Surprise générale ! [PV Cassy Andrews]

Mathieu soupira en jouant mollement avec sa paille dans son verre qui contenait un cocktail noir insipide et, bien entendu, sans alcool. Cette année, il n’avait pas réussi à faire passer une bouteille au bal de fin d’année, et il s’était fait retirer son précieux bien à l’entrée, ce qui avait provoqué les gloussements de Justine. Pas non plus de partie de jambes en l’air impromptue avec une inconnue peu farouche cette année, et de toute façon il ne voulait pas être infidèle.

Pas infidèle envers Justine, cependant. Les deux français s’étaient lentement mais sûrement approchée, le look un peu décalé de Mathieu (notamment ses cheveux mauves) ainsi que son régime alimentaire végan avaient attiré l’adolescente vers lui et une amitié s’était lentement créée. Pas une amitié très forte, mais une amitié quand même. Mathieu la trouvait assez superficielle, passant d’une tendance à une autre. Ils pouvaient néanmoins communiquer en français entre eux, ce qui faisait un bien fou à un Mathieu assez solitaire. Néanmoins, la française s’était faite de plus en plus collante, voyant peut-être le garçon comme un modèle pour l’environnement, le bien-être animal,etc… Pourtant, lui même n’avait fait que suivre la mode, pour se différencier. Et puis, surtout, malgré un charme indéniable, ses gloussements à répétition avaient le don d’exaspérer Mathieu.

Il avait d’abord haussé un sourcil, circonspect, lorsqu’elle était venue lui demander d’être son cavalier pour le bal de promo. « En toute amitié bien sûr hein, vas pas t’imaginer des choses hein, haha ». Son rire avait sonné faux, mais peut-être s’était-il trompé. Toujours est-il qu’il avait accepté, par respect pour l’une de ses seules amies à Indarë, et aussi pour tromper l’ennui. Il lui avait pourtant précisé qu’il ne rentrerait pas tard, il savait déjà que l’ambiance n’allait pas être celle qu’il recherchait. En retour, Justine l’avait poussé à être présentable et à quitter ses traditionnels t-shirts pour un costume flambant neuf.  

Tenue de Mathieu:

Il avait d’abord tenté d’esquiver cette condition, mais avait renoncé en voyant le regard de la jeune femme se ternir et s’emplir de tristesse.

« Bon, c’est bien parce que c’est toi et que c’est la fin de l’année, hein... »

Et le voilà donc, sirotant son cocktail les yeux dans le vide, observant des élèves dansant mollement sur la piste de danse. Il devait être quelque chose comme 23h30, tout au plus. Il s’était mis d’accord avec Justine pour rentrer aux alentours de 1h du matin, ce qui était relativement tôt pour lui. Mais là, il s’ennuyait déjà et regrettait d’avoir convenu un horaire si tardif. Il écoutait d’une oreille presque distraite son amie, et lui répondait vaguement. Il n’était pas d’humeur et cela se voyait, mais elle semblait heureuse de pouvoir discuter avec lui d’autre chose que des cours. Mathieu ressentait, lui, un petit élan de nostalgie. Un an et demi de sa vie passés ici, et ça y est, c’était fini. L’internat, les IRS, le couvre-feu,… Tout cela allait se terminer, et une nouvelle vie allait pouvoir commencer. Il n’avait aucune idée d’où celle-ci allait l’amener, d’autant plus que le facteur « Cassy Andrews » compliquait les choses. Enfin, compliquait… Disons que sa vie n’allait certainement pas être celle d’un étudiant normal. Il hésitait encore sur son inscription à l’Université, mais il comptait rester à Londres. « La qualité de l’enseignement est meilleure qu’en France ! » avait-il dit à ses parents. En fait, il voulait simplement éviter de s’éloigner de sa petite amie. Il soupira, sortant de ses pensées sur son futur.

« … et leurs cocktails sont super originaux tu trouves pas ? En plus y a rien d’animal dedans, c’est génial qu’ils y pensent ! Notre cause progresse dans les esprits des gens ! » déclara Justine d’un ton enjoué.

« Ouais, enfin tu sais, ça sert à rien de soûler les gens avec ça, ça va pas les convertir... »

Justine fronça les sourcils, apparemment vexée par la réponse. Elle croisa les bras et se pencha en arrière :

« Pfff… J’sais pas ce que t’as ce soir… Tu m’avais dit que tu serais mon cavalier. Bah bonjour la tête du cavalier. Nan mais regarde toi, t’as l’air tout triste. Tu t’emmerdes avec moi ? »

Mathieu se sentit coupable de faire ainsi de la peine à la française, et il tenta de se ressaisir. Il trinqua contre le verre de Justine posé sur la table et lui adressa un sourire légèrement forcé :

« Non, c’est juste que ces British savent pas faire de cocktails, haha. Mais je m’emmerde pas avec toi, sinon je ne serais pas venu. J’étais pensif, c’est tout. Tu sais, c’est la fin de l’année, et j’sais pas trop c’que je veux faire après… Mais bon, c’est pas le jour pour en parler. Que puis-je faire pour laver l’affront fait à Votre Altesse ? »

Il avait surjoué les derniers mots de sa phrase et s’était lancé dans une révérence un peu exagérée qui fit ricaner Justine une fois de plus. Celle-ci porta son index à sa bouche et prit un air pensif. Après quelques secondes, ses yeux brillèrent et elle reprit un air jovial, quoi qu’un peu timide :

« Je sais ! Tu est habillé comme un gentleman, tu pourrais me faire danser, dis ! Roh allez fais pas cette tête, tu m’as demandé comment te faire pardonner d’avoir eu la tête ailleurs, faut assumer maintenant, Monsieur Dorin ! »

Elle se leva alors et prit la main de Mathieu, comme pour le forcer à se lever. Celui-ci fit de la résistance et resta vissé sur son siège.

