À droite, l'école et ses élèves normaux, comme tout le monde.À gauche, le centre de redressement pour jeunes dangereux.Maintenant réunis, pour le pire.
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Le printemps anglais, c’est vraiment une belle arnaque... Avec un soupir, Joe ouvrit la fenêtre de sa chambre pour perdre ses yeux sur le ciel, uniformément gris. On aurait dit que les nuages avaient étés savamment étalés au rouleau de peinture pour reboucher sans pitié le moindre petit coin de bleu. Onze heures sonnaient à un quelconque clocher invisible et pourtant la lumière ne donnait pas l’impression d’être celle du jour. Plutôt celle d’une lampe LED qui aurait du mal à chauffer, vieille et blanche, et qui grésillerait un peu. Rien qui ne soit fait pour lui donner envie de bouger, en ce jour béni du dimanche.
Joe soupira en se penchant à la fenêtre. Comme la cour n’avait rien d’autre à lui offrir que son morne paysage, désert à cette heure encore matinale pour un week-end, elle finit par se retourner, s’appuyer sur ses coudes et incliner loin la tête en arrière pour regarder le fond du bol de nuages gris au-dessus d’elle. Sa nuque craqua un peu sous l’exercice mais elle maintint la position, tendant devant son visage une feuille de papier couverte d’une écriture serrée, légèrement malhabile, parsemée ça et là de ratures à l’encre bleue. La lettre était arrivée hier. Morgan s’y confiait comme à chaque fois sur la routine de la prison, sur ce qu’il y ressentait dans une moindre mesure et Joe le voyait changer peu à peu, s’enterrer sous des couches de brutalité dont il parvenait de plus en plus difficilement à se défaire. Elle aurait du s’y attendre. Il avait toujours été ainsi. D’aussi loin qu’elle le connaissait, il avait continuellement empilé les couches d’armure sur son âme à vif jusqu’à ne pouvoir faire autrement que rendre au centuple les coups qu’il avait reçus. Mais à l’époque au moins elle était là pour le tirer hors du champ de bataille de temps en temps. À présent elle était loin, si loin qu’elle avait l’impression que ses propres mots ne pouvaient plus l’atteindre, quel qu’en soit le nombre dont elle couvrait ses réponses. Soupirant à nouveau, Joe observait distraitement la feuille à travers la lumière grisâtre comme pour tenter d’y voir un message secret quand un coup de vent imprévu l’arracha de sa main distraite.
« Merde ! »
Dans un réflexe stupide, Joe se retourna comme une carpe et s’élança en avant pour la rattraper, en oubliant qu’elle était auparavant plus qu’à demi penchée dans le vide. En conséquence, elle eut tout juste le temps de crisper ses doigts sur la lettre de Morgan avant de basculer d’un seul coup par sa fenêtre. Sous le coup de la surprise, elle ne songea même pas à crier. Elle vit simplement le ciel céder la place à la cour devant ses yeux, comme en slow motion. C’est vraiment trop con de se casser une jambe comme ça... Jusqu’à ce qu’une chevelure rouge vif vienne d’un seul coup occuper son champ de vision. Oh ?
« Attention en dessous ! »
Elle songea par la suite qu’elle aurait du crier « Timber ». C’était plus court. Elle aurait eu le temps de finir sa phrase avant de se vautrer sur le malheureux, l’entraînant dans sa chute. L’instant d’après, ils gisaient tous les deux à terre, en un amas de bras et de jambes emmêlés de façon comique. Avec un grognement, Joe se redressa précautionneusement pour ménager ses contusions et entreprit un rapide inventaire de sa personne. Elle s’était mordue la langue en se cognant la mâchoire, ses coudes et ses paumes étaient tout écorchés et une vive douleur pulsait dans son sein droit après qu’elle ait visiblement tenté d’assommer le type aux cheveux rouges avec. Mais en dehors de ça, pas de blessures apparentes.
