utilisables. Il n'était qu'un enfant. Déjà à l'époque, il avait été jugé comme brisé psychologiquement et ne réagissait plus normalement aux expériences. Il n'était donc pas une priorité. Il s'en était sortit de justesse.

- Quand...On est retourné sur les lieux, on a pu en récupérer quelques uns, mais pas celui de Will

Le garçon baissa les yeux, penser à cette scène lui apporta un profond sentiment de solitude. Comme si sa vie ne valait vraiment rien.

- Ce n'était pas sur des serveurs ? Dit-il
- Beaucoup on brûlé et je n'ai pas accès aux dossiers transférés. On m'a juste donné une mission, une fiche très brève de Will et rien d'autre.

Elle voulait se défendre, leur prouver qu'elle ne pouvait rien leur apporter car elle n'était qu'un pion dans ce foutu échiquier

-Laissez moi m'en aller, j'ai des gosses....Tenta-t-elle pour apporter de la pitié.

Will avait du mal à se concentrer. Il venait de se prendre une possible remise en question de plein fouet. Et ça ne lui plaisait pas du tout. Non, pas du tout. Il regardait donc en face de lui, tentant de réfléchir tandis que la situation n'était pas du tout adaptée à cela. Il ferma les yeux avant de les ouvrir subitement à nouveau en entendant la voix de Chris. La femme n'avait plus la tête sous l'eau alors il se disait qu'ils allaient peut-être la laisser s'en aller. Ce qu'il voulait finalement. Il ne voyait plus l'intérêt de continuer cette scène et en fait, ne l'avait jamais voulu. Lui avait seulement eu envie de déverser un peu de sa haine sur quelqu'un d'autre, pas de noyer une femme.

Et il n'avait pas l'esprit aussi tordu pour passer à ce que Chris comptait faire.

Mais quand il lui ordonna de se barrer, il prit peur. Il comptait faire quoi ? Il ne voulait pas être mêlé à ça. Il fixa Chris en se levant doucement. Il devait dire quelque chose. Pas qu'il avait une éthique ou autre mais que ça lui cassait les couilles d'être témoin et complice d'un possible meurtre. Il n'était pas dans cette école pour tuerie ou agression. Le seul danger qu'il représentait était pour lui même et il ne voulait pas DU TOUT finir en prison. Il se mordit la lèvre et marmonna:

- Me fous pas dans la merde Chris, laisse là en vie...

Mais bon, pour qu'il lui demande de partir, c'est qu'il n'y avait pas trop de doutes sur ses intentions. Il détourna alors regard et soupira doucement avant de quitter la piscine. Il se demandait déjà si ses empruntes étaient sur le corps de la femme. Il l'avait plaqué au sol...Mais l'eau retirait-elle ce genre de choses ? A vrai dire...Ce serait bizarre s'il avait la réponse.

Il sortit et retrouva le soleil. Il se posa contre le mur. Il ferait mieux de se barrer, il n'était pas dans son assiette. Il cru entendre crier, il ferma les yeux et alluma nerveusement un joins qu'il avait déjà roulé ce matin. Il avait le besoins presque frénétique de se détendre.
Il n'aurait rien du dire à Chris...Ce gars était plus dérangé que Will. Will avait au moins des limites. Pourquoi n'état-il pas interné comme lui et d'autres ?

Il ferma les yeux, il ne savait pas pourquoi il ne bougeait pas. Peut-être pour prouver à Chris qu'il n'allait pas le dénoncer. Si celui ci sortait et qu'il ne voyait plus Will, il pourrait penser qu'il avait prit la fuite pour tout raconter non ? Il n'avait pas envie de se faire trancher la gorge dans un coin de l'école.

Il ignora de son mieux les cris puis ressentis le silence comme gong plus lourd qu'une libération. Il vit Chris sortir et tourna sa tête vers lui tandis qu'il aspirait la fumée de son joins vivement.

- Écoute, je t'ai pas demandé de faire ça... Je veux plus rien avoir à faire avec cette histoire et je veux pas fuir comme un fugitif. Je vais retourner à ma chambre.

Il le fixa, il avait l'air sérieux mais n'était pas du tout à l'aise au fond.

