Appel urgent [Jen]

Quand depuis quelques semaines on est atteinte de nausées matinales, d'une perte d'appétit, de fatigue inhabituelle et de sautes d'humeur, on peut se dire qu'il y a anguille sous roche. Et lorsqu'un test de grossesse est positif, là ça devient la panique. Je n'y ai pas cru au début. Alors j'en ai fait deux autres. Toujours le même résultat. Un faux positif c'est possible. Trois faux positifs c'est sûrement possible aussi mais il doit y avoir quoi...une chance sur un milliard pour que ça arrive ? Bref lorsque je l'ai su, j'ai évidemment averti Jagger en lui précisant bien que je n'étais pas encore tout-à-fait sûre que ce soit bien le cas. Et lui tout ce qu'il a trouvé à faire, c'est s'énerver. Un « adorable » mari. Il y a eu une discussion pour mettre les choses au clair – et surtout accepter l'idée d'être parents – et quelques jours après, j'ai eu rendez-vous chez mon gynécologue pour confirmer ou infirmer les résultats des tests. Il y a eu confirmation. C'est un résultat que j'ai eu du mal à digérer et c'est pareil pour Jagger. Néanmoins nous avons dû faire avec.

Malgré tout ça, j'ai continué mon boulot. Être enceinte d'un peu plus de trois mois ne m'empêche pas de bouger. Je tiens à en profiter avant d'avoir un ballon à la place du ventre. Je m'en fiche de devenir ronde mais danser sur scène avec un futur gueulard dans le bide, ça le fait moyen. Et puis il paraît que plus les semaines avancent, plus la fatigue et les maux de dos nous prennent. C'est du moins ce que j'ai entendu dire parce certaines femmes. Du coup je veux vraiment profiter de la mobilité que j'ai encore même si je m'essouffle plus vite que d'habitude. Ca par contre c'est la poisse. J'ai dû en parler à ma meilleure amie pour que l'on adapte le programme. Evidemment j'aurais dû m'y attendre, lorsque je lui en ai parlé celle-ci a sauté de joie. Elle est vraiment flippante des fois. Je savais qu'elle espérait voir Jagger et moi parents mais je ne pensais pas à ce point. Effrayant...

À quatre mois et demi environ, je n'ai toujours pas changé mes habitudes. Enfin presque pas. J'ai toujours mon petit café du matin mais il a été rayé de la liste pour le reste de la journée. L'alcool a littéralement été banni. De toute façon Jagger ne voulait plus que j'en boive de base alors la question a été vite réglée. C'est le jus de fruit qui remplace ces deux boissons. Cependant au niveau du boulot, je me donne encore à fond. Enfin autant que je le peux. Néanmoins il faut croire que la chance n'est pas de mon côté aujourd'hui. Pendant une séance de pratique pour une chorégraphie, j'ai commencé à sentir des douleurs à l'abdomen. Au début je ne m'en suis pas trop inquiétée. J'ai commencé à l'être lorsque les douleurs sont devenues plus présentes et que mon pantalon s'est taché de sang. Ni une, ni deux, Lizzy m'a amenée aux urgences. Ce n'est pas normal et elle craint le pire. Personnellement je suis juste...perdue. On me répète souvent que dans mon état je ne dois pas stresser mais en même temps, c'est flippant. Ca l'est encore plus lorsqu'on tente d'appeler quelqu'un et que celui-ci ne répond pas.

Les médecins m'ont prises, m'ont auscultée – et dieu sait à quel point ce n'est pas agréable – et après m'avoir écoutée, le diagnostique est tombé. Bibi a dû faire un tour au bloc et j'ai eu droit à l'anesthésie générale. À mon réveil, Lizzy est à mes côtés en train de parler avec le médecin. Elle prend des nouvelles et essaie d'en savoir un maximum sur tout ce que ça implique. Puis le médecin s'en va, laissant ma meilleure amie seule avec moi. Elle m'apprend la mauvaise nouvelle et suite à ça, j'ai demandé à rester seule. Ce n'est jamais agréable d'apprendre un truc pareil même quand on a du mal à digérer une grossesse. Je commençais à m'y faire et là, je dois me faire à l'idée qu'il n'y a plus rien. Au bout de plusieurs heures, mon téléphone se met à sonner mais c'est Lizzy qui répond. Elle l'a pris avec elle en sortant pour être sûre que je sois tranquille.