« Non, pas maintenant, la musique est nulle… C’est pas mon genre de musique, c’est plus une musique pour les slows ça... »

Et soudain, il comprit. Interloqués, ils se regardèrent dans le blanc des yeux. Justine cherchant une quelconque réponse à ce signal qu’elle lui avait envoyé, Mathieu cherchant à savoir si elle était bien en train de lui faire des avances, et, le cas échéant, comment lui dire non sans trop la froisser. Et pendant ce laps de temps, Justine tenait toujours la main du jeune homme.

Mathieu resta quelques secondes le regard plongé dans celui de Justine. Ses yeux brillaient d’une lueur qu’il n’avait jamais vu jusqu’alors. Ou alors l’avait-il tout simplement ignorée pendant tout ce temps ? Le temps resta comme suspendu, et un léger tremblement vint se balader dans le haut du dos du garçon. Mais pas le genre de tremblements qu’il avait lorsqu’il était avec Cassy, ici, c’était plutôt un sentiment de gêne, presque de honte. Honte de ne pas avoir vu plus clairement dans son jeu, honte de ne pas avoir pu mettre des barrières à temps. Maintenant, il se trouvait dans une situation délicate, de laquelle il savait qu’il allait devoir s’extirper en faisant du mal à son amie. Il voulait lui faire le moins de mal possible, mais comment faire ?

Après un silence hors du temps, la voix de Justine reprit le pas :

« Et… Et donc ? T-Tu ne veux pas venir danser avec moi c’est ça ? Si tu savais à quel point ça m’aurait fait plaisir que tu m’accordes cette danse... »

La culpabilité de Mathieu prit le dessus. Il ne savait pas où cela allait s’arrêter. Enfin si, il savait quelle ligne rouge ne surtout pas dépasser. Mais elle, le savait-elle… Personne n’était au courant de sa relation avec l’actrice, elle devait le penser célibataire, voire même intéressé par elle, puisqu’ils passaient parfois de bons moments ensemble. Même s’il la trouvait très mignonne, Mathieu savait qu’il ne pourrait pas se sortir son idole de la tête. Et il ne le voulait pas, dans tous les cas. Alors il se mordit la lèvre, et se prépara à se lever, retardant l’échéance, le moment fatidique où il aurait à dire franchement « Stop. » à son amie.

Alors que Justine pensait enfin avoir fait changer d’avis le français et qu’elle tirait sur son bras pour le lever, un brouhaha de murmures passa comme une onde de choc à travers l’auditorium d’Indarë. Mathieu, qui conversait avec son amie en français, eut du mal à comprendre des bribes de conversation en anglais qui fusaient dans la salle. Mais il reconnut le nom de Cassy Andrews. Il arrêta immédiatement son geste, et tourna le visage vers l’épicentre de cette apparition qui venait troubler la soirée. Entre deux épaules de fans qui se pressaient vers elle pour lui parler ou lui demander des photos, Mathieu croisa son regard d’émeraude pendant une seconde, peut-être deux. Il resta figé, alors qu’elle discutait avec ses fans. Il resta figé aussi lorsqu’elle fendit la foule pour venir le contourner, presque comme si elle souhaitait l’éviter.

Mathieu continua de la fixer, bouche bée. Elle était superbe, dans sa robe de soirée noire, d’une élégance incroyable. Il la vit s’éloigner vers le bar à cocktail et il se leva pour aller l’interpeller lorsqu’il fut ramené en arrière par le bras. Il se retourna, pour voir une Justine furieuse :

« Ah donc pour elle tu baves et tu te lèves mais moi j’ai pas le droit à une danse ? Eh, oh, Math, elle va pas te calculer hein, elle a autre chose à faire ! »

Mathieu balaya la française de haut en bas puis de bas en haut, pour finalement venir planter un regard assez froid dans celui de Justine. Les lèvres pincées, il déclara :

« Je… Tu m’excuses, je vais juste demander un… autographe, et je reviens. »

« Mais, et la politesse ? C’est moi ta cavalière ! Eh oh ! »

Il était parvenu à détacher sa main de celle de Justine, et il se dirigeait maintenant à grands pas vers la petite troupe qui avait suivi Cassy. Rapidement, elle se dispersait, une fois la photo prise, pour la diffuser sur les réseaux ou en discuter avec des amis. Beaucoup étaient trop impressionnés pour aller réellement discuter avec elle. Mathieu vint se placer à côté de Cassy, et attrapa un verre rempli d’un cocktail blanc qui traînait sur le comptoir. Il n’avait aucune idée de ce qu’il il y avait dedans, mais qui ne tente rien n’a rien. Puis, il vint se placer directement face à l’actrice, à une cinquantaine de centimètres d’elle :

« Cassy, qu’est-ce que tu fais là, je croyais que tu travaillais ce soir ? Et pourquoi tu es venue… comme ça ? J’veux dire, je critique pas ta tenue, tu es magnifique, mais sans maquillage, sans perruque et… Enfin, tu es venue seule ? »

Il laissa passer une jeune fan qui voulait prendre une photo, et jeta un regard à Justine qui le fixait d’un œil mauvais les bras croisés. Il haussa les épaules et se retourna à nouveau vers Cassy :

« Et du coup on est censé agir comme des amis ou… ? »

Ce « ou… ? » laissait le choix à la jeune femme. Elle pouvait tout aussi bien l’embrasser que lui demander qui il était et pourquoi il lui parlait. Après tout, elle était actrice. Mais Mathieu souhaitait à tous prix éviter qu’elle se fasse de fausses idées.

