The flight of butterfly {one-shot}

---

Ta vie te semble fade, pourtant remplie par le quotidien tumultueux de la société pour laquelle tu respires. Tu ne sais plus ce que sont les sentiments, tu as l'impression d'être un homme immuable depuis ton adolescence. Tes collègues te charrient souvent en te disant que tu n'as pas de coeur, que tu es l'employé commercial modèle, et même si tu t'efforces à ne pas les croire tu sais qu'au plus profond de toi, ce n'est que la vérité. Et tu le ressens, ce vide qui t'épuise, qui te prends jusqu'aux entrailles, tu ne sais plus où donner de la tête, tout te semble lourd à endurer.

Tu supportes assez mal cette saison rougeoyante et ses feuilles aux couleurs chaudes. Il fait humide, l'air est condensé, tu as l'impression que si tu respires, tu t’étoufferais davantage. Réajustant le col de ta chemise, tu te décides à emprunter un chemin plus long pour rentrer de ta journée fructueuse. Tu n'as pas envie de retrouver ton appartement vide, en bon solitaire que tu te donnes. Alors tu cherches une échappatoire, tu sais que ta vie ne tient qu'à un fil, mais tu t'enfonces quand même vers l'inconnu. Il fait sombre, les lueurs diffuses des lampadaires sont la seule source de lumière qui éclaire ton chemin, et bien trop vite tu atteint le centre du lieu, donnant sur une vue panoramique. Les étoiles brillent faiblement dans le ciel, mais assis sur ce banc tu les contemples comme si c'était le plus beau cadeau que la terre pouvait te donner.

Et puis doucement, alors que tes larmes coulent sur tes joues creusées, elle s'approche de toi, telle une ombre et s'assit silencieusement. Tu tournes les yeux, et tu sens une chaleur t'envahir comme si tu regardais la plus belle créature de ce monde. Tu distingues ses longs cheveux blonds qui flottent sur la brise du zéphyr, son regard azur comme l'océan, sa peau frêle, et les effluves de son parfum floral qui devient un arôme délectable. Elle te regarde sans bruits, te sourit juste en essuyant du bout de ses doigts les lacrymales qui perlent sur ton visage. Tu accueilles ce geste d'un infini douceur comme une caresse que tu n'as jamais eue. Elle te dit que tout va bien, et que tu peux te confier à elle, mais tu n'oses pas détruire l'ambiance de ce chaleureux moment, de cet échange. Alors elle te demande ton prénom, et tu lui réponds le plus simplement du monde. Ta vie te semble tellement vide que tu en a même oublié que tu t'appelles Caron.

Parce que tu ne veux pas que cet infime bonheur t'échappe, tu lui demandes son nom à ton tour et il résonne comme une douce mélodie à tes oreilles. Elle s'appelle Aurora, mais elle ne peut rien te dire de plus malgrè tes incitations. Elle se lève alors en te disant que tu la reverras plus tôt que tu ne le penses. Au fond de toi, tu espères qu'elle ait raison, car elle te manque déjà....

--------------

Chaque soir tu passes au parc, voyant les feuilles des arbres tomber comme si l'arrivée de l'hiver te semble être une fatalité. Pendant presque toute la durée de l'automne, tu as vu Aurora, et tu en as appris bien plus sur elle : ce qu'elle aime, ce qu'elle fait dans la vie, son passé. Tu as l'impression qu'elle est devenue une partie de ton existence inutile, et pourtant aujourd'hui elle te semble fragile. Tu ne saurais l'expliquer mais tu as l'impression qu'elle s'affaiblit de jour en jour. Tu as peur, tu ne comprends pas, mais tu as un mauvais pressentiment. Aurora te sourit, et tu sais que quelque chose se cache dérrière. Elle te demande si tu te souviens de votre rencontre. Comment pourrais-tu l'oublier ? N'etait-ce pas le seul moment qui t'avait sortie de l'angoisse de ta vie tourmentée ?