- Si j'ai des soucis par ta faute, je te tomberais dessus...T'en as trop fait.

Ou alors, il n'aurait pas dû l'impliquer. Il aurait dû demander à Will de partir bien avant la piscine. Il aurait très bien pu l'interroger tout seul et faire comme s'il l'avait laissé partir. Il n'aurait pas été complice. D'ailleurs, Will se pensait complice de rien du tout et était dans le déni. Il ne voulait pas qu'un nouvel épisode de sa vie le perturbe.

Will était probablement nerveux, dépité, perdu. Il semblait être un gamin à problèmes. Mais ce n'était pas dans CE genre de problèmes qu'il avait l'habitude de créer. Non, là c'était un niveau beaucoup plus haut. Et s'il se souvenait bien du principe, il était devenu un complice de meurtre. Bien qu'il pouvait faire croire qu'il ne savait pas ce qu'il comptait lui faire. Il était capable de mentir, il était hors de question qu'il tombe à cause de ça. Lui à la base, il avait juste besoins de se défouler sur quelqu'un. Il comptait la laisser partir à la fin, qu'importe si elle a récolté des infos, grand bien lui fasse.

Mais là, on parlait d'un meurtre. Et d'un gars, un peu plus vieux que lui, qui venait de la noyer sans probablement aucune compassion vu son regard froid.

Quand il le vit sortir, il remarqua sa nervosité. Mais ça ne le toucha pas vraiment. Il voulait juste s'éloigner de cette situation au plus vite avant que ça ne lui tombe sur la gueule. Qu'on ne lui parle pas de solidarité pour un meurtre. Ce gars est plus tordu que le faux albinos.

Quand il sentit une main sur son épaule, il recula rapidement, il n'avait aucune envie de se faire toucher maintenant. Ce qui était rare en passant. Il fronça les sourcils, bien plus sérieux qu'à son habitude.

Il commença alors à lui dire qu'il n'avait pas fait ça pour lui mais que l'organisation, ou il ne sait quoi, le traquait. Le petit le fixa. Il resta d'ailleurs silencieux durant toute la durée de son explication. Il n'était pas convaincu, ça lui paraissait stupide. Pourquoi elle serait rentrée dans la piscine si elle surveillait Will ? Surtout que ça ne correspondait pas à son emploi du temps. Son organisation n'allait pas se douter que c'était bizarre qu'elle soit morte en ayant une mission, dans l'école même de Will ? Et s'il pensait que c'était le garçon qui l'avait tué ?

- Donc elle serait rentrée sans raison dans la piscine alors que c'était l'heure de mon rendez vous et que je n'ai pas du tout sport aujourd'hui pour se cogner ? C'est ridicule ! Tu crois qu'ils vont pensées quoi ? Qu'elle est morte comme par hasard en mission ? Ils vont forcément penser à quelque chose de louche !

Il frotta ses yeux. Quelqu'un l'avait-il déjà vu en colère ? Probablement pas, il passait normalement son temps à sourire que la situation le demande ou pas.

- Et pourquoi m'avoir demandé de t'accompagner jusqu'à la piscine ? Tu pouvais pas m'épargner tout ça ? J'suis quoi moi ? Un complice du coup ?

Au même moment, un cri de femme retentit de l’intérieur du bâtiment. Le timing avait été visiblement serré. C'était probablement un agent d'entretient. Will tourna la tête.

- Merde on doit pas rester ici

Il regarda alors Chris

- Je vais à mon dortoir, je dirais rien, mais t'as plus intérêt de me mettre dans ce genre de merdes

Il n'allait pas le réconforter quand même, il venait possiblement de le rendre complice de meurtre ou de faire croire à cette organisation que cette mort est suspecte. Surtout pour une mort aussi stupide, ils allaient forcément penser que quelque chose n'allait pas.

Il ne lui laissa pas le temps de répondre qu'il se mit à courir avant d'arrêter plus tard pour ne pas paraître suspect. Il espérait qu'aucun élève ne les ai vu dans les parages. Et si c'était le cas, il ne dira rien à Chris. Sinon il aura peut-être deux cadavres sur les bras.