Apparemment, c’était raté, et Cassy semblait penser qu’il y avait quelque chose entre les deux français. Les yeux de Mathieu roulèrent dans ses orbites, et il chercha une façon d’expliquer clairement la situation. Tandis qu’il cherchait ses mots en anglais, puisque son cerveau fonctionnait en français depuis le début de la soirée, il vit Cassy avaler le fond de son verre et s’en aller, sans répondre à toutes ses questions. Il la suivit du regard, désemparé, mais ne la retint pas. Elle semblait vexée, remarqua-t-il. Il la vit prendre son téléphone, et il vit ses lèvres bouger, signe qu’elle était en train de prendre une vidéo. Sûrement pour ses réseaux sociaux. Il prit son propre portable et alla chercher sur Twitter, mais il ne vit rien. Alors qu’il allait ouvrir Instagram, il ressentit une présence derrière lui qui lui attrapa le bras :

« Ça y est, Monsieur est content, il a vu sa star ? Le DJ a arrêté les slows maintenant, c’est dommage. Eh oh, arrête de la mâter, sérieusement, ça te donne un air bizarre. Elle a pas voulu faire de photo avec toi c’est ça ? »

Mathieu se contenta de coller le haut parleur de son téléphone à son oreille, et il entendit le message de la vidéo de Cassy. Un air triste vint alourdir son visage. Il avait envie d’envoyer balader son amie, mais il avait tout de même quelques restes de savoir vivre. Il préféra rester vague avec Justine :

« Disons que… que je m’attendais pas à la voir ici, maintenant… »

« Mais ça doit être un coup de pub de la direction, ils ont dû la faire venir pour promouvoir l’école. En attendant, c’est la dernière soirée de l’année, alors tu vas me remettre un joli sourire sur ton visage mon p’tit Mathou, okay ? »

Elle joignit le geste à la parole en posant ses doigts sur les fossettes du jeune homme en le faisant sourire. A la seconde où elle retira ses doigts cependant, sa mine redevint grave. Exaspérée, Justine soupira et l’entraîna avec elle :

« Écoute, c’est pas un slow, mais on va pas laisser ça gâcher notre soirée, hein ? »

Elle avait insisté sur le « notre », mais Mathieu n’avait pas relevé. Il continuait de regarder vaguement l’actrice, dont la tête dépassait parfois entre les danseurs. Il se laissa emporter mollement, et débarqua sur la piste. Il serra les dents et secoua la tête. Il ne savait pas vraiment s'il pouvait l’approcher comme si de rien n’était. Alors il se mit à danser lui aussi, chose qu’il faisait habituellement en boîte de nuit. La musique était correcte, tout au plus, mais il avait une sorte de rage à évacuer. La rage d’être pris pour quelqu’un qu’il n’était pas, et de ne pas pouvoir y faire grand-chose. Pourtant, il profita d’une petite bousculade d’un groupe de jeunes qui traversa la piste entre Justine et lui pour s’éloigner un peu de la française en direction de Cassy. Sans vraiment en avoir conscience d’ailleurs. Mais il se sentait victime d’un quiproquo, d’une injustice à son égard.

Finalement, après quelques minutes de dérive solitaire dans cette foule suante et bruyante, il sentit quelque chose heurter son dos. Une personne à côté de lui lui cria de faire attention à la star, il lui adressa un regard noir. Puis il se tourna vers Cassy en s’excusant, mais elle le coupa et prit la parole en lui parlant à l’oreille pour couvrir la musique.

Mathieu resta stupéfait des déclarations de Cassy. Il était choqué qu’elle ait pu penser ça de lui. Lui qui, pour la première fois de sa vie, s’était dévoilé sincèrement à quelqu’un, se voyait bafoué. La jeune femme se remit ensuite à danser, laissant un Mathieu ébahi sur place.

