Une rencontre qui va mal tourner [Lana]

Je n'aimais décidément pas ma situation. En plus de passer pour une tarée devant le monde, voilà que je risquais de me prendre une heure de colle ou une autre punition à cause de plusieurs crétins. Je n'avais pas le droit de rôder vers les dortoirs mais à cause d'une hallucination qui a attiré des connards, je me retrouvais à fuir dans les couloirs des dortoirs. Je fuyais pour leur échapper, pour fuir même tout le monde et pour m'isoler. Ce ne fut que lorsque je croisai une fille que j'eus enfin un peu la paix. Elle avait des menaces efficaces. Je ne savais pas qui était ce Alastair mais à en croire les réactions des autres, il devait être fort. Peut-être que c'était son petit-copain. Ou peut-être son frère ou son cousin. Peu importe. Ce qui comptait pour moi actuellement, c'est que j'étais enfin tranquille. Du moins, je l'espérais.

Dans le doute, je restais à distance de l'étudiante. Cela me permettrait de prendre encore les jambes à mon cou si elle faisait ami-ami juste pour me manipuler. J'avais déjà du mal à comprendre comment elle savait mon nom. Les types l'auraient dit sans que j'y fasse attention ? Ca m'étonnerait. Ils étaient plutôt du genre à appeler par les noms de famille apparemment ou à m'appeler par des surnoms débiles. Je n'arrivais vraiment pas à savoir d'où elle avait eu mon nom.

- Comment sais-tu mon nom ?

C'était le plus simple à faire. Lui poser la question directement. Pendant qu'elle me répondait, je continuais de garder mon attention sur deux choses. Sur l'élève et sur ce que je voyais à côté d'elle. Elle ne semblait pas le remarquer et depuis tout à l'heure les autres pensaient que je parlais toute seule alors ça devait être une hallucination. Ou alors ce truc-là était réel. Ce n'était pas le même truc que j'avais vu avant. Le premier était un simple toutou. Cette fois, ça n'avait rien de canin. Ni même d'animal.  Ca ressemblait plutôt à une espèce de courge. Etrange. Il me semblait pourtant que ce n'était pas encore la saison. Ou alors c'était un effet spécial comme ils le faisaient dans les cinémas.

- Tu crois qu'ils sont partis ? Je ne devrais pas me trouver là normalement alors j'veux pas être punie à cause d'eux.

Dommage qu'avec leurs bracelets ils ne pouvaient pas recevoir de signal qui permettait de savoir si on se dirigeait dans un lieu par peur ou simplement par envie. Ca leur aurait permis de comprendre que ma présence vers les dortoirs n'était qu'une technique de fuite et je risquerais moins d'avoir une punition.

J'avais enfin un peu de paix grâce à l'étudiante bien que je restais méfiante à son sujet. Ce n'était pas impossible qu'elle attende juste le bon moment pour se foutre aussi de moi. De plus elle connaissait mon prénom alors qu'on ne s'était jamais croisées. En tout cas, moi je ne l'avais jamais vue mais peut-être que pour elle c'était différent en fait. Elle m'expliqua alors qu'elle avait entendu parler de moi et qu'elle ne me connaissait aussi que de nom dans les couloirs. C'était donc bien ça, elle m'avait déjà croisée sans que je ne le remarque. C'était bien possible. Je faisais rarement réellement attention au monde qui m'entourait.

J'eus un bref moment de distraction avant de me concentrer à nouveau sur la demoiselle. Je me demandais si le groupe était encore en train de rôder dans les couloirs ou s'ils s'étaient décidés à aller emmerder quelqu'un d'autre. Je la laissai approchai tout en l'écoutant. Comme je le pensais, elle avait bel et bien quelqu'un qui jouait le rôle de son ange gardien. Toutefois je n'étais pas plus avancée si c'était réellement qu'un simple ami ou plus que ça.

- D'accord....

J'acceptais d'être accompagnée. Si ça me permettait d'être tranquille le temps de sortir et de retourner à la résidence surveillée, autant en profiter.

- Par contre on peut attendre qu'ils partent ?

Je ne voulais pas les recroiser tout de suite. Trop de risques qu'ils me narguent encore avec les mots à défaut de pouvoir le faire avec les actes. Je fis toutefois une légère moue lorsqu'elle énonça le fait d'être emmerdée depuis un moment et que je devrait peut-être en parler à Alexei.

- Depuis des mois déjà. Ils embêtent tous ceux qu'ils jugent être de bonnes victimes sans avoir de nombre limité. Même s'ils ont déjà une victime, s'ils voient qu'une autre personne ferait un bon bouc émissaire, ils la rajoutent à leur liste. Par contre non, je n'ai rien dit à mon frère. J'veux pas l'inquiéter avec ça, il a déjà bien assez de choses à penser sans que je lui en rajoute...