« Désolée, j’ai pas fait exprès. Tu peux te lever ? »
Joe se poussa aussi vite que possible pour s’assoir sur le côté et laisser l’inconnu se relever à son tour. Elle posa sur lui ses grands yeux noirs, léchant distraitement le coin de sa lèvre. Un léger de goût de sang piqueta le bout de sa langue…
Il était six heure du matin quand un connard vient battre la porte d'entrée de ma chambre en hurlant mon prénom. Et on était un dimanche... Le bordel qu'il était entrain de faire dura tout de même bien dix minutes avant qu'il n'entre en utilisant ses clés. Oui, parce que les surveillant ici, surtout pour moi, avaient les clés de ma chambre et pouvaient entrer en toute impunité comme ils le voulaient. Pourquoi taper aussi fort et aussi longtemps sur la porte alors ? Simplement pour m'emmerder. Me faire péter un plomb et me coller encore des retenues à la con. Comme celle-ci qui m'attendait. Quelqu'un était aller balancer je ne sais quelle connerie sur moi et bien entendu on l'avait cru. Du coup je devais me taper le nettoyage de la cour un jour de plus cette semaine et ça tombait un dimanche matin aux aurores... Alors que tout le monde dormait paisiblement. Histoire de bien m'emmerder jusqu'au bout. C'est donc le regard noir que je me levais de mon lit, simplement en short avant de me rendre dans ce qui me servait de salle de bain et d'enfiler un jogging et une veste à capuche. Sans un mot je suivais le surveillant dans le couloir puis dans la cour. J'avais envie de lui foutre mon poing dans la gueule mais je me retenais. Tout comme je retenais l'envie de lui cracher à la gueule ou encore de l'insulter. Il ne cherchait que ça. Le moindre prétexte était bon pour repousser ma date de sortie de cette Institution et surtout me rendre la vie encore plus difficile. Merci mais non merci.
Une fois dans la cour, cette cour que je connaissais que trop bien d'ailleurs, je me dirigeais rapidement vers le local où je pouvais trouver tout ce dont j'avais besoin pour bosser. D'ailleurs je remarquais que la cour était étonnement dégueulasse. Était-ce réellement étonnant au fond ? Pas le moins du monde... ils avaient dû bien faire exprès la veille ou durant cette nuit à la mettre ainsi. Histoire que je mette du temps à la nettoyer et que cela me nique ma matinée. Voir ma journée parce que suite à ça, j'allais très certainement être fatiguer... Quelle bande d'enfoiré... C'est donc en soufflant que je prenais le balais et retournais dans la cour pour commencer à balayer ci et là. Essayant de faire quelques petit tas pour faciliter le ramassage. C'était sans compter sur le vent matinal bien présent qui rendait la tâche plus difficile. Et plus soulante en même temps...
« Fait chier... »
Je commençais à sentir la colère m'envahir. Ce n'était pas bon du tout. Surtout que l'autre connard riait aux éclats en me voyant galérer. Et l'envie de lui planter le manche à balais profondément dans le cul commençait à chatouiller mon esprit sadique ce qui n'était réellement pas bon... Je devais me calmer. Faire abstraction de tout ce qui m'entourait et me concentrer uniquement sur ma tâche. Quitte à prendre plus de temps que prévu. Au moins on ne pourra pas me reprocher mon sérieux et le fait d'avoir mener ma tâche jusqu'au bout. Il était dix heures passer, il me semble, quand je décidais de prendre une petite pause. Envie de fumer ma clope et de me prendre un petit café histoire de tenir le coup. Ça faisait plus de quatre heures que je bossais sans m'arrêter. La cours était quasiment terminée, il ne me restait plus qu'à ranger le matériel et ramasser le dernier petit tas que j'avais mis près du local à matériel. J'allumais ma clope et me dirigeais vers l'intérieur du bâtiment pour me servir un café quand j'entendis une voix au dessus de moi. Quelque chose comme "attention". Je levais la tête, curieux et en même temps pris de cours et vis alors une fille me tomber dessus. Littéralement. Mon premier réflexe était de lui tendre les bras pour la rattraper mais la vitesse ou elle arrivait et la surprise de la chose ne me permit pas d'agir plus rapidement et je m'écroulais sur le sol avec elle. Le foutoir complet je me retrouvais avec le corps d'une jeune femme sur moi, entremêlé et un de ses seins, bien lourd d'ailleurs, en pleine face. Une dizaine de secondes passa avant qu'on arrive à se démêlé du merdier dans lequel on était et se redresser. J'étais légèrement sonné pour dire vrai et avais une vive douleur dans le dos.