Il serra les dents et les poings. Même s’il n’était pas quelqu’un d’orgueilleux, il se sentait attaqué dans son honneur. Lui, fricoter avec quelqu’un d’autre ? Alors qu’il avait dû « batailler », d’une certaine manière, avec un tueur en série et un acteur au charisme incroyable pour pouvoir être le seul et unique détenteur du titre de « petit ami » de Cassy ? Fait assez rare, Mathieu s’enfonça à son tour dans la foule des danseurs et repéra aisément la jeune femme. Il lui prit gentiment le bras, puis l’attira hors du brouhaha, un peu à l’écart, sous l’œil un peu curieux des élèves autour. Ils n’étaient pas très loin du groupe de danseurs, mais suffisamment pour s’entendre et se parler. Il posa ensuite les mains sur les épaules de Cassy, et accrocha un regard étonnement sérieux dans les yeux émeraudes de l’actrice :

« Cassy Andrews. Je veux que tu te sortes de la tête tout ce que tu as pu t’imaginer. C’est cliché de dire ça mais c’est ABSOLUMENT PAS ce que tu crois. Mais alors, vraiment vraiment pas. Pourquoi j’aurais dû te prévenir que tu n’étais pas la seule si c’est faux ? C’est… J’ai ouvert mon cœur à une seule personne sur cette putain de planète, et c’est à toi, et à personne d’autre. Cette fille, c’est Justine. C’est une de mes seules amies ici, une des seules françaises. Elle m’a demandé de l’accompagner parce qu’elle n’avait pas trouvé de cavalier. Moi je voulais pas la suivre, à la base. Mais elle me faisait de la peine, alors j’ai dit oui. Et puis elle m’a demandé d’aller danser un slow avec elle, et là j’ai dit non. Elle essayait de me lever de ma chaise, mais j’ai pas voulu. C’est ça que tu as vu Cassy. Un refus de ma part, pas un rapprochement ou je sais pas quoi. »

Il avait débité toutes ces paroles d’une seule traite, sans pause pour une fois. Il voulait rétablir la vérité, c’était indispensable. Il sentit une pointe d’émotion s’insinuer dans sa voix lorsqu’il reprit, après s’être arrêter pour reprendre sa respiration.

« Maintenant, sache qu’en posant le pied en Angleterre je me suis fait le serment personnel de toujours dire la vérité aux gens que j’aime, le mensonge m’a causé trop de torts en France. Je sais ce que je dis quand je te regarde dans les yeux et que je te dis qu’il n’y a que toi, toi, et personne d’autre. En plus… En plus ça me touche vraiment que tu sois venue pour moi, que tu aies pris des risques pour franchir ce pas… Ton manager a dû s’arracher les cheveux alors… J’ai envie que tu passes une bonne soirée Cassy, qu’on passe une bonne soirée. C’est mes derniers moments à Indarë, et j’espère qu’ils seront encore plus mémorables maintenant que tu es là. »

Il reprit enfin son souffle, et son air grave s’était adouci au fil de ses confessions. Il n’avait aucune idée de la réaction de Cassy, mais il savait qu’il avait tout fait pour laver son honneur. Dans un dernier élan d’émotion, il s’approcha timidement de Cassy puis tenta de poser ses lèvres sur celles de son idole...

Après ses déclarations qu’il n’aurait jamais pensé faire ce soir, Mathieu se mordit la lèvre inférieure en serrant l’actrice contre lui. Le baiser avait été évité, mais il pensait comprendre à travers cette étreinte que Cassy n’aurait pas refusé s’ils n’étaient pas observés par des fans avides de drama. Il écouta son amie sans répondre, trop occupé à profiter de la chaleur de ses bras et à s’imprégner de l’odeur si particulière, si envoûtante qu’il lui connaissait, niché dans le creux de son cou. Malheureusement, le câlin ne dura pas et Cassy s’éloigna, lui demandant de faire le serveur de jus de fruits. Mathieu roula des yeux puis, sourire aux lèvres, déclara avec un accent français à couper au couteau, en faisant ronronner ses « R » :

« Très bien Mme Andrews, ça sera tout pour votre commande ? »

Puis il la regarda s’en aller afin de se souvenir de la sortie de secours qu’elle avait empruntée. Mathieu se retourna alors et se mit à la recherche de Justine, pour lui annoncer qu’il devait s’éclipser. Il n’avait pas encore réfléchi à une manière d’amener la chose subtilement. En fait, son esprit était tellement monopolisé par Cassy qu’il ne se posait plus énormément de questions. Il aperçu alors la française près du bar, apparemment à sa recherche elle aussi. Il lui adressa un petit signe de main ainsi qu’un grand sourire et se rapprocha d’elle :

« Hey Juju’ ! Y a Cassy Andrews qui a une proposition à me faire pour l’année prochaine. C’est peut-être un truc dans le monde du cinéma alors je pense que je vais aller discuter de ça avec elle et rentrer après, il commence à se faire tard, désolé. »

« Ah bah t’es là ! (Son regard s’illumina puis s’assombrit à la fin de sa phrase) T’es sérieux ? De toute façon j’ai bien compris que tu n’en avais rien à foutre de moi ce soir… Suffit qu’une fille un peu connue débarque et tu es à ses pieds. »

« Non mais attends, on parle de mon avenir là, elle a peut-être une proposition et… Oh et puis merde, tu sais quoi ? Cassy est une amie à moi. C’est moi qu’elle est venue voir. J’ai juste envie d’aller passer un peu de temps avec elle. J’ai le droit non ? On n’est pas mariés que je sache. »

Justine serra les dents et sa main se leva, prête à gifler Mathieu. Mais au dernier moment, elle se ravisa, et serra le poing en laissant son bras retomber mollement. Des trémolos dans la voix, et les yeux légèrement humides, elle prit les mains du garçon dans les siennes :

« M-Moi qui croyais que… Ce soir pourrait être le grand soir pour moi, pour nous… Apparemment, tu as fait ton choix. Et j’suis pas dedans. Va voir ta Cassy, là. Et merci de m’avoir ouvert les yeux sur toi. T’es qu’un sale con ! »