- Jagger ? C'est Lizzy, Jen n'est pas trop dispo pour le moment. Où est-ce que t'es ? Elle a essayé de t'appeler plusieurs fois mais il n'y a eu aucune réponse. Rejoins-nous à l'hôpital, je t'attendrai à l'entrée et je t'expliquerai tout.

Aucune agression dans le ton de sa voix. Elle est juste aussi inquiète de ne pas savoir pourquoi il n'avait pas répondu aux appels. Moi je me suis imaginée le pire, qu'il se serait encore pris une balle ou pire, qu'il était kidnappé ou mort. Elle... Je préfère ne pas savoir ce qu'elle a imaginé. Peut-être la même chose ou peut-être un truc moins violent mais pas plus joyeux.

Mon téléphone s'est enfin mis à sonner. Jagger se manifeste enfin. Cependant c'est Lizzy qui répond à ma place pour que je puisse être tranquille. Elle lui informe donc qu'il faut venir rapidement à l'hôpital et patiente même à l'entrée de celui-ci, prête à lui fournir le reste des explications. Néanmoins Jagger passe tout droit. Elle se fait littéralement ignorée. Elle a pourtant tenté de le stopper pour lui fournir calmement les explications mais le motard a juste continué sa route comme si elle n'existait pas. Lizzy a beau être patiente et compréhensive sur la situation, ce manque de contact avec Jagger l'a tout de même légèrement agacée. Certes il s'inquiète pour ma pomme mais ce n'est pas une raison pour l'ignorer comme il l'a fait. Surtout en sachant qu'elle comptait lui parler de mon état. Tant pis pour lui. S'il doit faire face à une crise, un silence complet, à de la violence ou à toute autre réaction inhabituelle de ma part, ce serait bien fait. Il aurait pu en être averti et il a préféré aller à l'aveugle.

À peine a-t-il su où jem e trouve que celui-ci fait encore preuve d'une « amabilité » envers mon amie. Néanmoins cette fois elle ne lui en a pas tenu rigueur. Cette fois il a fait l'effort de lui adresser la parole même si elle a pu sentir l'inquiétude dans le ton de la voix. Ayant pu passer quand même plusieurs heures, elle n'a pas insisté. Avant de partir elle a seulement dit à Jagger de veiller sur moi et de donner des nouvelles. Elle lui a aussi donné mon téléphone afin qu'il puisse me le rendre. Puis elle s'en est allée. De son côté elle en profite pour donner des nouvelles à nos collègues. Les téléphones ne sont en général pas trop acceptés dans les hôpitaux et elle n'avait pas voulu me quitter avant l'arrivée de Jagger. Du coup elle n'a pas pu les avertir plus tôt.

De mon côté, mon regard est resté tourné vers la fenêtre. Je ne donne aucune réponse lorsque j'entendre toquer à la porte. À quoi bon ? De toute façon il n'a même pas attendu la moindre réponse avant d'entrer. Malgré tout, même avec la présence de Jagger dans la chambre, mon regard ne bouge pas. Il reste fixé sur la fenêtre. Le moral n'est pas du tout présent, j'ai l'impression qu'on m'a retiré un bout de moi et cette sensation est horrible. Plus affreuse que je ne l'aurais cru. Je finis par regarder mon époux au final, bien que l'air triste ne se soit pas effacé de mon visage.

Je le laisse se changer et s'installer, sans dire quoi que ce soit. Je n'ai pas envie de lui donner de réponse tout de suite. Et... J'ai aussi besoin d'un petit temps pour tout mettre en ordre dans ma tête afin de lui expliquer les choses. J'essaie de trouver une manière « douce » de tout lui dire mais je ne trouve rien. D'un autre côté, je sais qu'il ne voulait pas du gosse donc il ne sera peut-être pas vraiment touché. Contrairement à moi qui ai voulu un jour une chance de fonder une famille – mais qui ai simplement abandonné cette idée – Jagger n'en a pas voulu du tout. Moi j'ai juste été rattrapée par un désir étouffé.

