[2018] Un vol plané, direction l'eau

Il faisait chaud. Qu'est-ce qu'il faisait chaud pour la rouquine. Elle, habituée à la vie en Ireland, aux températures fraîches, c'était difficile à supporter. Cela ne faisait que deux mois qu'elle était ici et elle n'avait pas vraiment eu le temps de s'habituer à son environnement. En même temps, elle n'avait pas le temps de s'y habituer, elle avait cette charte très précise de toujours prévenir son protecteur où elle allait. Donc les sorties en ville, c'était à oublier, cela amenait beaucoup trop de soucis. Elle était allée la dernière fois dans un PUB et ce n'était pas limite s'il était venu sur place faire un scandale. En fait...C'est ce qu'il avait totalement fait. Et puisque ce genre d’événement faisait attirer beaucoup trop l'attention, elle évitait. Ne sait-on jamais. L'attention, elle l'avait beaucoup trop eu ces derniers temps. Au moins, sa vie était plus palpitante que dans son pays d'origine.

La rouquine était alors en classe, la coude adossé sur la table, regardant son cahier d'exercice d'un œil absent. De plus en plus ces derniers temps, il l'était. Elle espérait que cela ne se fasse pas trop remarqué dans son futur bulletin, elle visait l’excellence. En fait, les élèves venaient de faire une heure de cours et la pause coupait entre les deux habituelles. Le professeur laissait donc la liberté aux enfants de rester en classe s'ils le voulaient. Il faisait déjà plus frais ici qu'en pleine soleil dehors. Quelques fenêtres étaient ouvertes, un petit vent dansait entre les tables et les chaises et parfois, les feuilles blanches s'envolaient, suivit de quelques cris amusés. Ailis était toujours très solitaire. Certes, elle avait parlé à quelques camarades et en avait même vu en dehors des cours comme Rory. Mais la solitude garantissait de n'avoir aucune histoire avec les autres et ainsi être totalement tranquille. Et puis, elle ne se sentait pas proches d'eux. Dans sa mentalité, cette sorte d'angoisse mélangée à de la souffrance, elle savait qu'elle aurait dû aller en potion si ses parents n'avaient pas certifiés que son mutisme était de naissance. Ce fut seulement une solution pour l'approcher d'un endroit plus spécialisé malgré les multiples refus d'Ailis d'aller dans ce genre de lieu.

Enfin bref, il devait rester la moitié de la classe. Certains parlaient, assis sur les tables, d'autres aux fenêtres. La fin de l'année se ressentait dans la manière dont ils arrangeaient leurs uniformes et par cette plantation de bouteilles d'eau sur les tables. Déjà la fin et la rouquine venait seulement d'arriver. Il lui restait un an à supporter légalement son protecteur. Mais elle soupçonnait que ça n'allait pas bien se passer. Qu'il allait se passer quelque chose qui allait tester sa résistance mentale. Malheureusement faible.  La rouquine était alors ailleurs quand on l'appela. La jeune femme tourna la tête, un groupe de deux personnes lui faisait signe. C'était un groupe à qui elle n'avait jamais vraiment parlé sans véritable raison. La jeune femme prit alors ardoise et se leva, replaçant bien sa chaise dans la table derrière elle. Elle s'approcha alors dans son sourire, slash politesse.

-Tu veux bien me passer ton ardoise quelques secondes ?

Elle hésita. Mais par principe d'aller dans le sens d'autrui, accepta. Son ardoise était celle qu'on achète pour les enfants. Vous savez, cet écran constitué de pleins de points qui laissent une trace en passant le stylet dessus. Puis pour effacer, on utilise la roulette. Ce fut un jeune homme qui l'attrapa, observant, s'amusant avec.

-Je vous avez dis que c'est bien les trucs pour les enfants là.

Il n'y avait rien de méchant dans sa phrase, et puis c'était vrai finalement. Ailis pourrait prendre une ardoise à feutres mais que voulez-vous, la nostalgie, tout ça. Finalement, le gars commença à écrire des choses sur le bout de plastique, montrant aux collègues en face de lui, rigolant. Puis, la rouquine ne sut pas ce qu'il avait mit mais un des message fut destiné à une demoiselle qui s'indigna d'un coup. Elle se dirigea vers lui, un demi-sourire aux lèvres, lui disant qu'elle allait lui faire regretter. Des chamailleries en somme. La rouquine s'en s'aurait foutu si elle n'aurait pas vu son ardoise commencer a être tirée dans tous les sens. La fille se mettait sur la pointe des pieds pour lui prendre, lui, il levait le bras. Ils faisaient du bruit, bougeant dans la salle comme dans une danse dangereuse. Une bouteille d'eau fermée tomba, une table fut bousculée. Ils s'approchèrent de la fenêtre et la rouquine comprit que ça allait mal terminer. Elle voulu s'approcher mais que pouvait-elle faire face à ça ? Sans voix, impossible de leur demander d'arrêter et vu comment ils bougeait, elle ne se voyait pas s'interposer.