Sur ces mots, elle attrapa le jus que Mathieu avait commandé pour Cassy et lui jeta au visage, ce qui fit reculer le français. Justine ponctua le tout en lui jetant le verre en plastique dur au visage dans un ultime petit cri de colère, avant de s’éloigner vers un groupe de filles de leur classe qui avaient observé la scène en gloussant à une table non loin de là. Mathieu, de son côté, secoua vigoureusement sa tête et passa la main dans ses cheveux humides. Il soupira et, d’un seul regard, le barman comprit qu’il allait devoir resservir un verre, ce qu’il fit. Mathieu le remercia d’un mouvement de tête et lança un dernier regard désolé en direction de Justine et du groupe de filles qui lui lancèrent des regards noirs. Il haussa les épaules puis fila rejoindre l’actrice dehors.

Mathieu se posa alors près de Cassy, dehors. Le temps était clair, et la température étonnement douce pour une soirée d’été londonienne. Il offrit le verre à la jeune femme et l’écouta, tandis qu’elle prenait discrètement sa main dans la sienne. Il réagit à l’évocation de Hans :

« T’as bien fait de venir alors, mais t’as pris des risques… Tu sais, IL traîne peut-être toujours à Indarë… Mais t’inquiète pas pour Justine, elle va faire la tronche quelques jours et puis ça ira mieux. Enfin, on verra bien… Dans tous les cas, j’espère que tu acceptes d’être devenue ma cavalière ce soir ! »

Il ricana à cette idée. Il s’imagina arriver avec Cassy accrochée à son bras, devant les yeux ébahis de ses camarades. S’ils savaient…

Puis Cassy lui posa une question, mais enchaîna avant qu’il ait eu le temps de lui répondre. Mathieu haussa un sourcil devant cette proposition déroutante. Un cache-cache ? Avec un gage à la clé ? Mais quel âge avaient-ils ? Néanmoins, l’idée d’un challenge proposé par son idole venait titiller son orgueil blessé par les soupçons de cette dernière. Il répondit :

« Un petit jeu de piste ? Vas-y, je te suis, mais tu as vraiment des idées tordues ! »

Il ferma même les yeux pour ne pas savoir de quel côté elle partait. Il entendit néanmoins les pas de Cassy sur sa droite, s’éloigner pour ne plus laisser place qu’au silence et aux grillons nocturnes. Au bout de deux minutes, son téléphone vibra dans sa poche et il rouvrit les yeux. Il sourit en regardant la photo de Cassy qui semblait presque le narguer de sa cachette. Il murmura en français pour lui-même :

« La chasse à la star est ouverte… »

Il se leva donc, sourire aux lèvres, et se dirigea vers la direction dans laquelle il pensait que Cassy était partie. Il marchait lentement, faisant le radar avec sa tête. Arrivé à côté d’un buisson, il plongea sa main dedans pour la ressortir aussitôt, piqué par une branche.

« Non mais réfléchis Math, elle va pas se cacher dans un buisson avec sa robe... » pensa-t-il.

Il scruta les alentours de l’auditorium sans rien trouver, sinon des regards interrogateurs de quelques élèves qui se demandaient ce que pouvait bien faire cette étrange personne aux cheveux violets. Il contourna une partie du bâtiment avant de hausser les épaules et de se diriger vers l’arrière, dans un endroit peu éclairé où les élèves n’allaient qu’assez rarement se poster en temps normal. Mathieu, portable à la main, tenta de comparer l’endroit avec la photo envoyée par Cassy, mais il faisait trop sombre pour distinguer clairement les environs. Il alluma alors la lampe torche de son téléphone et avança lentement, un peu au hasard.

Soudain, il aperçut un bout de chaussure dépassant d’une sorte de renfoncement un peu plus loin. Mathieu éteignit alors sa lampe, sourire malicieux aux lèvres, et mima l’abandon. Il jura :

« Putain, mais elle est où… Y a rien ici… »

Il ne savait pas ce que son jeu d’acteur valait, mais il retint un petit rire taquin. Il s’approcha alors à pas de loup, sur la pointe des pieds, en essayant d’éviter les quelques obstacles au sol en s’aidant des quelques rares rayons de lumière qui parvenaient jusqu’ici. Arrivé à un mètre de la supposée cachette de Cassy, Mathieu s’immobilisa et prit une grande respiration. Puis, il surgit face à elle avec une voix grave et en tapant du pied sur le sol pour faire du bruit et tenter de la faire sursauter. Il se congratula et déclara :

« Haha, trouvée Miss Andrews ! On dirait bien que tu vas avoir droit à un gage ! »

Il passa ensuite ses bras autour du cou de la jeune femme et vint déposer un baiser passionné sur ses lèvres si elle le laissait faire, ou enfouir son visage dans son cou si elle ne le voulait pas. Puis, il écarta un peu son visage de celui de Cassy :

« J’peux donc te demander N’IMPORTE QUOI, maintenant, mmmmh… »

Il lui jeta un regard plus qu’explicite, alors que des idées très peu catholiques lui traversaient l’esprit. Il se décida à les garder pour lui. Ce n’était pas le moment, ni le lieu pour cela. Il mit alors son index sur ses lèvres, pensif. Puis, il le leva en l’air une fois qu’il eut trouvé son idée :