« Aie aie aie... Ouais je peux. Et toi ça va ? »
La questionnais-je alors en me redressant légèrement, regardant sur mon corps si j'avais d'autres traces. Rien à première vu.
« Comment t'as fait pour tomber ? »
Lui demandais-je alors, choqué quand même d'avoir dû assister à ça. Elle était bien tombé au moins j'espère... elle n'avait pas de tendance suicidaire quand même ?? Si c'était le cas, qu'elle crève ailleurs alors et qu'elle ne m'embarque pas dans son délire...
« Oui oui, dans l’ensemble c’est bon… Merci de pas t’être poussé. »
Joe observa attentivement son matelas inattendu alors qu’il se redressait avec précaution, effectuant sans doute lui aussi le scanner de ses divers bobos. Il semblait avoir son âge, ou un peu plus à cause des cernes qui lui barraient les paupières. Grand, mince mais solide, il avait la peau pâle et le regard perçant sous ses cheveux rouges décoiffés par la chute. Des yeux étranges, d’un noisette si clair qu’il en devenait mordoré, luisant étrangement au milieu de ses traits anguleux. Des yeux de loup, ou d’oiseau de proie… Par ailleurs, ça le rendait plutôt beau mec. Joe haussa les épaules lorsqu’il lui demanda comment elle avait fait son compte.
« Oh, trois fois rien. Je faisais l’andouille à ma fenêtre avec un bout de papier, le vent l’a emporté et j’ai voulu le rattraper. Le genre d’accident domestique qui tue des tas de gens stupides chaque année… »
D’ailleurs, elle jeta un coup d’œil au papier froissé qu’elle avait réussi à rattraper pour le prix de la peau de ses coudes. Ses ongles avaient transpercé la feuille par endroits mais dans l’ensemble, elle était toujours lisible. En quelques gestes, elle la lissa sur son genou avant de la replier en quatre, soigneusement, et se leva pour la glisser dans la poche de son jean. Ses jambes vacillèrent un peu, sans doute sous l’effet d’un gros bleu en gestation, mais elle pouvait tenir debout. Satisfaite de ce point, elle tendit la main au garçon pour l’aider à se remettre sur pied à son tour.
« Et toi, qu’est-ce que tu fais à bosser un dimanche ici ? T’es l’homme de ménage ? »
Un mouvement de sa jambe souleva l’ourlet de son pantalon juste au moment où elle posait cette question. Cela ne dura qu’un instant, mais Joe put apercevoir le reflet métallique du bracelet que les Forge portaient à la cheville. L’un de ses sourcils se souleva légèrement.
Elle me remerciait de ne pas m'être poussé ? Pour le coup cela me fit écarquiller les yeux. je ne m'attendais pas à ce genre de remerciement. C'est normal dans un sens d'essayer d'aider quelqu'un en difficulté non ? Ouais non... pas ici. Puis pour tout avouer je n'avais pas trop eu le choix pour le coup. A peine m'étais-je rendu compte que quelqu'un me tombait dessus que la personne était déjà sur moi. Donc bon... techniquement elle n'avait pas à me remercier puisque ça avait été fait contre ma volonté.
« Heu... Bah pas de quoi. Pour être franc je n'ai pas vraiment eu le choix pour le coup. »
Je devais bien l'avouer. Dans d'autres circonstances peut-être que, je dis bien peut-être, je me serais mis de côté légèrement pour la laisser se rétamer sur le sol. Après tout je n'avais que faire d'elle, je ne la connaissais pas et elle avait failli me tuer pour le coup. Me tomber dessus de cette hauteur, heureusement pour elle que j'étais assez solide. Je lui demandais alors par curiosité comment elle avait pu tomber. Car fallait le faire quand même. Quand je regardais au dessus de nous, il n'y avait rien qui permettait une chute accidentelle. A part faire le con à la fenêtre. Ce qu'elle avait fait au final d'après sa réponse.