Et voilà que par une main s'élançant trop loin, l'ardoise prit son envole, glissant par la fenêtre. Ailis courra vers celle-ci, espérant pouvoir la rattraper. Elle était peut-être un peu dans les vapes, ou alors elle se croyait dans un film. Elle posa un genoux sur le rebord, se tenant par les murs, se rendant compte trop tard qu'elle était penchée au dessus du vide. Un étrange sentiment, presque nouveau, la parcourra: le vertige. Elle observa le monde en dessous d'elle, fascinée. Ils étaient au 2eme étage. Ailis ne se rendit même pas compte du silence, regardant le sol avec d'étrange yeux. Bordel, elle avait l'impression qu'elle pouvait s'envoler, aller ailleurs. Bien sûr que non, elle n'avait pas envie de sauter...Si ? Enfin, se rendant compte qu'elle avait encore donné l'attention, elle força pour revenir sur terre, ayant tout de même du mal avec la fatigue. La rouquine souffla doucement puis se retourna, sortant de la classe, courant presque. Elle devait récupérer son ardoise. Elle dévala l'escalier pour finalement atterrir dans la cour.  La jeune femme n'avait pas regardé où elle était tombée mais il semblait qu'elle avait entendu un plouf. Elle s'approcha d'une des fontaine. Elle ne voyait pas à travers l'eau mais tant pis. La sonnerie se fit entendre et la cour se vida. Bon, on allait la voir depuis les fenêtres et elle allait être en retard, mais elle ne pouvait rien faire sans son moyen de communication. La jeune femme retira ses chaussures, ses chaussettes et commença à rentrer, plongeant ses mains au hasard dans l'eau qui lui arrivait aux genoux.

Enfin l’été ! La période où les oiseaux chantent, il fait plus de 15°C, on peut ne pas porter nos blousons à cause de la chaleur et on a le droit aux bouteilles d’eau en cours. J’adore l’été, c’est l’une de mes saisons préférées avec l’automne. En plus, j’aime nos uniformes, surtout quand on n'a pas nos blousons par-dessus. Ça fait du bien de se balader en manches courtes et en jupe toute la journée, ça rafraîchit. Et vu qu’il fait chaud, je me suis attaché les cheveux ; aujourd’hui, c’est un chignon bas en laissant ma frange correctement coiffée. Après 1 heure de cours avec notre professeur, on avait enfin une pause de 15 minutes pour se dégourdir un peu les jambes et discuter autant qu’on voulait s’en s’arrêter. Mais, aujourd’hui, j’ai préféré déjà commencer à faire les quelques devoirs pour les prochains jours pour pouvoir prendre de l’avance et ne pas les faire plus tard dans la soirée dans ma chambre. Je n’ai pas vraiment envie de les faire dans mon lit alors je les fais ici, c’est beaucoup plus rapide.

Alors que j’étais toujours en train de terminer mes devoirs tranquillement, à ma table, seule, je vu du coin de l’œil Ailis se lever de sa chaise, la ranger et se diriger vers deux camarades de notre classe qui l’avait appelé pour lui parler. Je ne leur parlais pas vraiment alors je ne savais pas ce qu’ils lui voulaient, mais j’allais bientôt le savoir. J’essayais, en revenant sur ce que je faisais, de le terminer rapidement pour ne plus les voir, mais le vacarme que faisaient ses deux élèves commençait à m’énerver lentement. Finalement, après avoir réussi à terminer tout ce que j’avais commencé, je rangeais mes cahiers inutiles pour les prochains cours dans mon sac et pris ma bouteille sur ma table pour en boire quelques gorgées.

Mais… Je savais bien que le duo n’avait pas encore terminé d’embêter Ailis qui leur avait prêté son ardoise, qui est le seul moyen qu’elle puisse utiliser pour pouvoir communiquer avec tout le monde. Je ne sais pas vraiment s'ils comprennent vraiment cette information ou s’ils sont encore des gamins dans leur tête à se chamailler en l’ayant dans les mains. Après une remarque du garçon, la fille qui était à côté de lui voulut récupérer l’ardoise, mais elle était trop petite alors elle n’y arrivait pas. Et alors qu’elle pouvait abandonner après 2 secondes, elle continua et ils finirent par faire tomber une bouteille d’eau et bousculer une table jusqu’à arriver à la fenêtre où l’ardoise tomba à cause d’un dernier coup venant de la jeune fille. Les idiots ! Je vis alors Ailis foncé vers la fenêtre pour essayer de la rattraper avant qu’elle ne tombe, mais elle ne réussit pas et sortie de la classe en courant pour vite arriver en bas du bâtiment, dans la cour, et de la récupérer.