En fait, je commençais à réaliser que je lui disais de moins en moins de choses lorsque ça concernait l'institution et mes relations sociales. Tout ce que je lui racontais c'est que mes cours se passaient moyennement bien, que mes hallucinations ne cessaient jamais et je déviais généralement le sujet sur autre chose après. Bref je limitais les dégâts. Je ne parlais pas de mes problèmes. Mes hallucinations en étaient déjà et ma dépendance à mon frère aussi.

Ma perte d'attention régulière eut l'air de l'inquiéter et cela ne me plut pas vraiment. Elle me demandait ce que je regardait, ce qui signifiait qu'elle ne voyait pas l'espèce de courge. J'en déduisis donc que je venais encore de subir une hallucination. Inutile qu'elle l'apprenne et qu'elle se foute aussi de ma gueule comme le groupe de crétins.

- Oui, oui ça va. C'est rien.

Pas la peine que je rajoute une honte supplémentaire. Être victimisée n'était déjà pas glorieux, avoir des hallucinations non plus alors si en plus je lui disais ce que je voyais, ce serait comme lui tendre la perche pour me faire battre. Je voulus me mettre en route pour sortir mais l'espèce de courge devint d'un coup plus grosse et surtout plus menaçante. Des yeux et des dents pointues apparaissaient. Digne d'un film d'horreur. Cela arriva trop soudainement pour moi. Au point que je paniquai et ce fut pire lorsqu'en me tournant vers la fille, la courge avait pris la place de son visage. Prise de peur, je poussai l'étudiante qui tomba dans les escaliers. Je ne réalisai ma bêtise que trop tard.

Merde ! Merde ! Merde ! C'était la grosse poisse. Alors qu'elle allait m'aider à me sortir de là, une hallucination provoqua chez moi une réaction violente au point de faire tomber l'étudiante dans les escaliers. En réalisant ce qu'il venait de se passer et ce que j'avais fait, ce fut la panique. Je descendis en trombe pour rejoindre Brook et la secouai très légèrement en l'appelant. Inutile que je rajoute une couche à ses blessures déjà apparentes. Lorsque je vis l'état de son épaule qui était déboîtée, j'eus déjà peur et je m'en voulais beaucoup mais le coup de grâce fut de voir le sang sur sa tête. Je me mis à hurler pour appeler à l'aide en croyant que je l'avais tuée. Je ne pensais pas qu'elle était simplement inconsciente, comme l'était Emilie lors de notre rencontre au gymnase. Remarque, même la psychologue je croyais qu'elle était morte quand je l'avais vue saigner à la tête....

Les secours n'arrivaient pas. À croire que ceux-ci n'entendaient pas quand je les appelais. Je me levai et partis donc en courant chercher un surveillant puis je le ramenai auprès de Brook tout en lui expliquant la situation. Hallucination, panique, poussé Brook et tué l'étudiante. Voilà le gros résumé en simplifié. Pour le surveillant c'était du charabia parce que j'étais encore en pleine panique, j'avais bafouillé, mélangé l'anglais et le russe, m'étais agitée dans tous les sens,... Bref, le gros bordel jusqu'à ce qu'il voit l'état de Brook. Il me rassura bien vite, elle n'était pas morte contrairement à ce que je pensais. Il ne perdit toutefois pas de temps à appeler une ambulance qui arriva quelques minutes après le coup de téléphone.

Les ambulanciers firent les premiers soins à l'étudiante et s'assurèrent de pouvoir la déplacer sans risque. Ils l'emmenèrent ensuite dans leur véhicule qui la conduisit tout droit à l'hôpital. De mon côté, je dus aller réexpliquer la situation à la directrice avec le surveillant. Mon père et mon frère allaient être avertis par mail. C'était le moyen le plus simple puisque par téléphone, ils n'étaient pas toujours disponibles avec leur emploi du temps à chacun. Quant à moi, j'en subis tout de même les représailles bien que mon geste n'était pas prémédité. Isolement à ma résidence pendant une semaine et je serais convoquée chez le psychiatre bientôt. Voilà la sentence.

Je fus donc raccompagnée à la résidence et y restai quelques jours sans pouvoir avoir de réels contacts avec les autres. Ceux-ci se limitaient à voir les gens par vidéo conférence pendant les cours ou quand mon repas était apporté à la résidence le temps de mon isolement. Pendant cette semaine, j'en profitai pour prendre de temps en temps des nouvelles de Brook et fis une lettre d'excuse pour quand elle serait de retour ou au moins en état de lire. La lettre ne faisait pas partie de ma punition mais j'estimais que c'était la moindre des choses à faire après mon geste involontaire.