« Sérieux ? Pour un putain de bout de papier tu as failli nous tuer tout les deux ? Il doit en valoir le coup ce morceau de papier alors... »
Ouais j'avouais que tout de même, ça m'énervait un peu. Être aussi stupide et risquer sa vie inutilement pour une putain de feuille... M'enfin. Après avoir fait le tour de mes dégâts, j'acceptais la main de la jeune femme et me relevais à sa suite tout en remettant mes vêtements. Alors que j'allais répondre à sa question, je me mis à sourire en comprenant qu'elle avait vu mon bracelet électronique. Mais bizarrement, elle n'en fit pas tout un plat comme certaines personnes. Cela ne la choqua pas outre mesure et ne la fit pas fuir.
« Je pensais pas ressembler à un banale homme de ménage. Non comme tu l'as vu je suis dans le programme forge et j'ai des TIG à faire. Comme le nettoyage de la cours deux fois par semaine. Donc ce genre de papier que tu jettes par les fenêtres c'est moi qui les ramasse. »
Ouais bon... je disais ça mais je ne savais pas si elle était de ce genre de personne. En me basant sur le fait qu'elle s'était jeté par la fenêtre pour récupérer ce morceau de papier, non, elle n'était pas le genre à jeter ses détritus sur le sol. Tant mieux. En tout cas elle avait l'air bien plus normal que la tendance ici.
« Tu m'excuseras mais qu'est-ce que tu fiches ici ? Je veux dire tu n'es clairement pas une forge ou une potion ou alors tu caches bien ton jeu... Que fais-tu de ce côté ci de l'Institution ? »
Une curiosité maladive diraient certains mais je m'en fichais. Même si dans le fond, je me foutais royalement de sa réponse. Je l'aurais très certainement oublié d'ici la fin de la journée donc bon. Mais c'était plus fort que moi. Quand je me posais des questions j'en venais à demander aux concernés pour satisfaire cette putain de curiosité.
Les fameux TIG des Forges. Bien sûr, c’était ça. Joe haussa les épaules à sa remarque tandis qu’il acceptait sa main tendue.
« C’est la lettre d’un ami qui a pris cinq ans de taule à cause de moi. Je peux bien me casser un morceau ou deux sans me plaindre. Mais c’est vrai que t’es pas concerné alors je viserai à côté la prochaine fois… »
Il était grand et solide et elle dut s’arc-bouter sur ses jambes pour l’aider à se relever sans basculer en avant à son tour. Après coup, elle était plutôt surprise d’avoir révélé aussi facilement la nature du bout de papier qui avait failli les mener tous les deux à l’infirmerie. Quand elle était arrivée dans cette école cinq mois plus tôt, elle s’était vaguement dit que Morgan resterait un secret qu’elle garderait pour elle et ne partagerait qu’avec peine à un nombre restreint de personnes. Maintenant encore, elle ne répondait à ses lettres que lorsque ses deux camarades de chambrée dormaient ou étaient occupées à leurs devoirs. Et là, avec ce type bourru aux cheveux rouges et aux yeux cernés, c’était sorti de façon tout à fait naturelle, comme si ça allait de soi. C'était bizarre. Tant qu'elle y était, elle n'était pas certaine de pouvoir désigner Mo comme un ami. Après tout, il l'avait embrassée et touchée à des endroits que personne d'autres n'avaient vus avant lui et lui avait donné en rougissant un mouchoir pour qu'elle essuie les traces de sang sur ses cuisses après... Après. Mais elle avait toujours eu plus d'importance à ses yeux qu'il n'en avait eu aux siens, même si elle s'en voulait de l'avouer. Elle profita du fait que son sauveur involontaire s’interroge sur son identité pour passer à autre chose et rit en imaginant qu’elle pouvait ressembler à une Forge ou une Potion particulièrement maîtresse d’elle-même. Non, ce n’était pas crédible.
« Oh non, moi je suis le niveau 0 de la normalité. C’est juste que ma chambre donne sur cette cour-là. Plutôt pratique si un jour je veux fuir et me planquer chez vous. »
L’idée n’était pas déplaisante en elle-même. Idiote et tout sauf raisonnable, mais Joe la rangea tout de même dans un des tiroirs de son esprit pour le moment où elle ne pourrait plus supporter que les jours se suivent en ayant l’air d’être tous des frères siamois. Ses yeux s’ouvrirent plus grand sous l’effet de la curiosité quand elle apprit l’identité de son homme-matelas. Alastair. Alastair Grayson, bien entendu. Elle se pencha légèrement en avant pour détailler ses traits, un petit sourire aux lèvres.