- Vous auriez pu faire attention ! Dis-je en m’approchant de la fenêtre pour m’y pencher et voir donc Ailis en train de retirer ses chaussures pour entrer dans la fontaine et chercher son ardoise.

Je fronce légèrement mes sourcils en leur disant rapidement que j’allais revenir avec Ailis et qu’ils devaient le dire au professeur s’il revient. Je pris alors dans mon sac une petite serviette que j’avais toujours sur moi et je descendis donc rapidement les escaliers pour croiser notre professeur et donc lui dire que j’allais aider Ailis à récupérer son ardoise et qu’on allait revenir en cours dès que possible. Il me répondit d’un simple hochement de tête avant de continuer son chemin et moi le mien. J’arrivais donc également dans la cour et vis Ailis toujours en train de chercher son ardoise. Je m’approchais donc d’elle et en trottinant et en retirant mes chaussettes et mes chaussures au rebord de la fontaine, je lui dis :

- Ailis, j’ai prévenu le professeur qu’on sera un peu en retard. Je vais t’aider. On va vite la retrouver ton ardoise, c’est promis.

Je le lui dis donc avec un grand sourire pour la rassurer autant que possible avant d’entrer, moi aussi, dans la fontaine et de commencer mes cherches de mon côté en plongeant mes mains dans l’eau. C’est vrai qu’il est difficile de voir ce qu’il y a à l’intérieur… Mais on va la retrouver, j’en suis sûre !

Ailis était-elle en colère ? Certainement un peu. Après tout, on s'était permit de lui prendre son seul moyen de communication, de s'amuser avec comme un vulgaire jouer puis d'en prendre tellement attention...Qu'il a finit par la fenêtre. C'était du plastique, il serait tombé au sol, il  serait cassé. Elle n'avait rien fait encore une fois, pour ne pas paraître coincée ou un autre adjectif dans le genre. Mais lui retirer son moyen pour parler n'était pas spécialement évident. Enfin, elle pourrait parler en langue des signes mais qui ici connaissait cela ? Il n'y avait que les pères, les mères, voir les sœurs et frères d'un muet pour l'apprendre. A la limite, quelqu'un de très sensible mais c'était très rare. Elle avait rencontré le barman qui connaissait quelques termes mais pas de quoi tenir une discussion. Car oui, c'est chiant de parler avec un muet. On pense qu'il n'a pas de conversation car il ne dit jamais rien (bravo Sherlock) et généralement, Ailis a la flemme de développer une pensée longue sur une ardoise de trente centimètres. Le temps d'effacer, de montrer, personne n'appréciait ce moment. Avec les signes, elle pourrait tenir de vrais débats, il y aurait là quelque chose de magique.

La rouquine plongeait alors ses mains dans l'eau, un visage neutre mais dur de sens. Finalement, c'était plutôt agréable avec la chaleur et louper quelques minutes de cours n'allaient pas détruire son bon niveau scolaire. Le professeur comprendra bien que son ardoise était importante.

Mais voilà qu'elle entendit une voix qui fit qu'elle se retourna rapidement. Presque dans un sursaut. C'était Mia, une collègue de classe. Elle avait du parler deux trois fois mais pour des banalités scolaire. Peut-être qu'Ailis n'était pas assez avenante pour cela aille plus loin. Elle la vit retirer également ses chaussures, ses chaussettes, posant le tout sur le rebord de la fontaine. La demoiselle semblait surprise pendant un instant. Mais qui irait mettre également ses pieds dans ce monde visqueux pour aider la muette de service ?. De plus, elle souriait, se montrant gentille. La rouquine aurait voulu l'empêcher de rentrer là-dedans mais trop tard, la voilà avec de l'eau jusqu'à un peu au dessus des genoux, vu qu'elle semblait plus petite que notre demoiselle. Et puis, ce n'était pas comme si la rouquine pouvait dire quoi que ce soit et elle n'allait pas non plus la pousser ou la porter pour la mettre sur le gazon.