Alors que tu saisis sa main, ton irrépressible envie de te déclarer te prend aux tripes. Tu sembles brusque, mais tu ne sais comment te comporter puisque c'est la première fois que tu tombes amoureux. Dans l'attente inespérée, tu prononces ses septs lettres que tu ne connaissais alors pas encore hier. Aurora ne te répond rien, elle pose juste ses lèvres sur les tiennes car pour elle les actes étaient plus clairs que les paroles. Tu acceuilles ce baiser comme la chose la plus merveilleuse qui te sois arrivée en ta misérable cénesthésie, et tu le prolonges car tu ne veux pas que ce délicat moment prenne fin.

---------------

Tu revois souvent Aurora celle que tu aimes, te paraissant aussi éphémère qu'un papillon pour lequel elle vouait une adoration. Ce soir là, elle bouleversera ton quotidien et toutes tes espérances. Elle te dit que vous ne pouvez plus vous voir, et pour accentuer ses paroles avant que tu ne te brise, elle te dit que la faute en vient à l'hiver car ce dernier approche. Ces mots te semblent comme un coup de poignard, tu as l'impression qu'elle te sert ça comme une excuse parce qu'elle refuse de dire que tu ne l'intéresses plus. Tu t'égosilles, tu t'énerves en lui disant que tu la détestes et qu'elle te fait du mal, puis tu te lèves et t'en va en ne voulant entendre aucun autres arguments. Si seulement tu avais su à ce moment là...

------------

L'hiver est là, les arbres te semblaient dépérir sous l'épais manteau blanc. Tu penses à elle, elle te hante jour et nuit, tu n'oses même plus lui envoyer un message ou t'excuser, tu regrettes tellement ton impulsivité, tu te maudis chaque jour d'avoir dit que tu la détestais. Alors tu décides d'être un homme, tu saisis ton téléphone et compose son numéro. Une première sonnerie, une deuxième...Tu ne vas pas renoncer, tu la harcelerais s'il le faut. Alors tu entends une voix de femme de l'autre côté du combiné, mais ce n'est pas la sienne. Tu te présentes en expliquant que tu souhaites parler à Aurora, la fille dont tu es fou amoureux, que c'est important, qu'il faut que tu lui parles, que tu la voies. Avant même que tu n'aies le temps de reprendre ta respiration, tout se brisa....On venait de t'annoncer que celle pour qui ton coeur s'était épris n'était plus de ce monde...emportée par une maladie qui t'avait été inconnue mais que tu aurais dû deviner par la fragilité de l'être que tu aimais. Les sons autour de toi te semblèrent inaudibles, ton coeur résonnait comme un écho, et ta main ne supportant plus la poigne, tu laisses tomber l'appareil au sol.

Tu ne réalisais pas ce que tu venais de perdre. La mort d'Aurora te semblait être un mensonge, et tu ne veux y croire. Tes pas lassés, soutenant difficilement ton poids t'amenèrent à votre lieu de rencontre, tu t'asseyais sur ce banc où vous vous étiez rencontrés, embrassés, où vous aviez vécu beaucoup de choses. Te moquant du monde qu'il pouvait y avoir autour de toi, tu cries toute ta douleur et pleure ton désespoir.
Lorsque le printemps arriva, ton deuil ayant été fait, tu revenais à ta piètre existence sans saveur, malgré le nombre de fois où tu as voulu la rejoindre dans l'outre tombe. Tu retournes après avoir fui dans ce parc rempli de souvenirs. Les fleurs écloses sont un spectacle somptueux devant ton regard, tu savais qu'Aurora aurait aimé voir ce dernier. Des centaines de papillons virevoltaient entre eux. Celui qui te sembla le plus beau de tous, n'était autre que le préféré de ta dulcinée perdue, celui dont la couleur bleue te rappelait cet océan dans lequel tu aimais te noyer.

Aurora t'en avait parlé quand vous aviez échangés sur ces insectes ensemble. Le Morpho était le plus beau papillon parmi tous, ses ailes paraissant fragiles ne lui empêchait pas de parcourir de très grandes distances, tu étais admiratif face à la ténacité de ce petit être

Après tout il portait son nom....
Son envol ne pouvait être que merveilleux, tout comme elle.

---