« Ooooh, alors c’est toi ? Le prends pas mal mais je t’imaginais plus baraqué. Et moins sympa. Y a plein de rumeurs à la con qui circulent sur toi dans l’ISS. Comme quoi t’es un ancien tueur à gages ou un espion, et qu’en vrai t’as trente ans… »
Jusqu’ici, elle n’y avait prêté qu’une oreille distraite en se demandant où s’arrêterait l’imagination débridée de ses camarades. Elle savait que certains Forges avaient vraiment du sang sur les mains, qu’il ne fallait pas prendre ça à la légère et que ça n’était pas pour rien qu’ils n’avaient pas cours aux mêmes endroits que les élèves « normaux ». Mais franchement, tueur à gages, quoi… Elle avait du mal à s’empêcher de rire à cette idée tout en lui rendant la politesse :
« Moi c’est Joe. Juste Joe. Mais ça m’étonnerait que t’ait entendu parler de moi. T’as fini tes TIG ou je te dérange ? »
Je lui lançais une sorte de regard noir quand elle annonça viser à côté la prochaine fois. Je n'aimais pas ce genre de mot. Je ne la connaissais pas mais elle n'avait pas l'air sérieuse là dedans. Ce que j'espérais. Je ne pouvais m'empêcher tout de même de lui répondre avec un petit clin d’œil.
« Dans ce cas là, ne te rate pas parce que si j'apprends que t'es encore consciente je viendrais te finir. »
Ouais bon. Un peu sec et bourru comme réponse malgré le clin d’œil mais bon... C'était comme ça. J'apprenais donc qu'elle tenait fortement à ce bout de papier qui ressemblait plus à un chiffon quelques secondes plutôt quand je l'avais vu dans ses mains. Il s'agissait d'une lettre d'un de ses amis en taule. Ou plutôt devrais-je dire d'un petit ami ? Après tout, on ne saute pas comme ça dans le vide pour un papier à la con. M'enfin, ça ne me regardais pas spécialement et je m'en foutais. Les histoires des gens, plus je m'en éloignais, mieux je me sentais. Mon grand coeur me jouant trop de mauvais tour et me mettant souvent dans des situations horribles à m'en échapper.
« Le niveau 0 ? Avec cette chute alors tu viens de passer au niveau 1. Félicitation miss. » Lui lançais-je en souriant alors qu'elle m'annonçais que cette chambre, que je regardais en levant la tête, était la sienne et donnait sur cette partie de l'Institution. « Tu sais, vaut mieux pour toi de rester de l'autre côté. C'est pas forcément plus calme ici crois-moi. Jolie comme tu es et nouvelle en plus, tu risques d'attirer bon nombre de gars pas très normaux. M'enfin, après c'est comme tu veux hein. Je dis ça je dis rien. »
Ouais certains mecs ici étaient spéciaux. Les violeurs avaient libre cours et même s'ils ne se vantaient pas d'en être, leur comportement les trahissait complètement. Tant qu'ils n'emmerdaient pas ceux que je connaissais, le reste je m'en fichais. Après tout, je n'étais pas le gentil samaritain ou super-héros de l'IRS donc qu'ils se débrouillent tout seul. Pareil pour les élèves de l'ISS. S'ils osaient venir trainer ici, à leurs risques et périls. Je lui serrais la main tout en me présentant. Et là, ses yeux s'écarquillèrent grandement. Avais-je dis quelque chose de bizarre ? Je la regardais alors, la questionnant de mes yeux avant qu'elle ne reprenne la parole. Toute enjouée.
« Tueur à gage de trente ans ? Hum... pas mal pas mal. Vous avez une bonne imagination tout de même. » lui répondis-je en souriant. Puis je relevais légèrement le t-shirt en la regardant « Côté muscle ça va je trouve. Mais ça ne fait pas tout. Un regard peu tout changé et bon nombre pourront te le dire ici. » Je lui souriais. J'avais cette "faculté" dirons-nous à me faire comprendre d'un simple regard. De ce fait, j'en arrivais très rarement aux mains mise à part quand l'un d'eux voulait prouver sa force ou sa valeur aux yeux de ses camarades. Quelqu'un m'avait dit qu'on pouvait parfois ressentir cette aura meurtrière m'envahir et que ça suffisait à rebrousser chemin. Je ne savais pas trop comment ça fonctionnait mais bon, c'était sympa dans ce cas.
Joe cilla en voyant son regard s’assombrir d’un seul coup, au moment où elle plaisantait à propos de suicide. Oh. C’est vrai que ce n’était pas forcément le genre d’humour à utiliser avec des gens qu’on venait tout juste de rencontrer et dont on ignorait tout. S’abstenant du moindre commentaire, elle fit comme si de rien n’était, tout en notant soigneusement l’info dans un coin de sa tête. Sa remarque suivante lui arracha un petit rire, et lui fit bien plus plaisir qu’elle ne l’aurait cru.
« Oh chouette ! Encore une dizaine et je pourrai passer à peu près inaperçue de ce côté-ci de l’école. »
Ce n’était pas grand-chose, c’était juste dit pour être drôle. Mais pour elle qui avait souvent tendance à se déprécier à cause de la banalité désespérante dans laquelle elle se voyait patauger jusqu’à la fin de ses jours, s’entendre dire qu’on n’était finalement pas si transparente que ça, c’était… agréable, oui. Joe sentit ses pommettes rosir discrètement et se dépêcha de détourner la tête pour balayer du regard la cour déserte de l’IRS, haussant les épaules aux mises en garde d’Alastair. Chacun chez soi, hein ? C’est vrai que c’était certainement plus prudent. Si les deux bâtiments étaient séparés, c’était pour une bonne raison, à savoir garantir au mieux la sécurité des élèves. Mais honnêtement, à quoi servait les règles si on ne pouvait pas les transgresser pour s’échapper du quotidien ?
« Ça va, je compte pas fuguer tout de suite. Et puis j’ai l’habitude des mecs pas très normaux, même si c’est un peu prétentieux de dire ça comme ça. Au pire, je leur dirai que j’ai mis un prix sur leurs têtes et que je t’ai embauché pour leur faire peur. Et merci de me trouver jolie. Ça fait plaisir. »
Sans prétention, elle savait qu’on trouvait bien plus moche qu’elle, mais l’entendre validé par un garçon de son âge pas dégueu non plus, ça aussi c’était agréable. Elle sourit quand il souleva son t-shirt pour lui montrer ses abdos. Sans réfléchir, elle arma son poing et y donna un petit coup pour rire, histoire d’en tester la dureté. La peau d’Alastair était chaude contre ses phalanges et lui rappela de vieux souvenirs. Les soirées de rien avec Dave et Lefty, qu’ils passaient à boire des bières en jouant sur la vieille console et en écoutant du Led Zeppelin, tandis qu’elle tannait Mo pour avoir le droit de tirer sur sa clope… Elle récupéra sa main en souriant, chassant ces vieux bouts de mémoire comme on repousse une mèche de cheveux.
« Ouais, désolée, je voulais pas te traiter de gringalet. Mais côté ISS, on a l’imagination qui déborde comme on n’a pas grand-chose d’autre à faire et qu’on partage les couloirs avec des repris de justice. Ça stimule. »
Ça oui. Si elle avait fait partie du corps enseignant, elle s’en serait aussitôt inquiétée d’ailleurs. Elle n’était certainement pas la seule de l’ISS à rêver de faire un tour de l’autre côté du miroir, parmi les fous et les dangereux, de la même façon que beaucoup parlaient de faire le mur pour aller en boîte. Côtoyer l’interdit au quotidien avait quelque chose d’excitant, un petit goût de défi qui en poussait sûrement plus d’un à faire des bêtises. Joe en sentait presque le pétillement sur sa langue lorsqu’elle haussa les épaules une nouvelle fois pour répondre :
« Je sais pas, parce que c’est dimanche et qu’il n’y a pas un rat, qu’il fait un peu froid et que si t’as plus rien d’autre à faire, je pourrais t’offrir un jus de fruits ou un café pour te remercier d’avoir sauvé mes cervicales ? Ça pourrait être sympa. »
Sa réponse, bien que surprenante, très surprenante, eu le don de me faire sourire légèrement. S'emmerdait-elle tellement dans sa vie qu'elle pouvait vouloir passer inaperçu permis les détraqués de la société ? Entendez par là, leur ressembler et passer elle aussi pour une détraqué... Peut-être. Je ne connaissais rien de sa vie mais bon. je la mettais tout de même en garde. Valait mieux pour elle de rester dans son coin de l'école. Même si on pouvait, à l'extérieur de ses murs, connaître des gars louchent ou autre... cela ne ressemblait en rien à ce qu'on pouvait trouver ici. Ce n'était pas les pires spécimens du monde mais on en était pas loin. Et pour certains, je me demandais même comment ils avaient pu avoir cette seconde chance de réinsertion. M'enfin, qui étais-je pour en juger ? Après tout j'avais moi-même commis des actes impardonnables aux yeux de la société donc bon. Certains devaient se demander aussi ce que je foutais dans ce programme. Comme les parents et familles des gars que j'avais tué.
❝ ▬ Si je dois en tuer pour toi, mon prix risque d'être élevé. Après tout, qui dit tueur à gage dit alors prime. Tu fais comme tu le sens mais tu ne pourras pas dire que je ne t'avais pas prévenu si jamais un jour il arrive quelque chose. Ce que je ne souhaite pas. Mais je ne serais pas là pour te défendre si besoin. Pas de quoi pour le compliment, je ne dis que ce que je pense. Et ça va dans tout les sens, si t'étais laide je l'aurais dit aussi. Je n'ai pas vraiment de filtre. ❞
Lui dis-je alors en haussant les épaules tout en venant doucement me tordre le cou pour en faire craquer les vertèbres et me sentir un peu mieux décontracté. Alors qu'elle me faisait part de ce qui se disait de son côté de l'école vis-à-vis de ma personne, j'en venais à soulever mon t-shirt pour montrer que le gringalet ne l'était pas tant que ça. Même si j'étais loin de ce qu'ils imaginaient à l'entendre dire. M'enfin, cela m'amusait un petit peu. Avoir ce genre de réputation pouvait apporter un certains réconfort. Dans le sens où personne n'osait vous emmerder dans ce cas. Après, j'en connaissais certains qui pourtant essayait, juste pour se donner plus de poids vis-à-vis des autres. Cette pensées me fit sourire et je baissais la tête en sentant le poing de la jeune femme cogner sur mon ventre. Elle devait tester la dureté de la tablette qu'elle voyait. Je lâchais le t-shirt qui retombait sur sa main qu'elle finissait alors par retirer. Aucune douleur. Bon elle n'avait mis aucun poids dans son coup aussi donc je n'avais aucun mérite là-dedans.
❝ ▬ Je vois ça. Une imagination débordante. C'en est de même pour nous. En sachant qu'il s'agit d'une école pour surdoué en face, on se dit que vous devez tous vous ressembler. Des larves sans aucunes personnalité, bon que pour leurs études et qui s'écrasent face aux autres. Ce n'est pas ce que je pense je te rassure, perso je ne pense rien du tout même, mais c'est ce que j'ai pu entendre parfois. ❞
Il haussait les épaules une nouvelle fois. Bizarre la façon dont on pouvait voir les gens sans les connaître, mais juste en en sachant légèrement à leur sujet. Un intello ? Obligé c'est une poule mouillée. Ah bon... Finalement, elle me proposa alors de boire un jus de fruit ou un café. Histoire de me remercier de lui avoir sauvé la vie en quelque sorte. Je regardais autour de moi, je n'avais plus rien à faire. Et comme elle le disait si bien, on était Dimanche et il n'y avait pas grand monde et rien de mieux à faire. A part traîner dans ma chambre en lisant un bouquin ou autre, il est vrai que je n'aurais pas fait grand chose de la journée. La salle de sport avait beau être ouverte, j'étais plus du genre glandage qu'autre chose aujourd'hui. Alors pourquoi pas.
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