« Je sais ! Tu m’as dit que tu voulais danser avec un garçon non ? Alors je peux te proposer de venir avec moi, et d’être ma cavalière, ma partenaire. Je me fous de ce que les gens vont dire ou penser, mais ça me ferait vraiment plaisir. Enfin, si ça ne te pose pas de problème pour ta carrière bien sûr, j’veux pas avoir d’histoires avec ton manager... »

Il lui lança ensuite un clin d’œil évocateur et joueur :

« Et si tu ne peux pas, alors j’exige de pouvoir dormir en ta compagnie ce soir dans ton palace ! Et c’est non négociable, bien entendu... »

Cassy accepta avec entrain le baiser du garçon, que ce dernier prit un malin plaisir à prolonger, en se disant qu’ils étaient à la fois si proches et si loin des autres étudiants, qui auraient été prêts à tout pour être à sa place. Il eut une poussée d’orgueil en pensant que parmi tous les jeunes gens de Londres, il était le seul qui avait ce privilège de passer un moment privilégié avec elle. Et il n’était même pas anglais.

« Comme quoi, la classe à la française... » pensa-t-il, tout fier et un peu prétentieux.

Puis l’actrice se fit plus hésitante, avant de faire un choix parmi les deux propositions de gage de Mathieu. Il avait eu envie de lui imposer les deux gages, mais il s’était dit que le manager de Cassy lui aurait pourri la vie s’il s’était affiché publiquement avec elle, alors il lui avait laissé le choix. Après tout, du peu qu’il en savait sur ce mystérieux homme de l’ombre, mieux valait l’avoir dans sa poche si l’on tenait un tant soit peu à sa vie privée.

La proposition de Cassy fit sourire le jeune homme, qui hocha la tête et déclara accepter ce deal. Après tout, qui dit soirée de fin d’année dit possibilité de faire quelques extras… Comme faire le mur, par exemple. Après tout, qui le remarquera, puisque les surveillants étaient aussi à la soirée. Et puis, vu ce qu’il avait fait l’année dernière…

Il secoua la tête à cette pensée. Il était hors de question qu’une autre fille vienne gâcher cette apparition surprise de la star. Pourtant, il se mit à rougir lorsqu’elle se colla tout contre lui, profitant de sa faiblesse d’homme pour faire grandir en lui des fantasmes intimes. Et puis, dans cette robe au tissu fin, Mathieu pouvait presque sentir la chaleur de la peau de Cassy, et les murmures suaves n’arrangèrent pas la situation. Il ne put cependant s’empêcher de pouffer devant l’image d’un petit déjeuner. A ce moment précis, il n’avait pas véritablement envie d’un croissant, ses pensées étant en train de vagabonder entre les souvenirs des nuits déjà passées avec Cassy.

Puis, presque naturellement, elle se décolla de lui et le nargua d’un clin d’œil en se redirigeant vers l’auditorium. Mathieu soupira, sentant la chaleur qui avait envahi ses pommettes commencer à diminuer lentement. Il baissa la tête et se mordit la lèvre inférieure. Bon, il allait d’abord devoir attendre un peu avant de pouvoir rentrer dans l’auditorium. Il s’adossa contre le mur du renfoncement et passa sa langue contre ses lèvres, savourant ce goût si unique qu’avaient celles de Cassy. Ou peut-être n’étaient-elles pas si uniques, mais l’effet qu’elles lui faisaient lui étaient exquises. Un instant, il se demanda si ses anciens petits-amis avaient eux aussi ressenti cela, s’ils avaient eu ce même goût frais, pétillant, quelque chose qui annonçait la légèreté et les vacances. Puis il s’en voulut de penser à cela, surtout aujourd’hui.

« Mon p’tit Math, va falloir accepter qu’elle a eu une vie avant... » soupira-t-il pour lui-même en murmurant.

Il jeta alors un nouveau regard plus bas, et sourit ironiquement. Au moins, ces pensées l’avaient aidé à le calmer. Mathieu se dirigea ensuite à son tour vers l’auditorium, en prenant le chemin inverse de l’aller. Lorsqu’il rentra à nouveau dans la grande salle, il se rendit compte que la musique était plus forte que lorsqu’il l’avait quittée. Il y avait aussi plus de danseurs, et au regard de leur déhanché, certains avaient dû réussir à faire entrer de l’alcool. Il aperçut aussi Cassy, en train de discuter rapidement avec deux lycéens. Il lui adressa un clin d’œil malicieux, qu’elle ne put cependant sûrement pas remarquer. Puis, le garçon se dirigea vers le bar, souhaitant se désaltérer une fois de plus. Il en venait à compter le nombre de cocktails de fruits qu’il avait englouti tout au long de la soirée. Six, sept, huit… ? Il se surprenait lui-même, ainsi que sa vessie, pour n’être allé qu’une fois aux toilettes.