- Je... J'ai fait une fausse couche et perdu le bébé. J'ai commencé à saigner...

Ou plutôt recommencé puisque même si je l'ai dit à personne, ce n'était pas la première fois que j'avais des saignements. C'était déjà le troisième ou quatrième jour que ça arrivait. Je l'ai juste caché et aujourd'hui a été plus violent et même fatal.

- ...Bref ils ont dû retirer le foetus.

Je jette finalement un oeil curieux au téléphone qui vient de vibrer. Je ne peux lire qu'un bout de message mais ce que j'ai pu lire ne me plaît pas. Pas du tout même. Alors son absence est surtout due à ce travail illégal ? C'est à cause de son président à la con que je n'ai pas eu la présence souhaitée à mes côtés ? J'aime Lizzy et sa présence a été souhaitée aussi mais j'aurais aussi voulu avoir Jagger près de moi. Pour le coup, ça n'arrange pas du tout mon humeur. Si j'avais été heureuse, peut-être que je l'aurais mieux pris et n'en aurais pas fait tout un plat. Cependant en étant déjà attristée, subir une frustration supplémentaire ne m'aide pas.

- Alors c'est pour ça que t'es pas venu ? C'est juste parce que tu devais encore faire des armes pour ton chef ?

Je veux bien croire qu'il a eu un problème de réseau. Je sais qu'en fonction où on se place, les appels et sms sont difficiles à faire, voire même impossible. Mais en général ça ne dure pas des heures. Le fait qu'il était seulement en train de fabriquer des armes explique tout. Ca ne me plaît pas qu'il fasse des armes mais je le laisse faire parce qu'il est assez grand pour savoir ce qu'il veut faire. Tout ce que j'avais exigé, c'est que ça ne le mette pas dans la merde. Et là, je découvre que ce même boulot n'a pas mis Jagger dans la merde mais qu'il l'a carrément éloigné de moi au moment où j'avais le plus besoin de mon mari. Moi qui ne m'entends déjà pas bien avec son « patron », cette histoire n'arrangera pas la relation avec ce type.

- Ce type a le chic pour t'éloigner quand j'ai le plus besoin de toi. J'suis sûre qu'il le fait exprès.

Je m'allonge sur le côté tout en tournant le dos à Jagger. J'ai envie de partir mais je n'en ai pas encore la force. Le produit anesthésiant n'est pas encore totalement parti et puis même, après une opération on n'est jamais en grande forme.

- Ca me gonfle... À cause de lui j'suis encore passée après de stupides joujous tueurs...

Et ces joujous tueurs je risque un jour d'en acheter un, de prendre des cours pour l'utiliser et d'aller menacer le président du club de Jagger. Ca arrivera sans doute quand je péterai les plombs, que mes limites seront dépassées ou simplement s'il met trop Jagger en danger. Peu importe la raison au final, il ne devra juste pas être surpris si un jour je me pointe avec un flingue en main pour le menacer et tenter de le buter.

Voilà. Tout est dit. Enfin presque tout. Il sait désormais qu'il n'y a plus de bébé mais il ne sait pas qu'il y a eu des signes inquiétants déjà plus tôt. Et moi je n'ai pas su les interpréter. Je m'en veux pour ça. Peut-être aussi que je me suis trop agitée, je ne sais pas. Je ne sais même pas ce qui a pu provoqué ces emmerdes. Et je crois que je ne veux pas le savoir. Je pourrais m'en vouloir encore plus.