Donc, finalement, la jeune fille sourit doucement, la remerciant d'un geste de tête. Tant qu'elle n'aura pas retrouver son bout de plastique, elle ne se sentira pas à l'aise pour communiquer de toute façon. La jeune femme plongea alors les mains à nouveau dans la flotte, marchant pour inspecter les moindres recoins. Elle n'allait pas rester avec une camarade de classe avec toujours l'incapacité de lui dire quoi que ce soit. C'était angoissant d'une certaine manière. La jeune femme continua alors sa recherche lorsque son pied marcha sur quelque chose, ce quelque chose glissa d'un coup. Faisant glisser également son corps également, bien évidement. A la renverse, les fesses dans l'eau, un grand plouf, presque jusqu'au coude. Et heureusement qu'elle n'avait pas son téléphone sur elle. Un visage désespéré se montra sur celui de la jeune femme qui remonta son bout de plastique. Alors là, la flemme de se lever de sa nouvelle piscine. Elle se sentait vraiment nulle. Et en plus devant Mia et tous ceux qui avaient pu l'observer à travers la vitre. Elle frotta son visage, agacée.  Oubliant qu'elle devait normalement sourire, elle reprit vite sa grimace en regardant sa sauveuse. Elle nota sur le bout de plastique encore intacte:

"Je crois l'avoir trouvé"

Je ne pensais pas que cette journée serait remplie d’événement inattendu. J’aurais dû m’en douté, au moins un petit peu. Mais bon, au moins je peux aider quelqu’un qui a besoin d’aide alors cela me remonte le moral. Ailis est une fille muette, c’est pour cela qu’elle a une ardoise sur laquelle elle peut écrire quand on lui parle. Elle pourrait aussi bien utiliser la langue des signes, mais je ne pense pas que quelqu’un dans la classe sache le parler, même les professeurs, alors c’est peine perdue… C’est vrai que ça lui faciliterai la tâche de pouvoir parler avec quelqu’un en langue des signes. Elle pourrait développer ses idées et faire des réponses beaucoup plus longues par rapport à ce qu’elle arriver à écrire sur sa petite ardoise. C’est dommage pour elle… Peut-être que je devrais commencer à l’apprendre… Je verrais bien dans l’avenir.

En revenant à notre situation, j’étais donc arrivé vers Ailis en entrant dans la fontaine comme elle pour l’aider à chercher son ardoise qui était encore dans l’eau. Je pus remarquer qu’elle ne pouvait pas me répondre, et je comprenais totalement et, bien sûr, ça ne me dérangeais pas du tout. Après tout, son moyen de communication est dans l’eau. Elle me répondit alors avec un sourire et un hochement de tête avant de reprendre ses recherches de son côté tandis que je commençais les miennes de mon côté de la fontaine. Je pense qu’on arrivera à retrouver son ardoise dans quelques minutes, et de toute façon, j’ai prévenu le professeur que l’on allait être en retard, alors tout va bien.

Nous marchions un peu partout pour affiner nos recherches dans cette eau qui n’était pas aussi transparente que du verre lorsque je me demandais si des gens nous observaient depuis les divers fenêtres dans les salles de cours ou dans tout le bâtiment. Je me redressais alors pour me tourner vers les diverses façades et vérifié s’il y avait bien des élèves qui étaient en train de nous observer à travers certaines fenêtres. Je pus en voir quelques uns mais pas grand monde. Je suppose qu’ils ne sont pas intéressés par ce qu’il se passe dehors ou qu’ils ne voient pas l’intérêt de venir aider une muette à récupérer son ardoise. Je ne comprends vraiment pas les gens…

Finalement, je plonge de nouveau mes mains dans l’eau pour continuer mes recherches et alors que j’allais me tourner vers Ailis pour lui demander si elle avait réussi à trouver quelque chose, j’entendis un gros plouf et je reçus quelques gouttes d’eau au visage ce qui, pour être honnête, rafraîchit énormément. En rouvrant mes yeux, car je m’étais protégé le visage à l’aide de mon bras gauche, je vis Ailis assise dans l’eau, trempée. En prenant son ardoise, qu’elle avait visiblement retrouvé, elle écrivit dessus « Je crois l’avoir trouvé ». Je l’observais pendant quelques secondes avant de pouffer un peu par la surprise sur le coup et je m’approchais d’elle pour lui tendre ma main.

- On dirait bien que tu l’as trouvé, oui. Tiens, prend ma main. J’ai une serviette avec moi alors tu pourras te sécher avec.

Je l’aidais donc à se relever et je sortais rapidement de la fontaine pour me nettoyer vite avec ma serviette et me rhabiller. Puis, je lui tendais la serviette pour qu’elle puisse se sécher elle aussi et ne pas rester trop trempée. Mais… Il y a toujours ce problème cette jupe. Elle est complètement trempée et je ne sais pas vraiment où on pourrait aller pour en trouver une autre ou trouver un vêtement de rechange. Peut-être à l’infirmerie ?

- Je ne sais pas s’il y a des vêtements de rechange à l’infirmerie, mais on peut essayer d’aller voir pour faire sécher ta jupe. On est excusé par le professeur, je l’ai vu dans les couloirs en venant te rejoindre. Tu veux qu’on tente d’aller à l’infirmerie ?