Pourtant, alors qu’il attendait que le barman lui serve un autre cocktail d’une couleur noirâtre peu ragoûtante, signe probable qu’il atteignait le fond des réserves de ce bidon-ci, Mathieu perdit son regard sur la foule, balayant lentement la salle. Il aperçut alors, non loin de la table où ils étaient assis tout à l’heure, Justine en train de pleurer, entourée de trois autres filles, dont l’une semblait lui caresser tendrement le dos, tandis qu’une autre lui envoyait des éclairs avec les yeux lorsque leurs regards se croisèrent. Cette dernière lui fit un signe de main, lui intimant l’ordre de venir. L’adolescent aux cheveux mauves se sentit coupable de l’avoir ainsi abandonné. Il attendit de croiser les yeux de Cassy, et tenta de lui expliquer en quelques gestes qu’il allait d’abord aller tenter de régler la situation avec Justine. S’il ne croisait pas son regard, il lui enverrait un SMS pour la prévenir, histoire d’éviter tout malentendu. On ne sait jamais, il préférait être prudent…

Il s’avança alors vers les tables où étaient installées les filles, et le silence se fit tandis qu’il sentait qu’il était fusillé du regard. Il ne savait pas si c’était de la jalousie d’avoir pu approcher une idole de la jeunesse ou du dégoût après que Justine leur ait raconté sa version des faits. Mathieu ne se laissa pas démonter, et ignora royalement ces regards pour s’agenouiller devant la française et poser une main sur son épaule, doucement…

« Juju’… »

« CASSE TOI CONNARD ! »

Justine poussa faiblement Mathieu, qui perdit légèrement l’équilibre. Il n’était pas bien lourd, mais la française non plus, alors il parvint à ne pas tomber à la renverse. Il abandonna l’idée d’un contact physique et conserva une certaine distance de sécurité. L’air embarrassé, il continua pourtant d’une voix calme et, tout de même, un peu triste. Il s’exprima en français, pour ne pas être compris des autres filles :

« Oh Juju’, j’suis désolé… Je ne voulais pas gâcher ta soirée tu sais. Mais c’est juste que j’ai pas beaucoup l’occasion d’aller voir Cassy, avec ses tournages et tout… Eh, oh ! (Il évita une main mollement envoyée contre son visage, entre deux sanglots de Justine) Bon Justine, regarde moi… »

Sur ces mots, il prit le visage de la jeune femme dans ses mains et la fit le regarder dans les yeux :

« Je vais pas tarder à partir, mais avant ça, je veux bien danser avec toi si tu veux. Pour fêter notre année, notre diplôme. En toute amitié, bien sûr… »

Mathieu aperçut une grimace de douleur passer sur le visage de Justine lorsqu’il prononça la dernière phrase. Cependant, celle-ci renifla, se moucha, gifla une bonne fois pour toute le garçon, puis l’enlaça. Un enchaînement d’événements étranges, mais qui exprimaient les différentes émotions de l’adolescente. La rage d’être rejetée, mais l’envie de partager ce moment avec Mathieu, même s’il est sans lendemain.

« A-Alors si c’est bien tout ce que tu as à m’offrir, j’accepte. Laisse moi juste me nettoyer le visage... »

En effet, le maquillage avait coulé. Mathieu lui sourit et lui ébouriffa les cheveux, provoquant un grognement. Tandis que les trois autres filles aidaient Justine à se refaire une beauté express, le lycéen était parti demander un slow au DJ. Ce dernier avait vu toute la scène, puisqu’il s’ennuyait mortellement devant son ordinateur. Il accepta sans entrain, mais certainement joyeux de pouvoir changer de style de musique. Mathieu revint alors sur ses pas et, avec un accent français snob et surjoué, il tendit sa main droite à Justine, l’autre étant repliée dans son dos, à la manière d’une sorte d’aristocrate :

« Mademoiselle Leroy, m’accorderez vous cette danse ? »

Il la vit sourire, avec toujours cette pointe de rage aux commissures des lèvres et dans les pupilles. Mais elle n’avait pas essayé de lui envoyer sa main au visage, ce qui était déjà un exploit. Mathieu accompagna alors son amie, tout en tentant de lancer un regard rassurant à Cassy, pour lui faire comprendre qu’elle devait lui faire confiance, et qu’il allait arriver. Il ne sut cependant pas si elle le vit, étant donné que les projecteurs s’étaient beaucoup éteints, sûrement afin de donner un peu d’intimité aux danseurs.

La danse parut durer longtemps, et Mathieu se sentit coincé dans un étrange paradoxe temporel. Il se sentait emporté par sa partenaire, mais il avait des mouvements de pieds maladroits. Il sentait Justine serrer ses mains sur sa chemise, à la fois pour l’attirer contre lui, mais aussi pour lui faire mal, pour planter ses ongles dans sa peau et le lacérer, pour le voir souffrir comme il l’avait faite souffrir. Ce temps suspendu prit cependant fin, et Justine, le visage contracté, les yeux embués, tenta une ultime approche timide en penchant ses lèvres vers Mathieu. Celui-ci sentit cette réaction et fit un pas en arrière, rompant l’étreinte si étrange qui les avait unis le temps d’un morceau. Justine baissa la tête et renifla, tout en arrachant un quelques mots de ses lèvres pincées :

« M-Merci, Mathieu… J’vais rentrer moi aussi… Salut… »

Il avala difficilement sa salive quand elle prononça son nom. Elle ne l’appelait jamais comme cela, et elle trouvait toujours des surnoms plus ou moins ridicules. Il regarda son amie s’éloigner en traînant des pieds, et il soupira.

« La pauvre… » pensa-t-il très sincèrement.