Un détail vient cependant me faire penser à autre chose que les raisons possibles de la fausse couche. Un message arrivé sur le portable de Jagger. Il ne m'a suffi que d'un bout. Une seule petite partie visible pour me remuer un couteau dans la plaie. Un putain de sms qui me rappelle bien que je n'ai pas pu avoir mon mari auprès de moi alors que j'avais besoin de lui. Un expéditeur qui semble tomber à chaque fois pile sur les moments qu'il ne faut pas. Et même sans message, il trouve toutes les astuces pour éloigner Jagger. J'ai souvent l'impression qu'il le fait exprès.

Je finis par tourner le dos pour m'allonger tout en émettant mon ressenti sur la situation. Ce président me gonfle. Le job qu'il donne à Jagger me gonfle. Le fait qu'il se pointe dans notre vie comme bon lui semble me gonfle. Je ne regarde pas mon mari mais je peux sentir que celui-ci s'est allongé derrière moi. Je ne tente même pas de quitter ses bras. Je n'en ai pas envie et de toute façon, je n'en ai pas la force non plus. Alors je le laisse faire et me contente de l'écouter.

Chose à laquelle je ne m'attendais pas, il était triste aussi pour la perte du bébé. Etonnant. Je savais qu'il n'en voulait pas mais je ne savais pas qu'il s'y était attaché aussi au final. Enfin ça reste un homme et ils ont généralement du mal à accepter de pleurer. Comme si c'était un mal de verser quelques larmes. Ouais je dis ça alors que moi-même je retiens mes larmes en général. Sauf que ce n'est pas par égo. Enfin pas totalement.

- J'comprends mais j'croyais que tu voulais faire mon garde du corps. J'avais même demandé à mon agent de te préparer un contrat. Sauf qu'apparemment tu ne l'as jamais signé vu que ce contrat traîne toujours dans son bureau.

Je me rappelle, c'était même lui qui m'avait proposé d'être mon garde du corps pour que l'on puisse être plus souvent ensemble. Et lorsque je n'avais pas besoin de ses services, il comptait les offrir à d'autres. Et de mon côté je lui avais proposé de préparer un contrat pour qu'il soit payé sans qu'il ait l'impression de compter sur mon argent. Il aurait eu le sien et aurait pu se payer ce qu'il voulait.

Les paroles qui suivent ne me rassurent qu'à moitié. Il a encore du travail d'après ce que j'ai compris, et il compte tout stopper ensuite. D'une certaine manière je suis contente de l'entendre dire qu'il veut arrêter. J'ai l'impression de le forcer à faire un truc qu'il ne veut pas par contre. Cependant ce qui me rassure moins, c'est de savoir que si son président se pointe, il risque de le convaincre de recommencer le taf. Ne sachant pas vraiment quoi lui répondre face à sa décision qui me réjouit autant qu'elle m'effraie, je me contente de lui prendre la main et de la serrer contre moi. Je reste ainsi durant quelques minutes sans rien dire, ni bouger jusqu'à ce qu'il me pose une question.

- Non c'est bon.

La faim est complètement absente. D'habitude je m'empiffre pour occuper mon esprit quand il est tracassé, pour passer mes nerfs ou pour passer le temps. Cette fois peu importe mon état d'esprit, je n'ai juste pas envie d'avaler quoi que ce soit. Le traitement qu'ils m'ont refilé pour l'anesthésie est peut-être aussi en cause, je ne sais pas. De toute façon je suis censée rentrer dès ce soir. Leur opération est ambulatoire.

- Normalement je dois rentrer tout à l'heure alors au pire je t'accompagnerai.

Durant de longues minutes, je profite de rester dans les bras de Jagger. Je ne bouge pas, ne dis presque rien non plus et refuse même la nourriture. Venant de ma part, c'est plutôt surprenant. Au bout d'un moment, un médecin passe dans la chambre et vient vérifier que mon état est okay. L'opération est ambulatoire mais en cas de complications, ils sont quand même obligés de me garder plus longtemps. Mais je n'ai rien. Pas d'infection, pas d'allergie, aucun souci. Il me donne donc l'autorisation de sortie mais évidemment, interdiction de faire des folies tout de suite. Je dois tout de même me reposer même si je peux retourner à l'appartement. Et durant deux mois, pas de cochonneries. Du moins interdit d'utiliser l'entrée principale durant ce laps de temps. Il me conseille aussi de voir un psychologue mais là, il se heurte à un refus catégorique. Je ne veux pas payer qui que ce soit juste pour m'écouter pleurer. Parler n'atténuera pas ma peine. Ca remuera juste le couteau dans la plaie, tout au plus. Et enfin, il me conseille aussi de ne pas attendre trop longtemps pour une nouvelle grossesse. Il est sérieux ?! Je viens de perdre un enfant qui n'était pas prévu et il veut que j'en prévois déjà un autre ? Je ne vais pas faire exprès de tomber enceinte juste pour amoindrir les futurs risques ! Connard....