Ailis restait alors dans l'eau dans cette grande flemme de se lever, ne sachant pas trop ce qu'elle devait ressentir. De la honte ? De l'agacement ? Ou du soulagement puisqu'en l’occurrence, elle n'avait plus du tout chaud. Et cela malgré le fait que le liquide ne semblait pas des plus propres. Mais avec la fatigue, elle se ridait un peu et avait du mal à être vraiment optimiste dans son fort intérieur, malgré ce qu'elle voulait montrer. Son ardoise entre les mains, elle observa un peu l'état de l'objet. Elle avait de la chance, elle était  encore en vie et l'eau avait amortie la chute. Bon, elle était un peu remplie mais elle trouverait un moyen de retirer tout ça.

Mia rigola alors doucement avant de lui tendre la main. Il fallait avouer que même si Ailis préférait traîner avec des gens de caractère, affirmant ce qu'ils sont (ce qui expliquait pourquoi elle allait parfois dans le bâtiment des IRS), sa bonne humeur lui fit du bien. Cela lui montrait que ce n'était pas grave et que ce n'était certainement pas la peine de s’énerver pour si peu. La rouquine soupira alors doucement de soulagement, toujours silencieusement et prit sa main pour se relever avec plus ou moins de difficulté. Il serait peut-être bien qu'elle se nourrisse et dorme un peu plus, elle commençait à le ressentir sur sa santé. Mais clairement, elle n'y arrivait pas dernièrement. Il ne faudrait cependant pas qu'elle s'assoupisse en classe. Parce que lorsqu'un élève distrait le fait, ça passe. Mais quand c'est l'un des meilleurs élements, c'est toujours plus inquiétant pour les professeurs. Et puis ça remonte vers le responsable légal. Et là, c'est le drame. La jeune femme regarda alors son état. Sa jupe était totalement trempée, son haut un peu vers le bas et heureusement qu'elle avait fait un chignon.

En sortant de la fontaine, la rouquine s'assit alors sur le rebord et soupira très doucement, observant ses pieds. Elle essora le tissus de son bas pour retirer le maximum d'eau et la jeune femme lui passa la serviette. Ailis lui sourit alors gentiment, elle apporta sa main à son menton et bascula celle-ci de sorte à en montrer le creux. Cela voulait dire "merci" en langue des signes. Mia ne connaissait peut-être pas le langage mais dans le contexte, c'était facilement compréhensible et ainsi, elle apprenait un mot. Elle devrait le faire plus souvent avec les gens qu'elle rencontre. La rouquine prit alors la serviette, ressuya ses pieds jusqu'à la hauteur des ses cuisses. Elle avait terriblement envie de l'enlever, au point de sa balader en culotte. Mais elle n'allait pas le faire bien évidement. La camarade lui proposa alors d'aller à l'infirmerie, la jeune rousse prit son tableau, écrit, puis montra:

"Je veux bien, je me vois mal rester comme ça"

Normalement, elle aurait demandé d'y aller seule mais elle n'avait là pas envie de l'être. C'était assez rare. Certainement le fatigue qui baissait sa résistance mentale. Et cela avait un côté un peu excitant de sauter les premières minutes d'un cour, elle qui avait toujours été correcte pour tout. Ailis remit alors ses chaussettes, ses chaussures et se leva. Les jeunes femmes commencèrent alors le chemin vers l'infirmerie. Sur la route, elle notait sur son ardoise, en marchant, habituée à faire deux choses à la fois:

"Cela ne te dérange pas de louper un peu les cours ?"

Bon, peut-être que la rouquine n'avait pas le même lien avec les cours que la plupart des élèves. Elle aimait y aller, elle. Par exemple, Ailis ne levait jamais la main pour accompagner un élève à l'infirmerie. C'était seulement la parole apaisante du prof qui lui faisait un peu penser à autre chose.

Je me demande si Ailis va bien, c’était un très gros plouf et en plus, elle n’est pas tombée en avant sur ses mains ou ses genoux, mais sur son bassin, ce qui explique le bruit du plouf. Elle ne semblait pas avoir mal au premier abord, mais Ailis semblait plutôt honteuse ou embarrasser d’être tombé comme ça. Même si je me posais la question, je ne voyais pas pourquoi elle le serait. Si cela m’était arrivé, la première chose que j’aurais faite, c’est rire de moi-même et je me serais relevé avec un grand sourire comme si de rien était. Mais je suppose qu’elle n’a pas l’habitude de se retrouver dans ce genre de situation, ce qui explique donc son comportement.