Puis il quitta la piste de danse alors que le DJ changeait à nouveau de style de musique pour passer à des tubes des années 1980 et 1990. Il jeta un dernier regard par dessus son épaule, Justine passa, les yeux remplis de larmes qui n’attendaient qu’un lieu plus calme pour couler, non loin de Cassy lorsqu’elle se dirigeait vers la sortie de l’auditorium. Mathieu haussa les épaules, impuissant, puis fit un détour par le bar pour finir rapidement son verre laissé sur le bar et fila aux toilettes avant de suivre les pas de Justine et de se diriger vers le dortoir. Là-bas, il attrapa en vrac quelques affaires de rechange, quelques produits de toilette qu’il rangea en boule au fond d’un sac à dos, mais il conserva sa tenue de soirée. Il repassa plusieurs fois devant le miroir de la salle de bain simplement pour se dire que, finalement, les chemises ne lui allaient pas si mal que ça. Puis il déboula les escaliers à grande vitesse vers la voiture de Cassy, pour n’y voir qu’un homme assez grand attendre sagement et patiemment devant elle. L’homme, poli, lui adressa un sourire forcé :

« Bonsoir Monsieur. Vous devez être la personne que j’attends, j’imagine. Enchanté de faire votre connaissance Monsieur. »

Cet excès de bonnes manières fit arquer un sourcil au jeune homme. Il lui répondit à son tour par des formules de politesse, puis envoya un message à Cassy pour lui dire qu’il était bien arrivé, qu’il l’attendait, mais qu’elle pouvait prendre son temps et s’amuser si elle le souhaitait.

Lorsque Cassy pointa enfin le bout de son nez après un bon quart d’heure d’attente silencieuse et un peu gênante avec le chauffeur, Mathieu lui adressa un grand sourire heureux. A ce sourire, l’actrice ne sembla répondre que par une attitude assez distante. Elle ne lui adressa pas même un regard lorsqu’elle s’adressa au chauffeur. Il comprit rapidement qu’elle avait dû assez mal prendre la danse qu’il avait offerte à Justine, malgré le fait qu’il ne se soit absolument rien passé, et que cet instant ait été plus gênant qu’autre chose pour les deux français.

Puis, alors que le moteur se mit à vrombir, Cassy daigna enfin se tourner vers lui et lui adresser la parole, avec des mots qui firent bouillonner le cerveau du garçon. D’un ton sévère, qui ne lui ressemblait pas, il répondit :

« Monstrueuse ? Mais elle n’a aucun droit sur moi. Des déceptions amoureuses, ça arrive, et j’espère sincèrement pour elle qu’elle s’en remettra vite. Mais d’un côté, il valait aussi peut-être mieux pour elle qu’elle soit fixée. Elle a été courageuse de faire ce premier pas… Maintenant, elle va peut-être rentrer faire ses études à Paris, et vu sa réaction, elle va sûrement pas vouloir me reparler avant longtemps, peut-être même jamais qui sait… Mais est-ce qu’il valait mieux pour elle de vivre avec un espoir qui ne se réaliserait pas, ou de souffrir une bonne fois pour toute et pouvoir être heureuse autrement ? »

Cette dernière question n’appelait pas de réponse. D’ailleurs, il n’en avait pas une certaine, même s’il aurait spontanément penché pour la deuxième solution. La plus risquée, mais aussi la plus satisfaisante, lorsqu’elle fonctionnait. C’était d’ailleurs ce qu’il avait choisi pour Cassy, et il ne regrettait absolument pas d’avoir pris ce risque qu’il ne se serait jamais vu prendre auparavant. Pourtant, celle-ci soupira et posa sa tête contre l’épaule de Mathieu. Les arguments de la jeune femme lui parurent… Non pas insignifiants, mais si peu importants à son égard. Il soupira à son tour, baisa les cheveux de Cassy et répondit d’un ton plus calme :

« Cass’, s'il faut qu’on se cache pour que je puisse goûter à tes lèvres ou te tenir la main, alors tant pis, le jeu en vaut largement la chandelle… Si j’étais fait pour une vie normale, avec une copine « normale » (il avait fait un mouvement de guillemets avec ses doigts), je ne serais pas tombé amoureux de toi. Malheureusement pour toi, tu vas devoir te coltiner le copain le moins discret du monde. Français, pas très à l’aise, cheveux mauves,… Et je te garantis que je ne regrette absolument pas mon choix ! »

Il passa une main dans ses cheveux, pour accentuer le côté peu discret de sa personne. Une telle couleur de cheveux, lorsqu’il faut zigzaguer entre paparazzis et fans potentiellement trop collants, c’était du suicide. Mais Cassy et son manager semblaient être rompus à ce genre de situation. Il accepta le baiser de sa petite amie avec un grand enthousiasme, et cela lui procura comme à chaque fois une sensation de plénitude un peu béate.

Puis, toujours sans un mot, Cassy lui tendit une casquette, tandis qu’elle se grimait elle aussi. Même si cela avait surtout pour but de rendre toute photo inexploitable par des paparazzis, Mathieu se dit que cela était tout aussi voyant que s’ils étaient sortis avec une pancarte « nous sommes suspects ». Il pouffa intérieurement, puis suivit avec enthousiasme la star dans le hall de son immeuble avec un sourire aux lèvres en pensant à cette nuit qu’il allait passer dans le palace qui lui servait d’appartement.