Mercredi 10/04/19, 15:27.

Avril. Mois printanier. Enfin, quand il ne pleuvait pas. Heureusement, ce jour là, les nuages avaient épargné la ville de leur présence néfaste, et comme la plupart des mercredis après midis, il avait donc pris la décision de partir faire son footing en direction du lycée.
Il suivit donc son parcours habituel en trottinant à bonne allure dans sa tenue de sport noire et verte, et arriva finalement en vue du campus.

Un sourire ourla alors ses lèvres, car arriver signifiait aussi pour lui boire à la fontaine à eau comme il s'était habitué à le faire. Et après environ une heure de footing, ce n'était jamais de refus.
Pourtant, son sourire se volatilisa subitement lorsque trois lycéens surgirent de buissons pour lui couper la route. Parmi eux, deux d'entre eux étaient des têtes bien connues du Corbeau, et pour cause: ils étaient les deux sales gosses qu'il avait empêchés d'agresser Na-Yeon quelques semaines auparavant. Rock aurait pu jouer les naïfs et tenter de reprendre sa course, mais la façon dont ils barraient la route laissait peu de place au doute: ils étaient là pour lui...
- Te voilà enfin !
- Tiens, tiens... Les connards sont de sortie, on dirait, aujourd'hui !

Il n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que d'autres se trouvaient déjà dans son dos. Il les avait entendus surgir de leurs cachettes, eux aussi. Rapidement, le brun fit un tour sur lui même pour pouvoir compter le nombre d'agresseurs auxquels il faisait face. Trois de plus. Six en tout...
Rien de très dangereux, le nombre ne changeait pas grand chose, et au vu de leur tronche de prix Nobels, la moitié d'entre eux seraient déjà au sol avant d'avoir compris que Rock avait bougé. Mais plus le nombre de lycéens impliqués était important, plus les chances que des questions le concernant lui ne soient posées devenaient élevées... Voilà qui donnait à réfléchir...
- Qu'est ce que vous voulez... ? Lança t'il finalement au type qu'il avait méchamment étalé d'une droite la dernière fois qu'ils s'étaient vus.

Le lycéen en question sembla prendre la question comme une insulte: il serra les mâchoires, et ordonna à ses potes d'encercler le Corbeau. Le brun se contenta de serrer les poings et de positionner ses pieds de manière à pouvoir boxer si la situation devait dégénérer, ce qui semblait sur le point de se produire...
- Tu me demandes A MOI ce que j'veux ?!!

A cet instant, un ami du leader commit l'erreur d'avancer sa main vers le Corbeau. La réaction fut immédiate: il la balaya d'un geste vif et sec, parfaitement contrôlé. Mais le mal était fait. Son langage corporel changea du tout au tout: le lycéen souriant et innocent céda la place à l'assassin endormi, et les mots ne tardèrent pas à venir l'illustrer:
- Ecoutes, mon grand, au lycée Indarë, t'es ptêt un caïd, et à vrai dire je m'en fous... Mais la vérité c'est que si toi et tes petits copains, vous ne me lâchez pas la grappe immédiatement, tu mordras la poussière une deuxième fois dans très peu de temps. Et cette fois, il est TRES PEU PROBABLE que je m'arrête en si bon chemin après avoir fait le plus gros du travail, si tu suis le fond de ma pensée...

Des mots. Ce n'étaient que des mots, oui. Mais quelque chose dans le regard de Rock rendit mal à l'aise le boxeur grand barraqué et ses copains. Etait ce cette étrange lueur dans son regard, ou bien autre chose ?
Cependant, ce moment de flottement provoqué par ce malaise ne dura pas longtemps. Le leader sembla s'en rendre compte. Il se fit violence, puis:
- Décidément, ta gueule me revient vraiment pas, l'universitaire ! Alors, non seulement on va te faire la gueule en trois episodes, mais en plus, après ça, je ne veux plus jamais te voir te pointer sur le campus du lycée !
La seule réponse qu'il obtint fut un sourire narquois de Chris. Une réponse très claire, en soi: Il ne craignait pas ses menaces une seule seconde, et sans intervention extérieure, la situation allait dégénérer à coup sûr...

Désormais, la situation semblait avoir évolué en impossibilité de retour en arrière. Conscient que le combat allait s'engager d'une seconde à l'autre, le brun campa bien solidement sur ses positions tout en surveillant bien tour à tour chacun de ses assaillants, cherchant la meilleure entrée en matière afin d'en mettre deux ou trois à terre en une passe sans trop de risques.
Mais à cet instant, une voix féminine, étrangère au groupe, s'éleva, faisant immédiatement retomber légèrement la pression ambiante. Rock n'avait jamais vu cette jeune femme. Mais au vu de la façon dont elle s'adressait aux lycéens, il en déduisit sans mal qu'elle travaillait dans l'établissement.

Tous, à l'exception du leader, donnèrent des signe de recul. Les menaces de la jeune Montaya étaient suffisantes pour eux. Mais pas pour le plus grand. Sa fierté l'empêchait d'abandonner ! Le souvenir encore trop présent de la droite magistrale qui l'avait envoyé s'écraser au sol six semaines plus tôt le faisait bouillir de rage. Il dévisagea Chris avec une fureur non dissimulée, et ce dernier rétorqua avec un sourire railleur, tandis qu'il demeurait immobile aux côtés de la surveillante, en attendant que le groupe ne se disloque.
Et cela ne tarda pas: les lycéens échangèrent de plus en plus de regards, puis firent demi tour avant de partir en courant, en laissant leur chef seul face aux deux jeunes adultes.
- Mais... ?! Mais où est ce que vous allez, bande de dégonflés ?! Hurla le boxeur en regardant à droite et à gauche avant de reporter son attention sur le brun qui le fixait toujours avec un sourire moqueur.

Rock le fixa un instant en plissant les yeux tandis que son sourire s'évanouissait, avant qu'il ne lui dise:
- A moins que tu ne tiennes à recevoir une deuxième branlée, si j'étais toi, je ferais comme eux...
Le leader le foudroya du regard sans pour autant répliquer quoi que ce soit, avant que Rock n'ajoute avec un signe de tête dédaigneux:
- Allé, tires toi !
Cette fois ci, le lycéen prit ses jambes à son con à son tour, et disparut au loin sous l'oeil dépité du duo.
- Merci, murmura alors Chris sans toutefois arrêter de fixer l'horizon où avait disparu son ennemi. Mais, tu ne t'es pas fait des copains, là. Surtout lui... Il est têtu dans son genre...

Le Corbeau se tourna alors vers la jeune femme, puis tout en lui tendant la main:
- Au fait, j'm'appelle Chris ! Lui lança t'il en reprenant son rôle d'étudiant tout joyeux.
Il s'approcha de la fontaine pour ENFIN pouvoir boire un coup après tout ça, et après s'être désaltéré, il se mouilla un peu le visage et l'essuya avec la serviette qu'il portait autour de ses épaules, comme d'habitude.
- Tu travailles au lycée, si j'comprends bien ?
Tout en discutant, il alla s'installer sur son banc habituel situé non loin de la fontaine, afin de récupérer un peu de son footing.

Comme le Corbeau s'en doutait, la jeune femme travaillait bien au lycée, comme surveillante apparemment. Bien qu'il ne soit pas du genre à juger par nature, Chris ne put s'empêcher de trouver qu'elle n'avait pas vraiment le profil d'une surveillante, surtout en raison de ses cheveux teints en vert. Mais en fin de compte, cela demeurait un détail mineur, tant qu'elle faisait bien son taff...
Une chose était sûre: elle était certaine que le groupe de lycéens ne reviendrait pas lui chercher de problèmes. Ca semblait cohérent. Ils étaient un peu trop stupides pour se risquer à aller agresser un membre du personnel, même par fierté. Cela entraînerait beaucoup trop de conséquences par la suite, et même leurs cerveaux ramollis étaient capables de le concevoir.


Tsume se rapprocha du brun et lui proposa "un peu de compagnie". La formulation fit un peu hésiter l'universitaire qui détailla la jeune femme athlétique durant quelques instants, avant de lui sourire et de lui répondre d'une voix détendue:
- Non, je n'ai pas d'autres amis qui doivent me rejoindre. En général, quand je fais du sport, je le fais seul. Ca me force à rester concentré. Maiiis, reprit il alors, conscient que la jeune femme pourrait prendre ça comme un rejet, je ne dirais pas non à un peu de compagnie aujourd'hui. Ca me changera un peu de d'habitude. En général, je fais un footing, mais on puisqu'on est deux sportifs, on pourra peut être réadapter l'entraînement exceptionnellement, pas vrai ?

Le Corbeau n'avait pas d'amis de son âge. Il était beaucoup trop sauvage pour ça, et évitait volontairement les amitiés. Seules certaines rencontres accidentelles comme celles qu'il avait connues avec Eri ou Na-Yeon semblaient déboucher sur un lien, et ceux ci étaient fragiles et ténus. De plus, ces personnes n'étaient pas des gens de son âge...
Chris était quelqu'un de difficile à cerner pour la simple et bonne raison qu'il mentait beaucoup. C'était un système de défense qu'il mettait en place, et qui fonctionnait particulièrement bien. Très peu de personnes passaient entre les mailles de ce "filet". Mais tout cela, Tsume ne pouvait pas le savoir. Il était donc normal qu'elle lui demande s'il attendait du monde...

Toujours assis sur le banc, Chris en profita pour récupérer, s'attendant désormais à ce que la suite soit nettement plus sportive:
- Alors, dis moi Tsume... Tu fais quel genre de sport ? Demanda t'il avec curiosité en notant son corps particulièrement athlétique en lui faisant signe de s'assoir à côté de lui.

Le faux sourire de Chris resta figé face à cette inconnue lorsqu'elle choisit comme sport le sprint. Si la vie pouvait ressembler à une bande dessinée, nul doute que des corbeaux seraient passés au dessus de sa tête à cet instant précis pour illustrer son état de solitude...
Raven était quelqu'un de très solitaire. Il l'avait toujours été. Rien d'étonnant, compte tenu de son passé et de son vécu. Mais il ne comprit vraiment pas la logique de Tsume en cet instant. Lorsqu'on était deux, autant choisir un sport que l'on ne pouvait pas pratiquer seul, non ? Et ils étaient nombreux... Tennis, Volley, Squash, Basket...
Mais Sprint ?

Le footing et le sprint étaient des activités que le Corbeau pratiquait seul, et il n'avait clairement pas envie de les pratiquer avec Tsume. Son sourire mourut sur ses lèvres tandis qu'il la fixait étrangement tout en la détaillant un instant. Depuis qu'il était arrivé à Londres, Chris avait fait un effort pour refouler ses instincts sauvages dans le but de se sociabiliser à coups de faux sourires, et se rendre agréable aux yeux des autres. Mais quelque chose chez cette fille ne lui plaisait pas. Elle sentait la poudre et le sang, comme lui...
Il plissa légèrement les yeux, conscient que le contact semblait rompu depuis plusieurs secondes, puis:
- Désolé, Tsume, mais aller sprinter avec toi ne m'intéresse pas ! Répliqua t'il soudain d'un ton sec. Je pratique ce genre de sport seul, et je préfère que ça reste ainsi.

Il retourna vers la petite fontaine à eau, et se pencha pour boire une nouvelle fois, avant de se retourner vers la jeune Montoya:
- J'ai encore une bonne session de footing devant moi pour retourner à l'université. Alors je vais te laisser.
Il s'essuya le visage avec sa serviette, avant d'ajouter:
- Mais je te remercie quand même pour ton aide, tout à l'heure. Fais gaffe à toi ! Ils sont revanchards, ils ne s'en tiendront peut être pas là...

Il fit volte face et commença à s'éloigner en petites foulées, leva la main pour saluer la jeune Montoya, puis:
- A plus, Tsume !