Mais, ne voulant pas la laisser assise dans la fontaine et continuer de rester tremper, je lui tendis donc ma main pour l’aider à se relever. Elle prit donc ma main et je l’aidai doucement pour ne pas me faire tomber en arrière ou qu’elle retombe une seconde fois. Je sortais donc de la fontaine et attendis qu’elle sorte également pour qu’elle se sèche et se rhabille. Elle me remercia, d’après le geste de sa main, avant de commencer à s’essuyer et si je ne me trompais pas, j’avais bien raison de dire que je connaissais ce signe ; ça veut dire « merci ». Je m’exclamai alors.

- Je connais celui-là. Dis-je avant de lui répondre en positionnant ma main comme une tasse avant de faire un léger mouvement pour la plaquer contre mon buste tout en disant Derien !

Pour une fois, que je pouvais utiliser les seuls mots que je connaisse, ahah… Par la suite, j’avais eu l’idée d’aller à l’infirmerie pour faire sécher sa jupe et sûrement de trouver une autre ou un autre bas qu’elle pourra porter pour retourner en cours, car je ne pense pas qu’il s’agisse d’une raison valide pour rater une heure ou plusieurs de cours. Elle accepta et après qu’elle a remis ses chaussettes et chaussures nous commencions notre marche vers l’infirmerie.

Durant notre chemin, Ailis prit son ardoise pour écrire quelque chose dessus. En la voyant faire, je tournais ma tête vers elle en attendant qu’elle finisse et qu’elle me le montre. Elle me demanda alors si cela ne me dérangeait pas de louper un peu les cours. Avec un grand sourire revenant sur mon visage, je lui répondis tout en continuant de marcher.

- Pas du tout ! Je suis bonne dans plusieurs matières, alors tout va bien. Je pourrais toujours rattraper mon cours chez l’un de nos camarades ou chez le professeur directement. Ne t’inquiète pas, pense plutôt à toi avant moi. Dis-je en finissant par lui donner une légère tape sur l’épaule.

Après quelques secondes de silence, je repris la parole.

- J’aurais dû me douter que ces deux-là allaient faire quelque chose de mal avec ton ardoise, désolée de n’être pas intervenu plus rapidement. Peut-être que j’aurais pu attraper son ardoise avant qu’elle ne tombe de la fenêtre… Mais, au moins, maintenant, tu sais que c’est plus sûr de garder ton ardoise qu’à toi. C’est ton seul moyen de communication et tu ne peux jamais savoir ce que les autres vont faire avec si tu les laisses te le prendre. Mais j’espère pouvoir t’aider dans prochaines situations comme celle-ci, si tu as besoin d’aide bien sûr ou si tu le demandes, je ne t’oblige rien.

Ah, apparemment Mia connaissait ce signe là et cette demoiselle lui répondit avec un de rien. Cela faisait toujours plaisir à la rouquine de voir ce genre de language. Seul Joshua connaissait cette manière de s'exprimer, il l'avait apprit pour qu'Ailis puisse parler plus facilement avec lui, mieux s'exprimer. Il faisait tout pour qu'elle s'exprime. Cela semblait important pour lui. Et il avait de quoi être déçu. La jeune femme n'e disait jamais ses sentiments et en particulier avec lui. C'était peut-être la personne avec laquelle elle était la plus hypocrite. C'était certainement mieux ainsi, pour entretenir de bonnes relations avec un colocataire, ça limitait les dégâts. Alors, la rouquine lui sourit en réponse et voilà qu'elles se dirigèrent vers l'infirmerie.

Elle n'y était jamais allée mais connaissait le chemin. Elle avait tout retenu, la plupart des salles, des couloirs. Et encore plus depuis qu'elle avait été attaqué par cette brute. Si elle devait de nouveau se faire poursuivre dans l'établissement, autant qu'elle soit stratégique. Ailis lui demanda alors si cela ne la gênait pas de louper un peu du cours et sa camarade lui répondit que non, qu'elle était plutôt bonne là-dedans et qu'au pire, elle rattraperait sur quelqu'un. C'est sûr que vu ainsi, il n'y avait pas de problème. Ailis ne demandait jamais les cours aux autres, histoire de ne pas compter sur eux, ce qui l'obligeait à ne jamais rien loupé. Mia rajouta alors qu'elle ferait mieux de s'occuper d'elle avant de lui donner une petite tape sur l'épaule. Pendant un instant, la rouquine parut un peu surprise. Pourquoi lui dire ça ? Elle allait bien, et puis, ce n'était pas vraiment important au fond.

