[2018] Une agression justifiée ?

Enfin on y était. Je me tenais devant elle, l'ayant plaqué contre le mur de la cour. Je ne savais pas ce que mon regard traduisait à ce moment précis. J'avais peur. Ce n'était pas moi ce genre d'agissement, c'était un peu comme si j'agressais une personne innocente. Mais cette fille, elle était loin d'être innocente. Je le savais. C'était purement et simplement sa faute si j'étais ici, en forge, dans l'incapacité de pouvoir sortir de cet établissement, piégé. Mon cœur battait d'une allure violente, s'écrasant contre mon torse. Lui aussi il voulait s'enfuir. Je la traquais depuis un moment. Mais à chaque fois elle s'enfuyait. C'était d'ailleurs étrange ce don qu'elle avait. Elle était visiblement en IRS mais elle était comme un fantôme. Et je ne sais pourquoi, sentir son souffle contre ma peau me rassurait. Cela me rassurait car cela voulait dire qu'elle existait bien, que je n'hallucinais pas depuis tout ce temps et donc que je n'étais pas schizophrène. Personne ne voulait me croire, mais la preuve était là, entre mes mains.

Ses yeux marrons croisaient les miens. Ils semblaient dans la volonté de se montrer fort mais semblaient au fond terrifiés. Et ce sentiment...Était tellement satisfaisant. Cette femme qui m'avait fait passé pour un psychopathe, je la détestais tellement. Tout était de sa faute. Elle m'avait accusé pour se protéger. Je ne savais pas encore comment elle avait fait pour que mes empreintes digitales se retrouvent partout, ni pourquoi elle avait fait ça mais j'allais lui faire payer. Mon regard était sérieux, voir très légèrement sadique. Ce sentiment incompréhensible d'apprécier la sueur qui perlait sur son visage, de cette position de faiblesse dans son regard. A en oublier ceux qui nous regardaient et qui allaient certainement bientôt intervenir.

C'était il y a peine 5 minutes, j'étais dans la cour, assit, quand je l'avais vu marcher le long des murs, comme si elle voulait être discrète. Et enfin, elle ne m'avait pas remarqué. Je m'étais glissé derrière elle et avait mit mes soixante-dix kilos contre elle. La bloquant avec mes mains. Elle avait crié mais je ne l'ai pas entendu. Des flammes dans mes pupilles.  Ma main monta alors le long de sa gorge et la maintient comme cela, haletant fortement. Non, ce n'était vraiment pas mon genre d'agir comme une brute. Mais la vengeance était tellement forte, tellement violente, je n'arrivais plus à me contrôler, moi, le lâche. Ma bouche s'ouvrit alors, hésitant quelque secondes à lui parler.

-Toi !

Eh merde. La sonorité que j'avais produit marqua une très forte émotion, mes cordes vocales tremblaient et trahissaient l'air dur que je voulais me donner. Mais qu'importe, j'y était, j'allais lui faire cracher le morceau. Cette Maria allait voir. Je me mordis la lèvre alors que des voix s'approchaient de nous. Mais sous ma violence interne, impossible de discerner ce que cela voulait dire.

-Pourquoi t'as fais ça hein ?! Hein Maria ?! Dis-moi putain ! Avoue ! Avoue que c'est toi  !

Et pour la première fois la voix de la demoiselle se fit entendre. Une voix qui lui confirma que c'était bien elle. C'était SA voix. Cette voix ultra féminine et aiguë avec un très léger accent difficile à comprendre.

-Reculez-le ! Aidez-moi !

D'un coup, je me sentit projeté en arrière, par le col. Ma vue était troublée par les émotions. Mes bras furent bloqués dans mon dos. Je voulu me débattre, observant la silhouette de mon bourreau qui jouait encore ce rôle débile de fille parfaite. Je la détestais comme tout le monde l'aimait ici. Elle avait très bonne réputation. Mais clairement, ça n'allait pas se passer comme cela. Mon psychologue avait dit qu'il n'y avait pas de Maria à Indare. Donc quelque chose n'allait pas. Mais je savais qu'au fond, c'était elle. Malgré le fait qu'elle avait changé. Elle avait maigris, changé de couleur de cheveux avec une peau un peu plus blanche. Oui, elle cherchait à changer d'identité. Comme tous les tueurs.

-C'est elle ! C'est elle qui les a tué ! Putain ! Vous êtes aveugle ! J'ai rien fais !