Pendant que Jagger part signer les papiers de sortie, je me lève doucement et commence à me changer. La tenue d'hôpital m'énerve et j'ai envie de partir d'ici au plus vite même si j'ai l'impression d'être encore dans les choux. Je n'ai même pas pris la peine de lui dire que je ne veux pas le forcer à prendre ce contrat s'il n'en veut pas. Il s'était proposé, c'était son idée mais il a très bien pu changer d'avis entre-temps et ne plus vouloir le faire. Ca expliquerait pourquoi le contrat n'est toujours pas signé depuis le temps. Sauf qu'il a l'air d'avoir pris sa décision et je sais que c'est souvent impossible de lui faire changer d'avis. Quinze minute plus tard, je suis encore en train d'essayer de me changer. Je ressemble à une mamie qui s'habille. La fatigue et la démotivation en sont la cause. Au bout de quelques minutes supplémentaires, je suis enfin prête. Ma seule envie c'est de quitter ce lieu et de m'en éloigner le plus possible.

- Ouais ça va aller...

De toute façon au point où j'en suis, que ça détruise mon corps ou non je m'en fiche. Je m'installe donc derrière lui et passe mes bras autour de sa taille. Je reste accrochée à lui durant tout le voyage et lorsqu'on est enfin à destination, je m'apprête à descendre de la moto. J'ai juste le temps de mettre les deux jambes du même côté. Après je me fais porter. Je n'ai rien demandé, c'est lui qui l'a décidé. Jagger me pose seulement dans la chambre, sur le lit puis il commence à me déshabiller. Et moi, je me contente juste de l'observer faire. Un vrai zombie. Du moins jusqu'à ce qu'il parle de douche. J'admets qu'en prendre une me ferait du bien. J'empeste l'odeur des médicaments et je déteste ça. Je lève alors doucement les yeux vers lui pour lui murmurer.

- Tu viens avec moi ?

Je n'ai pas envie de prendre la douche seule. Et ça n'arrivera pas. Il vient avec moi dans la salle de bain et pendant qu'il se déshabille, j'entre dans la baignoire et mets déjà l'eau à une bonne température. Ni trop chaude, ni trop froide. Puis quand il me rejoint, je ne me fais pas prier pour me mettre face à lui et me loger dans ses bras. Et je le serre fort dans les miens, le visage caché contre son torse. Je reste ainsi sans bouger, bloquée dans un mode de peluche. Je suis certes déçue qu'il ne soit pas venu plus tôt mais je suis trop fatiguée pour être rancunière. Et j'ai besoin de le serrer dans mes bras, de me raccrocher à quelque chose ou quelqu'un. Quelques minutes sous l'eau, dans les bras de mon mari et me voilà déjà en train de commencer à chouiner.

- J'suis désolée Jagger...

Un chouinage qui devient gentiment des pleurs. Je n'ai pas l'habitude me lâcher devant mes proches mais cette fois je n'arrive pas à tenir. Je m'en veux d'avoir perdu le bébé alors que je ne suis pas réellement responsable. Certes je suis incapable de rester tranquille et le stress a pu jouer un rôle mais d'après le médecin, ça peut être dû à plusieurs autres facteurs. Le corps qui n'était finalement pas prêt, trop de café, des ennuis immunitaires, la prise de certains médicaments, etc. Bref beaucoup de facteurs peuvent l'avoir causé.

Je n'ai jamais été aussi mal. Je m'en veux horriblement pour cette perte. Je ne sais pas pour quelle raison c'est arrivé et ça me bouffe. Je n'aime pas être dans l'inconnu. Alors lorsque je me suis retrouvée sous la douche avec Jagger, bien blottie dans ses bras, j'ai commencé à me lâcher. Et mon époux a tenté de me calmer et de me rassurer comme il l'a pu. Si l'enfant a été perdu, c'est parce que la nature en a décidé ainsi. Que c'est parce que le bébé n'était peut-être pas en assez bonne santé pour survivre dans ce monde. Moui. C'est peut-être ça. Ou peut-être que je ne me suis pas assez ménagée. Ou que mon corps a fait un fuck total. La suite des paroles de Jagger me surprend cependant. Il me propose réellement de retenter le coup ? Il veut réellement me remettre en cloque ? Il est sérieux ? Pourtant c'est bien lui à la base qui ne voulait pas du tout de gosse.

- Tu... T'es sérieux ? Tu veux réellement retenter l'expérience ?

Il n'a vraiment pas l'air de plaisanter en plus. Sauf peut-être pour le fait qu'il me laisserait bouffer et devenir une baleine.

- Me prive pas de café, j'en ai besoin pour me réveiller le matin et tenir au boulot. Et le médecin m'avait dit que j'avais droit à en boire un voire deux par jour.

Même si j'ai plutôt tourné à trois ou quatre cafés. J'en ai besoin d'au minimum deux le matin pour me réveiller. Après les cafés supplémentaires sont plus de la gourmandise quand je n'ai pas besoin de me redonner un coup de boost.

Pendant qu'il me lave le dos, je garde ma tête posée contre son torse et j'écoute les battements de son coeur. Ca me détend. Le son du jet d'eau ne me dérange pas du tout pour écouter son coeur battre. Je reste ainsi jusqu'à ce qu'il stoppe l'écoulement de l'eau et m'enroule dans une serviette. Je sors alors de la baignoire et me sèche un peu avant que mon époux ne me pique ma serviette pour me donner un peignoir à la place. Vêtue désormais du peignoir, je suis fin prête pour le reste de la soirée.

- Ah, volontiers. Je prends un thé menthe avec du miel dedans.

Le thé menthe est juste mon préféré. Et le miel me permet de me détendre en plus de remplacer le sucre ou de me soigner quand je suis malade. Il s'en va alors à la cuisine et moi je rassemble les affaires pour les jeter dans le bas à linge sale. Je sors ensuite de la salle de bain et écoute discrètement la conversation téléphonique de Jagger. Je reste cachée cependant pour qu'il ne me voit pas espionner. Je n'aime pas faire ça en général mais en sachant que c'est son boss au bout du fil, je me méfie. Je ne veux pas qu'il me reprenne Jagger et qu'à cause de lui mon mari se retrouve encore en prison. Et j'ai peur que ce coup de fil soit pour lui refourguer un autre boulot illégal. Je suis cependant rassurée en entendant Jagger lui dire qu'il doit se retirer. J'espère juste qu'il compte se retirer à vie et pas seulement le temps que je me remette sur les rails...

Lorsque l'appel est terminé, je me pointe à la cuisine l'air de rien. Je me colle doucement contre son dos et passe mes bras autour de sa taille. Une envie de câlins supplémentaires. Je suis déjà assez câline avec lui mais ce soir, je le suis plus que d'habitude. Je n'ai pas pu l'avoir au moment où j'avais le plus besoin de lui alors je tente de rattraper le moment par un autre moyen.

- On regarde un film ?

Je ne sais même pas si je resterai réveillée durant toute la durée du film mais je veux en regarder un. Ca occupera mon esprit. Je relâche finalement mon étreinte et prends la tasse de thé avant de me rendre au salon et de m'asseoir sur le canapé. Je souffle un peu sur ma boisson chaude avant de pouvoir la siroter doucement. Dans le même temps, j'allume la télé et mets sur un film au hasard.