La jeune femme ne réagit donc pas jusqu'à ce que son interlocutrice continue sur sa pensée. Elle raconta qu'elle aurait dû intervenir avant avec cette ardoise, qu'elle ne devait pas la passer aux gens comme ça. Parce qu'elle ne pouvait jamais être sûre des intentions des autres. Finalement, elle termina en proposant de l'aider en cas de besoins. C'était très louable de sa part. Mais Ailis ne pouvait pas se reposer sur l'épaule de quelqu'un. Son protecteur l'étouffait assez comme ça, jouant beaucoup trop son rôle (voir plus ). Elle voulait montrer qu'elle peut se débrouiller malgré son mutisme. Seule, comme elle l'avait toujours fait dans toute sa vie. Depuis qu'elle s'était réveillée ce matin sans voix, elle avait prit la décision de ne plus être un poids sur le dos des autres. La pauvre petite-fille à aider parce qu'elle a des problèmes. Ailis fixa alors le sol d'un regard lointain, un sourire jaune aux lèvres, un peu crispé. Elle prit alors son ardoise et nota:

"Ces deux-là n'avaient pas de mauvaises intentions. Ils ont pas fais gaffe, c'est rien."

Elle sourit alors plus gentiment avant d'effacer et de noter à nouveau :

" Ne t'inquiète pas pour moi, je me débrouille "

Son visage se voulait détendu et amusé, elle espérait que cette facette marche. La porte de l'infirmerie se dessina en face des jeunes femmes. Ailis l'ouvrit et l'infirmière les regarda. Elle leur demanda ce qu'il s'était passé en voyant l'état de la jeune femme. Ailis nota rapidement sur son ardoise les faits:

"J'ai fais tombé mon ardoise dans la fontaine et je suis tombée dedans en voulant la récupérer"

Bien sûr, elle ne dit pas que ce n'était pas vraiment de sa faute mais qu'importe. Cela ne changeait rien et elle ne voulait pas risquer d'avoir des gens sur le dos parce qu'elle aurait dénoncé certaine personnes. L'infirmière demanda alors les noms des deux filles et proposa à la jeune femme d'enlever sa jupe. Elle allait lui donner un jogging de l'uniforme de sport. Ailis se mit alors proche du lit, retira le tissus, en culotte, pliant proprement la jupe pour la mettre de côté. Elle ne semblait pas vraiment très gênée. Elle nota simplement sur son bout de plastique:

"Je peux avoir la serviette s'il te plait ? Faudrait que j'évite de mouiller le jogging."

Elle sourit.

Pour une fois, je pouvais utiliser le seul mot que je savais dire en langue des signes, j’étais contente. Je ne pensais pas que ça allait me servir un jour de savoir dire « de rien » avec des mains, mais je suppose que je me suis trompé. Même si ce n’est pas grand-chose et qu’on ne peut pas commencer une véritable conversation à partir de ce mot, je suppose que les personnes muettes qui rencontrent quelqu’un pouvant dire quelques mots voyait, quand même, comme une sorte de lueur d’espoir. Ce n’est pas souvent que l’on rencontre des personnes sachant utiliser la langue des signes. C’est dans ce genre de moment que je me rends compte que les personnes ayant ce genre de handicap ont une vie difficile comparer à ceux qui n’ont pas de problème.

Ailis me sourit en guise de répondre et nous continuions de marcher dans les couloirs en direction de l’infirmerie. J’avais donc commencé à parler de ce que je pensais de la situation qui venais de se produire avec le duo dans la salle de classe et je lui avais fait par de mon envie de l’aider, dans d’autres situations, si elle en avait envie mais en voyant son visage, je me dis que j’ai sûrement dit quelque chose de trop. En sachant ce qu’elle a dû vivre, je peux supposer qu’elle se dit que je l’ai aidé uniquement parce qu’elle a un handicap : ce qui est totalement faux. J’aide tout le monde et je me fiche qu’il a un handicap ou non, je ne cherche même pas à le savoir. J’avais donc commencé à parler de ce que je pensais de la situation qui venais de se produire avec le duo dans la salle de classe et je lui avais fait par de mon envie de l’aider, dans d’autres situations, si elle en avait envie, mais en voyant son visage, je me dis que j’ai sûrement dit quelque chose de trop.

- Après, si tu préfères te débrouiller seule, je ne t’embêterai pas. Et je ne voudrais pas non plus que tu penses que je t’ai aidé parce que tu as un handicap. Aider les autres est l’une de mes plus grandes qualités. Je ne cherche pas à savoir qui est la personne, si elle a problème physique, mentale ou autre ou même si elle n’en a pas. Quand je vois une personne qui est dans une situation où être en compagnie d’une autre personne pourrait le rassurer ou le mettre en confiance, je fonce sans réfléchir. Je veux juste que cette personne se sente mieux par mon aide.

J’espère qu’elle comprend mieux ce que j’ai voulus faire en l’aidant à la fontaine. Bref, après avoir fini mon petit monologue rapide, elle écrit sur son ardoise que les deux élèves qui avaient pris son ardoise n’avaient pas de mauvaises intentions et qu’ils n’ont juste pas fait attention. Je peux comprendre. Elle ajoute en souriant gentiment que je ne devais pas m’inquiéter pour elle et qu’elle allait se débrouiller.

- D’accord, je te fais confiance sur ça.

Nous étions donc enfin arrivé à l’infirmerie et en entrant, l’infirmière demanda la raison de notre venue. Ailis écrit alors la raison mais étant un peu derrière elle, je ne pus voir que la réaction de l’infirmière en apprenant ce qui s’était passé. Elle demanda alors nos noms, qu’elle nota, et ensuite elle donna un jogging à Ailis pour qu’elle puisse se changer. Elle se rapprocha donc du lit présent dans la pièce et retira sa jupe. Je m’étais, à ce moment-là, retourné pour ne pas la gêner et en entendant le bruit de son ardoise, je me retournai pour voir qu’elle me demandait que je lui prête la serviette pour ne pas mouiller le jogging.

- Oui, bien sûr ! Tiens. Dis-je tout en lui donnant la serviette.

Après lui avoir donné la serviette, je me retournai pour la laisser terminer et j’attendais donc patiemment qu’elle termine pour que l’on puisse retourner en cours. J’observais en attendant les divers objets qui étaient présents dans l’infirmerie en restant dans la même position, immobile. Dès qu’elle eu fini, je me retournai donc vers elle et le lui demandai.

- Tu as fini ?

Sur le chemin de l'infirmerie, elles avaient parlé sur l'aide que Mia voulait lui donner. Et que bien sûr, puisqu'on ne se refait pas, Ailis avait refusé. Peut-être un jour... Mais sa mentalité n'évoluait pas encore, il fallait certainement plus de temps pour ce genre de chose. Elle était plus ouverte mais d'un côté, elle semblait faire tomber sa santé. Depuis qu'elle était arrivée ici, elle avait maigris, angoissant trop et elle dormait de moins en moins. Forte heureusement, avec ses vêtements, cela ne se voyait pas. Il ne manquerait plus que ça se rajoute en plus à ses problèmes actuels. Joshua deviendrait fou.  Après, sa camarade commença à sortir tout un discours dont elle ne comprit pas vraiment pourquoi elle disait cela. Et pour tout avouer, cela la refroidit un peu. Quand elle lui avait proposé son aide, elle se doutait qu'elle ne parlait pas à cause de son handicap. Du moins elle ne l'avait pas vu comme ça. C'est juste qu'en général, Ailis est froide avec les propositions d'aide. Et le fait qu'elle se sente obligée de préciser que ce n'était pas à cause de son mutisme, ça  l'emmenait à penser que ça pouvait être le cas. Bien sûr elle fit en sorte de ne pas le montrer. Elle n'avait pas envie de créer un conflit et la communication n'avait jamais été son dada. En simple réponse, elle marqua seulement sur son ardoise un:

"C'est très louable de ta part", en souriant

Oui c'était hypocrite mais elle n'avait pas le choix. C'était obligé pour elle pour survivre d'être toujours d'accord avec tout le monde. Finalement, elles allèrent à l'infirmerie. Elle mentit à la dame puis commença à se changer. En fait, elle était déjà venue ici. Car son visage lui disait quelque chose. Mais bien sûr ! En arrivant, elle avait du passer une visite médicale à cause de son problème puis une visite chez la psychologue. Pour être sûre que son mutisme n'était pas un problème. Elle avait oublié car elle n'en avait pas un bon souvenir. Devoir parler pendant une heure sur son problème (ce qu'elle déteste faire ) n'avait pas été le meilleur moment. Surtout par le nombre de mensonges qu'elle avait dû balancer. La jeune femme se changea alors puis demanda la serviette à Mia qui s'efforçait de se retourner. Elle se sécha puis l'infirmière passa, un regard curieux, elle dit:

-Ailis, tu n'aurais pas maigris depuis la dernière fois ?

La jeune femme la regarda, un peu paniquée intérieurement. Ok, on se calme. On fait comme d'habitude. Elle sourit et secoua la tête pour dire non. La dame fonça les sourcils puis repartit dans son bureau. Ouf, elle aurait pu lui demander de monter sur la balance ou quelque chose comme ça. Elle mit le jogging puis Mia lui demanda si elle avait terminée. La rouquine hocha la tête et plia sa serviette pour la lui donner. Elle fit signe à la femme que c'était bon et elle fit un mot pour bien dire qu'elles se trouvaient à l'infirmerie. Elle rajouta également qu'Ailis pour venir chercher sa jupe plus tard. La jeune femme ouvrit la porte et sourit avant de sortir, plus silencieuse que tout à l'heure. Enfin, façon de parler.