En attendant, je ne comptais pas me laisser plaquer ainsi. Il allait encore réduire mes libertés si cela se savait (et cela se saurait pour sûr). Ceux qui s'amusaient à me maîtriser me firent m'asseoir au sol et la pauvre demoiselle fut rentrée dans l'établissement. On me demanda de rester là, le temps que je me calme. Ma respiration était rapide, j'avais envie de vomir. Je ne voulais pas rester ici. On me regardait, comme un monstre. Comme un forge. Dès que je fus lâché, je me mis alors à courir à travers cette cours. Je commençai à prendre le chemin vers les dortoirs et me mit à monter à l'arbre pour me cacher dans les feuillages. J'allais avoir des ennuies à cause de cela, mais pour l'instant, j'avais besoins de calme. Il ne fallait pas que je me mette à pleurer ou quoi que ce soit. ¨Ce n'était pas qu'une question de dignité mais...Ok, c'était totalement une question de dignité. J'étais très rapide et lorsque les surveillants arrivèrent, ils continuèrent simplement vers les dortoirs, pensant que j'ai pu me réfugier là dedans. Je soupirai de soulagement.

J'avais eu de la chance, j'en avais plutôt conscience. Le fait qu'ils ne m'avaient pas vu, que j'avais ainsi pu me cacher. En même temps, j'étais plutôt sportif, c'était la seule matière où j'avais de bonnes notes. Enfin, pas vraiment. Il y'avait tout ce qui faisait partit des lettres, cela me permettait d'écrire, une passion pour moi bien importante. Mais il fallait avouer que tout ce qui rentrait dans la catégorie scientifique me désintéressait au plus haut point. Ce qui aillait m'amener à louper mon année. Je m'en foutais au fond, et tant mieux, cela me donnait une chance supplémentaire de trouver un moyen pour prouver mon innocence. S'ils me mettaient à l'université, je n'aurais plus l'acteur principal de cette mascarade. Si c'était bien Maria (ce qui est pratiquement sûr ), elle avait un an de moins que moi. Et j'allais tout faire pour la coincer, et cela même si je dois gratter un peu la limite de légalité de cette école. C'était ma liberté contre la sienne et j'avais choisis mon clan.

Ainsi, caché aux milieux des feuillages qui avaient repoussé après l'hivers, j'essayais de me faire le plus discret. J'avais clairement besoins de me calmer, il ne fallait pas que je mette un péter un plomb maintenant, cela ne ferait que me ranger encore plus dans la case des fous et donc, desservir mon discours. Il était déjà assez bien décrédibilisé comme ça à cause de la section dans laquelle on m'avait rangé. Donc, respirer, inspirer, s'empêcher d'avoir les yeux humides, calmer ce sorte de tourbillon en moi qui tourne et tourne, me donnant cette sensation désagréable de nausées. Tout allait bien, j'allais trouver un autre moyen pour me faire comprendre. Et plus intelligent que l'étrangler comme le fou qu'ils veulent que je sois.

Je frottai alors doucement ma main contre mon front, posant mon dos contre les branches, ça allait déjà mieux quand j'étais à l'abris des regards.

Mais voilà qu'une voix se fit entendre. Une voix qui me fit sursauter, contrastant avec le fait que je me croyais caché. Pas tant que ça ? Je regardais en bas. C'était celle d'un jeune homme. Pourquoi me parlait-il ? C'était à cause de la scène qu'il venait de se produire ? Ah, je n'avais pas envie de me justifier et déclencher un sorte de dialogue de sourd. Et puis, il est vrai que là, je n'avais pas envie de répondre, me méfiant toujours un peu des nouvelles venues. Le plus dur avec la forge, c'est que cela m'avait enfermé sur moi-même. Un peu comme si on devenait naturellement la catégorie où on nous enfermait. Et puis, qui me disait que les surveillants n'allaient pas répliquer derrière lui ? Chacun pour soit m'avait dit quelqu'un un jour. Cela peut très bien s'appliquer ici. Je le jaugeais alors. Mon regard n'était pas froid mais plutôt neutre, voir un peu embarrassé,  coincé avec ma respiration plutôt rapide que je voulais calmer.

Mais ce fut sa seconde phrase qui me détendit un peu plus. Pourquoi le croire ? Je ne sais pas vraiment mais il n'aurait pas trop de raisons de me mentir non ? Et puis peut-être que j'avais envie de me reposer un peu sur quelqu'un aussi. Certaines personnes m'avaient attendris dernièrement, je pensais par exemple à Basile dont mes réactions avaient du moins des plus étranges. Peut-être que je perdais ce côté solitaire que je voulais me forger ?  Je l'observais alors à nouveau puis dis:

-Ça pourrait aller mieux...

Mais il s'en doutait très certainement. Je ne savais pas si je devais descendre ou rester ici. Les élèves dans la cours me reconnaîtraient donc j'allais attendre la sonnerie, je sécherais certainement et puis je verrais bien. Un peu de sport me ferait du bien, dommage qu'il n'y ai pas de piscine. J'eu un petit sourire cynique puis me décala un peu des branches, l'invitant à grimper. L'arbre était plutôt grand et pas trop compliqué à escalader. S'il ne le voulait pas, tant pis, je reprendrais ma place normale. Mais bon, le fait qu'il parle à un arbre pouvait être plutôt étrange.

-Sacré scène hein ? Dis-je ironiquement, trouvant que je me donnais beaucoup trop en spectacle dernièrement.

Je me calmais doucement. De toute façon, avec la nouvelle venue, je n'allais pas me montrer faible. Et puis, doucement, je me mettais à relativiser sur la situation. Malgré le spectacle que j'avais donné à tant de mondes, j'avais un peu avancé. J'étais sûr qu'elle n'était pas un sorte de fantôme. A force de me répéter que j'étais dingue, je finissais par y croire et c'était ça le vrai danger en forge: la stigmatisation. Enfin, maintenant, j'étais totalement sûr qu'ils étaient en tort depuis le début. Quand je trouverais un moyen de prouver tout, je porterais plainte. Contre qui je ne sais pas, mais je porterais plainte pour une enquête bâclée et un enfermement d'un an dans cet sorte d'asile dissimulé. L'interlocuteur qui m'avait parlé accepta alors de monter dans l'arbre. Je me collai un peu plus contre les branches histoire de lui laisser assez de place. Je n'avais pas peur de tomber, j'avais de l'équilibre et puis je n'avais plus vraiment la notion du danger. La dernière fois, j'avais sauté par la fenêtre du rez de chaussé en croyant voir Maria. A partir de là... Je pense parfois être un peu inconscient.

Je cassais alors un bout de branche pour m'occuper les mains puis en pleins de morceaux différents, les réduisant le plus que je le pouvais. Je venais de lui dire cette phrase, parlant de la scène que j'avais offerte. Celui-ci me dit qu'il n'avait pas vu grand chose, seulement un cri. En un sens, je fus soulagé. Ce n'était pas très valorisant de ressembler à un fou et peut-être, qu'il ne serait  pas venu s'il m'aurait aperçu en tant que cinglé, tenant le cou d'une demoiselle apeurée. Mais je n'étais pas un des ces gentlemans qui disent qu'il ne faut pas toucher aux dames, qu'il faut les respecter. Tout le monde est au même niveau et il n'existe chez moi aucun traitement de faveur. De plus, ce n'est pas comme si c'était vraiment les femmes qui m'attiraient...Alors à partir de là, ça me passe par dessus l'épaule les manières.

Enfin, il me demanda ce qu'il y avait avec la demoiselle. Il se montrait neutre, il ne semblait pas chercher à me juger malgré le fait que je scrutais dans son regard la moindre étincelle de blâme. De toute façon, peut-être qu'il était également en forge. On n'était souvent plus tolérant entres membres d'un même groupe qu'avec les autres. Ceux qui nous regardaient de loin, en tant que monstres. Je réfléchis alors, je n'avais pas envie de me jouer conteur d'histoire maintenant donc je réfléchissais à tourner ça de manière assez banale.

Je posai alors ma tête contre une branche et le regarda un moment avant de dire:

-Cette fille, c'est à cause d'elle que je suis en forge.

Je me grattai la tête, cherchant les mots justes, pour le mettre de mon coté certainement, et ne placer aucune ambiguïté.

-Elle m'a accusé de meurtres QU'ELLE a fait. Mais le problème c'est qu'on me croit pas. Et c'est assez compréhensible.

J'en disais peut-être un peu trop non ? Je ne savais pas pourquoi je parlais comme ça. Mais en même temps il m'avait demandé alors bon...Je finis alors avec un petit rire cynique:

- Un coup monté. Y'a des incohérences partout. Elle dit qu'elle me connait pas. C'est juste le gros bordel. Du coup on me dit fou.

HRP: